Épreuve de Contrôle continu Politiques Publiques 2. Licence 3. Université de Dschang. Faculté des sciences juridiques et politiques. Année 2022/2023. Département de science politique.

1)      Les avantages et les inconvénients de l’analyse séquentielle des politiques publiques

(4pts) Avantages

Son premier atout est sans doute, de proposer un cadre d’analyse simple de l’action publique, qui introduit un minimum d’ordre dans la complexité des actions et des décisions constituant une politique publique.

Son second avantage est de rompre avec les représentations de l’action publique construites par des élites dirigeantes dans la mesure où elle permet de substituer une approche sociologique aux représentations juridiques qui restent dominantes dans l’univers de la pensée des hauts responsables administratifs. Cette sociologisation des regards sur l’action de l’Etat se retrouve à plusieurs niveaux :

D’abord, parce que la décision n’existe pas selon des règles et des procédures toujours établies. Dans cette perspective, et loin d’être présentée comme un acte individuel, la décision s’appréhende comme un processus dont les déterminations sont à rechercher, au moins en partie, au-delà de la sphère des compétences des décideurs publics. A ce titre, et faisant intervenir un grand nombre d’acteurs, la décision est l’émanation d’un cheminement complexe et concurrentiel.

Ensuite, parce que le jeu des acteurs dans les différentes phases ne recoupe pas les clivages qui structurent la représentation des élites administratives, et notamment le clivage décision-exécution. C’est dire en définition que même si elle conduit à une représentation simplifiée du réel, l’approche séquentielle rend justice à la diversité et à la complexité qui constituent une politique publique et par là même à la diversité des acteurs qui participent à l’action publique.

Inconvénients

La vision trop linéaire qu’elle propose de l’action publique. Elle peut conduire à perdre de vue le caractère chaotique des politiques publiques. En fait, la dimension aléatoires, bricolée et incontrôlée des politiques publiques est mal mis en lumière par l’approche séquentielle.

Le modèle séquentiel conduit à occulter la dimension symbolique des politiques publiques. Cette dimension est reléguée aux oubliettes alors qu’une politique publique n’est pas seulement composée d’actions effectives. L’action publique comprend une importante  dimension symbolique à travers les discours et actions de communication qui l’accompagnent ; ils ne renvoient pas forcément à des mesures concrètes, mais ils peuvent modifier les perceptions, les attentes, voire les comportements du public.

2)      Les typologies des réseaux et les limites des approches en termes de réseaux d’action publique (4pts)

Les typologies des réseaux : deux visions distinctes des réseaux  

Un 1er type d’approche (en terme de communauté de politique publique) développe l’idée, que les politiques publiques sont instruites dans les secteurs bien déterminés tels que l’agriculture et la défense, et fabriqués au sein d’ensemble ou de système qualifiés de « sous-gouvernement » et constitués d’acteurs identifiés dont la participation est stable. Selon cette vision classique, les communautés de politique publique se limitent à des secteurs de l’action publique clairement définies et assurent généralement des fonctions d’intérêt commun, comme à titre d’illustration : la santé.

Un second type d’approche (en terme de réseau sur enjeu) voit le processus de policy making comme fragmenté et divisé en différents « réseaux sur enjeu » (issue network) composés d’un grand nombre d’activités. Spécialistes et compétents sur un enjeu de politique publique particulier et issus de groupes d’intérêt de l’appareil gouvernemental du milieu académique ou d’experts indépendants, ces réseaux sur enjeu peuvent se constituer autour de question qui concernent et impliquent des acteurs provenant des organisations très diverses et reliés entre eux par leurs intérêts et par leurs connaissances spécifiques de l’enjeu en question. Dans ce cas, les réseaux ne sont pas considérés comme stables : les acteurs changent constamment, personne n’a de prise ni de contrôle sur le réseau et il reste très difficile d’identifier les acteurs dominants.  

Les limites des approches en termes de réseaux d’action publique :

Cependant ces analyses présentent aussi plusieurs limites :

  • elles ne recouvrent en effet que des catégories particulières de relations entre groupes d’intérêt, monde politique et administration.
  • Elles laissent de côté certains aspects essentiels des politiques publiques tels que les idées, la distribution du pouvoir entre les acteurs, le changement de l’action publique.
  • Enfin, les facteurs permettant d’expliquer l’émergence de différents types de réseaux sur enjeu (issue network) ou de communauté de politique publique (policy communities) restent très généraux.

3)      Expliquez l’approche par le référentiel en politiques publiques (5pts)

L’approche par le référentiel  insiste sur la dimension idéelle des politiques publiques. Élaborée dans les années 1980 par les chercheurs français Bruno Jobert et Pierre Muller, l’approche par les référentiels part de la critique de la conception quelque peu monolithique de l’État prévalant dans les travaux francophones sur les politiques publiques à l’époque. Les États démocratiques contemporains ne peuvent pas être interprétés comme de gigantesque machine situés au-dessus de la société. Au contraire, l’État est pénétré par les forces sociales dont il prétend assurer l’ajustement… l’objectif de Jobert et Muller est de construire un cadre analytique permettant de traiter l’État non pas en tant que monolithe extérieur à une société civile autonome, mais en tant qu’organisme traversé par des luttes entre forces sociales. Pour se faire, ils proposent d’aborder les politiques publiques comme un moment de la lutte politique ayant pour objet la construction de l’ensemble de normes organisant la cohésion sociale.

S’inspirant des travaux de Jurgen Habermas sur l’agir communicationnel, Jobert et Muller argumentent que le travail de changement opéré par les politiques publiques sur la société comporte deux dimensions :

  • La dimension systémique qui opère au niveau des processus de coordination des actions gouvernementales et des comportements sociaux : des actions sont déployées par un appareil administratif qui affecte les comportements des citoyens.
  • Par ailleurs, les politiques publiques agissent au niveau du monde vécu, c’est-àdire au niveau des représentations, dans la mesure où elles définissent des objectifs d’action, proposent une certaine hiérarchie des normes, véhiculent des valeurs et aussi une certaine perception de la réalité sociale.

Dès lors, chaque politique publique n’est pas seulement un ensemble d’objectifs stratégiques  réorganisant des systèmes d’action, mais véhicule également un ensemble de normes et de valeurs. Elle a donc un « sens » qui est construit en même temps que les stratégies organisationnelles.

4)      Une politique publique peut-elle prendre fin ? (7pts)

La fin d’une politique publique suppose la résolution du problème et la terminaison de l’action. En un mot, c’est un acte volontaire, délibéré et explicite qui correspond à la phase de la terminaison de l’action publique de l’approche séquentielle des politiques publiques. C’est une séquence très controversée pour les tenants de l’approche séquentielle eux-mêmes, recouvrant de manière ambigüe la question de l’extinction d’une politique et/ou de la réalisation complète des objectifs fixés. Elle reste la plus difficile à identifier car l’achèvement d’une politique publique pouvant revêtir plusieurs sens.

Dans un premier sens et de façon simple, une politique publique se termine lorsque le problème dont les autorités publiques se sont saisies est résolu. Ce qui suppose que le problème soit clairement défini, que les objectifs soient énoncés de façon univoque, que les résultats de la politique soient mesurables (voire quantifiables), et enfin que le problème traité soit soluble. L’ensemble de ces conditions est rarement réuni dans le cadre d’une politique publique qui, le plus souvent, traite plusieurs problèmes aux contours flous, répond à des objectifs multiples parfois contradictoires, est difficile à évaluer de façon nette et tranchée, enfin porte sur des problèmes récurrents qu’il est illusoire de prétendre résoudre définitivement : la pauvreté, le chômage, la criminalité, la protection de l’environnement…

Dans un second sens, encore plus restrictif, on pourrait selon Hassenteufel, dire qu’une politique publique s’achève lorsque la ou les unités administratives chargées de sa mise en œuvre disparaissent. Mais d’une part, d’autres structures peuvent poursuivre la mise en œuvre de la même politique publique ; d’autre part, il est très rare que des unités administratives disparaissent. La tendance la plus couramment observée est plutôt la multiplication et l’empilement des structures administratives. Leur résistance, ainsi que celles des publics cibles, est souvent forte ; il s’agit là d’une des explications du faible taux de mortalité des programmes d’action publique.