Cours d’Introduction à la Methodologie des Sciences Sociales. FACULTE DE SCIENCES JURIDIQUES ET POLITIQUES. UNIVERSITE DE YAOUNDE II. SCIENCE POLITIQUE. Professeur NADINE MACHIKOU.

DESCRIPTIF

« Si la Science politique a une raison d’être, ce ne peut être, à mon sens,  que de coiffer par une représentation totale de la réalité, les images partielles auxquelles, liées qu’elles sont par leurs techniques, aboutissent les différentes sciences sociales qui s’occupent -directement ou indirectement- des phénomènes politiques » disait Georges Burdeau, auteur de l’un des plus anciens manuel de méthodologie de la Science politique[1]. Au fond, il souligne le poids de l’ensemble des opérations intellectuelles par lesquelles la Science sociale cherche à atteindre les vérités qu’elle poursuit, la façon dont elle les découvre, les démontre, les vérifie. La question de méthode ne se pose que relativement à des problèmes préalablement posés. Ces problèmes sont d’abord normatifs dans la mesure où la recherche implique  le choix de fins et le choix de moyens. Aucune méthode scientifique n’est nécessaire pour déterminer les normes de fins car l’option à laquelle adhère le législateur ne relève pas de la connaissance scientifique mais du sentiment ou de la volonté. Quant aux normes de moyens, qu’elles se déduisent du contenu précis des normes de fins ou que le législateur les imagine, elles reposent en définitive sur l’acquis de la science théorique. La méthode pose aussi les problèmes de causalité. C’est la question de l’induction qui présente une difficulté majeure: l’absence de cette expérimentation qui permet d’isoler les divers facteurs, les institutions politiques apparaissent en effet immergées dans un milieu si complexe qu’on ne saurait pas en épuiser l’analyse et dire avec certitude les effets de tel en particulier.

Les Sciences sociales supposent en effet des conventions, un mode de raisonnement spécifique et des approches de conquêtes de la réalité particulières. C’est à ce titre qu’introduire à la méthodologie en Sciences sociales, c’est fonder une compréhension générale du pourquoi (les aspects épistémologiques) et du comment (les aspects méthodologiques) qui construit l’analyse des phénomènes politiques. Ce cours entend donc fournir un premier aperçu des catégories d’analyse permettant d’appréhender les phénomènes politiques, afin d’aider à la constitution d’une culture générale et scientifique en la matière. La démarche d’analyse des phénomènes politiques est une approche scientifique spécifique. Cette démarche a trois expressions : une description ordonnée des phénomènes étudiés, à partir de définitions et de concepts qui lient la réalité à la pensée ; une comparaison systématique, dans l’espace et dans le temps, des objets qu’elle construit ; et enfin des propositions analytiques qui cherchent à expliquer la dimension politique de la réalité sociale.

Si la démarche se veut délibérément didactique, c’est en ce que l’épistémologie, en raison de sa complexité, doit être faite et non simplement enseignée pour être comprise. Ce cours entend initier les étudiants au questionnement épistémologique et aux outils méthodologiques. Il s’arrêtera sur le cheminement de la recherche et la préparation à l’analyse critique : comment se construit une stratégie de recherche, comment pose-t-on les bonnes questions de recherche, comment analyser le discours socio-politique ? Voilà autant de centres d’intérêt de cet enseignement.

Objectifs du cours

À la fin de ce cours, l’étudiant devra être capable : comprendre la logique de l’épistémologie en Sciences sociales ; avoir une connaissance élémentaire des principales méthodes utilisées dans les divers champs des Sciences sociales ; et mobiliser pertinemment quelques instruments techniques essentiels à la réalisation des travaux de recherche en Sciences sociales.

Formule pédagogique

L’exigence porte essentiellement sur la maîtrise des outils théoriques et méthodologiques et leur mobilisation pour le jeune chercheur en Science Politique afin de comprendre les phénomènes sociaux et politiques. Les étudiants ont dans ce sens des lectures à faire pour préparer les séances.

AXE 1 : LE POURQUOI DES SCIENCES SOCIALES ? FONDEMENTS EPISTEMOLOGIQUES

CHAPITRE 1 : L’EXPLICATION POLITIQUE : ASPECT EPISTEMOLOGIQUE

Dans ce chapitre nous insisterons sur les conditions préalables à la production du savoir scientifique, sur les principes de la démarche scientifique, sur les critères de la scientificité (Section I) et sur les modes de raisonnement en sciences sociales (section I).

SECTION I : LES CONDITIONS DE PRODUCTION DU SAVOIR SCIENTIFIQUE

A quelles obligations le chercheur doit se soumettre, s’il veut parvenir à la vérité scientifique et quels sont les déterminants de la production scientifique ou objective en sciences sociales? Telle est la question qui va guider notre entretien sur ce premier trajet du chemin de l’explication politique.

P1- La notion d’obstacles épistémologiques A- Petite histoire sur l’évolution du concept depuis Platon

La notion d’obstacles épistémologiques n’est pas récente. On peut observer qu’à l’Antiquité, des philosophes à l’instar de Platon en énonçaient les caractéristiques sans pour autant dire le mot. Ce dernier parlait de la « doxa », terme qui signifie étymologiquement « apparence » et « opinion ». L’emploi de ce terme par les philosophes s’apparente fortement à la notion d’obstacles à la connaissance. Pierre Bourdieu (1930-2002), sociologue, reprend le terme de doxa qu’il forge en concept et qui renvoie selon lui à, “ l’ensemble de ce qui est admis comme allant de soi (…). (…) ce sur quoi tout le monde est d’accord, tellement d’accord qu’on n’en parle même pas, ce qui est hors de question, qui va de soi. ” (Questions de sociologie, Minuit, Paris, 1984, p.83). René Descartes quant à lui assimile ce terme aux « idées reçues », qu’il qualifie de « fausses opinions » (Descartes, Méditations métaphysiques (1641), “ Première médiation ”. GF – Flammarion, Paris, 1979, pp.67-69). Pour Francis Bacon (1561-1626), la notion d’obstacles épistémologiques tient lieu de ce qu’il appelle « idoles » et qu’il faut combattre. Sa critique des idoles est reprise en sciences humaines par Durkheim (1858 – 1917) et préfigure la définition des “ obstacles épistémologiques ” de Bachelard. Celui-ci considère les obstacles épistémologiques, comme des freins à la production du savoir scientifique, c’est-à dire des « causes de stagnation (…), de régression, (…), des causes d’inertie ».Pour surmonter ces obstacles, le chercheur doit faire preuve de neutralité axiologique et de rupture épistémologique.

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B- L’exigence de rupture épistémologique et de neutralité axiologique

L’idée de rupture implique une remise en question ( une résistance) du savoir existant. Cette recouvre le doute systématique dont nous parle Descartes. Il consiste en un questionnement permanent et perpétuel sur les connaissances existantes, sur les idées reçues afin de s’en défaire. Il s’agit de repartir sur de nouveaux fondements. Filippo M. Zerilli[2] (2004 : 349) prend la figure

« du déménagement comme coupure épistémologique». Reprenant à son compte les idées de Philippe Besnard (2001) parlant du déménagement d’Emile Durkheim, l’auteur l’assimile à une rupture. La rupture épistémologique se situe donc au niveau du passage de la simple opinion à la connaissance scientifique véritable. Karl Popper le traduit par la notion de falsifiabilité du savoir scientifique. Dans la neutralité axiologique, l’idée ici est d’éviter au maximum les jugements de valeur. La notion de neutralité axiologique, ou « liberté par rapport aux valeurs », implique selon Max Weber (1992), deux étapes de la réflexion épistémologique. La première conclut qu’il ne faut pas confondre les catégories du connaître et du devoir être. La seconde étape pose la question des catégories mentales avec lesquelles nous appréhendons le réel. La neutralité axiologique est une exigence nécessaire à l’évitement des obstacles à la connaissance scientifiques.

P2- Typologie des obstacles épistémologiques

Nous présenterons ces typologies en nous appuyant notamment sur Francis Bacon et Gaston Bachelard.

A- Les typologies des obstacles épistémologiques selon Francis Bacon

Bacon cherche à expliquer les causes des erreurs à travers ce qu’il appelle idoles. Globalement, ces idoles sont liées à des généralisations abusives et à l’imagination, et qui engendrent de fausses sciences, à des notions creuses ou confuses, par exemple à l’invocation du hasard ou au prestige de certains auteurs dont on ne discute pas les conceptions. Il les regroupe en quatre catégories : Les idoles de la tribu ; Les idoles de la caverne; les idoles du théâtre ; et enfin les idoles du forum.

B-  Les typologies d’obstacles épistémologiques selon Bachelard

Sans être exhaustif, nous en évoquerons quelques-uns tout en invitant l’étudiant à lire l’ouvrage de Bachelard intitulé La formation de l’esprit scientifique où est détaillée sa théorie des obstacles épistémologiques. D’une part, L’expérience première et la connaissance générale et d’autre part l’obstacle verbal et le substantialisme. Bachelard considère l’expérience première comme le premier obstacle à la production du savoir scientifique. Il la définit comme « l’expérience placée avant et au-dessus de la critique qui, elle, est nécessairement un élément intégrant de l’esprit scientifique. La connaissance générale ; Connaître le phénomène général, s’en prévaloir pour tout comprendre, c’est « jouir comme la foule, du mythe inclus dans toute banalité » (MALLARMÉ, Divagations, p. 21.) L’obstacle verbal consiste à mettre un mot à la place d’une explication. On croit ainsi avoir expliqué un phénomène, alors que l’on n’a fait que cacher une ignorance. L’obstacle substantialiste comme tous les obstacles épistémologiques, est polymorphe. Il est fait de l’assemblage des intuitions les plus dispersées et même les plus opposées.

P3- Les critères de scientificité et les principes de la démarche scientifique 

A- Les principes généraux de la démarche scientifique

Emile Durkheim soutient que la «  La première règle et la plus fondamentale [de la recherche] est de considérer les faits sociaux comme des choses  ». Cette considération inspirée par lui tient lieu de principe majeur de la démarche en science politique.  Cela signifie qu’il nous faut considérer les phénomènes sociaux en eux-mêmes, détachés des sujets conscients qui se les représentent ; il faut étudier les faits sociaux comme des choses, c’est le biais par lequel le politiste peut gagner en objectivité et en rigueur, qu’il peut s’écarter des prénotions et des idées préconçues  (Durkheim, 1895). La deuxième est de procéder à la définition des concepts pour limiter le champ de la recherche et savoir ce dont on parle. Il s’agit ici de s’affranchir des fausses évidences, du vulgaire, de nos passions et idéologies si l’on veut parvenir à un minimum d’objectivité. Pour Marcel Mauss c’est « engager la recherche, à déterminer la chose à étudier, sans anticiper les résultats de l’étude ». La troisième est qu’il faut substituer aux notions du sens commun, une première notion scientifique. La perspective soutenue par  Bachelard  est que « le fait scientifique est conquis (rupture), construit, constaté (épreuve des faits) ».  B- Les critères de scientificité 

De ce vocabulaire scientifique, on peut distinguer, au minimum les notions ci-après citées : Le fait, la loi, la théorie, le concept, le modèle. 

Le fait scientifique permet de distinguer le fait brut du fait scientifique. Le fait brut est l’observation non analysée. Tandis que le fait scientifique doit être placé dans une chaîne de causalité propre à une discipline donnée pour être construit ;   La loi scientifique, c’est la mise en relation causale des faits observés et analysés, et la généralisation  de ces relations à toutes sortes de situations équivalentes. Les concepts sont à la théorie ce que les faits sont à la réalité. Ce sont les unités non décomposables sur lesquelles s’articule la théorie. Le modèle peut être défini comme « un cadre représentatif, idéalisé et ouvert, reconnu approximatif et schématique mais jugé fécond par rapport à un but donné : prévoir, agir sur la nature, la connaître mieux, etc. ». Enfin, la théorie est la réunion d’un ensemble de lois concernant un phénomène donné en un corps explicatif global et synthétique. A partir des critères de scientificité, on distingue trois des indicateurs de scientificité à savoir : La vérifiabilité, la falsifiabilité et enfin l’objectivité.

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Section 2 : Les modes de raisonnement en science politique

P1-  Les procédés  inductifs et déductifs

A- Le mode inductif

Cette méthode consiste à tenter des généralisations à partir de cas particuliers. C’est une généralisation, comme l’écrit Madeleine Grawitz, une opération par laquelle on étend à une classe d’objet ce que l’on a observé chez un individu ou quelques cas particuliers. L’idée centrale consiste à induire des énoncés généraux à partir d’expériences particulières, rigoureuses et systématiques.  On oppose habituellement l’induction énumérative à l’induction analytique.  B- Le mode déductif

Il consiste à analyser le particulier à partir du général, à lire une situation concrète spécifique à l’aide d’une grille théorique générale préétablie. Selon Madeleine Grawitz, c’est avant tout un moyen de démonstration. Selon Descartes, la déduction commence avec l’intuition. Une déduction est par conséquent une démarche  par laquelle nous entendons toute conclusion nécessaire tirée d’autres choses connues avec certitudes.

P2- Les procédés expérimental et statistique

  • Le mode expérimental

C’est la méthode généralement considérée comme la plus scientifique et la plus exacte. Elle est née en physique et dans les sciences de la nature. Elle consiste à mener une expérimentation (en laboratoire ou sur le terrain) et à tenter de dégager des lois généralisables à partir de l’analyse des observations recueillies durant l’expérimentation. La méthode expérimentale se décline en trois aspects : observer- conjecturer- vérifier.

  • Les procédés statistiques

Nous ne ferons ici que donner de très brefs rappels pour simplement situer cette méthode par rapport aux autres. On peut dire que la méthode statistique est une méthode qui tente de concilier les démarches qualitatives et quantitatives, le rationnel et le sensoriel, le construit et l’observé. Il existe deux grandes sortes de statistiques : la statistique descriptive (servir à décrire, à visualiser les caractéristiques particulières) et la statistique mathématique (permet de calculer des coefficients et de dégager des significations, tendances).

CHAPITRE II : LES GRANDS PARADIGMES DE L’EXPLICATION POLITIQUE

L’explication politique s’inspire de deux types d’approches classiques en sciences sociales. Celles holistique et individualistes. Le premier type prend la société globale comme point de départ de l’analyse. Le deuxième type d’approche part au contraire de l’individu, considéré comme un acteur autonome poursuivant ses fins personnelles en raison de sa logique propre ou de ses intérêts privés. Dans ces approches, l’activité spécifique de chaque individu est perçue comme le produit du calcul rationnel. Ainsi, le sens de l’action sociale est-il déduit des logiques individuelles, lesquelles sont variables selon le rapport coût/avantage. Cette approche inspirée par la sociologie wébérienne est mise en œuvre dans les analyses de type interactionniste et constructiviste.

SECTION I : LES TRADITIONS MARXISTE ET NEO-MARXISTE

P1- LA TRADITION MARXISTE

A- Un peu d’histoire sur les fondements du marxisme

On appelle «marxisme» un ensemble de connaissances articulées, cohérentes c’est-à-dire logiques et pertinentes, élaborées au XIXe siècle, visant à décrire et expliquer le fonctionnement des sociétés européennes du début XIXe siècle. La pensée marxiste du 19° siècle offrait une explication mécaniciste de la société, une explication linéaire où l’économique constituait le facteur explicatif le plus important en dernière analyse. La tradition marxiste tire ses fondements de la pensée de Karl Marx (1818-1883), qui veut rompre avec l’idéalisme de la Phénoménologie de l’Esprit de Hegel, ainsi qu’avec l’Idéalisme allemand, pour lequel les objets sont de simples copies de « l’Idée » et aussi que le « mouvement réel » de l’Esprit Absolu dans l’Histoire (Hegel) ne prend conscience de luimême que dans la conscience du philosophe. La pensée marxiste s’est développée en de multiples ramifications en France (Louis Althusser, Nicholas Poulantzas), en Italie, en Grande Bretagne (Tom Bottomore, John Rex), et aux Etats Unis (C. Wright Mills, Herbert Marcuse, William Domhoff) au point qu’aujourd’hui, l’on est amené à parler de « sociologie marxiste ».

B- Les postulats majeurs du marxisme

L’analyse marxiste s’articule sur deux postulats majeurs : la séparation des individus d’avec l’État et l’identité des intérêts de la classe dominante avec ceux de l’État. La séparation des individus d’avec l’État. K. Marx montre qu’il n’existe aucun lien interne qui rattache les individus à l’État. C’est la liaison extérieure avec la superstructure juridique et politique qui légitime la domination de celui-ci sur ceux-là. L’État est ainsi perçu comme une simple forme ajoutée à la dynamique des forces productives pour garantir leur unité et leur universalité. Alors, intérêts privés et forme étatique se contredisent, ceux-là sont déterminés selon les classes, et donc contingents, celui-ci est transcendant et universel. L’identité des intérêts de la classe dominante avec ceux de l’État.  K. Marx établit un lien entre le développement de l’industrie, l’intensification de l’échange des produits à l’échelle mondiale vers la fin du XVe siècle et la construction de l’État moderne. Il montre comment le niveau atteint par le capitalisme à cette époque nécessite la liberté et l’égalité des droits. Il s’agit de libérer les travailleurs des entraves corporatives et le commerce des privilèges féodaux, de garantir les chances égales pour les concurrents bourgeois, d’assurer la sécurité juridique des échanges et de la propriété privée.

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P2- LA TRADITION NEO-MARXISTE

  • Les fondements du néo-marxisme

L’approche néo-marxiste trouve ses origines dans le mouvement marxiste. Elle apparaît vers les années 1960 avec le déclin du structuro-fonctionnalisme qui n’arrive plus à expliquer l’accumulation des problèmes sociaux de l’époque[3]. La pensée critique de l’approche néomarxiste sous-tend l’idée d’un chao social caractérisé par une stratification sociale bipolaire[4]. Les besoins d’expansion des entreprises dépassent les limites du marché mises en place pour la production du profit.[5]

  • La classe ouvrière : un groupe homogène et uni

Dans la tradition marxiste, peu d’attention est accordée à l’évolution et aux transformations internes au sein du prolétariat. Pour Marx, l’identité individuelle est négligeable puisqu’elle est submergée par le calcul égoïste de la rationalité économique. La classe ouvrière constitue un groupe homogène dont le seul enjeu véritable et unificateur réside dans le projet révolutionnaire d’abolir l’inégalité et l’exploitation issue du capitalisme. Richard Hyman (1979) soulève dans ce sens l’hypothèse de l’existence de collectifs ouvriers et la portée des luttes communes.

  • Les diverses manifestations des rapports de classe

Avec La Distinction. Critique sociale du jugement (1979) et Ce que parler veut dire. L’économie des échanges linguistiques (1982), Pierre Bourdieu présente deux œuvres, traversées par la perspective néo-marxiste, dont la contribution vise à subordonner l’identité culturelle aux conditions d’existence sociales et matérielles : il tente de démonter à partir des qualités comportementales et attitudinales des individus leurs relations avec les couches sociales. Dans la distinction. Critique du jugement (1979), il expose une correspondance entre les systèmes de classement par le goût et le statut social. De la même manière, dans Ce que parler veut dire. L’économie des échanges linguistique (1982), il rend compte d’une théorie du pouvoir basée sur une représentation symbolique de celui-ci. Il examine le produit de la domination par une mise en relief des rapports de communication entre les individus.

SECTION II : LES TRADITIONS FONCTIONNALISTE, SYSTEMIQUE ET STRUCTURALISTE

         P1- La tradition systémique

Dans l’analyse d’inspiration marxiste la notion politique désigne les processus par lesquels la coexistence d’un ensemble d’individus donné aux intérêts originairement contradictoires est rendue possible. Deux auteurs notamment David Easton et Karl Deutsch sont considérés comme les figures remarquables du systémisme.

A- Karl Deutsch, David Easton et l’analyse systémique

Karl Deutsch soutient que toute organisation politique détient en elle-même avec le principe de son fonctionnement une autorégulation qui maintient sa structure. Pour lui, le rôle des flux de communication entre l’environnement et le système politique est essentiel à la compréhension du fonctionnement de celui-ci. David Easton construit un modèle d’analyse dans lequel les interactions du système et son environnement sont représentées sous la forme d’un circuit cybernétique fermé. Dans ce modèle, le système politique est considéré comme un lieu opaque et obscur qui échappe à l’entendement. D’où sa désignation par la notion de boîte noire. Les indicateurs de l’analyse sont déduits des quatre problèmes spécifiques à un système politique donné. Ils sont rangés en deux catégories distinctes : les inputs (exigences et des soutiens) et les outputs (décisions et d’actions).

B- Cette démarche considère le système politique comme un lieu de circulation d’informations 

Le rôle des dirigeants du système est de les interpréter, de les sélectionner, de les traiter, de les convertir en décisions et en actions publiques. Cette approche s’insère dans le cadre de la théorie générale des systèmes. Selon cette théorie, tout système comporte en soi sa propre finalité : son maintien ou sa propre reproduction. Alors, l’analyse se borne à étudier les conditions de son adaptation à son environnement porteur d’élément de déséquilibre et de perturbation. Dans cette adaptation, les décisions et les actions publiques apparaissent comme des éléments déterminés qu’on peut comparer à d’autres. Partant d’une conception plus large de la notion de fonction, l’analyse fonctionnaliste – développée par Almond et Powell dans Comparative Politics (1966) – s’efforce de définir d’autres critères relatifs aux fonctions politiques dites de base et d’en étudier les rapports.

P2- Le fonctionnalisme

A- Les fondements du fonctionnalisme

De façon générale la notion de fonction renvoie aux processus vitaux ou organiques qui contribuent au maintien de l’organisme. A côté de cette définition biologique, les sciences sociales, par la voix de Radcliffe Brown définissent la fonction comme la contribution particulière qu’un usage social considère comme l’ensemble du fonctionnement de ce système ; Le fonctionnalisme est fondé par Malinowski (1884-1942).  La nature de la question conduit Almond et Powell à postuler l’existence de fonctions politiques de base contribuant à assurer l’autoreproduction d’un système politique et son adaptation à un environnement donné. Ces fonctions sont ensuite tenues pour consubstantielles à tout système politique. Quatre fonctions

politiques de base sont ainsi répertoriées a priori : la capacité extractive, la capacité régulatrice, la capacité distributive et la capacité réactive ou responsive. Le fonctionnalisme se caractérise par plusieurs tendances ayant un socle commun et des particularités.  B- Le vocabulaire fonctionnaliste

Les notions récurrentes ici sont celles de fonctions manifestes, latentes, dysfonction, statut (Ralph Linton) et rôle. On peut aussi relever les postulats de l’unité fonctionnelle, le postulat du fonctionnalisme universel, le postulat de la nécessité fonctionnelle. C- Les types de fonctionnalisme et leurs fondateurs

Trois grandes tendances caractérisent l’analyse fonctionnaliste à savoir le fonctionnalisme absolu (radical ou pur) de Malinowski et Radcliffe Brown, le fonctionnalisme relativisé de Robert Karl Merton et le structuro-fonctionnalisme de Talcott Parson.

  • Le fonctionnalisme absolu (radical ou pur) de Malinowsky et Radcliffe Brown Le concept de fonction constitue le cœur de la théorie de Malinowski. La fonction écrit-il signifie satisfaction d’un besoin, depuis la simple action de manger jusqu’à l’exécution sacramentelle. A chaque besoin, (faim, protection du froid, reproduction de l’espèce), correspond un élément dont la fonction est la satisfaction de ce besoin (chasse ou art culinaire, habitat, famille…). Malinowski rejette les théories évolutionnistes et diffusionnistes qui se sont livrées à des études fragmentaires sur des éléments exclus de leurs contextes. Pour ce dernier, le processus de la vie sociale repose sur un triple processus d’adaptation écologique, institutionnelle et culturelle. Le système d’une société, a une certaine unité  que nous devons appeler unité fonctionnelle.
  • Le fonctionnalisme relativisé de Karl Merton
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Merton se préoccupe en permanence des rapports entre théorie sociologique et recherche empirique. Selon lui la recherche empirique joue un rôle actif. Il critique le fonctionnalisme absolu ainsi que tous ses postulats. D’où ce théorème : « de même qu’un seul élément peut avoir plusieurs fonctions, de même une seule fonction peut être remplie par plusieurs éléments interchangeables ». La critique de Merton l’amène aussi à introduire la notion de dysfonction. Selon lui « les fonctions sont parmi les conséquences observées, celles qui contribuent à l’adaptation et à l’ajustement d’un système donné et les dysfonctions, celles qui gênent l’adaptation ou l’ajustement du système ». Merton utilise aussi les notions de rôles et de statut pour rendre compte de la structure sociale.

  • Le structuro-fonctionnalisme de Talcott Parson

Selon lui, l’objet de la sociologie est de rendre compte de la signification des actions humaines et des fonctions qu’elles remplissent dans la structure sociale. C’est en raison de cette relation entre structure et fonction des activités humaines que son approche est appelée structurofonctionnalisme. Il établit une théorie générale de l’action. Qui obéit à ce qu’il appelle fonctions primaires et sous-systèmes (système culturel, système de personnalité, organisme de comportement) d’action. Il repose sur les quatre fonctions primaires énumérées ainsi qu’il suit : la fonction de maintien de modèles et de contrôle; la fonction d’intégration interne du système d’action; La fonction de réalisation des fins collectives et la fonction d’adaptation globales de l’environnement.

P3- LE STRUCTURALISME

A- La notion de structure : le mot et la chose

A un très haut niveau de généralité, on peut dire que la structure désigne – quelque soit le champ d’application de la notion – un mode d’organisation de l’objet à connaître tel que les relations y prédominent sur la substance. La structure comme « totalité » n’est plus la simple somme de ses parties, et toute perturbation qui l’affecte s’auto-répare dans un nouvel état d’équilibre. La notion de structure introduit un nouveau modèle de temporalité et de causalité. Dès 1960, Roger Bastide souligne l’origine du mot « structure » dans l’architecture (struere : construire). Dans d’autres versions du structuralisme et de son histoire, on insiste sur une genèse « naturaliste » de la notion de structure, entendue comme « totalité morphodynamiquement (auto)-organisée et (auto)- régulée ». Il reste que le succès de la notion de structure dans les sciences humaines à partir des années 1930 vient surtout d’une crise fondamentale de la grammaire historique et comparée, l’école philologique développée avec succès principalement en Allemagne durant tout le XIX° siècle. La linguistique structurale.

B- La pensée structuraliste

1- Difficultés d’une définition

Aucune synthèse empirique ne parvient véritablement à ressaisir l’unité d’une École « structuraliste ». D’abord parce que l’extension des intérêts de connaissance – linguistique, sémiotique, théorie littéraire, anthropologie culturelle, psychanalyse – de ce courant semble toujours faire obstacle à la compréhension de ce dont il s’agit : les concepts de « structures », de « modèle » de « symbolique », « d’homologie », de « forme », de « jeu »… ne sont nulle part vraiment stabilisés. Ensuite parce que cette extension et cette compréhension ne sont jamais l’objet d’un consensus, mais créent plutôt un champ de bataille aux enjeux divers et aux prolongements variés. Enfin parce que dès sa large diffusion – en France après 1950 -, l’émergence du  structuralisme se confond avec ses incessantes rectifications, réinterprétations et réappropriations, par Lacan dans les années 1950, par Maurice Merleau-Ponty, Derrida et Foucault dans les années 1960…

  • Les ressorts de la pensée structuraliste

Ce qu’on appelle couramment du nom de « structuralisme » est un courant de pensée du XX° siècle référé d’abord au Cours de linguistique générale (1916) du linguiste suisse Ferdinand de Saussure (1857-1913), puis aux développements de l’un des courants majeurs de la linguistique du XXe siècle, de l’anthropologie  contemporaine issue des travaux de Claude Lévi-Strauss, des théories de la littérature (Roland Barthes, Algirdas-Julien Greimas…), de la plupart des sciences humaines après 1945, et finalement de la philosophie (Jacques Derrida, Michel Foucault, Jacques Lacan, Jean-François Lyotard…). Le structuralisme peut être compris comme une théorie selon laquelle l’être humain ne peut être appréhendé qu’à travers un réseau de relations symboliques qui sont autant de structures auxquelles il participe sans en être conscient. Claude Lévi-Strauss a voulu mettre en évidence des lois qui structurent les éléments de la production humaine et lui donnent son sens. L’observation immédiate que l’on peut faire au sujet du structuralisme est qu’il s’oppose littéralement à l’individualisme. A l’inverse de l’individualisme, le structuralisme soutient que c’est la société qui produit les individus aussi bien biologiquement que culturellement. (Laurence H. McFalls et al., 2006)[6].

  • Les dilemmes soulevés par la pensée structuraliste

Malgré la différence entre les divers courants structuralistes, ceux-ci ont influencés les sciences humaines d’aujourd’hui et notamment la sociologie. Ainsi, Pierre BOURDIEU invente la notion d’habitus, qui correspond à une capacité acquise socialement par un individu et qui lui permet d’avoir la réaction immédiate et appropriée à un environnement. L’habitus s’apparente à une partie de la structure sociale, inconsciente à l’individu et déterminé par les échanges entre les individus. Le structuralisme vise à comprendre le nouveau monde en construction au sortir de la seconde Guerre Mondiale en le lisant aux prismes des concepts d’inconscient et d’altérité. Le structuralisme ne désigne pas une école, il désigne un mouvement, dans une conjoncture intellectuelle donnée, et ce qui le caractérise avant tout, pour reprendre une expression essentielle de Foucault, ce sont ses “points d’hérésie”. Ceux-ci nous paraissent tourner principalement autour de trois grandes questions : celle de la constitution du sujet, celle de la coupure théorique du savoir et celle de l’universalité de la nature humaine.  

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SECTION III : L’INTERACTIONNISME ET LE CONSTRUCTIVISME

P1- L’interactionnisme

Le courant interactionniste prend naissance aux Etats-Unis dans les années cinquante, à l’Université de Chicago. John Dewey (1859-1952) illustrent une première tentative qui prend racine à Chicago dès la fin du 19e siècle et en s’inspirant du pragmatisme. Celui-ci prend ses sources dans les travaux du logicien Pierce (1839-1914) et l’utilitarisme de W. James (18421910). Mead (1863-1944) va emboiter le pas à Dewey. Pour lui, la société se comprend comme un système de communications interindividuelles et signifiantes. Parallèlement à son enseignement, se met en place à Chicago, sous la direction de W.I. Thomas (1863-1944), une tendance dénommée Ecole de Chicago. A la fin des années quarante, se développe une nouvelle tendance qui combine trois tendances : celle de Mead, poursuivie par le psychosociologue H. Blumer, celui de Hugues (1897-1983), spécialiste de la sociologie du travail et celui de l’anthropologue L.W. Warner qui s’intéresse à l’étude des petites communautés. Les principaux tenants de ce qui s’appellera plus tard interactionnisme, interactionnisme symbolique, ethnométhodologie, ont fait leurs études en totalité ou en partie à l’Université de Chicago avec Hugues, H. Blumer, et L. Warner. C’est le cas de  E. Goffman, H.S. Becker, E. Lemert, H. Garfinkel, G. Stone. Dès 1937, Blumer invente l’expression interaction symbolique Le mouvement s’est institutionnalisé avec la création de la Société pour l’étude de l’interaction symbolique.

Les interactionnistes  utilisent la notion d’interaction pour exprimer l’unité minimale des échanges sociaux et désigner une situation sociale où chacun agit et se comporte en fonction de l’autre. Cette conception émiette les structures sociales en microstructures, les interactions. Le critère de la rationalité des acteurs est l’efficacité. Goffman présente le jeu des interactions sur le modèle de la dramaturgie de la représentation, lequel sous-tend « le type de vie sociale qui s’organise dans les limites physiques d’un immeuble ou d’un établissement ».

P2- LE CONSTRUCTIVISME

  • Les ressorts de la pensée constructiviste

En réaction au positivisme ambiant hérité du XIXe siècle et dans la suite des derniers travaux de Jean Piaget, le constructivisme se pose comme une alternative nouvelle face à la complexité du monde actuel et surtout face aux problèmes épistémologiques engendrés par le développement des sciences dites exactes. Cette approche, à l’instar de la conception constructiviste développée en épistémologie, envisage la réalité sociale et les phénomènes sociaux comme étant « construits », c’est-à-dire créés, objectivés ou institutionnalisés et, par la suite, transformés en traditions. Les caractéristiques de base du constructivisme sont leur position critique vis-à-vis des connaissances prises pour acquis, leur reconnaissance de la spécificité historique et culturelle des connaissances, l’idée que les connaissances sont soutenues par des processus sociaux et celle que connaissance et action social vont de paire.. Peter Berger et Thomas Luckmann va jusqu’à considérer la structure sociale comme la somme des typifications et des modèles récurrents qui consistent dans des catégories par lesquelles nous pensons le monde

  • Les variantes ou différentes approches du constructivisme

En parcourant des travaux philosophiques, l’on constate que la théorie constructiviste a préoccupé des philosophes. Deux grands moments structurent l’émergence du courant constructiviste ici présentée : d’une part une sociologie Européenne marquée par les figures de Pierre Bourdieu, Norbert Elias, Michel Gallon et Bruno Latour, d’autre part une sociologie américaine marquée par les figures d’Alfred Schütz, Peter Berger et Thomas Luckmann.

Le constructivisme dans la sociologie européenne : La sociologie Européenne est marquée par les figures de Pierre Bourdieu et de  Norbert Elias. Pierre Bourdieu définit le “constructivisme structuraliste” à la jonction de l’objectif et du subjectif. Il vise le dépassement de la théorie structuraliste (Bourdieu, 1987 :147). Ceci dit, Bourdieu veut montrer que les individus construisent et reconstruisent la réalité sociale à partir des structures existantes, c’est à dire qu’il y a des structures objectives que l’individu trouve dans la société et se permet en fonction de sa marge de liberté de les déconstruire et de les affecter à leur cours.  L’habitus se constitue d’abord au travers de nos premières expériences (habitus primaire), puis de notre vie d’adulte (habitus secondaires). C’est la façon dont les structures sociales s’impriment dans nos têtes et nos corps par intériorisation de l’extériorité. Pierre Bourdieu définit alors la notion, plus précisément que ne l’avait fait Norbert Elias, comme un système de dispositions durables et transposables. Les champs constituent la face extériorisation de l’intériorité du processus. Le champ est une sphère de la vie sociale qui s’est progressivement autonomisée à travers l’histoire autour de relations sociales. Les gens ne courent ainsi pas pour les mêmes raisons Chaque champ est alors à la fois un champ de forces  *Le constructivisme substantialiste d’Elias diffère de Bourdieu en ce qu’il se propose en tant que chercheur, d’adopter une posture épistémologico-historique se situant à la fois dans un « engagement » et une « distanciation » pour rendre intelligible la réalité sociale. Par constructivisme substantialiste, il faut entendre cette volonté effective d’Elias de revenir sur la vieille problématique entre holisme et individualisme.    

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Le constructivisme dans la sociologie américaine : Pour ce qui est de la sociologie américaine, trois principales figures nous intéressent en ce qui concerne la théorie constructiviste, ils s’agissent d’Alfred Schütz, Peter berger et thomas Luckmann. *Le constructivisme phénoménologique d’Alfred Schütz est considéré comme inspirateur de la théorie constructiviste aux Etats-Unis. La particularité de son apport en ce qui concerne cette théorie réside en ce qu’elle part d’une lecture croisée de la sociologie (de Max Weber), de la phénoménologie (d’Edmond Husserl), de la tradition pragmatique de la philosophie américaine (John Dewey, William James, George Herbert Mead) et de la sociologie de Talcott Parsons.

*Peter Berger et Thomas Luckmann : La construction sociale de la réalité. Ces deux auteurs s’inscrivent dans la lignée du constructivisme phénoménologique sus-mentionnée. S’appuyant sur les fondements de la connaissance dans la vie quotidienne, ils recherchent la manière dont la réalité est construite. Ainsi contrairement à une approche Bourdieusienne qui va des structures sociales pour spécifier la dimension constructiviste de la réalité sociale, Peter Berger et Thomas Luckmann privilégient une approche partant des individus et de leurs interactions.

AXE II : LE COMMENT DES SCIENCES SOCIALES ?

CHAPITRE III : LES POSTURES METHODOLOGIQUES USUELLES EN SCIENCES  SOCIALES

Section I : La posture empiriste

L’empirisme désigne un ensemble de théories philosophiques qui font de l’expérience sensible l’origine de toute connaissance valide et de tout plaisir esthétique. L’empirisme s’oppose en particulier à l’innéisme des idées et à l’idée d’une connaissance a priori. Défendu principalement par les philosophes comme Francis Bacon, John Locke, George Berkeley, David Hume et d’autres après eux, l’empirisme considère que la connaissance se fonde sur l’accumulation d’observations et de faits mesurables, dont on peut extraire des lois générales par un raisonnement inductif, allant par conséquent du concret à l’abstrait.

P1-  Aux sources de la connaissance empirique

A- La question de l’origine de nos connaissances  

Suivant le rationalisme dont l’un des maîtres penseurs est Descartes, toute connaissance certaine découle de la “raison”, vue comme un ensemble de maximes irrécusables, de principes a priori, au-delà desquels on ne peut remonter, cette raison s’étant formée en nous avant toute réflexion. Or, sous l’influence de John Locke et de Isaac Newton, dont on affirme qu’ils sont les maîtres à penser du XVIIIème siècle, émerge un courant de pensée qui s’oppose au rationalisme, à savoir l’empirisme classique, et qui prend sa source dans la critique faites par Locke de la notion cartésienne d’idée innée. Deux problèmes peuvent surgir lorsque l’on réfléchit à la possibilité de connaître, à savoir celui posé quant à la source de la connaissance et celui concernant sa légitimité. Contrairement au rationalisme, l’empirisme affirme que la source de toute connaissance est non pas l’esprit humain, mais bien l’action du monde extérieur sur nous, le sujet, et que la connaissance tient sa légitimité par vérification expérimentale et non par une démonstration rationnelle. Pensons ici à l’axiome d’Aristote qui exprime, en quelque sorte, la thèse fondamentale de l’empirisme, à savoir que “rien n’est dans l’esprit qui ne fût d’abord dans les sens”, ou encore à l’idée de Locke selon laquelle “l’esprit est une page blanche vide de tout caractère”, une “tabula rasa”. L’empirisme est donc avant tout une critique de l’innéisme

B- L’empirisme de Locke

L’empirisme comme on l’a dit tout à l’heure est premièrement une thèse sur l’origine de nos connaissances. C’est une thèse génétique dans la mesure où elle suppose que nos idées s’expliquent par leur genèse, par la façon dont nous les obtenons. Comment acquérons-nous nos idées? Par l’expérience, par le contact avec le monde extérieur et cela veut dire, en dernier ressort, par les sens, par la sensation. Locke énonce alors les catégories d’idée qui modèlent sa pensée et éclaire les fondements de sa critique du rationalisme. Il y en a entre autre : les idées simples qui sont les idées qui nous viennent directement des sens ou de la réflexion. Les idées complexes sont celles que l’esprit compose des idées simples. Nous avons considéré jusqu’ici les idées dans la réception desquelles l’Esprit est purement passif, Mais quoique l’esprit soit purement passif dans la réception de toutes ses idées simples, il produit néanmoins de lui-même plusieurs actes par lesquels il forme d’autres idées, fondées sur les idées simples qu’il a reçues, et qui sont les matériaux et les fondements de toutes ses pensées. Dans un premier moment, Locke se propose de montrer qu’il n’existe pas de principe spéculatif inné (nous dirions théorique). Dans le second, tout ce que l’esprit humain connaît lui vient du dehors, c’est l’importance de l’expérience sensible. L’observation est première et indépendante de la théorie.  

P2-  Le processus de systématisation de la pensée empirique en science politique

Il semble nécessaire de préciser que l’étude objective de la politique commence avec ses précurseurs que sont Aristote, Jean Bodin, Montesquieu ou encore Alexis de Tocqueville. Bien que certains d’entre eux continuent à appréhender les faits politiques sous l’angle moral, d’une méthode essentiellement déductive, à partir des principes à priori, on passe à une observation véritable des faits et une analyse inductive basée sur l’observation. Aristote en cherchant le bon gouvernement et l’Etat idéal, le fait non par déduction, mais par une observation des faits. Il emploie la technique expérimentale en faisant une étude préalable des régimes politiques de son époque (dans son œuvre La politique). De là naît déjà la méthode empirique fondée sur des recherches concrètes très variées, très étendues et conduites dans un esprit d’observation scientifique. De Jean Bodin avec son œuvre fondamentale De la république (1576),  on peut retenir comme apport le fait qu’il vienne développer la méthode d’observation des faits car, il étend largement les procès d’observation de Machiavel et consulte tous les faits historiques de son époque au point où son livre est considéré comme un recueil infini de faits en tout genre. Montesquieu dont on pensait qu’il était essentiellement moraliste et que son Esprit des lois était une œuvre à orientation morale a apporté aux sciences sociales  et notamment à la méthode empirique, l’usage de la technique d’observation sur une base géographique donnée ; sa volonté de systématiser les observations et d’en tirer une vue cohérente et couronnée du réel basée sur l’induction et non sur le raisonnement déductif. Alexis de Tocqueville dans son ouvrage fondamental De la démocratie en Amérique (1835-1840) fait une contribution à trois niveaux : il inaugure l’observation directe des faits; il inaugure l’observation systématique et enfin il inaugure l’observation en profondeur (études particulières). Il semble nécessaire de garder à l’esprit les caractéristiques suivantes de l’empirisme : L’empirisme est une méthode qui affirme que l’origine de la connaissance se trouve dans l’expérience et l’observation.

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SECTION II : La posture positiviste

P1- Les fondements de la pensée positiviste

A- Les piliers  et principes de la pensée positiviste

Le positivisme ou la construction rigoureuse de l’objet est un courant méthodologique d’une double réaction intellectuelle : D’une part, il réagit contre l’empirisme qui réduit la pensée à la collecte des faits et d’autre part, contre l’apriorisme qui ignore l’expérience pour s’appuyer exclusivement sur la raison et les sentiments. Le positivisme sociologique est donc cette attitude ou tendance qui consiste à transposer dans le domaine de la connaissance de la société les principes et les méthodes qui ont assuré la célébrité des sciences dites exactes. Dans ce sens, le positivisme désigne une méthode et une théorie. Les théories qui se rattachent au positivisme ont en commun les thèses suivantes: la nécessité de s’en tenir au fait uniquement (seule la connaissance des faits est féconde), la renonciation à tout a priori (tant en philosophie qu’en science), la reconnaissance d’un type de certitude dans les sciences expérimentales et enfin la conviction que la pensée ne peut atteindre que des relations et des lois (le domaine des choses en soi est inaccessible).

B-  Le processus d’évolution (la marche progressive) de l’esprit vers la science : la loi des trois états d’Auguste Comte

Depuis son premier essor jusqu’à nos jours, écrit Auguste Comte, « je » crois avoir découvert une grande loi fondamentale, à laquelle il est assujetti par une nécessité invariable, et qui me semble pouvoir être solidement établie, soit sur les preuves rationnelles fournies par la connaissance de notre organisation, soit sur les vérifications historiques résultant d’un examen attentif du passé. Cette loi consiste en ce que chacune de nos conceptions principales, chaque branche de nos connaissances, passe successivement par trois états théoriques différents : l’état théologique ou fictif; l’état métaphysique ou abstrait; l’état scientifique ou positif.

P2- D’Auguste Comte à Durkheim et les épigones : Le transport de la méthode positive en science politique

Cette méthode met l’accent sur la compréhension précise de l’histoire. Dans sa démarche heuristique, le chercheur est appelé à être le plus précis possible dans les faits relatés. Sa source première est la recherche et l’étude des documents. Il opère par la suite une synthèse dans un travail de comparaison des données recueillies et en dégage des relations de cause à effet et tente ainsi une généralisation.  Auguste Comte, ancien disciple de Saint Simon est l’un des premiers savants à relever l’existence des faits sociaux et à penser qu’il faudrait leur réserver un traitement à caractère scientifique. L’ambition de Durkheim d’étudier les phénomènes sociaux comme des choses s’inspire de cette exigence.  La sociologie de Comte est donc fondée sur les faits mais pas une simple accumulation des faits qui ne saurait constituer de la science. Son raisonnement scientifique va de l’observation des faits pour établir la première fois une méthode scientifique en sociologie (dans son ouvrage Les règles de la méthode sociologique (1895)). Et c’est en cela qu’il est positiviste. Le transport de la méthode positive en sciences sociales s’opère par une réhabilitation de la méthode d’Emile Durkheim et une contestation de celle-ci. On assiste à une radicalisation du positivisme qui transparaît des travaux du sociologue Pierre Bourdieu et en sciences sociales des auteurs comme Bernard Lacroix, Daniel Gaxie ou Michel Offerle. Ceux-ci insistent par exemple sur le concept de rupture avec le sens commun. La contestation du positivisme est l’œuvre de Lévi Strauss, Arendt, Leofort, mais également des sociologues de l’école bourdieusienne comme Develot.

SECTION III : LA COMPARAISON

Comparer les phénomènes politiques est une pratique très ancienne. Elle existait déjà au temps de la Grèce antique. Elles remontent à Aristote, Montesquieu, Tocqueville et se sont développées avec Durkheim, Max Weber et systématisées aux USA dans les années 1950 et 1960 avec Almond et Powell. Aristote proposait déjà dans une approche comparative, une typologie des différentes organisations étatiques. Il en a été suivi par Montesquieu qui a fait la même comparaison dans L’esprit des lois. Alexis de Tocqueville écrit en 1835 son premier volume “De la démocratie en Amérique où il compare spatialement et temporellement le système politique américain à d’autres systèmes politiques existant.  Karl Marx quant- à lui a proposé une approche historique et comparé les mouvements collectifs et les mécanismes d’exploitation et du sous-développement. Émile Durkheim pour sa part a, dans Les règles de la

méthode sociologique, montré que la méthode comparative, encore appelée expérimentation indirecte, est la voie empruntée lorsque la production des faits n’est pas à la disposition du chercheur. Avec Max Weber, la méthode comparative apparaît comme un instrument de construction des catégories générales appelée idéaux-types fondamentaux pour la discipline.  Gabriel Almond et Powell quant à eux ont fait des études de la politique comparée une révolution intellectuelle permettant d’observer dans la masse des faits politiques, ceux qui peuvent être rapprochés et ceux qui présentent des différences fondamentales.

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P1- Définition, caractérisation et préalables de la méthode comparative

Définition, caractérisation :  la méthode comparative peut avoir une fonction d’intégration, par un travail de synthèse regroupant des éléments de systèmes différents et pourra permettre, dans certains cas l’hybridation, c’est-à-dire, la mixtion de règles d’origine diverses. Selon Yves Meny et Surel, comparer c’est chercher tout à la fois des singularités et des points communs des cas plus ou moins nombreux que l’on s’attache ainsi à décrire et parfois à mieux expliquer. De ces auteurs et avant eux avec Duverger, l’on retient que la comparaison suppose à la fois l’existence de ressemblances et de différences. Ainsi, on ne comparera pas deux réalités absolument identiques, ni deux réalités entièrement différentes. Si elle ne dispose pas d’une technique particulière, les méthodes comparatives sont cependant utilisées par toutes les sciences sociales dont la science politique. De nos jours, l’analyse des phénomènes par la comparaison a amené à la conceptualisation de ces études sous la notion de politique comparée. La politique comparée est un domaine d’étude de la science politique et plus largement des sciences sociales. Elle emprunte une démarche typologique qui cherche à classifier et théoriser les différents phénomènes politiques. Selon le politologue Giovanni Sartori,Classifier, c’est ordonner un univers donné en classes qui sont mutuellement exclusives et collectivement exhaustives. Les classifications permettent donc d’établir ce qui est le même et ce qui ne l’est pas.”

P2- Les différents types de méthodes comparatives

Il existe plusieurs stratégies de recherche différentes selon le nombre de cas comparés et selon le phénomène que l’on veut comparer. La plupart des politologues comparatistes identifient deux logiques principales de démonstration. Charles Ragin nomme celles-ci “stratégie comparative centrée sur les cas” et “stratégie comparative centrée sur les variables” (Braun, 1999), Jean Blondel identifie pour sa part la stratégie “inductive” et “déductive” (Braun, 1999), alors que Jean Leca (Braun, 1999) convoque deux “matrices”, une wébérienne et une durkheimienne de la comparaison. De nombreux comparatistes, notamment Sartori, Dogan et Pelassy en ont recensé cinq, Charles Tilly quatre. Ira Katznelson quant à lui, observe qu’à la question de savoir ce qu’il faut comparer et comment comparer, les comparatistes ont proposé quatre formules : la comparaison systémique (global or large process), la comparaison de cas, la comparaison de variables et la comparaison de configurations (Structure and Configuration in Comparative Politics). Nous nous attarderons ici à définir, non point de manière exhaustive ces typologies, mais de manière illustrative.

 

A- Les stratégies comparatives centrées sur les cas et celles sur les variables

–Celles centrées sur les cas : En premier lieu, la logique comparative centrée sur les cas a pour programme de sélectionner un petit nombre de cas et de les analyser de manière intensive. Assumant le risque de “patauger dans la réalité”, cette démarche souvent inductive ancre sa scientificité dans différentes stratégies heuristiques, définies par John Stuart Mill dès le milieu du XIXe siècle. La pratique classique de l’expérimentation est difficilement applicable en science politique parce que les cas à comparer présentent toujours un grand nombre de différences (Braun, 1999). Il y a trois façons de contourner cette difficulté.  La méthode des

conditions communes ; La méthode indirecte des différences et enfin, la méthode des résidus. Charles Ragin recommande d’utiliser ces méthodes avec pragmatisme, en les combinant de manière à maximiser les chances d’isoler les facteurs de causalité (Braun, 1999). 

Celles centrées sur les variables : La stratégie centrée sur les variables, pour rester crédible se voit donc contrainte de procéder à un travail de contextualisation intense des variables utilisées.

En réponse à cette exigence, des stratégies de rupture avec le dilemme cas – variable ont été développées récemment. La première consiste à cumuler un grand nombre d’études de cas approfondies de manière à simultanément disposer du caractère intensif de la connaissance sur chacun des cas, tout en accumulant un grand nombre de cas, afin de tester à grande échelle les configurations de variables explicatives de différents phénomènes (Braun, 1999). La seconde stratégie, développée par Ragin ( 1987 :564, 1996 :277), combine analyse des configurations causales et analyse statistique. Il s’agit de conserver un niveau satisfaisant de contextualisation des variables tout en multipliant le nombre des cas considérés.

B- Les types de comparaison selon Charles Tilly et Mattei Dogan et Pelassy

Mattei Dogan et Pelassy  sont ceux qui sont allés le plus loin dans la tentative de dresser les différents types de comparaison. Ils proposent cinq stratégies à ceux qui cherchent à monter une analyse comparative[7] (Gazibo, Jane, 2004) à savoir : Le cas d’espèce ; La comparaison binaire ; la comparaison entre pays analogues ; la comparaison entre les pays contrastés et enfin l’homogénéisation conceptuelle d’un espace hétérogène.   

Charles Tilly  est un adepte de la sociologie historique. A ce titre, il a essentiellement travaillé sur de larges processus sociaux dans une perspective historique. C’est le cas de ses travaux sur la sociogenèse de l’Etat ou du militantisme. Dans l’ouvrage Big Structure, Large Processes, Huge

comparisons, il dresse des stratégies de comparaisons de ces grandes structures et processus

larges. Il distingue la comparaison individualisante et la comparaison universalisante.

CHAPITRE IV : LES TECHNIQUES DE COLLECTE DES DONNEES EN SCIENCE POLITIQUE

Nous insisterons dans ce chapitre sur le recours de plus en plus constant à la mathématique, et les techniques les plus usuelles de recueil et de traitement d’informations en science politique.

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Section I : L’utilisation des mathématiques

L’objet d’étude une fois construit, le chercheur doit armer son observation, l’orienter sur des facteurs précis, et pour cela, faire appel à une batterie de techniques, tests, sondages, analyses de contenu, etc. Parmi ces techniques, il y a les mathématiques, dont il est impératif de dire quelques mots.

P1- Domaine d’application des mathématiques en science politique

Il est évident que certaines sciences sociales, et plus particulièrement certains secteurs techniques de ces sciences se prêtent mieux que d’autres, à une quantification. Ceci provient de la nature même des matériaux qu’elles permettent de recueillir. En science politique, c’est certains secteurs comme l’étude des élections, qui se prête d’emblée à une numération, ellemême, à la source de comparaisons entre différents ordres de grandeur. Autrement dit, la technique mathématique, ici, présente l’avantage qu’en passant de l’emploi de symboles verbaux à celui de symboles numériques, l’on dépasse la simple description énumérative des objets étudiés, pour en arriver à des comparaisons sur des échelles de référence. A cet égard plus particulièrement, statistiques et sondages permettent de traiter les chiffres recueillis et aident à découvrir leur signification.

P2- Techniques mathématiques en sciences sociales : Le recours à la mathématique qualitative et la modélisation des données

On touche là aux problèmes du cas d’éléments qualitatifs qu’il est possible de quantifier à condition toutefois de leurs faire subir un certain traitement. En effet, pour arriver sans les appauvrir, à ordonner les éléments qualitatifs les plus intéressants dans une recherche ou saisir un peu plus de l’essentiel de la vie politique et sociale que l’on tente de comprendre, deux démarches, qui concernent l’outil mathématique sont à entreprendre. Les mathématiques qualitatives pour reprendre Pinto et Grawitz dans leur Méthodes des sciences sociales permettent à partir de la constatation de combinaisons régulières entre les phénomènes observés, de considérer que l’algèbre est à même de prévoir l’évolution des systèmes et de mettre en évidence les facteurs qui permettent la transformation éventuelle de ces systèmes. En ce qui concerne le deuxième point, les éléments qualitatifs que l’on désire quantifier, il faut pour cela les organiser sous la forme de modèle. Un modèle est un, ou un ensemble de schémas, qui impliquent la mise en formule de relations entre certains facteurs

Section II : Les méthodes les plus usuelles de recueil d’informations en sciences sociales

En sciences sociales, on travaille à la fois sur des documents statistiques, sur des documents officiels,  et également sur des documents de sources privées. Parfois encore le chercheur en science politique est amené à préparer certains matériaux et il réalise des sondages, pour connaître l’état de l’opinion publique, il interviewe des électeurs ou des hommes politiques. On peut classer en deux les techniques de collecte d’informations en science sociale : les techniques d’enquête et celles de traitement des données.

P1- Les techniques d’enquêtes sociologiques : L’observation, l’enquête ou sondage et l’interview A- L’observation

L’observation permet de recueillir des informations sur les comportements non-verbaux des sujets. Observer est un processus incluant l’attention volontaire et l’intelligence, orienté par un objectif terminal ou organisateur et dirigé sur un objet pour en recueillir des informations. Il existe différentes procédures d’observation en fonction des formes que celle-ci peut prendre ou des contextes dans lesquels elles s’exercent. On pourrait donc entre autre évoquer l’observation participante ou non participante; l’observation inductive ou hypothético-déductive l’observation dissimulée ou non dissimulée ; L’observation systématique ou non systématique  (empirique/fortuite ou scientifique)  et l’observation libre.  La principale ressource de l’observation est l’enquête ou le questionnaire. Par ailleurs, il faut faire la distinction entre l’observation directe et l’observation indirecte. L’observation indirecte : l’observateur étudie le phénomène tel qu’il se déroule sous ses yeux à l’instant t. L’observation rétrospective : un membre du groupe décrit et analyse la réalité passé à laquelle il a été associé.

Dans ce cas-là il est donc observateur après avoir été acteur.

B- L’interview et les enquêtes par sondages ou par questionnaires

L’entretien est une méthode de recueil d’informations qui consiste en des entrevues orales, individuels ou de groupes avec plusieurs personnes sélectionnées soigneusement, afin d’obtenir des informations sur des faits ou des représentions dont on analyse le degré de pertinence, de validité et de fiabilité déterminé en regard des objectifs du recueil d’informations. A l’inverse de la précédente méthode, celle de l’entretien permet d’instaurer un échange au terme duquel l’interlocuteur exprime ses perceptions d’un évènement ou ses expériences. Les questions peuvent être ouvertes, semi-ouvertes ou fermées.  Maurice Duverger distingue des techniques d’interview : Les interviews d’opinion, les interviews documentaires, les interviews de personnalité et les interviews de gens ordinaires. La préparation de l’interview obéit à une organisation précise. Elle consiste à préciser les questions générales et spécifiques de recherche ; à Faire une première rédaction des questions; à organiser la séquence des questions ; à adapter le processus de l’interview aux objectifs visés, à préparer l’introduction et les conclusions, à préparer le système de notation des réponses et à tester le protocole de l’interview. Les enquêtes par questionnaire. Le questionnaire consistent à recueillir de l’information utile au chercheur et qui n’est connue que des seuls sujets. Le sondage : l’enquête par sondage peut se définir comme une technique consistant à interroger une part de la population pour en déduire des résultats valables de la population prise dans son ensemble. A partir soit des calculs de probabilités ou de la loi des grands nombres, les sondages constituent pour les sciences sociales, une technique fondamentale de mesure des opinions individuelles et de l’opinion publique

P2- L’étude de documents comme technique de recueil et de traitement des données

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Le document est toute trace déjà existante de l’activité humaine, qu’elle soit sonore, visuelle ou informatique. L’étude de documents peut recouvrir diverses formes qui dépendront de plusieurs éléments notamment de la nature des documents à analyser, de la quantité des documents à analyser, du but et de l’objet de l’investigation. On peut distinguer deux (02) grands types d’analyse de documents à savoir : la recherche documentaire ou revue de littérature et le dépouillement d’archives. Ces types d’analyse de document recourent à des méthodes d’analyse rigoureuses des documents.

A- La recherche documentaire et le dépouillement des archives

– Les sources documentaires écrites peuvent être constituées de la documentation élaborée et se recensent parmi les documents officiels et privés, la presse et les documents distribués ou vendus.

Les archives publiques et privées, les publications officielles et la presse sont constituées de l’ensemble des documents officiels des administrations et des services publics classés dont la consultation nécessite des procédures particulières compte tenu de l’importance des documents et de la masse des informations disponibles dans les différentes institutions publiques. 

B- Méthodes d’analyse rigoureuse des documents : les techniques qualitatives, celles quantitatives et l’analyse de contenu

-Les techniques qualitatives et quantitatives : analyse quantitative (on va réduire le matériel à quelques catégories pour produire des analyses de fréquence, etc.) et analyse qualitative (on interprète le matériel en décrivant la particularité de quelques catégories analytiques).

-L’analyse de contenu : il convient dans le cadre de cette partie d’insister sur la définition et les  Par définition, l’analyse de contenu est une technique qui consiste à substituer à l’impression subjective que laissent des paroles ou des écrits sur l’observateur, des procédés plus standardisés tendant parfois à quantifier, en tout cas à convertir les matériaux bruts en données pouvant être traitées scientifiquement. Pour cela le texte va être découpé, c’est-à-dire étudié en fonction des idées ou des mots qu’il contient, ceux-ci étant choisis et recensés en liaison avec l’objectif recherché. Berelson donne cette définition de l’analyse de contenu dans, Handbook of Social Psychology de l’INSEE, 488 et suivantes : « C’est une technique de recherche, pour la description objective systématique et quantitative du contenu manifeste des communications, ayant pour but de les interpréter ». Il existe en gros six types d’analyse de contenu selon le but visé et le genre de résultats escomptés par le chercheur à savoir : l’analyse de contenu d’exploration, l’analyse de contenu de vérification, l’analyse de contenu qualitative, l‘analyse de contenu quantitative, l’analyse de contenu directe et enfin l‘analyse de contenu indirecte. L’analyse de contenu repose sur un ensemble d’étapes.

INDICATIONS BIBLIOGRAPHIQUES

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  • Bachelard, Gaston, La formation de l’esprit scientifique. Contribution à une psychanalyse de la connaissance objective, J.VRIN, 5e Edition, 1967.
  • Beau, Olivier, Weber, Florence, 2003, Guide de l’enquête de terrain, Paris, La découverte – Beitone, Alain., Dollo, Christine et al., Science sociale, Paris, 2e édition Sirey.
  • Berelson, Handbook of Social Psychology de l’INSEE,
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  • Bourdieu , Questions de sociologie, Minuit, Paris, 1984, p.83 – Bouveresse et al., Le XXe siècle, Librairie Hachette, 1973.
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  • De Tocqueville Alexis, De la démocratie en Amérique, Gosselin, Paris, 1835.
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[1] Burdeau G., Méthode de la science politique, Paris, Dalloz, 1959.

[2] Filippo m. Zerilli, 2004, « du déménagement comme coupure épistémologique. Durkheim and ethnographical sources », Revue européenne des sciences sociales, Tome XLII, 2004, N° 129, pp. 349-361)

[3] Laurain, 1999, « Le démantèlement  des institutions intermédiaires de la régulation sociale. Vers une nouvelle forme de domination », Sociologie et société, Vol. 21, n°2.

[4] Hyman, 1979, « La théorie des relations industrielles : une analyse matérialiste », Sociologie du travail, n°4.

[5] Bouveresse et al., 1973, Le XXe siècle, Librairie Hachette.

[6] Laurence H. McFalls, Julie Perreault, Nicolas Liorzou, Anca-Elena Mot, 2006, Construire le politique:

Contingence, causalité et connaissance dans la science politique contemporaine, P.U.L

[7] Mamoudou Gazibo, Jenson, Jane, La Politique comparée: fondements, enjeux et approches théoriques, 2004