COURS DE DROIT CONSTITUTIONNEL 1 complet Par le Professeur Alain Franklin ONDOUA. Faculté de Sciences Juridiques et Politiques. UNIVERSITÉ DE YAOUNDÉ 2. (Campus principal, groupe A et Campus annexe d’Ebolowa)

INTRODUCTION GÉNÉRALE : Qu’est-ce que le droit constitutionnel ?

Au sens matériel, le droit constitutionnel est celui qui détermine l’organisation et le fonctionnement des pouvoirs publics. Cette acception sommaire du droit constitutionnel permet de montrer que cette discipline est à la fois récente et ancienne d’une part ; profondément marquée par l’idéologie libérale d’autre part ; sensible à l’évolution des faits enfn.

  1. Un droit d’apparition ancienne

C’est le droit constitutionnel conçu comme un ensemble de normes organisant les pouvoirs publics qui est ancien. Cette ancienneté vaut également pour la discipline portant sur l’étude de cet ensemble. De ce point de vue, le pouvoir politique, dès qu’il atteint un certain stade se soumet à des règles d’organisation et de fonctionnement que l’on peut qualifer de « constitutionnelles ». Dès lors, toute société, même peu développée possède une forme de « constitution ». Il convient d’évoquer à ce propos la codifcation engagée par Aristote, au IVème siècle avant J.-C., ayant pour but de faire rassembler par ses élèves 158 constitutions contemporaines, dont celle d’Athènes, qu’il commenta lui-même. Au Moyen Âge, la renaissance de l’État autour du XIIIème siècle a coïncidé avec l’émergence de la théorie politique et constitutionnelle, qui va à la fois justifer et favoriser cette renaissance.

S’agissant de sa dénomination, le droit constitutionnel apparaît récent. C’est la révolution française qui est ici le moment décisif, avec la rédaction en 1791 de la première constitution écrite formellement désignée sous ce terme, élaborée par une AN qui s’est qualifée de « constituante ». Dès le 26 septembre 1791, l’assemblée donne d’ailleurs l’ordre aux facultés de droit d’enseigner la « Constitution française ». Mais il faudra attendre la Monarchie de Juillet (Charte constitutionnelle du 14 août 1830) pour que le droit constitutionnel acquière véritablement droit de cité, sous l’impulsion du ministre de l’Instruction publique, Guizot. Ce dernier obtient en effet en 1834 la création d’une chaire à la faculté de droit de Paris au bénéfce du publiciste Pellegrino Rossi. Selon Guizot, « l’objet et la forme de

l’enseignement du droit constitutionnel est déterminé par le titre même : c’est l’exposition de la Charte et des garanties individuelles comme des institutions politiques qu’elle consacre ». Le remplacement de ce régime par la IInde République en 1848 n’emportera pas remise en cause de cet enseignement. Après une disparition sous le Second Empire en 1852, le terme et la discipline seront défnitivement rétablis en 1889, sous la IIIème République. Depuis cette date, cette matière n’a plus cessé d’être enseignée dans les Facultés de Droit.

  1. Un droit principalement rattaché à la pensée libérale

Depuis le XVIIIème siècle, le droit constitutionnel semble être fortement lié à la pensée libérale, notamment à travers la notion de « constitutionnalisme ». Pour cette dernière, il n’existe de « véritable Constitution que libérale », consacrant « les principes supra-positifs, les droits de l’homme et la séparation des pouvoirs, destinés à fxer les bornes aux pouvoirs ». C’est la raison pour laquelle on parle par exemple de « monarchie constitutionnelle », synonyme ici de monarchie parlementaire. Par ailleurs, les régimes libéraux, au XIXème siècle, voient dans l’enseignement du « droit constitutionnel » un moyen de légitimation du pouvoir. Ceci induit notamment la tendance, à cette époque, à limiter l’étude du droit constitutionnel aux « règles relatives aux pouvoirs publics et à la garantie des droits dans les régimes libéraux ».

Cette logique d’engagement que recèle le constitutionnalisme libéral implique une vision excessivement restrictive de ce qu’est une Constitution et donc, par conséquent, du droit constitutionnel comme discipline. Elle tend à ignorer que tout État, même despotique ou totalitaire, est soumis à une « Constitution » au sens matériel, et peut donc intéresser ceux qui étudient le « droit constitutionnel ». Cette matière n’est donc, à beaucoup d’égards, que la formulation juridique, plus ou moins transparente, de certaines options politiques et idéologiques.

III. Un droit se déclinant en plusieurs branches

Le droit constitutionnel dépend également de façon très étroite des faits

qui lui sont extérieurs : son environnement social, politique, économique,

international, culturel ou intellectuel. Or ces faits se modifent en permanence, d’où

l’instabilité caractéristique du droit constitutionnel.

En France, cette instabilité concerne d’abord les Constitutions elles-

mêmes. C’est ainsi que pas moins de 16 Constitutions se sont succédé depuis celle du 3 septembre 1791. Cette dernière, par exemple, ne resta en vigueur qu’une dizaine de mois. L’instabilité apparaît ensuite au sein même de ce cadre instable. Ceux qui sont régis par la Constitution, les organes supérieurs de l’État, les gouvernements et les partis sont aussi ceux qui la fabriquent, qui la révisent, qui l’interprètent et qui

l’appliquent. On est ainsi en présence d’une forme de mutabilité de la Constitution.

L’étude du droit constitutionnel qui va suivre aura pour ligne de

conduite de ne s’isoler ni de l’histoire et des faits, au risque d’apparaître vaine et artifcielle (avertissement de L. Duguit). En tout état de cause, il convient de retenir que le droit constitutionnel se décline traditionnellement en trois branches : le droit constitutionnel institutionnel (institutions politiques), le droit constitutionnel normatif (Constitution, comme norme suprême), le droit constitutionnel substantiel (droits et libertés des citoyens). De plus en plus, concernant les sociétés plurales africaines, on parle de droit constitutionnel démotique (composantes sociologiques de la population).

CHAPITRE I : L’ÉTAT

Il conviendra tout d’abord de présenter les éléments constitutifs de l’État (Section 1), ensuite ses caractères juridiques (Section 2), enfn les différentes formes

d’États (Section 3).

Section 1 : Les éléments constitutifs de l’État

Très classiquement, l’État se défnit par trois éléments : le territoire (& 1),

une population (& 2) et un pouvoir politique organisé (& 3).

& 1 – L’élément matériel : le territoire

La population est établie sur un territoire, un espace délimité par des frontières ; sans territoire, le pouvoir de l’État, ses compétences, ne pourraient s’exercer. Un État qui perd son territoire n’est plus un État ; il s’agit dès lors d’un élément objectif essentiel de la défnition de l’État. L’État est par ailleurs délimité par des frontières terrestres, maritimes et aériennes. De tout temps, les États se sont efforcés d’élargir leurs frontières et les ambitions territoriales ont été dans l’histoire l’une des causes essentielles des guerres.

Ce fut le cas par exemple du confit territorial entre le Cameroun et le Nigeria à propos de la presqu’Île de Bakassi, réglé par un arrêt de la CIJ d’octobre 2002 ; arrêt dont les modalités d’exécution ont été précisées par l’Accord de Greentree du 12 juin 2006. Par ailleurs, les États africains ont repris à leur compte le principe de l’uti possidetis, c’est-à-dire celui de l’intangibilité des frontières héritées de la colonisation. Ainsi, l’article 4(b) de l’Acte constitutif de l’UA de 2000 prévoit-il parmi les principes de l’Union : le « respect des frontières existant au moment de l’accession à l’indépendance ».

& 2 – L’élément personnel : la population

Il ne saurait y avoir d’État sans population. Il s’agit du substrat humain de l’État, qui a été longtemps assimilé à la nation. On ne peut pas donner une défnition universelle de l’idée de nation. Il est possible tout d’abord de privilégier des éléments objectifs : la race, la langue, la religion, une culture, une mémoire et une histoire communes (thèse objective de la nation). On peut aussi mettre en avant une composante volontariste : la libre décision d’individus choisissant de s’associer pour un destin collectif commun (thèse subjective de la nation). C’est ainsi que Ernest Renan, parlant de la nation, déclarait que : « c’est un vouloir-vivre collectif » (extrait de la conférence qu’il prononça en 1882, à la Sorbonne, Qu’est-ce qu’une nation ?), c’est-àdire une volonté de vivre ensemble, enraciné dans une histoire et des souvenirs communs. De ce point de vue, l’on peut dire que la thèse subjective de la nation l’emporte sur la thèse objective. Il ne faut néanmoins pas oublier que l’idée de nation a parfois donné naissance aux nationalismes orgueilleux et conquérants, qui font de la nation la valeur suprême (nazisme, situation de l’ex-Yougoslavie). L’on peut par ailleurs se demander si nation et État coïncident.

Alors que dans le passé, en règle générale, la nation précédait l’État (nation allemande, nation italienne ; contra, la France), de nos jours, c’est l’État qui précède la nation (ce fut le cas en Amérique latine, idem de la situation de nombreux États africains). Lorsque nation et État coïncident, on parle d’État-nation. Mais à l’heure actuelle, nombreux de ces États sont minés par l’affrmation de particularismes régionaux, linguistiques, religieux voire ethniques, mettant en cause l’identité nationale. On peut néanmoins rencontrer des situations dans lesquelles la nation et l’État ne concordent pas, notamment parce qu’une nation peut avoir été écartelée par des circonstances historiques (exemple de la nation allemande partagée pendant 40 ans entre la RFA et la RDA). Par ailleurs, le pouvoir de contrainte de l’État ne se limite pas à ses nationaux mais peut porter aussi sur les étrangers qui vivent dans ses frontières.

& 3 – L’élément formel et abstrait : un pouvoir politique organisé

Pour y faire allusion, on parle parfois de gouvernement, mais surtout de pouvoir de contrainte légitime. En effet, l’État a le pouvoir de fxer des règles de comportement et d’en imposer le respect. En effet, il dispose d’abord d’un pouvoir normatif : il défnit un certain nombre de normes qui s’imposent aux particuliers. Elles s’assimilent ainsi à des contraintes. En outre, seul l’État dispose du monopole de la force, du pouvoir d’exiger, par la force si besoin est, le respect des règles ainsi imposées. Il a ainsi le monopole de l’usage légitime de la force. Les autorités gouvernementales, qui agissent au nom de l’État, disposent de l’administration et aussi de la force armée (police, armée, gendarmerie) pour faire appliquer les normes arrêtées par l’État. Ce

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pouvoir peut être poussé très loin : il permet notamment de déposséder des individus de leurs biens, d’envoyer des citoyens à la mort (par exemple en cas de guerre) et d’appliquer lui-même la peine de mort. Pour être légitime, ce pouvoir de contrainte doit être accepté par les administrés ; ils y renoncent en le confant à l’État afn de sauvegarder la paix civile. Mais un tel consentement des gouvernés n’est pas indispensable à l’existence de l’État. Ce dernier peut exercer une violence illégitime, élaborer et appliquer un droit oppressif qui ne respecte pas les droits de l’homme et des citoyens. Cela ne lui fait pas perdre son caractère d’État ; il n’est simplement pas un État démocratique, c’est un État totalitaire ou dictatorial. En tout état de cause, le monopole de la contrainte, de la force peut être considéré comme l’élément déterminant de la défnition de l’État. Un État dans lequel se développent des pouvoirs de contrainte privés conduit à l’anarchie.

Section 2 : Les caractères juridiques de l’État

Il en existe deux principaux : la souveraineté (& 1) et la personnalité

juridique (& 2).

& 1 – La souveraineté de l’État

Qu’entend-on par souveraineté de l’État ? (A) Comment est-elle aménagée

dans le cadre de la participation de l’État aux organisations d’intégration régionale ou

sous régionale ? (B)

  1. A) La notion

Elle a été dégagée par J. Bodin en 1576 (De la République) : il s’agit

d’établir une équivalence entre souveraineté et indépendance absolue. L’expression latine de summa potestas est très souvent utilisée ; elle serait synonyme de pouvoir le

plus élevé ou de commandement suprême dans une société.

Cette conception de la souveraineté consiste à affrmer que l’Etat est

affranchi de toute espèce de subordination vis-à-vis de n’importe quel pouvoir. Elle est très étroitement dépendante de l’époque à laquelle elle fut formulée : il s’agissait, au XVIème siècle, notamment dans le royaume de France, d’affrmer la suprématie du roi sur les différents pouvoirs féodaux, et de marquer l’indépendance de la Couronne à l’égard du Saint-Siège et du Saint-Empire romain germanique. On pouvait ainsi

soutenir à l’époque que : le roi ne tient sa couronne que de Dieu seul, ou encore, le roi est

empereur en son royaume.

Avec Jean Bodin, la souveraineté se retrouve désormais au cœur du droit

public ; elle acquiert ses traits permanents : elle est absolue, perpétuelle (au-delà des individus qui l’incarnent) et indivisible (elle se rapporte à un seul titulaire, qu’il s’agisse d’un être individuel, le roi ou collectif, le peuple). A ce titre, la souveraineté

ne saurait être partagée.

Dans ses rapports avec les autres États, un État souverain n’est soumis à

leur égard à aucune obligation qu’il n’ait librement souscrit : il est indépendant, mais ici, il se heurte à la souveraineté des autres États qui sont ses égaux. Aussi sa souveraineté peut être volontairement limitée par des traités ou par son adhésion à des organisations comme l’ONU ou l’UE. A cet égard, c’est surtout l’intégration

communautaire qui bouleverse la conception classique de la souveraineté.

  1. B) Souveraineté de l’État et intégration communautaire

La participation de l’État aux organisations d’intégration régionale ou

sous régionale entraîne indéniablement des transferts de compétences nationales, qui limitent d’autant l’exercice de la souveraineté de l’État. On peut d’ailleurs observer

que le Cameroun participe à différentes organisations (UA, OHADA, CEMAC, CEEAC, etc.) On peut alors se demander si un tel phénomène n’est pas une menace

pour la souveraineté de l’État.

A ce propos, on doit toujours se poser trois questions principales : * quel est le domaine du transfert de la compétence : il faut se demander si le

transfert touche les droits régaliens de l’Etat (lever l’armée, battre monnaie, contrôler

les frontières, rendre la justice…) ;

  • Quelle est l’ampleur du transfert : s’agit-il d’un abandon complet de

compétence ou seulement de la création de compétences partagées ; l’Etat

camerounais est-il entièrement dessaisi ?

  • Quelles sont les modalités d’exercice de la compétence transférée : une fois le

transfert effectué le Cameroun a-t-il la possibilité de s’opposer à l’usage qu’en ferait

l’Union ? Ce sera le cas par exemple si dans les instances communautaires les décisions dans le domaine transféré ne peuvent être prises qu’à l’unanimité, le Cameroun peut alors empêcher des décisions qui ne lui conviennent pas en votant contre (c’est le principe par exemple dans le cadre de la CEMAC où les décisions sont prises par consensus). Au contraire si les décisions sont prises à la majorité, le Cameroun doit s’y plier même si elles ne lui plaisent pas.

En tout état de cause, dans son préambule, la Constitution camerounaise a tenu à souligner le fait que le Peuple camerounais était « jaloux de l’indépendance de la patrie camerounaise chèrement acquise et résolu à préserver cette indépendance… » ; même si, en contrepartie, il « affrme sa volonté d’œuvrer à la construction d’une Afrique unie et libre… » En tout état de cause, l’État camerounais demeure encore souverain car il dispose toujours de la compétence de sa propre compétence (Kompetenz-Kompetenz selon Georg Jellinek, dans L’État moderne et son droit, publié en 1913. Selon cet auteur, est souverain, le pouvoir qui dispose de la compétence de la compétence, autrement dit est souverain le pouvoir qui peut librement défnir l’étendue de sa propre compétence, qui dispose donc d’une plénitude de compétences).

& 2 – La personnalité juridique

Que recouvre cette notion ? (A) Quelles en sont les conséquences ? (B)

  1. La notion

L’État est présenté comme une organisation dotée de la personnalité

morale. Comme personne morale, l’État est une collectivité organisée, c’est-à-dire une entité abstraite distincte de la personne de ceux qui parlent en son nom (les gouvernants). C’est ainsi que la formule « L’État c’est moi » (utilisée par Louis XIV au XVIIème siècle) n’a plus de mise, car l’État et la personne du gouvernant ne sont plus confondus. La personnalité morale est donc conçue pour donner une existence juridique et une capacité juridique à des groupements d’individus qui poursuivent un but identique.

  1. Les conséquences

L’État est engagé par ses décisions quels que soient les hommes aux pouvoirs. Par ailleurs, les gouvernants ne sont pas propriétaires de leurs fonctions, ils en sont titulaires ou investis. Au regard de ce qui précède, les décisions de l’État peuvent conduire à engager sa responsabilité. De plus, le principe de continuité de l’État implique que sa permanence par-delà les individus qui l’incarnent et les élections. Au Cameroun, c’est le chef de l’État qui est le garant « de la permanence et de la continuité de l’État... » (art. 5(2) L’État dispose d’un patrimoine propre, distinct du patrimoine des gouvernants. Ce patrimoine est considéré comme étant en principe inaliénable et imprescriptible. Comme toute personne physique, l’État peut ester en justice, conclure des contrats, etc.

Section 3 : Les formes d’États

Trois catégories d’États ou de regroupements d’États seront abordés ici :

l’État unitaire (& 1), les États composés (& 2) et les formes anciennes de

regroupements d’États (& 3).

& 1 – L’État unitaire

Après avoir défni l’État unitaire (A), il conviendra de voir comment aménager ce dernier d’une part par la déconcentration (B) et d’autre part par la

décentralisation (C).

  1. A) Défnition de l’État unitaire

Un État unitaire est celui dans lequel tous les citoyens sont soumis au même et unique pouvoir. Un Parlement unique légifère pour l’ensemble des citoyens, ceux-ci sont soumis à l’autorité d’un seul gouvernement et d’un droit identique où qu’ils habitent.

C’est ainsi que l’on a pu parler par exemple de la République unie du Cameroun (Constitution du 02 juin 1972), qui est devenue République du Cameroun à la faveur de la loi constitutionnelle du 04 février 1984. De plus, l’article 1er(2) de la Constitution dispose que « la République du Cameroun est un État unitaire… » ; l’unité nationale est incarnée par le PR (art. 5(2)). Il est par ailleurs interdit qu’une révision de la Constitution porte atteinte à l’unité de l’État (art. 64). Pour rappel, le Cameroun a connu les principales Constitutions suivantes : 4 mars 1960 ; 1er septembre 1961 (Constitution fédérale) ; 2 juin 1972 (Constitution de l’Etat unitaire), ayant notamment connu deux grandes modifcations : 18 janvier 1996 et 14 avril 2018.

  1. B) Centralisation et déconcentration

L’État unitaire est souvent qualifé d’État centralisé lorsque le

gouvernement central dispose de façon exclusive de l’autorité politique, au détriment des entités locales. Mais un État qui prendrait lui-même et directement toutes les

décisions pour l’ensemble du territoire est désormais inconcevable de nos jours.

D’où l’aménagement que constitue la déconcentration : elle consiste pour

l’État à déléguer des pouvoirs de décision des autorités centrales (PR, PM, ministères) à des autorités locales nommées par lui (gouverneurs, préfets, souspréfets, délégations régionales ou départementales des ministères, encore appelés services extérieurs ou déconcentrés de l’État…), lesquelles restent néanmoins soumises au pouvoir hiérarchique des autorités nationales. Il s’agit d’une modalité ou d’un relais de la centralisation. Comme l’affrmait Odilon Barrot au XIXème siècle,

c’est toujours le même marteau qui frappe, mais on en a raccourci le manche. Prendre pour exemple le Décret n° 2008/377 du 12 novembre 2008 fxant

les attributions des chefs de circonscriptions administratives et portant organisation et fonctionnement de leurs services : il considère comme chefs de circonscriptions administratives, les Gouverneurs pour les régions, les Préfets pour les départements et les Sous-Préfets pour les arrondissements (les districts ont été supprimés par le Décret n° 2008/376 du même jour). Ils représentent le Président de la République, le Gouvernement et chacun des ministres, et sont placés sous l’autorité hiérarchique du Ministre chargé de l’administration territoriale.

  1. C) État unitaire décentralisé

La décentralisation consiste à transférer des pouvoirs de décision de

l’État vers d’autres personnes morales de droit public, essentiellement les collectivités territoriales, lesquelles sont administrées par des autorités élues et

soumises à une tutelle administrative des représentants de l’État.

Au Cameroun, l’article 1(2) de la Constitution prévoit que la République

est certes unitaire mais également décentralisée. Dès lors un titre spécifque (titre X) est consacré aux collectivités territoriales décentralisées (CTD) (art. 55 à 62), d’où il

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ressort que :

  • les CTD sont les communes et les régions ;
  • il s’agit de personnes morales de droit public, bénéfciant d’une

autonomie administrative et fnancière pour la gestion des intérêts régionaux et

communaux ;

  • elles bénéfcient du principe de libre administration, et d’un transfert de

compétences de l’État dans les matières nécessaires à leur développement

économique, social, sanitaire, éducatif, culturel et sportif ;

  • elles sont soumises à la tutelle administrative de l’État.

Ces principes ont connu un prolongement législatif : d’abord à travers

l’adoption de trois lois en date du 22 juillet 2004, la première dite d’orientation de la décentralisation, la deuxième fxant les règles applicables aux régions et la troisième fxant les règles applicables aux communes ; ensuite, à la faveur de la loi n° 2019/024

du 24 décembre 2019 portant Code Général des Collectivités Territoriales

Décentralisées (CGCTD)

Il ressort notamment de ce Code que :

  • la décentralisation peut être défnie comme le transfert de l’État aux CTD

de compétences particulières et de moyens appropriés (art. 5(1) ; et elle « constitue l’axe fondamental de promotion du développement, de la démocratie et de la bonne

gouvernance au niveau local » (art. 5(2) ;

  • les CTD exercent leurs activités dans le respect de l’unité nationale, de

l’intégrité du territoire et de la primauté de l’État (art. 2(2) ;

  • l’une des innovations du CGCTD consiste en la reconnaissance d’un

statut spécial aux deux régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, « fondé sur leur spécifcité linguistique et leur héritage historique » (art. 3(1)) ; quelques traductions notables : spécifcités dans l’organisation et le fonctionnement de ces deux régions ; respect des particularités du système éducatif anglophone et prise en compte du système judiciaire anglo-saxon basé sur la common law ; dans l’organisation, on peut souligner quelques spécifcités : une assemblée régionale bicamérale, c’est-à-dire composée de deux chambres (House of Divisional Representatives ; House of Chiefs, art. 332) ; la création d’un Public Independant Conciliator, qui est une autorité

indépendante jouant notamment un rôle de médiateur (art. 376 à 371) ;

  • à travers ses représentants, l’Etat assure la tutelle sur les CTD par le biais

du contrôle de la légalité (art. 72(1) ;

  • la tutelle administrative est exercée, sous l’autorité du PR, par le ministre

chargé des CTD et par les représentants de l’État dans ces CT (Gouverneurs pour les régions et Préfets pour les communes), art. 73 ; elle se manifeste notamment par l’approbation préalable de certains actes importants (budgets, marchés publics, etc., art. 76(1), par la possibilité d’annuler les actes locaux manifestement illégaux (art.

77(4).

& 2 – Les États composés

Les catégories contemporaines sont représentées par l’État fédéral (A) et

les États régionaux ou autonomiques (B), et il existe des formes beaucoup plus anciennes (C).

  1. A) L’État fédéral

Comment se défnit-il ? Quels sont ses principes fondamentaux ?

1) Défnition du fédéralisme

La défnition classique de l’État fédéral revient à dire qu’il s’agit d’un État composé d’autres États (États fédérés). Il superpose des collectivités étatiques distinctes et met en place ainsi une véritable division verticale du pouvoir : à l’étage supérieur se situe l’État fédéral (le « super-État ») et à l’étage inférieur, les États fédérés (Provinces au Canada, Cantons en Suisse, Länder en Allemagne, États aux USA, etc.). Il s’agit là de la forme étatique la plus répandue parmi les grands États où

il s’est révélé relativement effcace (USA, Allemagne, Inde, Brésil, Nigeria…).

La République du Cameroun fut fédérale à partir de la Constitution du

septembre 1961, et ce jusqu’à la loi fondamentale du 02 juin 1972. A ce propos, l’article 1er, alinéa 1er de la Constitution du 1er septembre 1961 disposait que : « La République Fédérale du Cameroun est formée, à compter du 1er octobre 1961, du Territoire de la République du Cameroun, désormais appelé Cameroun Oriental, et du Territoire du Cameroun Méridional anciennement sous tutelle britannique, désormais appelé Cameroun Occidental ».

Soulignons que les tendances actuelles du fédéralisme s’avèrent assez contradictoires. On peut constater une tendance à la dissociation de certains États fédéraux (éclatement des États fédéraux socialistes au début des années 1990 : URSS, Yougoslavie ou Tchécoslovaquie) ; et à l’inverse, une tendance au renforcement de la

coopération entre les deux niveaux de gouvernements dans d’autres États (« fédéralisme coopératif » : il s’agit de manière générale, d’une coopération dans la pratique entre les divers niveaux de gouvernement pour atteindre des objectifs communs au moyen de programmes fnancés conjointement : Allemagne et Canada). Il existe aussi des cas de dislocation d’États unitaires, comme l’illustre le cas de la Belgique. En somme, on peut identifer un fédéralisme par association (Allemagne) et un fédéralisme par dissociation (Belgique).

2) Les principes du fédéralisme

3 principes majeurs : superposition, autonomie et participation.

  1. a) Le principe de superposition

Un État fédéral postule toujours la superposition de deux ordres juridiques : celui des États fédérés et celui de l’État fédéral qui englobe l’ensemble du territoire et recouvre par conséquent les États fédérés. Dans cette perspective, l’État fédéral conduit à superposer deux ordres constitutionnels distincts. Les entités fédérées, qui peuvent se doter de leur propre Constitution et disposer ainsi d’un pouvoir politique autonome, voire de leur propre système juridictionnel. Mais l’ordre constitutionnel des collectivités fédérées doit dans certains cas respecter certains principes prévus par la Constitution fédérale.

Il existe également une dualité d’ordres législatifs. Les autorités des entités fédérées disposent d’un pouvoir normatif relativement large qui a un double fondement : la Constitution de l’État fédéral et les Constitutions de chaque État fédéré. C’est ainsi qu’il existe des lois des États fédérés comme on trouve des lois de l’État fédéral dont le domaine de compétence est fxé par la Constitution. Le droit élaboré par les autorités fédérales bénéfcie en principe de la

primauté sur le droit des États fédérés, en application de l’adage selon lequel « la loi de l’État fédéral brise la loi de l’État fédéré ». L’art. 31 de la LF allemande prévoit ainsi que « le droit fédéral prime le droit du land » (voir aussi l’art. 6 de la Constitution américaine de 1787).

  1. b) Le principe d’autonomie

Il signife que les États fédérés disposent d’une sphère de compétences propres dans laquelle l’État fédéral ne peut s’immiscer. On peut d’abord parler d’une autonomie constitutionnelle car, comme on l’a dit, les États fédérés disposent de leur propre Constitution, ce qui leur confère un pouvoir d’auto-organisation. Il existe ensuite une autonomie législative des entités fédérées. Le

domaine de compétence de ces dernières est garanti par la Constitution. Il en résulte

que ni le gouvernement ni le parlement fédéral ne peuvent y porter atteinte.

On trouve tout d’abord des compétences exclusives : le plus souvent la Constitution énumère les matières qui relèvent de la compétence du législateur fédéral, lequel bénéfcie ainsi d’une compétence d’attribution. Par déduction, les matières non énumérées dans la liste relèvent de la compétence des États fédérés (compétence de principe ou de droit commun).

Il existe ensuite des compétences concurrentes : ce sont des compétences qui

peuvent être exercées concurremment par l’État fédéral et l’État fédéré. On peut enfn rencontrer des compétences complémentaires : il s’agit de compétences qui sont exercées

par les États fédérés en application des lois fédérales.

  1. c) Le principe de participation

Les entités fédérées ont vocation à participer au pouvoir fédéral ; qu’il

s’agisse du pouvoir constituant, du pouvoir législatif ou du pouvoir exécutif.

La participation au pouvoir constituant. La révision de la Constitution

fédérale requiert l’intervention des États fédérés.

La participation au pouvoir législatif. C’est par l’intermédiaire de la

deuxième chambre du Parlement, chargée de les représenter, que les États fédérés participent à la fonction législative (Sénat américain, canadien ou belge, Bundesrat allemand ou autrichien, Conseil des États suisse, etc. Le bicamérisme est donc

inhérent au fédéralisme.

Au sein de la deuxième chambre, cette représentation peut se faire sur un

pied d’égalité (même nombre de représentants pour chaque État fédéré quel que soit son poids démographique). C’est le cas des USA : les citoyens sont représentés par la Chambre des représentants ; les 50 États (petits comme grands), disposent chacun de

deux sièges au Sénat.

Cette représentation peut aussi être inégalitaire : en Allemagne, chaque

land dispose d’au moins trois voix mais les länder qui comptent plus de deux millions d’habitants en ont quatre, ceux qui comptent plus de 7 millions en ont cinq (68 membres).

La participation au pouvoir exécutif. On est ici en présence d’une

participation indirecte des entités fédérées au pouvoir fédéral. A titre d’exemple, le président fédéral est élu en Allemagne par une assemblée composée des membres du Bundestag et d’un nombre égal de membres élus à la RP par les assemblées des

länder.

En tout état de cause, il faut souligner que la participation des États

fédérés au pouvoir fédéral constitue une garantie du respect de leur autonomie.

  1. B) Les États régionaux ou autonomiques

L’État régional (appelé aussi autonomique ou État des autonomies) est

dans une position intermédiaire entre un État unitaire classique comme la France et un État fédéral. On peut se demander s’il s’agit là d’une forme nouvelle d’État ou plutôt d’une forme transitoire, une étape dans un processus d’évolution vers le

fédéralisme.

Ce modèle a été dégagé notamment à partir des systèmes italien,

espagnol ou belge (avant la transformation de la Belgique en État fédéral en 1993). Se rapproche de ces hypothèses : le RU depuis la « dévolution des pouvoirs » à l’Ecosse et au Pays de Galles en 1997 et la mise en place du nouveau statut de l’Irlande du Nord, approuvé par référendum le 22 mai 1998.

En Afrique, la République Démocratique du Congo, par sa Constitution

du 18 février 2006, met en place un Etat « provincial ». En effet, en sus de son caractère uni et indivisible, l’Etat congolais reconnaît des Provinces au nombre 25 et la Ville de Kinshasa. Chaque Province dispose de deux institutions politiques, une Assemblée provinciale d’une part et un Gouvernement provincial d’autre part. Aux termes de l’article 201 de la Constitution, « La répartition des compétences entre le Pouvoir central et les Provinces est fxée par la présente Constitution. Les matières sont, soit de la compétence exclusive du Pouvoir central, soit de la compétence concurrence du Pouvoir central et des Provinces, soit de la compétence exclusive des Provinces ». Cette répartition

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des compétences est matérialisée aux articles 202 à 205 de la Constitution.

Ce type d’État se caractérise par la reconnaissance d’une réelle

autonomie politique reconnue au proft des entités régionales et notamment d’un pouvoir normatif autonome. Il correspond à cet égard à la prise en compte de

certaines spécifcités, qu’elles soient ethniques, culturelles, linguistiques, religieuses. Dans l’État régional, les collectivités bénéfcient d’un véritable droit à l’autonomie

qui est consacré par la Constitution et que l’État doit s’attacher à mettre en œuvre.

La Constitution espagnole de 1978, dans son art. 2, « reconnaît et garantit

le droit à l’autonomie des nationalités et des régions ». Elle permet aux composantes de

l’État (communes, nationalités, provinces…) de s’ériger en « Communautés autonomes ». Exemple de Communautés autonomes : la Catalogne, le Pays Basque,

etc.

La Constitution italienne de 1947 dispose, dans son art. 5, que « la République, une et indivisible, reconnaît et favorise les autonomies locales ; elle effectue dans les services qui dépendent de l’État la plus large décentralisation administrative, elle harmonise les principes et les méthodes de sa législation avec les exigences de l’autonomie et de la décentralisation ». A la différence de l’Espagne, les 20 régions italiennes sont énumérées limitativement par la Constitution (art. 131). Elles sont qualifées

« d’entités autonomes avec des pouvoirs et des fonctions propres » (art. 115) (exemples : Sicile, Sardaigne, Val d’Aoste, etc.). Récemment, deux révisions

constitutionnelles de 1999 et 2001 portant sur le titre V de la Constitution ont conféré davantage d’autonomie aux régions sans pour autant remettre en cause la forme de

l’État qui demeure un État régional.

L’État régional demeure indivisible (cf. art. 5 précité de la Constitution

italienne ; art. 2 de la Constitution espagnole : « La Constitution est fondée sur l’unité indissoluble de la nation espagnole, patrie commune et indivisible de tous les Espagnols… ». L’autonomie des collectivités régionales n’est donc que relative, et l’existence d’un contrôle de l’État sur leurs actes et les limites imposées à l’exercice de leurs compétences législatives permettent d’assurer le respect du caractère unitaire de

l’État.

  1. C) Les formes anciennes

La plus importante est représentée par la Confédération (1), alors que les

Unions personnelle (2) et réelle (3) ont été peu usitées.

1) La Confédération

La Confédération est une association d’États qui tire son origine d’un

traité international, le pacte confédéral, et non d’une Constitution comme c’est le cas pour un État fédéral. Les États confédérés, quel que soit le motif de leur association,

sont placés sur un pied d’égalité : chacun demeure pleinement souverain. Les décisions prises en commun le sont donc à l’unanimité des membres et les règles juridiques émanant de la Confédération ne sont pas d’application directe et immédiate dans l’ordre interne des EM. Elles doivent ainsi faire l’objet d’une réception de la part de ces derniers. Aucune décision susceptible de porter atteinte

aux intérêts propres d’un État confédéré ne peut lui être imposée par la Confédération. La liberté des États y est donc sauvegardée, et ils peuvent quitter la Confédération quand bon leur semble.

La Confédération a souvent précédé l’État fédéral car elle permet un

apprentissage de la vie en commun avant un éventuel approfondissement des liens au sein d’une fédération.

Exemples :

  • Confédération helvétique, origine dans la « Ligue des cantons » créée en 1291 et offciellement proclamée en 1841, c’est la Constitution du 12 sept. 1848 qui créera l’État fédéral, confrmée par le Constitution actuellement en vigueur du 29 mai 1874 ;
  • Les 13 anciennes colonies d’Amérique du Nord après leur proclamation

d’indépendance en 1776, vont s’associer en Confédération en 1781 avant de se

transformer en État fédéral en 1787 ;

  • le Commonwealth, qui est une association d’États issus de l’Empire

britannique et dotée d’un minimum d’organes communs (la Couronne et une

conférence des chefs du gouvernement).

  • L’Union personnelle

Dans ce type d’organisation, il y a un lien dans la personne du monarque

ou du chef de l’État. Quelques exemples tirés de l’histoire : Belgique et État indépendant du Congo de 1885 à 1908 à travers la personne du Roi Léopold II. De

nos jours, certains États du Commonwealth comme le Canada où la Reine

d’Angleterre est le chef de l’État représentée par un Gouverneur.

  • L’Union réelle

Dans cette forme, souvent qualifé d’État fédéral partiel, il y a union dans

le chef de l’État et le Gouvernement, avec une souveraineté commune pour la diplomatie. Ce fut le cas de la Suède et de la Norvège de 1815 à 1905 ou de

l’Autriche-Hongrie de 1867 à 1918.

CHAPITRE II : LA NOTION DE CONSTITUTION

La Constitution est la traduction juridique de la souveraineté d’un État. En

cela, il convient, pour découvrir cette notion, de commencer à préciser les différentes formes que peut prendre une Constitution (Section 1), avant de savoir comme celle-ci

est mise en place et peut ensuite être modifée (Section 2).

Section 1 : La forme de la Constitution

Trois distinctions vont être présentées ci-après : Constitution formelle et Constitution matérielle d’abord (& 1), Constitution écrite et Constitution coutumière ensuite (& 2), Coutume constitutionnelle et Conventions de la Constitution enfn (&3).

& 1 – Constitution formelle et Constitution matérielle

Une première défnition sommaire pousse à considérer que c’est « l’acte

solennel soumettant le pouvoir étatique à des règles limitant sa liberté pour le choix des gouvernants, l’organisation et le fonctionnement des institutions, ainsi que ses relations avec les citoyens » On peut préciser la perspective en distinguant les conceptions matérielle (A) et formelle (B) d’un Constitution.

  1. La défnition matérielle de la Constitution

C’est le contenu de la Constitution qui est pris en compte ici. On parle

donc de l’ensemble des règles les plus importantes de l’État, ou encore l’ensemble des règles juridiques qui relèvent logiquement du droit constitutionnel. En ce sens,

tout État, du fait qu’il existe, possède nécessairement une Constitution.

Celle-ci doit généralement ne comporter que des règles essentielles et

concises : déterminer la nature de l’État (unitaire ou fédéral) ; organiser les relations entre les pouvoirs publics constitutionnels, dans le cadre d’un régime parlementaire, présidentiel ou tout autre régime ; énoncer les droits et libertés dont les individus

sont titulaires.

  1. La défnition formelle de la Constitution

On privilégie ici la procédure juridique ou la force de la Constitution. Elle

se présente comme l’ensemble des règles juridiques élaborées ou révisées selon une procédure supérieure à celle utilisée pour la loi ordinaire. Par conséquent, la norme constitutionnelle est à la fois privilégiée et protégée : privilégiée car elle est unique en son genre ; protégée en ce sens qu’elle est hors d’atteinte des autres normes, qui lui sont, par défnition, inférieures. De ce point de vue, le pouvoir constituant domine et prime les pouvoirs constitués (pouvoirs législatif et exécutif). La mise en place d’un contrôle de constitutionnalité des normes inférieures confrme et garantit la

suprématie de la Constitution.

& 2 – Constitutions écrites et Constitutions coutumières

Toutes les normes constitutionnelles ne sont pas nécessairement écrites. Dans certaines hypothèses, la plupart de ces règles sont d’origine coutumière, d’où la

qualifcation de Constitution coutumière. Ceci étant, la prédominance va aux

Constitutions écrites.

  1. A) Les Constitutions écrites

Il convient d’évoquer, dans un premier temps la notion (1) et, dans un

second temps le contenu des Constitutions écrites (2).

  • Notion

La Constitution écrite donne lieu à la rédaction d’un texte écrit ; elle est

par voie de conséquence la forme la plus moderne de Constitution. En effet, la forme écrite ménage contre l’arbitraire des gouvernants et octroie des garanties de certitude et de sécurité juridique. Une autre garantie de ce type de Constitution consiste en la détermination de l’organe compétent pour la modifer et la défnition de la procédure qui doit être suivie. Les gouvernés sont ainsi assurés d’une relative stabilité des normes constitutionnelles.

  • Le contenu des Constitutions écrites

Même si chaque constituant national est souverainement libre d’établir

son modèle de Constitution, il faut bien reconnaître qu’il existe un fonds commun aux Constitutions. Leur objet est en effet identique : aménager l’organisation et le fonctionnement des pouvoirs publics, ainsi que les relations entre les gouvernants et les gouvernés.

Les déclarations de droits. La plupart des Constitutions contemporaines

comportent un préambule ou une déclaration de droits, ou encore les deux. Ces textes représentent très souvent la philosophie politique du régime, ses valeurs fondatrices ; ils énoncent également les droits et libertés des citoyens dont le pouvoir s’engage à garantir le respect. La plus célèbre des déclarations, apparue avec les premières Constitutions écrites est la DDHC du 26 août 1789, placée par la suite en tête de la Constitution de septembre 1791. Ces déclarations ont très souvent pleine valeur constitutionnelle (cf. art. 65 de la Constitution camerounaise qui dispose que le préambule fait partie intégrante de la Constitution).

Les principes d’organisation économique et sociale. Il s’agit d’un corpus de principes qui est assez récent. On parle très souvent d’une « Constitution sociale » par opposition à la « Constitution politique » (distinction mise en avant par le doyen Maurice HAURIOU). Ces dispositions (protéger la famille, la santé, garantir l’égal accès à l’enseignement, garantir le plein emploi, etc.) ont une valeur beaucoup plus déclaratoire voire programmatique que contraignante (on parle de « Constitution-programme).

Les règles d’organisation et les procédures de fonctionnement des pouvoirs

publics constitutionnels. Ces règles et procédures constituent en quelque sorte le noyau

dur de toute Constitution. Il s’agit par exemple de prévoir des dispositions

concernant la désignation du chef de l’État, l’élection des parlementaires, les rapports entre pouvoirs exécutif et législatif, la procédure de révision de la Constitution, ou encore la mise en place d’un organe chargé de veiller au respect de la Constitution (Cour constitutionnelle), etc. De telles règles sont en principe des prescriptions obligatoires pour les pouvoirs publics constitutionnels, en ce sens que ces derniers

sont liés par ces dispositions, au risque de violer la Constitution.

Dispositions diverses. Certaines dispositions de valeur symbolique pour les

unes (la devise ; le drapeau et l’hymne national est Ô Cameroun berceau de nos ancêtres : art. 1 (4 à 6), voire opératoires pour d’autres (art. 1 (3) : La République adopte l’anglais et le français comme langues offcielles d’égale valeur) peuvent être

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contenues dans des Constitutions.

  1. B) Les Constitutions coutumières

Dans le passé toutes les Constitutions étaient plus ou moins coutumières,

en ce sens qu’elles étaient formées d’une accumulation de coutumes. Il est ainsi parfois soutenu que sous l’AR (avant la Révolution), la France disposait d’une Constitution coutumière, représentée par les lois fondamentales du royaume (règles

non écrites : loi salique, etc.).

Aujourd’hui, on ne dénombre plus que quelques Constitutions

coutumières, la plus célèbre étant celle de la GB (règles coutumières ou conventions de la Constitution qui sont à l’origine du régime parlementaire et de l’institution du premier ministre) ; certains auteurs citent également le cas de l’Arabie Saoudite. Cela étant, on ne peut parler de Constitution purement coutumière, car il existe toujours des textes écrits portant sur tel ou tel aspect de l’organisation et du fonctionnement des pouvoirs publics. Ainsi en est-il de la GB : la Magna carta de 1215, l’Habeas Corpus act de 1679, le Bill of Rights de 1689, les Parliaments act de 1911 et 1949 ; et plus récemment, le House of lords Act de 1999 concernant le bicamérisme ; l’European Communities Act de 1972 et le Human Rights Act de 1998 qui intègrent le droit et le droit européen des libertés au droit britannique.

La Constitution coutumière se crée au jour le jour, au gré des

circonstances ; et s’adapte ainsi à l’évolution de la société et de la vie nationale. Il n’en demeure pas moins qu’elle apparaît très souvent imprécise et souvent diffcile à discerner. En tout état de cause, ce type de Constitution n’est plus assez adapté à la confguration des États démocratiques modernes, notamment aux changements qui

caractérisent les sociétés contemporaines.

& 3 – Coutume constitutionnelle et Conventions de la Constitution

La première question à évoquer ici est de savoir si l’existence d’une Constitution écrite supprime toute possibilité d’apparition d’une coutume constitutionnelle. La deuxième vise à montrer que le texte constitutionnel peut

évoluer à l’épreuve de la pratique.

  1. A) La coutume constitutionnelle

Il nous faut d’abord présenter la notion (1) avant d’aborder les termes du

débat en la matière au Cameroun (2).

1) La notion

On parle souvent d’une succession de précédents, de règles dotées de la

même valeur obligatoire que les règles constitutionnelles écrites. Elle résulte de précédents concordants auxquels les pouvoirs publics acquiescent ou se soumettent. La coutume constitutionnelle peut tout d’abord intervenir pour compléter la Constitution : coutume praeter legem. Il faut en effet reconnaître que l’application des Constitutions écrites peut faire apparaître des lacunes, des problèmes auxquels aucune solution n’a été prévue. La coutume peut venir pallier ces lacunes ou ces vides. On a par exemple expliqué que le statut du Président du Conseil (sous la IIIème République) était coutumier de 1875 à 1934 (l’institution de président du Conseil n’était pas prévue par les LC de 1875 ; à partir de 1879, le PR avait pris l’habitude de choisir une personnalité chargée de former le ministère ; il faudra attendre l’article 23 de la LF du 24 déc. 1934 pour que soit reconnue pour la première fois, l’existence

d’un ministre chargé de la présidence du Conseil).

On peut par ailleurs se poser la question de l’existence d’une coutume

qui contredirait la Constitution, ou annulerait une règle posée par celle-ci (coutume contra legem). Dans cette hypothèse, une disposition constitutionnelle serait abrogée par un usage contraire répété. On prend souvent comme exemple, la pratique des décrets-lois qui soit n’était pas prévue par la Constitution (IIIème République), soit était expressément interdite par le texte constitutionnel (art. 13, Constitution de 1946). Cette délégation au gouvernement par le parlement du droit d’adopter des

normes de valeur législative, aurait été mise en place en violation de la Constitution.

2) L’état de la question au Cameroun

Il est diffcilement envisageable que puisse exister une coutume contra

legem au Cameroun, car la Constitution ne peut être modifée qu’en suivant la procédure complexe et rigide de l’article 63 C. Il faut également ajouter que dans aucune de ses dispositions, la Constitution actuelle ne prévoit une coutume praeter legem. Aucune norme expresse ne prévoit donc spécifquement l’existence d’une telle

coutume.

De ce point de vue, ni le constituant, ni le législateur, ni le juge n’ont

consacré au Cameroun l’existence d’une coutume constitutionnelle comme règle non

écrite obligatoire.

  1. B) Les conventions de la Constitution

Il est nécessaire au préalable de dire quelques mots de la pratique

institutionnelle (1) avant d’évoquer proprement dit les Conventions de la

Constitution (2).

1) La pratique institutionnelle

Les pratiques ne créent pas d’obligation juridiquement sanctionnée ; elles

ont beaucoup plus une valeur politique. Une pratique peut respecter la Constitution comme elle peut en être contraire. Elles peuvent toucher à l’organisation du travail

du gouvernement : l’habitude de réunir les conseils de cabinet le jeudi matin.

Les plus importantes portent sur la manière avec laquelle une autorité

gouvernementale doit envisager son rôle ; elles sont à cet effet liées soit à la personnalité d’un homme, soit au contexte politique. Ainsi les PR ont-ils pour pratique au Cameroun de gérer directement la politique étrangère et les questions liées à la sécurité nationale de défense (forme de domaine réservé du PR, d’où rattachement direct du ministère de la défense, de la DGSN ou encore du Conseil

national de sécurité).

2) Les conventions de la Constitution proprement dites

Il s’agit d’une catégorie intermédiaire de normes entre les coutumes

constitutionnelles et les simples usages ou pratiques (Pierre AVRIL, Les conventions de la Constitution). Il s’agit d’une expression reprise de la Grande Bretagne, où elles ont le sens de règles coutumières ; mais elles n’y complètent pas la Constitution, elles

sont la Constitution (matérielle et souple).

Dans d’autres pays, l’hypothèse désigne des règles non écrites, des

modalités d’application de la Constitution, sur lesquels les gouvernants se mettent d’accord, qui font l’objet d’un consensus, qu’ils s’engagent à respecter. A la

différence des pratiques, elles ont valeur obligatoire.

Elles sont de nature plus politique que juridique, et naissent de

précédents ; leur violation n’est pas juridiquement sanctionnée ; elles ne peuvent être invoquées ni devant un juge ordinaire ni devant un juge constitutionnel. C’est leur différence avec les coutumes : politiquement elles possèdent une grande force

obligatoire, juridiquement elles ne s’imposent pas.

Les conventions sont des compléments indispensables de la Constitution

écrite, dont les règles laissent toujours matière à interprétation pour ceux qui sont chargés de les appliquer. Ces conventions sont nombreuses sous la VèmeRépublique : le droit pour le Président de la République (hors cohabitation) de mettre fn aux fonctions du Premier ministre ; l’organisation au parlement des séances de questions au gouvernement, jusqu’en 1995 ; l’absence pour le Premier ministre d’obligation de solliciter lors de la formation de son gouvernement la confance de l’Assemblée

nationale.

Les conventions découlent d’une interprétation de la Constitution qui

peut s’éloigner de son esprit initial, mais dont l’ensemble respecte une certaine cohérence. Elles peuvent donner au régime une physionomie différente de celle tracée dans le texte constitutionnel : la suprématie des assemblées sous la IIIème République ; l’instauration d’une primauté de l’exécutif présidentiel sous la Vème

République (hors cohabitation).

Section 2 : L’établissement et la révision des Constitutions

Après avoir cerné les contours de la notion de Constitution, il s’agit à

présent de mettre en valeur les conditions d’élaboration et d’adoption d’une nouvelle Constitution (& 1), ainsi que des modalités de modifcation du texte constitutionnel

(& 2).

& 1 – L’établissement des Constitutions

Avant d’envisager les modalités proprement dites d’établissement des Constitutions (A), il convient de présenter la distinction entre pouvoir constituant

originaire et pouvoir constituant dérivé (B).

  1. A) La distinction des pouvoirs constituants

L’on distingue traditionnellement pouvoir constituant originaire (1) et

pouvoir constituant dérivé ou pouvoir de révision (2).

  • Pouvoir constituant originaire (pouvoir constituant)

Ce type de pouvoir constituant s’applique à l’établissement d’une nouvelle Constitution. Il s’exerce soit lorsqu’il n’existe pas de Constitution (hypothèse très rare de nos jours), soit parce que le système ancien a été remis en cause (révolution, coup d’État, etc.). Il peut par ailleurs s’exercer lorsqu’apparaît un nouvel État sur la scène

internationale.

  • Pouvoir constituant dérivé ou pouvoir de révision

C’est celui qui intervient pour modifer, réviser une Constitution existante. Les modalités de son exercice sont généralement prévues par la Constitution elle-

même (exemple du titre XI – De la révision de la Constitution).

Une révision de la Constitution peut, du point de vue de son ampleur,

être proche de la mise en place d’une nouvelle Constitution (c’est le cas par exemple de la loi constitutionnelle du 18 janvier 1996 portant révision de la Constitution du 02

juin 1972).

  1. B) Les modes d’établissement des Constitutions

Quatre modes d’établissement seront étudiés, dont deux sont soit

classiques soit historiques, et deux autres qui ont été expérimentés en Afrique.

  • Le mode d’établissement autoritaire

Dans ce cas de fgure, les gouvernants en place décident d’élaborer une

nouvelle Constitution sans la soumettre au peuple afn que celui-ci puisse l’adopter. On parle alors d’élaboration « fermée ». Il s’agit alors d’une Constitution octroyée par

un acte unilatéral du titulaire du pouvoir en place.

C’est ce qui est apparu notamment dans le cadre des régimes

monarchiques en France (1814 et 1830), ou encore pendant certaines périodes de

régime autoritaire en Amérique latine ou en Afrique.

  • Le mode d’établissement démocratique

Il s’agit des situations dans lesquelles le soin est laissé au peuple d’adopter

la Constitution. Et plusieurs modalités sont envisageables :

Le référendum constituant. Le peuple peut être appelé à se prononcer par

voie de référendum sur un projet de Constitution élaboré par les détenteurs du pouvoir. Le mode peut n’être alors démocratique qu’en apparence ; le peuple n’étant appelé qu’à entériner les choix constitutionnels effectués par le pouvoir en place. Ce fut le cas des référendums napoléoniens en France (1799 et 1852), ou encore de ce que le professeur Bernard CHANTEBOUT a qualifé de « régimes autoritaires à habillage

démocratique ».

L’élection d’une Assemblée constituante. Le peuple peut être appelé à

désigner une Assemblée constituante chargée de rédiger une Constitution. Cette assemblée ne doit assumer ses fonctions que pendant le temps nécessaire pour la rédaction du nouveau texte constitutionnel. Il existe des cas dans lesquels ses

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pouvoirs sont illimités ; elle est alors qualifée de souveraine.

De manière générale, les deux procédés ci-dessus sont souvent combinés :

l’assemblée prépare un projet de texte, à charge pour le peuple de l’accepter ou de le

rejeter à l’occasion d’un référendum.

3) Le mode d’établissement « révolutionnaire » : les Conférences

nationales (souveraines)

Ce mode a été qualifé de « révolutionnaire » par le doyen Maurice KAMTO, lorsque ce dernier parlait de « création révolutionnaire des Constitutions ». Il a été essentiellement expérimenté au début des années 1990, pendant la période

dite du renouveau du constitutionnalisme en Afrique.

En effet, des États (notamment Bénin, Gabon, Mali, Niger, Congo, Tchad et Zaïre) expérimenté un mode révolutionnaire de fabrication des Constitutions, en l’occurrence les Conférences nationales souveraines (illustration de la palabre africaine appliquée au domaine institutionnel ; répercussions dans la mutation de l’ordre constitutionnel vers un horizon démocratique et d’engendrement de l’État de

droit).

Le processus constituant mis en branle par les Conférences nationales

souveraines s’est souvent achevé par une certaine légitimation à travers l’intervention du peuple constituant ; instance de ratifcation dans les processus classiques

d’établissement ou de révision des Constitutions. 4) La question des accords politiques

Les accords politiques sont des textes multilatéraux signés sous la

supervision de la communauté internationale par les différentes parties prenantes à une crise. Il s’agit généralement d’accords de sortie de crise ou d’accords de

transition.

Le contenu de ces accords concerne souvent les principes qui doivent être

respectés par les nouvelles autorités ou les autorités de transition dans l’élaboration

d’une nouvelle Constitution. Autrement dit, ces accords servent parfois de fondement à l’élaboration d’une nouvelle Constitution : exemples des accords

d’Arusha de 2000 pour ce qui est du Burundi.

Certains autres accords contiennent même des dispositions qui s’avèrent

contraires aux celles de la Constitution en vigueur. Il en est notamment ainsi des

accords de Linas-Marcoussis de 2003, qui prévoient par exemple qu’un gouvernement de réconciliation nationale sera mis en place et exercera les compétences reconnues à l’exécutif dans la Constitution de la République de Côte

d’Ivoire.

& 2 – La révision des Constitutions

Elle participe de l’exercice du pouvoir constituant dérivé. Avant

d’envisager comment ce dernier est réglementé par la Constitution camerounaise (A), il convient de présenter la distinction entre Constitutions souples et Constitutions

rigides (B).

  1. A) Constitutions souples et Constitutions rigides

Il s’agit d’une distinction classique de la théorie générale du droit

constitutionnel.

1) Constitutions souples

Une Constitution est en principe souple lorsqu’elle peut être modifée

comme le serait une simple loi, dans le cadre de la procédure législative ordinaire. De ce point de vue, il est diffcile de parler d’une suprématie du texte constitutionnel sur

la loi.

Il existe par exemple des Constitutions écrites qui ne prévoient nullement

de procédure spécifque de révision : c’est une hypothèse extrême. C’est ainsi par exemple que ce pouvoir a été laissé à la libre disposition du monarque dans les Chartes de 1814 (Restauration) et de 1830 (Monarchie de Juillet).

On peut parfaitement soutenir que les Constitutions coutumières sont

généralement des Constitutions souples : l’exemple le plus souvent avancé est celui de la GB où la Constitution peut être entièrement changée par le Parlement votant

une simple loi.

2) Constitutions rigides

On qualife une Constitution de rigide lorsqu’une procédure spéciale est

prévue pour la révision ; procédure plus ardue que la procédure législative ordinaire. L’apparition des Constitutions rigides remonte à la fn du XVIIIèmesiècle avec la rédaction de la Constitution fédérale américaine de 1787.

Le souci le plus courant dans ce domaine est de mettre un certain nombre

de règles et de principes importants hors de la portée du législateur ordinaire : c’est une méfance à son égard. Une Constitution rigide a donc vocation à durer et toute modifcation de ce texte devrait apparaître comme un moment solennel. La rigidité réside notamment dans la qualité des auteurs disposant de l’initiative de la révision, les délais ou encore les conditions de majorité. Deux conséquences importantes sont souvent rattachées à la notion de Constitution rigide :

  • Le législateur ne pouvant pas modifer la Constitution, il lui est interdit

d’adopter des lois qui lui seraient contraires. A ce titre, toute révision déguisée de la Constitution est donc proscrite ;

  • Aucun pouvoir institué par la Constitution (législateur, gouvernement,

juge constitutionnel, etc.) ne peut renoncer à exercer les attributions qui lui sont confées par cette dernière ; ce serait procéder à une révision implicite de la

Constitution.

  1. B) Les procédures de révision de la Constitution

Pour les évoquer, nous prenons l’exemple du titre XI de la Constitution

camerounaise, afn de présenter respectivement les titulaires du pouvoir de révision,

les modalités de la révision et les limites au pouvoir de révision.

  • Les titulaires du pouvoir de révision

Évoquer les titulaires du pouvoir de révision c’est identifer les

personnalités habilitées à prendre l’initiative d’une révision de la Constitution.

L’article 63(1) prévoit à cet effet que cette initiative est partagée. Elle peut

provenir du Président de la République, on parle alors de projet de révision. Elle peut être déclenchée par un tiers au moins des membres de l’une ou de l’autre

chambre du Parlement, il s’agit alors d’une proposition de révision.

L’initiative présidentielle n’est subordonnée à aucune consultation d’un

autre pouvoir public constitutionnel.

  • Les modalités de la révision

Elles sont les mêmes pour les projets et propositions de révision. Ainsi

que le précise l’article 63(3), l’instance compétente pour adopter un projet ou une proposition de révision est le Congrès du Parlement. Ce dernier adopte le texte à la majorité absolue de ses membres, sauf si le PR a demandé une seconde lecture (dans l’hypothèse où il ne serait pas satisfait de la mouture adoptée), et dans ce cas le texte est adopté à la majorité des deux tiers des membres.

C’est la procédure de principe. A titre exceptionnel (art. 63(4), le Président

peut décider de soumettre le texte (projet ou proposition de révision) à l’adoption par

le peuple par voie de référendum ; la majorité simple des suffrages exprimés sufft.

Il faut souligner que toutes les révisions de la Constitution du 02 juin 1972

dont issues d’une initiative présidentielle ; et elles ont toutes été adoptées par le Président et plus précisément par la seule Assemblée nationale.

Il existe sans doute une procédure concurrente à celle de l’article 63. En

effet, l’article 36(1) prévoit qu’après avis du président du CC et des présidents des deux assemblées, le Président peut soumettre à référendum « des projets de loi portant sur l’organisation des pouvoirs publics ou sur la révision de la Constitution ». Autrement

dit, la voie du Congrès du Parlement peut être contournée.

3) Les limites au pouvoir de révision

C’est l’objet de l’article 64 de la Constitution. Cette disposition pose des

limites matérielles à la révision de la Constitution. En effet, cette dernière ne peut avoir pour objet de porter « atteinte à la forme républicaine, à l’unité et à l’intégrité du

territoire de l’État et aux principes démocratiques qui régissent la République ».

Il existe par ailleurs une limite temporelle à la révision de la Constitution,

prévue à l’article 6(4) : le Président du Sénat, en qualité de PR par intérim, ne peut modifer la Constitution pendant cette période d’intérim.

CHAPITRE III : DÉMOCRATIE ET REPRÉSENTATION

Un État de droit est une entité qui respecte le principe démocratique, en

tant que le fondement de tout pouvoir réside dans le peuple. C’est la raison pour laquelle A. Lincoln a pu défnir la démocratie comme étant le pouvoir du peuple, par le peuple et pour le peuple. Comme le précise l’article 3(2) de notre Constitution, « Les autorités chargées de diriger l’État tiennent leurs pouvoirs du peuple par voie d’élections au suffrage universel direct ou indirect… ». Ce pouvoir dans l’État s’exprime à travers l’idée de représentation, et se traduit concrètement par l’exercice d’un droit de

suffrage.

Section 1 : Démocratie et souveraineté dans l’État

Il s’agit d’une part de mettre en avant la distinction entre souveraineté

populaire (SP) et souveraineté nationale (SN) (& 1), qui a des implications sur celle

entre démocratie directe et démocratie représentative (& 2).

& 1 – Distinction SN/SP

C’est la Révolution française qui s’est efforcée de donner un fondement

juridique à la souveraineté résidant dans la collectivité des citoyens, et non plus dans la religion. Deux expressions furent à cette époque indistinctement utilisées : souveraineté du peuple et souveraineté de la nation. Elles avaient l’une et l’autre un même objet au départ : distinguer l’État de la personne royale, le souverain des gouvernants. Elles ont été par la suite systématisées au début du siècle par le juriste

strasbourgeois Raymond CARRE de MALBERG.

Il convient d’abord de présenter les contours de la distinction (A) et de la

relativiser ensuite (B).

  1. A) Présentation de la distinction

La théorie de la souveraineté nationale sera d’abord présentée (1), ensuite

ce le sera pour la souveraineté populaire (2).

1) La théorie de la souveraineté nationale

Le principe en a été formulé par l’art. 3 de la DDHC de 1789 : « le principe

de toute souveraineté réside essentiellement dans la nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d’autorité qui n’en émane expressément ». De ce point de vue, la souveraineté appartient à la nation personnifée par l’État (État = nation juridiquement organisée). La nation forme une entité distincte de ceux qui la composent. Titulaire de la souveraineté, elle est dotée de volonté propre ; et cette volonté est exprimée par ses représentants. Le pouvoir de commandement lui appartient, et non à un individu (roi) ou à un groupe d’individus.

Les conséquences du principe. * La souveraineté est une et inaliénable (art. 2 (1) : « …Aucune fraction du peuple, ni aucun individu ne peut s’en attribuer l’exercice ». En d’autres termes, la souveraineté n’appartient pas pour partie à chaque citoyen, elle

n’est pas atomisée.

  • Elle s’exerce par l’intermédiaire de représentants. La nation étant

abstraite, sa volonté doit s’exprimer par des individus qui parleront en son nom. Il s’agit là du fondement constitutionnel du régime représentatif. La nation choisit donc ses représentants ; ces derniers ne sont pas propriétaires de la souveraineté, s’ils l’exercent c’est par représentation de la nation. Les représentants peuvent être désignés par l’élection, mais la Constitution peut librement confer l’exercice de la

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souveraineté à un monarque. La SN n’est donc pas incompatible avec la monarchie.

  • La théorie de l’électorat-fonction : le choix des représentants n’est pas

une manifestation de la souveraineté individuelle des citoyens-électeurs. Ils agissent au nom de la nation, et exercent en cela une fonction. Cela justife tout d’abord que tous les citoyens ne soient pas nécessairement électeurs : suffrage restreint. La nation peut décider que seules certaines catégories de citoyens désignent ses représentants

(distinction citoyens actifs – citoyens passifs ; suffrage censitaire).

  • Si l’électorat est une fonction, on peut concevoir que ses titulaires ne

sont pas libres de l’exercer ou non et que le vote est obligatoire.

  • Il n’existe pas de lien entre l’électorat et le représentant. Ce dernier ne

représente pas ses électeurs mais la nation tout entière (interdiction de tout mandat

impératif ; mandat indicatif ou représentatif).

2) La théorie de la souveraineté populaire

Jean-Jacques ROUSSEAU (Du Contrat social ou principes de droit politique, 1762). Ce principe a été proclamé deux fois dans l’histoire constitutionnelle française : art. 25, Constitution de 1793 : « la souveraineté réside dans le peuple » ; art. 2, Constitution de l’an III (1795) : « l’universalité des citoyens français est le souverain ».

La souveraineté appartiendrait au peuple, c’est-à-dire à tous les citoyens,

elle serait fractionnée entre eux. Ainsi chaque citoyen serait détenteur d’une parcelle de la souveraineté. Citons à cet égard Rousseau : « Supposons que l’État soit composé de dix mille citoyens. Chaque membre de l’État n’a pour sa part que la dix millième partie de

l’autorité souveraine ».

Ses conséquences. Elles sont très différentes de celles liées à la théorie de la

SN :

  • Si tous les citoyens sont co-souverains, il faut recueillir l’avis personnel

de chacun d’eux sur les décisions à prendre. La SP est donc favorable à la démocratie directe, le peuple s’exprimant librement (par le référendum par exemple) sans avoir

besoin des délégués.

  • Pour des raisons pratiques évidentes, le peuple est cependant obligé

d’élire des délégués (et non des représentants). L’électorat est un droit : tous les citoyens en sont titulaires ; seuls en sont exclus ceux qui ne possèdent pas la citoyenneté (enfants, étrangers, condamnés à certaines peines, malades mentaux). Hormis ces exceptions, le suffrage est universel. Les citoyens sont libres d’exercer leur droit ou non : le vote est donc facultatif.

  • Les liens entre l’électorat et l’élu sont très étroits car toute idée de

représentation est écartée. Les délégués sont investis d’un mandat impératif ; ils peuvent être révoqués par le corps électoral s’ils ne suivent pas les instructions ou s’ils ne respectent pas ce mandat. Les élus sont ainsi chargés d’exposer la volonté de

leurs électeurs.

  • Il y a un risque pour la théorie de la SP, celui d’instaurer une dictature

de la majorité. Cette théorie conduit en effet à ce que la minorité s’en remette à la majorité, en reconnaissant qu’elle s’est trompée sur la volonté générale alors que la majorité a su elle la découvrir. Cette dernière peut donc devenir oppressive sans

rencontrer de limites ou d’opposition.

  1. B) Relativisation de la distinction

A l’heure actuelle, le débat SN – SP est de plus en plus théorique et la

distinction est devenue inutile. La Constitution camerounaise ne choisit pas entre les deux théories : elles sont plutôt combinées à travers la formule selon laquelle, « la souveraineté nationale appartient au peuple camerounais, qui l’exerce soit par l’intermédiaire du PR et des membres du Parlement, soit par voie de référendum » (art. 2(1)). De fait, en pratique, suffrage universel et référendum sont entrés dans les mœurs ; le vote obligatoire a généralement été écarté pour des raisons pratiques. Par ailleurs, délégués ou représentants expriment beaucoup plus la volonté d’une majorité que

celle du peuple ou de la nation.

Il faut d’ailleurs préciser que ce débat entre SN et SP a longtemps eu une

connotation politique. L’idée de SN a une coloration conservatrice, de droite : compatible avec la monarchie et avec le suffrage restreint, favorable au mandat représentatif, elle est suspecte d’un certain mépris pour le peuple. A l’inverse, la gauche se reconnaît dans la théorie de la SP et sa condamnation de la représentation.

En réalité, on peut dire que les deux notions de SN et de SP ont un

caractère essentiellement rhétorique. Elles comportent pour l’essentiel une fonction

instrumentale : justifer et légitimer un certain type d’aménagement de la démocratie.

& 2 – Démocratie directe et démocratie représentative

Cette distinction est le corollaire de la précédente ; comme elle, il convient

de la relativiser à travers le concept de démocratie semi-directe.

  1. A) Présentation de la distinction

Il sera question d’abord de la démocratie directe (1) et, ensuite, de la

démocratie représentative (2).

1) La démocratie directe

Elle est l’expression de la participation directe du peuple à l’exercice du

pouvoir. Aucune représentation ni délégation de pouvoir n’est admise, et le suffrage ne peut être qu’universel car tout citoyen est membre à part entière de la

communauté politique.

Ce type de démocratie peut prendre la forme d’assemblées populaires,

comme il en existe encore en Suisse : elles se réunissent une fois par sur une place,

votent les lois, adoptent le budget et les révisions constitutionnelles.

Mais le procédé le plus utilisé demeure le référendum (ou encore

votations populaires en Suisse). La plupart des Constitutions prévoient la voie du référendum (article 36(1) de la Constitution camerounaise : « Le PR, après consultation du Président du Conseil constitutionnel, du Président de l’Assemblée nationale et du Président du Sénat, peut soumettre au référendum tout projet de réforme qui, bien que relevant du domaine de la loi, serait susceptible d’avoir des répercussions profondes sur l’avenir de la nation et les institutions nationales »). Le référendum peut servir à adopter ou rejeter un texte ; il peut aussi avoir une portée abrogative. Dans certains cas de fgure, l’initiative minoritaire ou populaire est admise.

On a parfois recours aussi au droit de pétition voire à la révocation

populaire. Cette dernière permet aux citoyens de mettre fn aux mandats d’un ou de plusieurs délégués avant l’échéance prévue du mandat (recall aux USA). En cela, la

démocratie directe est compatible avec le mandat impératif.

2) La démocratie représentative

C’est un système dans lequel le pouvoir est confé à des représentants,

notamment par le biais d’assemblées élues. Ce système se justife par le constat de l’impossibilité de concevoir la démocratie directe dans des États très importants par

leur taille ou par la démographie.

Dans un tel système le suffrage universel n’est pas nécessaire ; seuls

certains citoyens peuvent être dignes de parler au nom de l’ensemble de la nation. Ce type de démocratie implique que les mandants (électeurs) désignent des mandataires (élus) ; ces derniers n’étant pas liés aux premiers par un mandat impératif, ils conservent leur liberté de décision, notamment lors de leurs votes au sein des

assemblées. On parle alors de mandat représentatif ou indicatif.

  1. B) La démocratie semi-directe

C’est le choix majoritairement retenu par les démocraties contemporaines. Il s’agit d’une forme d’association entre démocratie directe et démocratie

représentative ; tel que le montre l’article 2(1) précité de la Constitution.

Elle implique la coexistence d’organes élus et représentatifs et de

procédures d’intervention directe de la part des électeurs. La Constitution camerounaise interdit par exemple le mandat impératif (art. 15(3) : « Tout mandat impératif est nul ») ; les deux principaux pouvoirs de l’État sont incarnés par des élus

(art. 4 de la Constitution : « L’autorité de l’État est exercée par : le Président de la

République, le Parlement ») et la loi est principalement l’œuvre de ces représentants. Cependant, la voie du référendum est possible ; elle peut d’ailleurs être mentionnée, dans le cadre de la même procédure, que l’intervention d’organes élus (exemple de la

procédure d’adoption d’une révision de la Constitution).

Section 2 : Droits de suffrage et systèmes électoraux

Quelles sont les conditions d’exercice de ce droit ? (& 1) Les caractères du

suffrage ? (& 2) Les différentes modalités du suffrage ? (& 3).

& 1 – Les conditions de jouissance et d’exercice du droit de vote

Il convient d’évoquer d’abord les conditions de jouissance (A) et ensuite

les conditions d’exercice du droit de vote (B).

  1. A) Conditions de jouissance

Il y a une condition principale, la possession de la nationalité

camerounaise (1), et des conditions complémentaires (2).

1) La condition principale : être de nationalité camerounaise

La principale condition de jouissance du droit de vote concerne la

possession de la nationalité camerounaise. Cette condition est évoquée implicitement à l’article 2(3) de la Constitution qui ouvre la participation au vote à tous les citoyens ; or, la citoyenneté d’un État est très souvent liée à la nationalité de ce

dernier.

L’article 45 du Code électoral de 2012 est beaucoup plus précis lorsqu’il

dispose que : « Est électeur, toute personne de nationalité camerounaise… ». Il convient d’ajouter que, pendant longtemps, les citoyens camerounais résidant ou établis à l’étranger ont été privés du droit de vote. Cette inégalité est désormais abandonnée depuis la loi du 19 avril 2012 modifée portant Code électoral. En effet, l’article 271 de ce Code dispose que : « Les citoyens camerounais établis ou résidant à l’étranger exercent leur droit de vote par la participation à l’élection du Président de la République et au

référendum ». Ce droit de vote est pour l’instant limité à deux catégories de consultations. Si l’on peut logiquement comprendre qu’il ne puisse être étendu aux élections locales (municipales et régionales), on aurait pu imaginer qu’une circonscription des Camerounais de l’étranger soit prévue pour les élections parlementaires ; avec pour conséquence la création de la catégorie des députés ou

des sénateurs des Camerounais de l’étranger.

Il convient de signaler que certains pays accordent le droit de vote à des

non nationaux. C’est le cas par exemple des États de l’Union européenne qui, depuis l’institution de la citoyenneté européenne en 1992, accordent le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales à des ressortissants de l’Union résidant sur leur

territoire depuis au moins 5 ans.

2) L’exigence de conditions complémentaires

D’autres conditions sont prévues par la Constitution et/ou le Code

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électoral. Il en est ainsi tout d’abord de l’âge de la majorité électorale qui est fxé au Cameroun à vingt ans (art. 2(3) C et art. 45 du Code électoral). A titre d’information, l’âge prévu pour être éligible à certaines fonctions dépend du type d’élections : 23 ans pour être conseiller municipal, conseiller régional ou député ; 35 ans pour être

candidat à l’élection présidentielle et 40 ans pour être sénateur.

Les électeurs doivent jouir de leurs droits civils et politiques, et par

conséquent ne pas être frappés d’incapacités électorales prévues aux articles 47 et 48

du Code électoral.

L’article 47 énumère les catégories de personnes suivantes :

  • personnes condamnées pour crime ;
  • personnes condamnées à une peine privative de liberté sans sursis

supérieure à 3 mois ;

  • personnes condamnées à une peine privative de liberté assortie de sursis

simple ou avec probation supérieur à 6 mois ;

  • personnes faisant l’objet d’un mandat d’arrêt ;
  • faillis non réhabilités dont la faillite a été déclarée soit par les tribunaux

camerounais, soit par un jugement rendu à l’étranger et exécutoire au Cameroun ;

  • aliénés mentaux.

Quant à l’article 48, il prive de droit de vote pendant un délai de 10 ans,

sauf réhabilitation ou amnistie, les personnes condamnées pour atteinte à la sûreté de

l’État.

  1. B) Conditions d’exercice

Elles permettent aux citoyens qui remplissent les conditions précédentes

d’exercer concrètement leur droit de vote. Elles sont principalement liées à l’inscription sur une liste électorale. Cette inscription est un droit et non pas une obligation au Cameroun (cf. art. 71 Code électoral : « L’inscription sur les listes

électorales est un droit… »).

Les conditions de cette inscription sont prévues à l’article 46 du Code

électoral, avec quatre cas de fgure :

  • le lien avec la commune : citoyens ayant leur domicile d’origine ou

résidant effectivement dans ladite commune depuis au moins 6 mois ;

  • citoyens ne remplissant pas les conditions d’âge ou de résidence requises

lors de la révision des listes, à condition qu’ils les remplissent avant la clôture

défnitive des inscriptions ou, le cas échéant, le jour du scrutin ;

  • militaires et assimilés de toutes armes : inscription possible sans

condition de résidence, sur le lieu où se trouve leur unité ou leur port d’attache ;

  • citoyens n’ayant pas de domicile ou de résidence habituelle dans une

commune mais justifant de leur inscription au rôle des contributions directes dans la circonscription électorale concernée pour la cinquième année consécutive ; obligation de justifer d’un certifcat de non inscription sur les listes électorales ou de radiation

par le démembrement communal d’ELECAM du lieu du domicile ou de résidence

habituelle de l’intéressé.

Les listes électorales sont permanentes, et elles font l’objet d’une révision

annuelle entre le 1er janvier et le 31 août. Elle consiste soit à ajouter sur la liste électorale les citoyens remplissant les conditions ou ceux précédemment omis, soit à retrancher de ladite liste : les personnes décédées, celles dont la radiation a été ordonnée par décision judiciaire, celles qui ne remplissent plus les conditions exigées

par la loi, celles qui ont été indûment inscrites.

& 2 – Les caractères du suffrage

Au-delà d’être égal et libre, le suffrage fait souvent l’objet d’une

distinction entre caractère universel et caractère restreint.

  1. A) Suffrage universel et suffrage restreint

Deux caractères du suffrage méritent d’être soulignés : universel d’une

part (1), restreint d’autre part (2).

1) Le caractère universel du suffrage

Ce caractère ne peut faire l’objet de discussion au Cameroun car l’article 2 (2) C dispose que « Les autorités chargées de diriger l’État tiennent leurs pouvoirs du peuple par voie d’élections au SU direct ou indirect… ». Autrement dit, tous les citoyens remplissant les conditions fxées par la loi disposent du droit de suffrage ; ceci est d’autant plus le cas que depuis 2012, le droit de vote à certaines élections a été reconnu aux Camerounais établis ou résidant à l’étranger. Et ce droit de suffrage est

ouvert à tous les citoyens sans distinction d’origine, de religion ou de sexe.

Trois catégories d’élections se déroulent au suffrage universel direct au Cameroun : présidentielles (ensemble de la nation comme circonscription), législatives (département comme circonscription) et municipales (commune comme circonscription). Quant aux deux autres, elles le sont au suffrage universel indirect : sénatoriales (région comme circonscription ; collège électoral constitué de conseillers

municipaux et de conseillers régionaux) ; régionales (département comme

circonscription ; conseillers régionaux = délégués des départements au SUI par les conseils municipaux ; représentants du commandement territorial élus par leurs pairs, à savoir chefs traditionnels de 1er, 2ème et 3ème degrés autochtones).

2) Le caractère restreint du suffrage

On y a eu recours dans certains pays et à certaines périodes de l’histoire. Pour ne prendre que le cas de la France, sous le régime des deux Chartes (1814-1848), fut pratiqué le suffrage censitaire : ne pouvaient avoir la qualité d’électeurs que les nationaux ayant payé un cens (impôt d’un certain montant) ; d’où la distinction entre citoyens passifs et citoyens actifs. Par ailleurs, le suffrage fut longtemps masculin ; il faudra attendre l’ordonnance du 21 avril 1944 pour que le droit de vote soit reconnu

aux femmes.

  1. B) L’égalité du suffrage

Comme l’affrme l’article 2(3) C, « Le vote est égal et secret... ». L’égalité de

suffrage renvoie au principe « un homme, une voix », qui s’oppose au vote de

groupe, au vote ethnique ou encore au vote familial. En outre, il interdit en principe le système des quotas qui conduiraient à rompre avec l’unité du corps électoral et l’identité abstraite de tous les électeurs. Ce qui pose le problème de la parité hommefemme ou encore au Cameroun de la prise en compte des minorités et populations autochtones. C’est la raison pour laquelle, à tous les scrutins de liste (municipales, régionales, législatives et sénatoriales), la loi impose que les listes puissent prendre en compte d’une part les composantes sociologiques de la circonscription et, d’autre

part, le genre.

L’égalité de suffrage pose également le problème du poids de chaque

électeur dans les circonscriptions : celles-ci ne sont pas toujours quantitativement égales et le poids de chaque voix ou citoyen n’est par conséquent pas identique. D’où la question du découpage électoral, qui doit tendre vers le respect de l’équité

électorale (poids relativement égal des différentes circonscriptions).

  1. C) La liberté du suffrage

Voter est un droit qui s’exprime librement ; ce qui implique la faculté de

ne pas voter. C’est un devoir civique qui peut se traduire, comme dans certains pays (Belgique, Luxembourg, Grèce) par l’obligation de vote sous peine d’amende. Il peut y avoir des hypothèses dans lesquelles le vote peut apparaître obligatoire : le cas des « grands électeurs » dans le cadre du scrutin sénatorial.

Cette liberté de suffrage pose la question de l’abstention électorale, qui

constitue un mal des démocraties contemporaines. En effet, des électeurs inscrits sur les listes électorales peuvent faire le choix de ne pas prendre part au scrutin, pour les

raisons qui peuvent tenir à l’insuffsance voire à l’inadéquation de l’offre politique.

Cette liberté peut s’exprimer par ailleurs à travers le vote blanc ou nul : le

premier se distingue du second en ceci qu’il exprime un véritable choix conscient de ne pas voter pour les candidats ou les listes en présence ; alors que le vote nul peut

être le résultat d’une erreur, de l’expression d’une colère, voire d’une

incompréhension des règles électorales.

Enfn, la liberté du vote entraîne le caractère secret, qui est un principe

constitutionnel. Il se traduit par exemple par l’obligation de passage dans l’isoloir.

& 3 – Les modalités du suffrage ou les systèmes électoraux

On parle encore de modes de scrutin. Ceux-ci sont déterminants sur le

résultat de l’élection et donc sur la désignation des représentants. Ils ont par ailleurs des effets sur le système des partis et, de façon plus générale, sur la stabilité

gouvernementale.

Chaque pays fait le choix entre scrutin direct ou indirect, uninominal ou

de liste, à un ou à deux tours. Les deux grands modes de scrutins sont les scrutins majoritaires (A) et la représentation proportionnelle (B). Les systèmes mixtes (C)

visent à concilier les deux.

  1. A) Les systèmes majoritaires

Ils peuvent être uninominaux (les électeurs ne désignent qu’un seul

représentant par circonscription) : c’est le cas au Cameroun pour l’élection présidentielle, ou l’élection des députés dans les circonscriptions n’élisant qu’un seul

député. Ils peuvent également être des scrutins de liste.

Les systèmes majoritaires à un tour permettent que soit désigné élu le

candidat ou la liste arrivé(e) en tête (majorité relative). C’est le mode de scrutin utilisé

pour l’élection présidentielle au Cameroun. Le scrutin majoritaire à un tour est souvent critiqué dans la mesure où le candidat ou la liste élue pourrait ne pas être assez représentatif de l’électorat. Ce mode de scrutin a pour conséquence de favoriser

le bipartisme (cas de l’Angleterre ou encore des élections à la Chambre des

représentants aux USA).

Dans les systèmes majoritaires à deux tours, le candidat élu remporte

l’élection ou la liste élue remporte l’ensemble des sièges si la majorité absolue est obtenue à l’issue du premier. Sinon, un second tour est organisé entre les listes ayant obtenu un certain pourcentage des suffrages exprimés (12,5% en France), et la majorité relative permet alors de remporter l’élection. Dans le cadre de ce mode de scrutin, il est généralement soutenu qu’« au premier tour, on choisit et au second tour, on élimine ». De manière générale, il entraîne une bipolarisation de la vie politique et permet de dégager une majorité politique stable de soutien au

gouvernement.

Enfn, il convient de souligner que, par ses effets amplifcateurs des

victoires électorales, les grands partis sont avantagés, au détriment des petits partis (représentant parfois des courants signifcatifs de l’opinion) ne sont pas représentés : stabilité et effcacité gouvernementales au détriment de la représentativité politique.

  1. B) La représentation proportionnelle

C’est un mode de scrutin de liste généralement organisé à un tour. Les

sièges à pourvoir dans une circonscription sont répartis entre les différentes listes en présence proportionnellement au nombre de suffrages qu’elles ont recueillis.

Pour pouvoir participer à la répartition des sièges, les listes doivent

généralement atteindre un certain pourcentage des suffrages exprimés. Le calcul

s’effectue ensuite en deux temps.

La première attribution est faite à partir d’un quotient électoral, qui est

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calculé en divisant le total des suffrages exprimés dans la circonscription par le nombre de sièges à pourvoir. Ce quotient est égal au nombre de voix nécessaire pour avoir un siège. Quotient électoral = nombre total de suffrages exprimés / nombre de

sièges à pourvoir.

Dans un premier temps, chaque liste obtient donc autant de sièges qu’elle

a atteint de fois le quotient électoral. Nombre de siège par liste = nombre total de

suffrages exprimés par liste / quotient électoral.

Mais cette première répartition laisse des restes, c’est à dire des sièges non

pourvus. La répartition des restes peut se faire soit au plus fort reste (qui favorise les

petits partis), soit à la plus forte moyenne (qui favorise les grands partis).

La répartition au plus fort reste implique que dans chaque circonscription,

les sièges non pourvus soient attribués aux listes qui ont le plus fort reste, c’est-à-dire le plus grand nombre de voix inutilisées lors du premier calcul. En cas d’égalité des restes, le siège est revient à la liste qui a obtenu le plus grand nombre de suffrages. Cette méthode avantage les petites formations notamment celles qui n’ont pas réussi à obtenir le quotient électoral mais qui s’en sont approchées et disposent de forts

restes.

Dans la répartition à la plus forte moyenne, il s’agit de calculer quelle serait

pour chaque liste la moyenne des suffrages obtenus par sièges attribués si on accordait fctivement à chacune d’elle un siège supplémentaire. La liste qui obtient la plus forte moyenne reçoit un siège. L’opération se répète autant de fois qu’il reste de sièges à pourvoir.

En tout état de cause, la RP permet d’obtenir une meilleure

représentativité des partis politiques, au détriment parfois de la stabilité et de l’effcacité gouvernementales ; que l’on peut retrouver avec le choix de la répartition à

la plus forte moyenne.

  1. C) Les systèmes mixtes

Ces systèmes combinent scrutin majoritaire et représentation

proportionnelle. C’est le choix retenu au Cameroun pour les scrutins de liste (sans vote préférentiel ni panachage) suivants : municipales, législatives et sénatoriales (pour les 70 sénateurs élus). Il s’agit d’un scrutin mixte à un tour qui prévoit que la liste qui obtient la majorité absolue des voix obtient la totalité des sièges à pourvoir. En cas de majorité relative, la liste arrivée en tête bénéfcie de la moitié des sièges arrondie à l’entier supérieur ; les sièges restants sont répartis, entre les listes ayant obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés, selon la règle du plus fort reste. On s’assure ainsi d’obtenir à chaque fois une majorité sans compromettre l’exigence de représentativité des partis politiques d’envergure nationale.

CHAPITRE IV : SÉPARATION DES POUVOIRS ET RÉGIMES POLITIQUES

Le principe de la séparation des pouvoirs émerge progressivement en Angleterre, puis aux USA et en France. Ce sont John Locke et Montesquieu qui vont, les premiers, en faire une présentation théorique. Il existe plusieurs modèles d’aménagement des pouvoirs : un modèle dit « souple » ou régime parlementaire et un modèle dit « strict » ou régime présidentiel. Il n’en demeure pas moins que ces différents modèles connaissent un certain nombre d’inféchissements en pratique, tenant notamment à une nécessaire collaboration des pouvoirs. C’est la raison pour laquelle, il convient tout d’abord de présenter les origines et les contours théoriques

du principe (Section 1), avant de mettre en valeur ensuite l’aménagement

contemporains des pouvoirs (Section 2).

Section 1 : La théorisation de la séparation des pouvoirs

Il faut d’abord envisager l’apport de l’expérience constitutionnelle

anglaise à l’édifcation de la théorie ; théorie qui fut ensuite systématisée deux

auteurs majeurs.

& 1 – Les origines historiques de la séparation des pouvoirs

Dans l’histoire constitutionnelle britannique, le principe de séparation

des pouvoirs a pu trouver son origine dans la recherche constante d’une limitation des pouvoirs du monarque. En 1066 environ, un système de monarchie absolue caractérise l’Angleterre. Mais progressivement, la noblesse (Conseil du roi) va de moins en moins supporter les manifestations du pouvoir arbitraire que le roi exerce sur elle. On comprend dès lors pourquoi, au début du XIIIème siècle, Jean-sans-Terre sera fait prisonnier par les barons, le contraignant ainsi à s’engager à respecter un pacte établissant les droits et les devoirs réciproques du roi et de ses vassaux. Cela se traduit par la mise en place de la Grande Charte (Magna Carta) en 1215 : elle prévoit notamment qu’aucune contribution ne serait payée par les nobles ou par le clergé s’ils n’avaient donné leur approbation ; en cas de litige entre le roi et l’un de ses

vassaux, un tribunal arbitral, composé des plus hauts barons, devrait statuer.

Au cours du XIVème siècle, un Parlement divisé en deux chambres est

consacré (le Grand Conseil qui affrme progressivement son pouvoir fnancier et son droit d’initiative législative ; réunion des représentants de la petite noblesse et des

communes dans le cadre d’une assemblée séparée, ancêtre de la Chambre des communes). Jusqu’au XVème siècle, le Grand Conseil (désormais Chambre des Lords), conserve une autorité certaine dans un Parlement qui partage de plus en plus le pouvoir législatif avec le monarque. Il faut dire tout de même que les actes importants restent pris sous l’initiative du pouvoir royal. Au XVIème siècle, les rois d’Angleterre continuent d’exercer un pouvoir quasi absolu mais conservent le Parlement, instrument d’opposition très effcace.

Après un certain nombre de troubles et de contestations du pouvoir

royal, de 1685 à 1688, une seconde Charte des droits est adoptée en 1689, garantissant de nouveaux droits au Parlement et étendant les libertés individuelles (Bill of rights). Le roi ne pouvait plus par exemple suspendre l’application des lois sans le consentement du Parlement ou entretenir une armée permanente. De ce point de

vue, la coutume faisant participer le parlement au pouvoir législatif devenait un droit

absolu.

Le pouvoir royal fut encore limité par l’« Acte d’établissement » (Act of Settlement) de 1701, qui consacra notamment le consentement du parlement avant toute déclaration de guerre, l’indépendance des juges à l’égard de l’exécutif à travers la garantie d’inamovibilité, et l’obligation de contreseing des décisions royales par un membre du Conseil privé. Cette dernière disposition postulait ainsi l’existence d’un principe de responsabilité tendant à garantir que l’action des gouvernants reste dans

les limites de la loi.

Ces deux derniers textes limitent de façon considérable le pouvoir royal :

il n’est plus le détenteur exclusif de la direction des affaires du royaume. De plus, elles consacrent la place du Parlement au sein du régime britannique ; régime qui ne se transformera en régime parlementaire qu’au milieu du XVIIIème siècle, lorsque s’établira la coutume selon laquelle le gouvernement doit avoir la confance de la majorité parlementaire. Cela étant, dès la fn du XVIIème siècle, l’émergence d’une séparation des pouvoirs exécutif et législatif octroie ainsi à l’Angleterre son premier

véritable régime constitutionnel.

& 2 – Les théoriciens de la séparation des pouvoirs

Cette longue émergence historique de la séparation des pouvoirs va être

théoriquement consacrée par deux auteurs, l’un anglais (LOCKE) et l’autre français

(MONTESQUIEU).

  1. A) L’invention par John LOCKE

Celui-ci publie en 1690, l’Essai sur le gouvernement civil. C’est la justifcation

théorique de la révolution anglaise de 1688. Cet auteur pose les bases d’une théorie classique de la séparation des pouvoirs qui sera, comme on le verra, développée en France par MONTESQUIEU. Selon lui, trois pouvoirs doivent être distinguées dans

l’Etat : législatif, exécutif et « fédératif ». Pour ce qui concerne ce dernier pouvoir, il est chargé de régler les rapports de l’Etat avec les puissances étrangères. Il est confé, comme le pouvoir exécutif, à l’Etat ou au roi qui le représente. Le pouvoir législatif revient cependant à la société ; pouvoir qui est exercé par le parlement, avec notamment pour rôle de veiller au respect des droits et libertés. Pour que le système apparaisse effectif, les lois doivent quotidiennement être appliquées : c’est la fonction

qui est alors dévolue à un pouvoir exécutif séparé et subordonné au pouvoir

législatif.

  1. B) La systématisation par MONTESQUIEU (Charles-Louis de

SECONDAT)

Sa conception est exposée dans l’Esprit des lois, publié en 1748 ; ouvrage

dans lequel il reprend le concept de séparation des pouvoirs tel qu’exposé par John LOCKE, à la lumière de l’histoire constitutionnelle anglaise. MONTESQUIEU affrme

l’existence de trois pouvoirs séparés : le législatif qui fait les lois, l’exécutif qui les applique de manière générale et le judiciaire qui les applique de manière particulière. Chacun des trois pouvoirs doit être attribué à un organe distinct et indépendant des deux autres. De ce point de vue, la « puissance législative » est exercée par des représentants, la « puissance exécutive » par un monarque et la « puissance de juger » par des « gens ordinaires » ; mais cette dernière fonction est conçue de façon

restrictive par l’auteur, qui considère les juges comme les « bouches de la loi ».

Deux points fondamentaux peuvent être tirés de la théorie de Montesquieu : il donne tout d’abord à la théorie de la séparation des pouvoirs sa formulation moderne en substituant au pouvoir « fédératif » de LOCKE un pouvoir

judiciaire, détaché de l’exécutif. Il affecte ensuite à cette division une fonction précise, qui est de garantir la liberté politique. Il affrme en ce sens que : « les pouvoirs se

limitant les uns les autres, la liberté c’est-à-dire le gouvernement fondé sur la loi, deviendrait

possible ». Il entend ainsi soutenir, à partir de la situation observée en Angleterre, qu’un régime de liberté dépend de la consécration mais aussi du respect effectif de cette séparation des pouvoirs. C’est à condition que chaque pouvoir puisse défendre en permanence ses prérogatives, que « le pouvoir arrêtant le pouvoir », le gouvernement restera modéré. Les transpositions ultérieures du principe de

séparation des pouvoirs révéleront la diffculté à faire fonctionner un modèle « pur ».

Section 2 : Principe de séparation et aménagement contemporain des

pouvoirs

La situation contemporaine conduit au dépassement des modèles

originels et à une présentation imprégnée de pragmatisme des systèmes de

séparation des pouvoirs. Ainsi, les notions de régime parlementaire ou présidentiel, tirés des systèmes de séparation dite « souple » ou « rigide » des pouvoirs ne correspondent plus aux modèles « purs initiaux ». Si l’on a parfois parlé du déclin du principe de séparation des pouvoirs, il n’en reste pas moins qu’il continue de faciliter

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la compréhension des cadres contemporains d’aménagement du pouvoir.

Dès lors, il est possible de dégager trois situations d’aménagement des

pouvoirs : selon que la séparation défnit un régime parlementaire, un régime

présidentiel, ou bien s’efface devant un phénomène de hiérarchisation des pouvoirs.

Citer pour rappel l’article 16 DDHC : « Toute société dans laquelle la

garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de

Constitution ».

& 1 – Le régime parlementaire ou la séparation souple des pouvoirs

L’apparition des régimes parlementaires remonte au XVIIIème siècle en Angleterre et au XIXème siècle en France, et ce en réaction à l’absolutisme monarchique. Malgré leur diversité, ils reposent sur certain nombre d’éléments communs : le principe initial de la séparation dite « souple » des pouvoirs. Cela implique une collaboration des pouvoirs législatif et exécutif s’accompagnant de moyens d’action réciproques, permettant à chacun de remettre en cause l’existence

de l’autre (capacité de destruction réciproque).

  1. A) Interdépendance des fonctions et moyens d’action réciproques

Il existe une interdépendance des fonctions dans le cadre d’un régime

parlementaire : même si législatif et exécutif sont dotés chacun de fonctions spécifques, chacun peut être amené à participer à la fonction exercée par l’autre. Le gouvernement peut jouir, notamment, de l’initiative des lois et le parlement contrôler

l’action gouvernementale.

Sur le plan institutionnel, le système parlementaire suppose un exécutif

bicéphale ou dual, divisé entre un chef de l’Etat et un chef du gouvernement. Dans cette perspective, le chef de l’Etat est politiquement irresponsable ; quant au gouvernement, il assume devant le parlement notamment par le biais du contreseing ministériel, la responsabilité des actes de l’exécutif. En contrepartie de cette responsabilité politique (motion de censure ou question de confance), l’exécutif dispose d’un droit de dissolution, caractéristique essentielle du parlementarisme. C’est la possibilité d’usage davantage que l’usage effectif de ces moyens de destruction réciproque qui permet au système parlementaire de fonctionner (caractère dissuasif : menace d’utilisation) Ce sont des moyens de pression, obligeant à une

collaboration bien comprise entre les pouvoirs.

  1. B) Parlementarisme moniste et parlementarisme dualiste

C’est cette opposition qui est d’abord apparue dans l’histoire

constitutionnelle. Dans le régime parlementaire moniste, le chef de l’Etat ne détient pas de pouvoir autonome lui permettant de jouer un véritable rôle politique. Le gouvernement n’est donc responsable que devant le parlement, expression prééminente du pouvoir, conformément au parlementarisme classique. La plupart des régimes parlementaires européens peuvent aujourd’hui être assimilés à des

régimes monistes.

Il n’en reste pas moins qu’historiquement, c’est la forme dualiste du

régime parlementaire qui a d’abord prévalu, dans la mesure où celui-ci se développait souvent dans le cadre de monarchies constitutionnelles impliquant un partage du pouvoir entre le roi et le parlement. Dans cette hypothèse, le gouvernement apparaît doublement responsable : non seulement devant la

représentation nationale, mais également devant le chef de l’Etat, qui est ainsi amené à jouer un rôle politique effectif. Dans ce type de régimes des confits entre pouvoirs

publics constitutionnels peuvent s’avérer fréquents, entraînant notamment l’instabilité ministérielle voire un blocage des institutions. Le parlementarisme dualiste a pu se rencontrer en GB, en Belgique ou en France notamment au XVIIIème ou au XIXème siècle. C’est par exemple le système qui se met en place en France sous

la monarchie de juillet en application de la Charte du 14 août 1830.

  1. C) Parlementarismes « rationalisé » et majoritaire

Il s’agit ici d’une forme plus moderne de parlementarisme, par

opposition au parlementarisme classique. Pour mettre un terme à l’instabilité ministérielle, certains Etats comme l’Allemagne ou la France vont mettre en place dans leurs Constitutions des mécanismes visant à éviter des confits institutionnels. Il s’agit de ce point de vue de mécanismes de « rationalisation » du parlementarisme : ils tendent soit à permettre au gouvernement, lors de sa formation, de s’assurer du soutien d’une majorité parlementaire (investiture, vote de confance), soit à limiter les possibilités de mise en jeu de la responsabilité ministérielle (encadrement strict des

initiatives et votes de censure).

La rationalisation vise grosso modo à limiter le jeu naturel des principaux

mécanismes du parlementarisme pour éviter les dérives du système et l’instabilité gouvernementale. Cela implique dès lors une régulation souvent tatillonne des rapports entre gouvernement et parlement (censure constructive en Allemagne ; exigences de délais de réfexion ou de majorités qualifées au parlement en France). Evoquer aussi l’aspect effcacité de l’action gouvernementale de la rationalisation (maîtrise de

la procédure législative par le gouvernement en France notamment).

Parlementarisme majoritaire. Il s’agit essentiellement de régimes

parlementaires primo-ministériels avec une prépondérance des chefs de

gouvernement respectifs (GB avec le premier ministre, Allemagne fédérale avec le chancelier ou encore Espagne avec le président du gouvernement). Si les éléments d’équilibre des systèmes parlementaires y fgurent toujours, ces derniers ont peu de chance de fonctionner dès lors que l’on est présence de gouvernements dits de législature (gouvernement soutenu par sa majorité à la chambre basse, durant la totalité du mandat de cette dernière). Cette prééminence est néanmoins compensée par l’existence d’un véritable contrôle démocratique de la fonction gouvernementale (questions parlementaires avec débat, commissions spéciales d’enquête, existence dans certains cas d’une Cour constitutionnelle comme en Allemagne ou en Espagne). Au-delà du jeu des différents modes de scrutins (bipartisme britannique par exemple), la stabilité et l’effcacité de l’action gouvernementale y sont également assurées par les mécanismes de rationalisation du régime parlementaire (vote de défance constructif en Allemagne ou mécanisme de censure constructive en

Espagne).

& 2 – Le régime présidentiel ou la séparation stricte des pouvoirs

Il est caractérisé en théorie par une indépendance organique et une

spécialisation fonctionnelle ; mais en pratique, il implique un nécessaire équilibre des

pouvoirs.

  1. A) Indépendance organique et spécialisation fonctionnelle

Le régime présidentiel apparaît aux USA avec le système politique mis en

place par la Constitution du 17 septembre 1787. Il repose sur une transposition de la théorie de la séparation des pouvoirs de LOCKE et de MONTESQUIEU ; c’est une

séparation dite « rigide ». Cela entraîne en premier lieu une spécialisation claire des compétences de chaque organe constitutionnel (spécialisation fonctionnelle des

pouvoirs). Le législatif a l’initiative et le vote des lois ; l’exécutif est chargé de leur

exécution et le pouvoir juridictionnel juge, éventuellement en interprétant, la Constitution. De ce point de vue, le régime présidentiel ne prévoit pas une interpénétration des compétences comme en régime parlementaire.

La distinction très nette entre les trois pouvoirs est notamment posée par

l’article III, section 1 de la Constitution de 1787 : « le pouvoir judiciaire des USA est dévolu à la Cour suprême et à de telles cours inférieures dont le Congrès peut au fur et à mesure des besoins, ordonner l’établissement ». A travers cette disposition, est consacrée l’existence d’un véritable troisième pouvoir, le pouvoir juridictionnel, placé sur un

même pied d’égalité que les deux autres pouvoirs.

Les rédacteurs de la Constitution américaine ont veillé à assurer

l’autonomie de chacune des trois branches du pouvoir (art. I, section 1 : « Tous les pouvoirs législatifs accordés par cette Constitution seront attribués à un Congrès des EtatsUnis, qui sera composé d’un Sénat et d’une Chambre des représentants » ; art. II, section 1 : « Le pouvoir exécutif sera conféré à un Président des Etats-Unis d’Amérique. Il restera en fonction pendant une période de quatre ans et sera, ainsi que le Vice-président choisi pour la

même durée, élu… »).

Il n’existe pas, dans un tel régime, de moyens d’action réciproques

susceptibles de remettre en cause l’existence de tel ou tel organe législatif ou exécutif,

d’où l’expression séparation rigide : absence de dissolution d’une chambre du parlementaire ou de mise en cause de la responsabilité politique de l’autorité gouvernementale. L’exécutif est dès lors monocéphale puis qu’il n’est pas nécessaire d’en détacher un organe responsable devant le parlement : la totalité du pouvoir

exécutif repose ainsi entre les mains du président des USA.

  1. B) L’équilibre des pouvoirs

L’équilibre des institutions politiques américaines est certes garanti par

l’indépendance et l’égalité de principe des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire. Mais il l’est surtout à la faveur de la mise en place des divers freins et contrepoids, destinés à permettre le bon fonctionnement du régime politique américain.

  1. Les moyens d’action du Président sur le Congrès

Il faut rappeler que le Président des Etats-Unis est investi par la Constitution de l’ensemble du pouvoir exécutif (inexistence d’un gouvernement sous forme collégiale ; présence de simples collaborateurs, en l’occurrence les secrétaires d’Etat…). Il s’agit donc d’un pouvoir exécutif fort. Le chef de l’Etat dispose notamment de deux types de moyens d’action : son rôle « législatif », son droit de

veto législatif.

Le rôle « législatif » du Président américain. En théorie, le Président ne

dispose pas du pouvoir législatif, se cantonnant essentiellement à un rôle d’exécution des lois votées par le Congrès. Cependant, la pratique a mis en exergue l’existence d’un véritable rôle « législatif » du Président. Ainsi en est-il du message sur l’état de l’Union qu’il présente au début de chaque année au Congrès ; droit de « message présidentiel » qui contient de plus en plus un véritable programme législatif. Il y présente notamment les priorités et objectifs à atteindre dans le cadre de l’année à venir. Il s’agit de ce point de vue pour le Président de mobiliser le soutien du Congrès et de l’opinion publique américaine.

Dans la pratique, les recommandations du Président apparaissent

majoritairement suivies notamment dans les périodes où il bénéfcie d’une large popularité. Elles sont souvent relayées par des parlementaires proches du Président, constituant ainsi des limites pratiques à la conception d’indépendance stricte des

pouvoirs.

Le droit de veto en matière législative. Art. I, section 4 ; c’est une pièce

centrale du système de checks and balances. C’est la « faculté d’empêcher » en ce sens que le Président a le pouvoir de s’opposer à l’entrée en vigueur d’une loi adoptée par le Congrès. C’est ainsi que le chef de l’Etat a dix jours pour renvoyer au parlement les textes législatifs auxquels il entend opposer son veto. Une majorité des deux tiers doit être ensuite réunie dans chaque chambre pour renverser le veto : c’est un veto suspensif. Par ailleurs, le Président peut, sans opposer un veto exprès, s’abstenir de signer un texte législatif dans les dix derniers jours d’une session parlementaire et empêcher ainsi l’intervention du texte ; pratique dite du veto de poche (pocket veto). Un tel veto a des effets absolus : la loi ne pourra pas entrer en vigueur ; le parlement ne pourra plus le renverser, dans l’attente de l’ouverture d’une nouvelle session pour

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éventuellement reprendre la discussion du texte en cause.

  1. Les moyens d’action du Congrès sur le Président

La surveillance réciproque et les interactions permanentes entre les

pouvoirs législatif et exécutif, se traduisent du côté du Congrès par l’existence de

pouvoirs d’encadrement par le Congrès de l’action exécutive, de pouvoirs

d’investigation, ou encore de pouvoirs exceptionnels de sanction.

Les pouvoirs d’encadrement. Il s’agit tout d’abord de l’intervention du Congrès en matière budgétaire. Le Congrès dispose d’importants pouvoirs budgétaires qui lui permettent notamment d’exiger l’approbation de l’ensemble des crédits nécessaires à la mise en œuvre de l’action politique de l’exécutif. Cela conduit notamment le Congrès à renforcer sa pression budgétaire sur l’exécutif et à inféchir

certains de ses choix en matière de dépenses publiques.

Il faut envisager ensuite l’intervention du Congrès en matière internationale et

militaire. Le Sénat doit ratifer ainsi, à la majorité des deux tiers, les traités négociés par le Président ; un contrôle de l’activité diplomatique de l’exécutif est ainsi effectué. Refus de ratifer le traité de Versailles mettant en place la SDN (1918). Le Congrès doit également « réglementer le commerce avec les nations étrangères », déclarer la guerre ou lever et entretenir des armées. De plus le War Powers Act a été adopté en 1973 : il impose au Président, lors de tout engagement de forces armées à l’étranger, de solliciter l’avis préalable du Congrès ou en cas d’impossibilité, de lui transmettre un rapport détaillé sur l’opération dans les 48 heures. Il peut, sur cette base, décider

d’autoriser ou non l’intervention. Cela étant, des forces armées peuvent être engagées sans autorisation, et ce en cas de menace grave et imminente. Dans cette hypothèse, le Congrès doit statuer au terme d’un délai maximum de 90 jours sur la

poursuite des opérations ou le retrait des forces.

Il faut enfn évoquer l’intervention du Sénat en matière de nomination aux

emplois fédéraux. Sans l’avis et le consentement du Sénat, le Président ne peut nommer à certains postes-clés pour la conduite de son action (ambassadeurs, juges à la Cour

suprême, secrétaires d’Etat).

Les pouvoirs d’investigation à l’égard des activités du pouvoir exécutif. Il s’agit des Commissions d’enquête du Congrès, créées pour enquêter sur des actions spécifques du pouvoir exécutif ; elles sont chargées de rassembler tous renseignements utiles afn de défnir une intervention législative (préparer ou affner une proposition de loi, décider d’une mise en accusation). Elles disposent

d’importantes prérogatives : possibilité de contraindre les membres de l’exécutif ou tout agent de l’administration à apporter devant elles leur témoignage ou produire tous documents demandés. En cas de refus, ils peuvent être condamnés, pour « outrage au Congrès » à des amendes, voire à des peines de prison. Il s’agit donc d’un moyen redoutable de pression sur l’exécutif. Une des plus célèbres : Commission d’enquête sur le Watergate (Richard NIXON). Le pouvoir de ces Commissions d’enquête constitue un moyen très effcace, pour le Congrès, de

renforcement de sa fonction de contrôle.

Les pouvoirs exceptionnels de sanction. Il s’agit principalement ici du

pouvoir de destitution du Président et des fonctionnaires fédéraux. C’est la procédure d’« impeachment » qui vise le Président, le Vice-président et tous les fonctionnaires civils ou juges fédéraux. La procédure de destitution ne peut être utilisée qu’en « cas de haute trahison, corruption ou autres crimes ou délits majeurs ». C’est une

responsabilité pénale.

Cette procédure comprend deux étapes : le principe de mise en accusation

adopté par la Chambre des représentants à la majorité simple (défnition des charges formelles retenues) ; le Sénat, sous la présidence du président de la Cour suprême, se prononce ensuite sur un vote sur la culpabilité de la personne accusée, à la majorité des deux tiers des présents. Cela emporte destitution ou révocation et interdiction d’occuper tout emploi public ; ce qui n’exclut pas toute autre procédure devant les

tribunaux ordinaires.

Cette procédure n’a été déclenchée qu’une vingtaine de fois et seules deux

mises en accusation ont été pour l’instant adoptées par la Chambre des

représentants : 1868, Andrew JOHNSON, mais il a manqué une voix au Sénat en vue de sa destitution ; 19 décembre 1998, accusation du président CLINTON pour parjure et manœuvres d’obstruction à la justice, rejet de ces chefs d’accusation par le Sénat le 12 février 1999 (comme élément d’approfondissement, rechercher l’objet et les modalités de mise en accusation du président Donald TRUMP). Par ailleurs, en 1974, la seule perspective d’un jugement par le Sénat a précipité la démission du président

NIXON, après un vote positif d’accusation de la Chambre des représentants.

& 3 – Les régimes de hiérarchisation des pouvoirs

Il convient d’évacuer ici les régimes confnant à une négation de la

séparation des pouvoirs voire de l’Etat de droit. Cela renvoie généralement aux régimes autoritaires ou totalitaires, principalement incarnés en Europe par nationalsocialisme allemand d’Adolf HITLER, le fascisme italien de MUSSOLINI ou encore le

régime stalinien de l’Union soviétique.

Dans ces derniers, les organes centraux du parti unique concentrent tout

le pouvoir ; la séparation institutionnelle n’étant qu’un leurre. Un tel régime de confusion des pouvoirs participe de la négation de l’Etat de droit. Cela se traduit principalement par le refus de reconnaissance des droits de l’opposition ou des minorités, l’absence de réelle indépendance du pouvoir juridictionnel et la prédominance absolue des intérêts de l’Etat sur les droits fondamentaux de la

personne humaine.

Quant à la hiérarchisation des pouvoirs, elle ne nie pas forcément

l’existence de pouvoirs séparés mais elle instaure plutôt une prédominance d’un pouvoir sur les autres. Il en est ainsi dans le cadre du régime présidentialiste d’une

part, et du régime d’assemblée d’autre part.

  1. A) Le régime présidentialiste

Cette qualifcation a été imaginée à l’origine pour qualifer les cas de

dénaturation du régime politique américain. En effet, aux USA, le régime politique est consubstantiel à une culture politique et démocratique particulière issue du cadre fédéral et d’un système partisan original. D’où le paradoxe suivant : c’est un régime qui a séduit un certain nombre de pays dans tous les continents sans que l’on puisse véritablement l’imiter. Les pays qui ont procédé à ce mimétisme constitutionnel, faute de réunir les conditions politiques et sociales de l’échiquier américain, ont très vite été caractérisés par une tendance à l’hégémonie du président élu au SUD ; la séparation des pouvoirs devenant illusoire ou ne jouant qu’au détriment du pouvoir

législatif.

C’est le cas des transpositions effectuées en Amérique centrale ou du Sud, en Asie (Corée du Sud ou Philippines) ou en Afrique (Nigeria ou Namibie). L’illustration la plus célèbre de la dénaturation du modèle concerne les régimes latino-américains, souvent qualifés de présidentialistes. Cette hégémonie présidentielle découle notamment d’un large pouvoir d’initiative du président en matière législative, de l’attribution d’un droit de veto sur l’ensemble de la loi ou sur une partie seulement (item veto) et de l’exercice d’un pouvoir étendu. Cela étant certains pays (Costa Rica, Venezuela ou Républicaine dominicaine) laissent entrevoir à l’heure actuelle un relatif rapprochement du modèle américain, en raison notamment : du fonctionnement relativement démocratique de leurs

présidentialismes ou du retour à la démocratie.

Quid du régime politique camerounais ? La Constitution camerounaise

consacre l’existence de trois pouvoirs (titres 2, 3 et 5 : exécutif, législatif et judiciaire,

même si l’art. 37(3) précise que le PR est garant de l’indépendance du pouvoir judiciaire). Elle consacre également une structure de type parlementaire : un exécutif bicéphale, des moyens d’actions réciproques (droit de dissolution présidentiel, art. 8(12) ; responsabilité du gouvernement devant l’AN (art. 11(2) – question de confance et motion de centre (art. 34(2 à 6)) ; des mécanismes de collaboration (initiative partagée des lois et des révisions constitutionnelles ; titre IV sur les

rapports entre pouvoir exécutif et pouvoir législatif, art. 25 à 36).

Ceci étant, cette Constitution couplée à la pratique institutionnelle

semblent dévoiler un régime d’envergure présidentialiste. En effet, le PR défnit la politique de la nation qui est mise en œuvre par le gouvernement. Il dispose d’importants pouvoirs listés notamment aux articles 8 à 10 C (mission générale à

l’article 5). Il est de surcroît irresponsable (actes accomplis en application des articles 5, 8 à 10, couverts par l’immunité et ne sauraient engager sa responsabilité y compris

à l’issue du mandat).

Au-delà des variations doctrinales, on peut penser qu’il s’agit d’un régime

politique d’envergure présidentialiste ; le professeur Alain Didier OLINGA (La

Constitution de la République du Cameroun, 2e éd., 2013, pp. 37-46) soutient l’idée d’un

présidentialisme démocratique. En effet, les éléments de parlementarisme

susmentionné ne contrebalancent pas la tradition et la pratique présidentialistes du régime, comme la prédominance présidentielle consacrée par la Constitution. En somme, les mécanismes du parlementarisme (responsabilité du gouvernement

devant l’Assemblée nationale, initiative parlementaire, etc.) sont neutralisés.

  1. B) Le régime d’assemblée ou régime conventionnel

Dans un régime d’assemblée, l’exécutif ne constitue pas un véritable

pouvoir ; c’est l’exécutant de l’assemblée, seule détentrice d’un pouvoir effectif. Ce fut le cas en France du régime de la Convention et de la Constitution du 24 juin 1793 : l’exécutif était confé à un « Conseil exécutif composé de 24 membres nommés par le « Corps législatif », et ne pouvant intervenir que pour exécuter les décisions de

l’assemblée ; ce qui privait cet organe de toute indépendance.

On considère généralement que la Suisse est un régime d’assemblée. Il

faut dire néanmoins que le Conseil fédéral (7 membres, dont l’un est Président de la Confédération pour un an seulement) qui est élu par l’Assemblée, constitue

cependant un organe qui, par sa nature pluraliste et sa grande stabilité (depuis 1848, on ne compte que 4 Conseillers non réélus), détient la réalité du pouvoir exécutif. Et très souvent, l’Assemblée se cantonne à sa fonction de contrôle.