COURS DE DROIT DES CONTRATS ADMINISTRATIFS Enseignant Par MVAEBEME Eric Stéphane. Docteur/Ph.D en Droit Public. Maitre-Assistant CAMES. Année universitaire 2023-2024.

Table des matières

Objectifs du cours

Le présent enseignement a pour objectif générique de s’inscrire dans la continuité du cours de Droit Administratif General dispensé en L2. Il a pour objectifs spécifiques de mieux saisir, d’appréhender et d’approfondir les connaissances sur les cadres conceptuel et processuel des contrats administratifs. Ainsi, il est question de mieux identifier les contrats administratifs et de mieux saisir les règles qui s’appliquent à eux au Cameroun.

La place qu’occupe les contrats passés par les personnes publiques au Cameroun et dans l’ensemble des Etats subsahariens n’a cessé de croître depuis le vent de libéralisation des années 1990. Les causes de ce phénomène sont connues et sont de tout ordre, économique, politique, institutionnel etc. l’époque n’est plus où la contractualisation n’était qu’une simple idéologie, elle est désormais une réalité avec laquelle il faut compter, avantages et inconvénients compris.

Si en Europe occidentale et dans l’ancien régime, l’administration passait déjà un certain nombre de contrats (achat, concession d’ouvrage, affermage…), l’époque contemporaine a vu l’administration contractuelle s’élevée à un niveau sans précédent.

I-L’OBJET DE LA MATIERE

Les contrats conclus par les personnes publiques sont parfois qualifiés par la doctrine de contrats publics. Cette expression attribuée à Michel GUIBAL désigne les contrats où l’Administration publique est contractante.

La seule notion ayant une existence juridique est celle de contrat administratif. La notion de contrat administratif renvoie aux contrats, qui en vertu d’une qualification législative ou de l’application du critère jurisprudentiel, sont soumis à un régime juridique spécial, présenté comme dérogatoire au droit Civil des contrats et dont le contentieux relève du juge administratif.

Ces contrats sont généralement marqués du sceau de la présence d’une personne publique. Un certain nombre d’activité relève du droit des contrats administratifs. Il en va  ainsi du droit des investissements, de la gestion déléguée des services publics, des marchés publics, des techniques de privatisation et de nationalisation du droit public de la concurrence.

L’importance des contrats administratifs au sein de la société peut se mesurer quantitativement. Le poids économique des contrats liés à la commande publique est en constante augmentation en valeur, ainsi l’on constate la promotion du contrat comme mode normal de l’action de l’administration.

Ce phénomène de centralisation de l’action publique a atteint un degré tel que le modèle

de l’action unilatérale parait suspicieux car trop attaché à l’image d’une  administration qui agit par la voie de la contrainte. On voit ainsi fleurir des contrats dans les champs jusqu’alors marqué par le sceau de l’unilatéralisme (contrat entre Etat et les

entreprises publiques, contrat entre l’Etat et les CTD, ceux passés avec les organismes subventionnés). Plusieurs raisons peuvent être avancées. Outre le déclin de l’autoritarisme, le triomphe de l’idéologie libérale associée aux contraintes budgétaires poussent à externaliser les tâches jusqu’à lors accomplis par l’administration au besoin faisant appel au paiement par usager et au financement des personnes privées.

II- L’INTERET POUR LE DROIT DES CONTRATS ADMINISTRATIFS

Longtemps négligé du point de vue académique, le droit des Contrats administratifs a acquis une place à part entière au sein des sciences juridiques. Outre la multiplication des ouvrages, plusieurs revues juridiques lui sont aujourd’hui entièrement consacrées. Cette profession éditoriale traduit un intérêt nouveau pour les Contrats Administratifs, au plan à la fois théorique et pratique dont la cause ne se réduit pas à l’accroissement du nombre de contrats passés. Cet intérêt tient à :

  • La pénalisation des contrats, qui a sans doute joué un rôle central en introduisant le délit d’atteinte à la liberté d’accès et à l’égalité des candidats à un marché public ou une obligation de Service Public, les différentes lois notamment de 91 et de 93 en France ont fait prendre conscience des risques juridiques en la matière. Le Code camerounais des marchés publics fait étalage des principes d’éthique dans les articles 196 et suivants en réprimant certains travers.
  • L’évolution du contentieux administratif n’est pas étrangère à cette prise de conscience, en ce qu’il a rendu plus efficace la sanction du non-respect des règles de passation.
  • La crise de l’état providence. En Afrique en général et au Cameroun singulièrement,
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le développement des Contrats Administratifs tient aussi à la crise de l’Etat providence qui s’est développée en Europe dans les années 1970. Le mythe de l’Etat providence reposait sur le dogme de l’infaillibilité de l’Etat et sur l’affirmation corrélative de la primauté de la gestion publique sur la gestion privée. L’Etat providence se manifeste en Afrique dans les 20 premières années d’indépendance par la notion d’Administration de développement, qui postule une emprise de l’administration sur la vie économique. En d’autres termes, l’Administration est l’agent et le promoteur du développement. L’efficacité pratique de ce dispositif institutionnel va s’avérer faible, d’où sa remise en cause idéologique par les institutions de Breton Woods

(bailleurs de fonds internationaux) dans le cadre des plans d’ajustement structurels. Ce qui marquera la fin de l’Etat providence.

Le vent de libéralisation qui suivra, fera l’objet de l’adoption des lois et des décrets de règlementation, qui donneront naissance aux privatisations. Ainsi, verront le jour les contrats de concession de la gestion publique au secteur privé (ENEO, CAMRAIL), les contrats d’affermage (ex. CDE), les liquidations d’entreprise publique, la rénovation des marchés publics tel qu’entrepris par le décret n°2004/275 du 24 septembre 2004 portant code des Marchés Publics et le décret du 20 juin 2018 portant code des Marchés publics et les lois de juin 2017 sur les Etablissements publics et les entreprises publiques. L’intérêt pour le droit des contrats administratifs appelle à s’accorder sur le champ d’application de ce dernier.

III- LE CHAMP D’APPLICATION

Le droit des contrats administratifs constitue par excellence le terrain, de la pluridisciplinarité. Ici se conjuguent en effet, les mécanismes de droit privé et de droit public.

S’agissant de ce dernier, on retrouve les aspects relatifs au droit public interne, au droit public international. Cette interdisciplinarité confère au droit des contrats administratifs, son  unité car l’ensemble des mécanismes sus-énumérés converge vers l’activité de production, de distribution de services impliquant la collectivité. L’étude du droit des contrats administratifs amène à questionner tour à tour le cadre conceptuel (Partie I) et processuel (Partie II) de ces derniers.

PARTIE I : LE CADRE CONCEPTUEL DES CONTRATS ADMINISTRATIFS

Pour mieux saisir le contrat administratif, il sied de procéder à son identification (Chapitre I) avant sa catégorisation (Chapitre II).

CHAPITRE I : L’IDENTIFICATION DU CONTRAT ADMINISTRATIF

Les contrats administratifs sont le fruit de l’accord de volontés entre différentes parties. Cet accord de volontés tel que posé par le Professeur Didier Truchet dans la qualification juridique du contrat administratif appelle à s’accorder sur la spécificité du contrat administratif.

Section I : L’identité du contrat administratif

Le contrat administratif n’est pas un acte administratif unilatéral à contenu contractuel ni même un contrat civil de l’administration. Il s’identifie en première analyse par la nature véritablement contractuelle (paragraphe 1) et en seconde par la nature administrative (paragraphe 2).

Paragraphe 1 : L’identité contractuelle

L’idée que le Contrat Administratif soit aujourd’hui considéré comme un véritable contrat (C) relève presque du miracle. Ce miracle est même double si l’on songe que sa nature contractuelle n’est plus sérieuse de nos jours, alors même qu’il n’est pas né contrat (A) et  qu’il n’est pas toujours intégralement contrat (B).

A- Les origines non contractuelles du Contrat Administratif

Le contrat fût d’abord une procédure avant d’être un contrat. Sous l’ancien régime, le

Contrat n’était pas le fruit d’une négociation et d’un accord de l’adhésion d’un cocontractant qui en réalité en était pas un à un acte dont le contenu savait été préalablement déterminé par l’administration. Il n’était pas donc question pour le cocontractant de déterminer les clauses de son contrat, celles-ci lui étaient imposées par l’administration qui les formalisait dans ses cahiers de charge ou dans un statut spécifique.

Le seul contrat que l’administration pouvait conclure était en effet un contrat de droit privé. Cette conception a prévalu après la révolution française et ce n’est qu’avec l’abandon de la théorie des actes d’autorité et de gestion par le tribunal des conflits en 1873 que la  notion de contrats administratifs connaîtra un début de commencement par la conciliation entre l’administrativité et la relativité. Cette évolution ne permettra pas toujours de s’accorder sur le caractère contractuel du Contrat Administratif.

B- La relativité du caractère contractuel du Contrat Administratif

S’il ne fait pas de doute aujourd’hui que le Contrat Administratif est un  véritable contrat, encore faut-il préciser qu’il n’en a pas toujours été ainsi. Le contrat se définit comme l’accord de volonté créant des droits et des obligations. L’accord d’abord synthétise la rencontre de deux ou plusieurs volontés mais ne peut en aucun cas être assimilé à un contrat, car il ne fait naître aucune obligation. Souvent qualifiée d’accord, de protocole, de convention, ces instruments concrétisent des simples déclarations d’intention sans portée juridiques Ce fût la substance de l’arrêt du CE du 21 décembre 2007, région limouzin au sujet d’un protocole d’accord conclu entre 3 régions, l’Etat et la SNCF. Cette définition du contrat n’est pas propre au droit administratif. Il reste que le contrat administratif présente la particularité d’être parfois un contrat à contenu partiellement réglementaire. La circonstance que les contrats administratifs puissent parfois être à contenu réglementaire et se présenter sous forme d’acte mixte, n’enlève cependant rien à leur identité contractuelle.

C- La nature contractuelle du contrat administratif

S’il n’est pas né contrat et s’il n’est pas toujours contrat, le contrat administratif est généralement considéré et à juste titre comme possédant une nature véritablement contractuelle. Le contrat administratif, comme tout contrat, est un accord de volontés entre deux ou plusieurs personnes en vue de produire des effets de droit. Il se caractérise par une procédure (accord de volontés) et des effets (production des effets de droits).

Pour qu’on puisse parler de contrat administratif, il faut que les volontés se rencontrent, souvent dans le cadre d’une négociation. Même comme, il existe des contrats dont le contenu est prédéterminé et non négociable. Le contrat peut être verbal ou tacite. Le contrat quel qu’il soit génère des obligations pour les parties contractantes. Le contrat crée des obligations réciproques et interdépendantes entre les parties, chacune jouant le rôle de créancier et de débiteur (ex. le marché public).

Paragraphe 2 : L’identité administrative

La qualification des contrats conclus par l’administration est opérée en application de la loi ou des critères jurisprudentiels. L’importance respective des qualifications textuelles et jurisprudentielles a pu simplement varier selon les époques. Les premières ont permis l’affirmation de la compétence des juridictions administratives à une période où la théorie des actes d’autorité et de gestion conduisait à transférer le contentieux contractuel de l’administration au juge judiciaire. Ce n’est qu’au début du 20e siècle que les critères jurisprudentiels ont été affirmés et conceptualisés par le juge administratif et la doctrine. A ce titre, ils ont largement contribué au développement et à l’édification de la théorie générale du Contrat Administratif.

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Cependant, leur application a parfois généré de redoutables difficultés et le législateur a pris parti à compter du début du 20e siècle de qualifier d’importantes catégories de contrats

(A) de sorte qu’ils ne jouent plus aujourd’hui qu’un rôle secondaire (B).

A- Les qualifications légales

La qualification du contrat doit être le fait de la loi. Le législateur étant seul compétent pour fixer les limites des juridictions administrative et judiciaire. Telle est la substance de l’arrêt du Tribunal des Conflits du 2 mars 1970, Société Duvoir avec les conclusions de Guy Braibant.

La qualification législative du contrat administratif peut porter sur les contrats, comme c’est le cas pour les marchés publics (code des marchés publics du 20 juin 2018), pour les contrats de partenariat (Loi n° 2006/012 du 25 juillet 2023 fixant le régime général des contrats de partenariat public privé) ou les multiples baux emphytéotiques que le législateur qualifie de contrats administratifs. La qualification législative peut également résulter d’une attribution de compétences au profit du juge administratif comme c’est le cas pour les litiges relatifs aux concessions d’occupation du domaine public ou les litiges relatifs aux cessions de biens immobiliers de l’Etat (loi de 2006 portant organisation judiciaire au Cameroun).

Ces méthodes de qualification ne sont pas exclusives. Le Droit positif n’en donne aucun exemple pour interdire du reste au législateur de déterminer la nature juridique d’un contrat en définissant son régime juridique. Le législateur est également intervenu pour qualifier certains contrats de louage de service afin de faire obstacle à une qualification jurisprudentielle administrative de nature à susciter chez les agents concernés un espoir d’intégration dans la fonction publique.

La tendance est aujourd’hui à l’augmentation du nombre de contrat qualifiés par la loi, et cette tendance est d’autant plus remarquable qu’elle est favorable à la notion du Contrat Administratif. En effet alors que le législateur est resté historiquement à l’écart de la qualification des contrats de l’administration, il s’est saisi du sujet dans une période plus récente, en retenant quasi systématiquement la qualification des Contrats Administratifs. Une telle évolution n’est pas sans conséquence quant à l’identité du Contrat Administratif. Elle implique en effet une hypertrophie de la notion de contrat administratif en incorporant dans cette catégorie toute une série de contrats dont ni l’objet ni la nature intrinsèque ne justifient en réalité une telle solution. C’est dire que certains contrats de l’administration foncièrement de droit privé sont parfois qualifiés d’administratifs alors que rien ne fonde la compétence du juge administratif et l’application du régime juridique du contrat administratif.

L’équation en question est fragilisée pour les contrats dont la nature réelle est privée mais qui néanmoins qualifié d’administratifs par le législateur, de ce point de vue, les qualifications jurisprudentielles sont souvent plus pertinentes et plus respectueuses de la notion de contrat administratif.

B- Les qualifications jurisprudentielles

Bien que jouant aujourd’hui un rôle secondaire en raison de la multiplication des qualifications légales, les critères jurisprudentiels du Contrat Administratif demeurent d’une utilité incontestable. Utilité pratique tout d’abord, car quoi qu’on en dise parfois, il conserve une fonction essentielle en permettant de qualifier tous les contrats non visés par une dénomination législative.

En principe, deux catégories de critères permettent au juge de déterminer la nature du contrat objet du litige. Le critère organique et le critère alternatif.

A- Le critère organique

Le principe jurisprudentiel en matière d’identification des contrats administratifs au regard du critère organique est qu’il y a contrat administratif si l’une des parties contractantes est une personne publique. Un contrat signé entre deux personnes privées ne peut, en principe, être qualifié de contrat administratif car le critère organique ne peut être considéré comme rempli,

à savoir la présence au moins d’une collectivité publique comme partie contractante. Ainsi, deux personnes privées ne peuvent pas conclure un contrat administratif, sauf si l’une d’entre elle agit au nom et pour le compte d’une personne publique ; l’on parle ici de l’idée de ‘’représentation’’ et de ‘’mandat’’ (T.C, 8 juillet 1963, Entreprises Peyrot).

B- Le critère alternatif

C’est un critère janus c’est-à-dire biface, il est soit matériel soit finaliste. La jurisprudence n’établit pas de hiérarchie entre ces deux aspects du critère alternatif. En principe, l’application de l’un n’implique pas l’application de l’autre. Autrement dit, il s’agit de deux dimensions distinctes d’une réalité donnée. Elles ne devraient donc pas être cumulatives (CCA, arrêt n° 83 du 22 décembre 1951, Renucci c / Administration du Territoire.)

Cette dualité, depuis longtemps admise par la jurisprudence française et camerounaise, a été relativisée, voire remise en cause par le juge administratif camerounais, notamment dans le jugement n°147/04-05/ADD, UM NTJAM François rendu par la Chambre administrative de la Cour suprême le 31 août 2005. Dans cette décision, en effet, le juge consacre, en toute vraisemblance, le cumul des critères finaliste et matériel. Il affirme en substance : « (…) pour qu’un contrat soit administratif, il faut la participation du contractant à l’exécution du service public ;(…) de même, pour qu’un contrat soit administratif, il faut qu’il ait pour objet même l’exécution du service public ; (…) en d’autres termes que l’exécution du contrat ait pour but la satisfaction de l’intérêt général ; (…) il en résulte que tous les contrats conclus par l’Administration dans un tel but sont des contrats administratifs ; (…) enfin  (…) le contrat administratif doit contenir des clauses exorbitantes du droit commun qui sont des stipulations ayant pour objet de conférer aux parties des droits ou de mettre à leur charge des obligations étrangères par leur nature à ceux qui sont susceptibles d’être librement consentis par quiconque dans le cadre des lois civiles ou commerciales ; (…) il s’agit en d’autres termes des clauses qui diffèrent par leur nature de celles qui peuvent être inscrites dans le contrat analogue de droit privé ; (…) de telles clauses relèvent que les parties se sont placées sous un régime de puissance publique et une seule d’entre elles suffit à comprimer au contrat le caractère administratif ».

1- Le critère matériel

Ce critère renvoie au contenu du contrat. Si ce dernier contient des clauses dites exorbitantes de droit commun c’est-à-dire des clauses que l’on ne retrouve pas dans un contrat de droit privé, c’est qu’il s’agit d’un contrat administratif ( CS/CA, jugement n°

n°147/04-05/ADD du 31 août 2005, UM NTJAM François c/ Etat du Cameroun : « (…) il résulte de la combinaison des clauses de la convention (…) que le coconsultant de l’Administration n’était pas libre de choisir un programme déterminé d’animation culturelle, mais qu’il devait se conformer à celui qui était imposé par la puissance publique , qui, de surcroît avait le pouvoir de résiliation unilatérale de la convention en cas de non-respect par l’intéressé du programme ainsi imposé ; (…) pareilles stipulations ne se rencontrent pas dans un contrat de droit privé »).

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Ces clauses, que l’on qualifie aussi de dérogatoires, doivent répondre à des préoccupations d’intérêt général étrangères aux particuliers (CE, 23 mai 1924, Société des affréteurs réunis et TC, 10 février 1967, Préfet de la Seine). A défaut d’une clause exorbitante individualisée, le fait pour un contrat d’être dans son ensemble soumis à un  régime exorbitant de droit commun lui confère également le caractère administratif (CE, 19 juin 1973, Société d’exploitation de la rivière du Sant).

2- Le critère finaliste

Ce critère concerne l’objet du contrat. Pour la jurisprudence, le contrat est administratif s’il a pour but l’exécution d’un service public (CE, 20 avril 1956, Consorts Grimouard) ou lorsqu’il a pour objet de confier à un particulier l’exécution même du service public (CE, 20 avril 1956, époux Bertin ; CS/CA, jugement n°147/04-05/ADD du 31 aout 2005, UM NTJAM François c/ Etat du Cameroun : « Que l’animation dont s’agit était réalisée non pas dans l’intérêt particulier, mais dans l’intérêt public, comme afférente à la célébration de la journée mondiale de l’environnement » ).

Il en est de même des contrats par lesquels l’administration recrute des collaborateurs appelés à participer directement à l’exécution du service public (CE 2 juin 1954, Vingtain & Affortit).

Dans tous ces cas, le contrat administratif relève, au plan contentieux, de la compétence du juge administratif. Mais, s’il s’avère que ce contrat concerne l’exécution d’un service public industriel et commercial, il est, non pas public, mais privé, et relève, par conséquent, de la compétence du juge judiciaire (CE, 31 juillet 1912 société des granits Porphyroïdes de Vosges).

Section II : La spécificité du contrat administratif

La notion de Contrat Administratif a été créée par les textes et la jurisprudence avec l’idée qu’il était indispensable de confier son contentieux à un juge spécifique : le juge administratif. Il serait le mieux à même de doter son régime juridique. C’est dire que l’idée

de spécificité est consubstantielle aux Contrats administratifs. Elle constitue sa raison d’être.

S’il n’était pas soumis à un certain nombre de règles originales dérogatoires au droit commun, le Contrat Administratif ne serait qu’une notion contentieuse dont la fonction se limiterait à dicter la compétence juridictionnelle pour connaître des litiges qu’il est susceptible de faire naître.

Le Contrat Administratif tient compte de la situation particulière du droit français qui envisage les contrats de l’administration sous un angle différent. Ils sont appréhendés au regard des finalités qu’ils poursuivent et se partagent donc entre ceux qui sont des Contrats Administratifs et ceux qui sont des contrats privés. Loin d’être une notion justifiant des dérogations ponctuelles délimitées au droit commun, le Contrat Administratif présente la particularité d’être doté d’un régime juridique complet autonome d’origine jurisprudentielle qui s’applique sans texte indépendamment de la volonté des parties et parfois même contre elles. Le régime juridique du Contrat Administratif présente trois particularités notables. Il est en effet un régime juridique complet et général (paragraphe I), ainsi qu’original (paragraphe II).

Paragraphe I : La généralité et la complétude du régime juridique du Contrat Administratif

Le droit positif consacre l’existence d’un régime juridique général du Contrat

Administratif, c’est-à-dire d’un ensemble de règles qui s’applique à tous les Contrats Administratifs indépendamment de leur qualification spéciale. Ce régime juridique se caractérise par sa généralité (A) et sa complétude (B).

ALa généralité du régime juridique du Contrat Administratif

La généralité du régime juridique du Contrat Administratif, s’est construite progressivement. L’histoire montre en effet que le droit applicable au Contrat Administratif a d’abord été un droit des contrats avant de devenir au début du 21e siècle un droit du Contrat

Administratif. Ainsi, avant l’abandon de la théorie des actes d’autorité et de gestion par l’arrêt Blanco, les Contrats Administratifs étaient généralement considérés comme des actes de gestion relevant du droit privé et de la compétence judiciaire. Mais une place importante était cependant réservée à la notion de Contrat Administratif par certains textes à l’instar de la Loi du 28 Pluviôse An VIII en matière de travaux publics et du contentieux du domaine national. Ces règles étaient nécessairement catégorielles et ne pouvaient pas s’étendre au-delà du

champ défini par des textes. Ces règles générales étaient importantes, car elles ont contribué à l’unité des Contrats Administratifs.

La définition générale des règles applicables en matière de Contrat Administratif est

d’autant plus essentielle qu’elles appartiennent à l’ordre public contractuel puisqu’elles existent en tout état de cause comme le précise la jurisprudence. Cette dernière formule signifie que ce régime juridique existe et s’impose même s’il n’a pas été prévu par un texte, même s’il n’a pas été inscrit dans un contrat, et même si les parties ont inséré dans la convention des clauses visant en l’esquiver. Facteur d’unité du droit des Contrats Administratifs, ce régime juridique général se veut complet.

B- La complétude du régime juridique des Contrats Administratifs

Le régime juridique général du contrat administratif se caractérise également par sa complétude. Il n’est pas un régime partiel qui ne viendrait gouverner que certains aspects de  la vie du Contrat Administratif. Les apparences pouvaient cependant faire croire le contraire. La jurisprudence du Conseil d’Etat tout d’abord qui n’évoque souvent « les règles générales applicables aux Contrats Administratifs » au sujet des procès-verbaux de l’administration et des droits du cocontractant se rapportant à l’exécution des Contrats Administratifs. Tel n’est pas toujours le cas. Le régime juridique du contrat administratif ne se limite pourtant pas aux seules règles se rapportant à l’exécution du Contrat Administratif. Il est un régime complet fixant les conditions et même son contentieux.

Ce régime juridique complet justifie qu’il faille encore aujourd’hui privilégier  la notion du Contrat Administratif par rapport à d’autres notions comme celle du contrat public défini comme le contrat conclu par une personne publique ou par une personne privée. Son régime juridique peut correspondre à celui du Contrat Administratif mais il peut tout aussi correspondre à celui d’un contrat de droit privé. L’identification d’un contrat public ne permet donc pas de déterminer immédiatement son régime juridique ou en tout cas un régime juridique complet.

Tout juste permet-elle de conclure à l’application de certaines règles liées à la présence d’une personne publique ou d’une personne privée sous l’influence publique. Si elle n’est pas sans intérêt la notion de Contrat Public ne présente donc pas à ce jour d’utilité comparable à celle du Contrat Administratif.

Le droit des contrats publics demeure largement incomplet et la théorie générale des contrats publics reste pour une bonne part à construire ce qui fonde l’originalité du Contrat Administratif.

Paragraphe II : L’originalité du régime juridique du Contrat Administratif

La spécificité du Contrat Administratif réside dans l’originalité de son régime juridique. Sa nature administrative déclenche des règles dérogatoires au droit commun des contrats. Elles ont employé un qualificatif bien connu en la matière, le qualificatif d’exorbitante du droit privé.

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Niée par certains, relativisée par d’autres, l’exorbitance du droit des contrats administratifs ne semble pas contestable dans son principe mais seulement dans ses modalités.

La question n’est en effet pas de savoir si le droit des contrats administratifs est différent du droit privé. Il s’est assurément et nécessairement comme le montre les conditions dans lesquelles s’est forgé le régime juridique général du Contrat Administratif (A). La question porte plutôt sur l’évolution du degré d’exorbitance de ce régime juridique général. Ce qui renverrait aux éléments de cette originalité (B).

A- La construction du régime juridique du Contrat Administratif

Le régime juridique général du Contrat Administratif ne s’est construit que progressivement à partir des règles jurisprudentielles à propos d’une ou plusieurs catégories des Contrats Administratifs à partir de la concession de Service Public. Cette référence à la concession du service public s’explique au regard de l’objet poursuivi qui était de légitimer la notion de Contrat Administratif en la dotant d’une logique propre différente de celle animant le contrat privé. S’Il n’était évidemment pas question de créer la notion de Contrat Administratif dans le seul but de justifier la compétence du juge administratif. Il s’agissait de mettre en évidence que certains contrats étaient administratifs par nature au regard de leurs caractéristiques intrinsèques indépendamment de toute qualification textuelle. De même, il s’agissait de traduire la nécessité suivant laquelle, l’action administrative justifiait la soumission du Contrat Administratif à un droit spécial.

En effet, tous les grands arrêts rendus pendant les « 30 glorieuses » du droit des Contrats

Administratifs entre 1902 et 1932, concernaient des contrats de concession de  service public (CE 10 janvier 1902 Compagnie nouvelle du gaz de seuil-les Romains, CE Compagnie des gaz de Bordeaux). Cette identification du Contrat Administratif à la

concession du Service Public a justifié la définition des éléments d’originalité du régime des Contrats Administratifs.

B- Les éléments d’originalité du régime juridique du Contrat Administratif

Les éléments d’originalité du régime juridique du Contrat Administratif s’expriment principalement au stade de son exécution même s’il n’ignore pas les principes inhérents à tout contrat. Le Contrat Administratif permet à l’administration de disposer d’importants pouvoirs d’action unilatérale. Ces pouvoirs d’action unilatérale de l’administration dont on sait qu’ils appartiennent à l’ordre public contractuel existent et sont de plusieurs ordres. L’administration dispose d’un pouvoir de contrôle et de direction, de modification unilatérale et de résiliation unilatérale pour motif d’intérêt général.

L’originalité du régime juridique du Contrat Administratif est aussi caractérisée par les droits financiers du cocontractant qui ne sont pas les moins importants. Il s’agit de l’indemnisation en cas d’aléa technique, d’aléa économique ou de l’indemnisation en cas de modification unilatérale du contrat du fait de l’administration.

CHAPITRE II : LA CATEGORISATION DES CONTRATS ADMINISTRATIFS

La capacité des personnes publiques à passer toute sorte de contrat dépend de l’application du principe la liberté contractuelle et de sa portée. En droit administratif, le principe de liberté contractuelle d’abord consacré pour les personnes privées (CE section, 3 octobre 1980, Fédération française des professionnels immobiliers et commerciaux) a été étendu aux collectivités locales en 1983 à la faveur de l’arrêt du CE du 3 février 1983, union des transports publics, urbains et régionaux, le principe de la liberté contractuelle a valeur d’un principe général du droit, de la qualité de liberté fondamentale protégée par le référé-liberté suivant du Conseil d’Etat en référence à l’ordonnance du 12 novembre, Société lidi.

Le contenu de la liberté contractuelle des personnes publiques en droit administratif  est multiple. Il signifie que le pouvoir exécutif ne peut énumérer limitativement ni définir le contenu des contrats des collectivités locales sauf habitation limitative. Ce principe implique aussi qu’une loi interdisant les clauses de renonciation à toute action à responsabilité qui déroge à la liberté contractuelle doit être interpréter strictement et ne concerne donc pas les clauses.

On peut ainsi considérer dans le même registre que les Contrats Administratifs sont  liés par les procédures de passation, lesquelles sont aussi une limitation de la liberté contractuelle.

En droit constitutionnel, le principe de la liberté contractuelle en général a été tout d’abord consacré implicitement par le Conseil Constitutionnel. Dans un 1er temps, le Conseil Constitutionnel a refusé de consacrer ce principe en tant que tel. La seule condition étant si sa méconnaissance portait atteinte à d’autres principes constitutionnels. L’on peut prendre à titre illustratif la libre administration des CTD du fait de la violation de cette liberté. Telle est la position prise par le Conseil Constitutionnel français dans sa décision du 26 janvier 1995. Le

Conseil constitutionnel a par la suite étendu la liberté contractuelle à l’ensemble des personnes publiques à l’exception de l’Etat.

Les limitations légales apportées à la liberté contractuelle des personnes publiques  sont

nombreuses. Outre celles concernant l’objet et le contenu du contrat, la loi vient parfois interdire les contrats à l’instar des contrats d’arbitrage. D’autre fois elle contraint au contraire à contracter.

Les Contrats Administratifs sont légion. En systématisant, on peut retrouver des contrats

publics d’affaires (section I) et les contrats entre personnes publiques (section II).

Section I : Les contrats publics d’affaires

Les contrats publics qui englobent les contrats administratifs sont des instruments juridiques par lesquels les personnes publiques confient à des opérateurs économiques des missions sous la bannière d’un marché public, de délégation de service public, de contrat de partenariat ou de convention d’occupation du domaine. L’appellation « contrats publics d’affaires » est en étroite collaboration avec ce qui est de nos jours convenu d’appeler « droit public des affaires » et qui apparaît comme une discipline juridique de synthèse qui témoigne des tendances contradictoires, c’est-à-dire, une privatisation du droit public d’une part et d’autre part une publicisation du droit privé. En catégorisant, l’on a des contrats publics d’affaire classiques (paragraphe I) et des contrats publics d’affaires modernes (paragraphe II).

Paragraphe I : Les contrats publics d’affaires classiques

Les grands contrats publics d’affaires qui caractérisent le droit commun se rattachent à trois hypothèses principales suivant le but que poursuit l’administration en les concluant, la latitude laissée à son cocontractant et la logique interne du contrat.

Ces contrats concernent le marché public (A), du contrat de délégation de service public (B) et le contrat d’occupation du domaine public (C).

A- Le marché public

S’il est un régime où prolifèrent les textes, c’est bien celui des marchés publics. Depuis l’indépendance, une succession de textes et organismes ont été mis en place pour régir cet important secteur. En l’état actuel, c’est le décret de 2018/366 du 20 Juin 2018 portant Code des marchés publics qui constitue la norme de base du droit commun des marchés publics. Il

vient clarifier, refondre ou abroger les textes antérieurs à l’instar de celui de 2004 portant code des marchés publics, du décret n°95/101 du 9 juin 1995 portant réglementation des marchés publics et modifié par le décret n°2000/155 du 30 juin 2000. Ce code est complété par le décret du 23 février 2001 portant création et organisation de l’agence de régulation des marchés public.

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A la lecture de ce Code, on s’aperçoit que le nouveau Code reprend dans certains aspects des anciens textes, les fusionne et leur donne une cohérence, une certaine harmonie.

Dans l’ensemble de ce dispositif textuel, ressortent des dimensions majeures relatives aux précisions sémantiques, aux modes de passation des marchés publics à la détermination ders organismes compétents et la solution des difficultés liées à l’exécution des marchés publics.

1- Les données sémantiques

Le texte commence par définir certains mouvements importants notamment la notion de marché public, la notion de maître d’œuvre, la notion de maître d’ouvrage et la notion de délégation de SP.

a- La notion de marché public

Le marché public est défini selon les dispositions de l’art 5 (h) du décret du 20 Juin 2018 comme : « un contrat écrit, passé conformément aux dispositions du présent code par lequel un entrepreneur, un fournisseur ou prestataire de service s’engage envers l’Etat, une CTD, un établissement public, une entreprise du secteur public ou parapublic, soit à réaliser des travaux, soit à fournir des services ou des biens moyennant un prix ».

Parce que c’est un contrat écrit ayant nécessairement une personne publique ou privée gérant un service public comme partie au contrat, le marché public est défini comme un Contrat administratif.

Parce qu’il est écrit, le marché public ne saurait être passé sous une forme autre, notamment la forme verbale. Il en est ainsi parce que dans sa forme, le marché public se présente comme une convention intégrant notamment des documents écrits à l’avance qui  sont :

  • Le cahier de clauses administratives particulières qui se présente comme un texte règlementaire édicté par le Premier Ministre.
  • le cahier des clauses techniques particulières. Il est en général laissé aux bons soins de chaque département ministériel concerné d’élaborer en fonction du type de marché le cahier de clauses techniques particulières.

b- Le Maître d’Ouvrage

On entend par maître d’ouvrage selon les dispositions de l’article 5 (s) du code des marchés publics : « le chef du département ministériel ou assimilé le chef de l’exécutif de la CTD, le DG d’un Etablissement public et d’une entreprise du secteur public et parapublic représentant l’administration bénéficiaire des prestations prévues dans le marché ». Cette fonction n’est pas évidente car un ouvrage ou des prestations peuvent bénéficier à plusieurs départements ministériels,

c- La notion de Maître d’œuvre

On entend par maître d’œuvre selon l’article 5 (r) toute « personne physique ou morale de droit public ou privé chargée par le maître d’ouvrage d’assurer la défense de ses intérêts au stade de la définition, de l’élaboration, de l’exécution et de la réception des prestations objet du marché ».

Le maître d’œuvre constitue l’instance clé de la passation des marchés et de leur exécution. Il est évident que ce n’est pas facilement le maître d’œuvre qui bénéficie in fine des prestations offertes, mais c’est celui qui veille à la bonne exécution du marché pour le maître d’ouvrage.

Les données sémantiques ainsi envisagées ont pour point d’orgue le régime de passation des marchés publics.

2- La passation des marchés publics

Le système camerounais a essayé de simplifier le mode de passation des marchés publics. Il semble cependant que dans la nomenclature retenue un certain nombre de problèmes subsiste. Le procédé de droit commun retenu est le marché sur appel d’offre. L’appel d’offre est la procédure normale par laquelle l’attribution d’un marché intervient  après appel public à concurrence. Ce procédé diffère de la procédure de gré à gré définie comme une procédure exceptionnelle dans le droit des Marchés Publics. Un marché est dit de gré à gré lorsqu’il est passé sans appel d’offres après une autorisation spéciale de l’Autorité chargée des Marchés publics.

A côté de ces catégories de Marchés Publics, le décret du 20 Juin 2018 mentionne les marchés spéciaux qui diffèrent des précédents. Il concerne essentiellement les marchés relatifs à la défense nationale, à la sécurité aux intérêts stratégiques de l’Etat.

Le régime de l’appel d’offres permet d’écarter un nombre d’entreprises notamment celles qui ne remplissent pas les conditions pour l’appel à concurrence. La définition à incriminer en cas d’exclusion non fondée d’une entreprise peut faire l’objet d’un recours en annulation pour excès de pouvoir. Les textes prévoient désormais la présence dans les Marchés

Publics d’un observateur indépendant recruté par appel d’offre par l’agence de

régulation des Marchés Publics. Il en est de même de l’exigence d’une commission des Marchés Publics auprès des départements ministériels et des Etablissements publics.

En ce qui concerne l’attribution des marchés, la priorité est accordée à l’offre équivalente à une personne physique ou morale de nationalité camerounaise dont l’offre est la moins-disante à qualifications techniques équivalentes.

Du fait que les MP sont toujours et nécessairement un Contrat Administratif, il en résulte deux conséquences au plan pratique :

  • En ce qui concerne la détermination du juge compétent, c’est toujours le juge administratif qui est compétent pour connaître des litiges nés de l’exécution des Marchés Publics.
  • Pour apprécier la responsabilité des parties au contrat, le juge administratif applique les règles spécifiques au Contrat Administratif. Il examine d’une part les obligations incombant à l’administration (exécution de bonne foi, paiement du prix) et d’autre part les droits du cocontractant de la personne publique notamment en cas de fait du prince ou en cas d’imprévision.

3- Le contentieux des Marchés Publics

Le Marché public voit son exécution soumise au régime commun des Contrats administratifs.

On relève notamment l’application des 4 pouvoirs classiques reconnus à l’administration publique dans l’exécution des Contrats Administratifs (pouvoir de direction, pouvoir de modification unilatérale, pouvoir de résiliation et pouvoir de sanction). Ces pouvoirs vont de pair avec les droits et obligations du cocontractant. Ce qui justifie l’éventualité d’un contentieux dans les marchés publics. En cas de litige, résultant de l’exécution des marchés publics, une tentative de règlement à l’amiable est indiquée. Tout soumissionnaire qui s’estime lésé dans la procédure de passation des marchés publics peut introduire un recours à n’importe quelle étape de la procédure.

Les principes applicables en matière de Marchés Publics ne s’éloignent pas de ceux applicables à la délégation de Service Public.

B- Les contrats de délégation de Service Public

Les contrats de délégation de Service Public sont des variétés de contrats administratifs une personne morale de droit public confie la gestion d’un service dont elle a la responsabilité à

un délégataire public ou privé dont la rémunération est substantiellement liée aux résultats de l’exploitation du service. La technique par laquelle la puissance publique confie à une personne privée ou même à une autre personne publique la résolution d’un travail public ou l’exécution d’une mission de Service Public emprunte très souvent la voie de la conclusion d’un contrat. Celui-ci peut être un contrat de concession (CE 30 mars 1916, compagnie d’éclairage de Bordeaux), ou un contrat d’affermage (CE 24 septembre 1990, commune de Tignes).

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1-La concession

Dans ses célèbres conclusions sur l’arrêt Gaz de Bordeaux, Chardenet définissait la concession comme « le contrat qui charge un particulier ou une société d’exécuter un ouvrage public ou  d’assurer un service public,   à ses frais, avec ou sans subvention, avec   ou sans garantie d’intérêts et que l’on rémunère en lui confiant l’exploitation de l’ouvrage ou l’exécution   du   service   public   avec    le   droit    de   percevoir    des    redevances    sur les usagers de l’ouvrage ou sur ceux qui bénéficient du service ». De cette définition  découlent les deux variantes de la concession, à savoir la concession de service public et celle de travaux publics.

  • La concession de service public, contrat par lequel l’administration confie à un particulier ou, exceptionnellement, à un établissement public la mission de faire fonctionner un service public en se rémunérant sur les usagers de ce service. (CAMRAIL, ENEO).
  • La concession de travaux publics, qui consiste à confier au délégataire le soin de construire à ses frais l’ouvrage puis de le gérer, dans le cadre d’un service public, pendant une certaine durée assez longue pour qu’il puisse récupérer le montant de ses investissements et faire des bénéfices, grâce aux recettes perçues, en principe, sur les usagers.

2- L’affermage

L’affermage consiste à mettre sur pied une ferme qui est une relation contractuelle entre une personne publique et un personne privée par laquelle le fermier (exploitant) est chargé de gérer un service public qu’il a trouvé installé. Ainsi, le fermier hérite des infrastructures déjà réalisées par la collectivité publique (ex Camerounaise des Eaux CDE jusqu’en avril 2018).

Le fermier doit verser à la collectivité publique une partie de la redevance perçue sur les usagers.

C- Les contrats d’occupation du domaine public

Selon l’ordonnance n°74-2 du 6 juillet 1974 fixant le régime domanial en son article 8, « les dépendances du domaine public naturel ou artificiel sont gérées par l’Etat. Toutefois, en raison de leur utilisation, cette gestion peut être assurée sous le contrôle de l’Etat, par d’autres personnes morales de droit public ou par des concessionnaires de service public… » Par ailleurs, l’article 1er du décret n° 76-166 du 27 avril 1976 fixant les modalités de gestion du domaine national dispose que : « les dépendances non occupées ou non exploitées du domaine national sont attribuées par voie de concession provisoire. Suivant le cas, celle-ci peut être transformée en bail ou concession définitive dans les conditions prévues par le présent décret », et l’article 2 précise que « la concession provisoire est octroyée pour des projets de développement entrant dans le cadre des options économiques, sociales ou culturelles de la nation ». En clair, les contrats d’occupation du domaine public ont une place importante dans la vie économique parce qu’ils constituent l’un des instruments juridiques de l’exploitation économique du domaine public par les collectivités publiques. On parle alors de la valorisation des propriétés publiques[1]. Depuis la jurisprudence française Société Affichage Giraudy, l’intérêt financier, est ainsi pris en compte dans l’octroi des autorisations (unilatérales ou contractuelles) d’occupation privative des dépendances publiques.

Sur cette base juridique, il est possible de distinguer deux catégories de conventions d’occupation du domaine public en fonction du but de l’activité de l’occupant :

  • L’utilisation du domaine public dans un but d’intérêt privé, généralement économique, qui n’a pas un but d’intérêt général. C’est le cas des concessions conclues en vue de permettre l’installation des restaurants, librairies ou d’autres commerces, ou des concessions d’affichages sur les édifices commerciaux. L’on peut noter la présence dans les grandes villes du Cameroun telles que Yaoundé, Douala et Bafoussam, la poussée d’une multitude de concessions d’affichage. Ainsi des multiples panneaux publicitaires

appartenant aux entreprises privés sont placées en bordure des voies publiques et généralement au niveau des grands carrefours ;

  • L’utilisation du domaine public dans un but d’intérêt général.

Paragraphe II : Les contrats publics d’affaires modernes ou contrats de partenariat public privé

Le contrat de partenariat est un contrat administratif qui autorise une personne publique ou une personne privée chargée d’une mission de service public, à confier à un tiers une mission globale incluant d’une part, le financement d’un ouvrage, sa construction ou sa transformation, d’autre part son entretien, son exploitation, sa maintenance, sa gestion et, le cas échéant d’autres prestations de services concourant à l’exercice par la personne publique, de la mission de service public dont elle est chargée. Il se caractérise ainsi par la conclusion permet à la personne publique contractante de n’avoir qu’un seul interlocuteur sur l’ensemble de la procédure et porte sur un délai relativement long afin de permettre au prestataire privé d’amortir ses investissements. Le contrat de partenariat déroge du droit commun de la commande publique en ce qu’il concentre entre les mains du partenaire privé la maîtrise d’œuvre et la maîtrise d’ouvrage. Il est apparu nécessaire de mettre en place d’autres formes de contrats administratifs qui ne sont ni des délégations de services publics (dont le financement reste assuré par la personne publique), ni des marchés publics, qui seraient soumis, notamment, à la règle de l’interdiction de paiement différé.

A travers le contrat le partenariat, l’Etat ou l’un de ses démembrements confie à un tiers, pour une période déterminée, en fonction de la durée d’amortissement des investissements ou des modalités de financement retenues, la responsabilité de tout ou partie des phases d’un projet d’investissement tels que la conception des ouvrages ou équipements nécessaires au services publics ; le financement ; la construction ; la transformation des ouvrages ou des équipements; l’entretien ou la maintenance ; l’exploitation ou la gestion.

Au Cameroun, il existe une nouvelle loi dans le secteur ; c’est celle N°2023/008 du 25 juillet 2023 fixant le régime général des contrats de partenariat public-privé. D’après cette loi en son article 2, « le contrat de partenariat régit la collaboration entre une autorité contractante et une ou plusieurs personnes privées, en vue de la réalisation d’un projet public ». La présente loi opère un changement de paradigme en parlant non plus simplement du contrat de partenariat, mais du Contrat de Partenariat Public Privé, afin d’appréhender sa dimension la plus large. Dans cette perspective, ladite loi introduit une typologie des contrats de partenariat public privé, en distinguant de manière singulière :

  • les contrats de partenariat public privé à paiement public dans lesquels la rémunération du partenaire privé est assure par l’autorité contractante sous forme de loyer selon la périodicité définie dans le contrat;
  • les contrats de partenariat public privé de type concessif, dans lesquels la rémunération du partenaire privé provient des usagers de l’ouvrage ou du service. Ils comprennent notamment les contrats de type Exploitation, Construction, Transfert (CET) ou Built Operate and Transfert (BOT) et leurs déclinaisons et les autorisations et/ou conventions d’occupation temporaire du domaine public (AOT)…;
  • les contrats de partenariat public privé à paiement mixte, qui combine les deux formes de rémunération ci -dessus.
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Sous l’empire de l’ancienne loi, de nombreux contrats furent signés. Entre 2009 et 2017, plusieurs contrats du genre ont été signés par l’Administration camerounaise. Il s’agit notamment de la construction du marché Congo à Douala entre la communauté urbaine de Douala et SICC CONGO MANAGEMENT pour un coût de 7400 millions de FCA ; le

transport urbain de masse dans la ville de Yaoundé entre l’État du Cameroun, la Communauté

Urbaine de Yaoundé et le groupement EXIMTRANS AFRIQUE SARL /IRMAOS MOTA pour un coût de 220 000 millions de FCFA ; le financement, la construction, l’exploitation, la maintenance d’un quai multifonctions au port de Limbe entre le Ministère de l’Économie, le Ministère des Transports et la société LIMBE PORT INDUSTRIAL élevé à un montant de 105900 millions FCFA. Les contrats de partenariat ont aussi permis la réalisation des grands projets structurants comme le Port en eau profonde de Kribi, les barrages hydroélectriques (Lom-Pangar, Memve’elé)…

Section II : Les contrats entre personnes publiques

Les contrats entre personnes publiques ne présentent parfois guère de spécificités au regard des catégories précédentes. Lorsqu’un contrat est signé entre deux personnes publiques, le contrat est censé être par principe administratif. Le principe de l’arrêt “UAP” de 1983 est le suivant : « un contrat conclu entre deux personnes publiques revêt en principe un caractère administratif, impliquant la compétence des juridictions administratives pour connaître des litiges en découlant, sauf dans les cas où, eu égard à son objet, il ne fait naître entre les parties que des rapports de droit privé ». Le commissaire du Gouvernement Labetoulle a pu parler en ce cas de « présomption d’administrativité » dans le sens où « un contrat entre deux personnes publiques doit être présumé administratif, car il est normalement à la rencontre de deux gestions publiques ». Les personnes publiques concluent ainsi entre elles des conventions qui portent sur la fourniture de prestation (marchés publics ou délégations de service public).

Dans le cadre de leur spécialité, rien n’interdit aux personnes publiques, quelles qu’elles soient, de candidater pour de tels contrats, dès lors qu’elles le font dans des conditions d’égale concurrence avec les autres opérateurs. Le prix, notamment, doit correspondre à l’ensemble des coûts réels et ne pas être minoré grâce aux ressources et    moyens attribués au titre de la mission de service public. Mais, il existe aussi des contrats plus originaux, qui permettent, dans le cadre d’une politique de partenaire très à la mode, de coordonner les différentes politiques publiques en dehors de toute intervention dirigiste et de solutions imposées.

Il en est ainsi :

  • Des contrats plan Etat-Région ou Etat-Commune, qui se déclinent sur certains points par des contrats d’agglomération pour l’amélioration de l’espace régional ou communal, tant sur les plans économique, social, culturel qu’infrastructurel et de l’aménagement de territoire régional ou communal. Le Contrat-Plan est un cadre de collaboration (triennal) par lequel l’État et les Collectivités Territoriales Décentralisées s’engagent conjointement sur la programmation et le financement des opérations d’investissement public inscrites dans le Plan Communal de Développement. Le tout premier contrat-plan Etat-commune a été signé en juin 2019. Dans le cadre de celui-ci, l’Etat s’engage, conformément à la convention  de financement dudit Contrat- Plan, à mettre à la disposition de la Commune de Lagdo sur  une période de trois ans, la somme de 4,8 milliards de FCFA pour le financement de deux importants projets, à savoir l’extension du réseau électrique dans 16 localités de la Commune et l’aménagement de la voirie urbaine de Lagdo.( le décret n°2012/0709 du 20 mars 2012 fixant le régime général des contrats-plans Etat-commune);
  • Des contrats plan Etat-établissements publics, qui fixent les grandes lignes de la politique à mener par ces derniers , en définissant des objectifs plus ou moins précis et des engagements financiers dans la limite, cependant, des dotations ouvertes chaque année par la loi de finances. Des contrats de cet ordre peuvent aussi être conclus par l’Etat avec des établissements publics tels les universités d’Etat ;
  • Des contrats de ville, qui ont pour but d’assurer le renouvellement urbain des quartiers « sensibles » ou des grandes agglomérations urbaines (cas des communautés urbaines au Cameroun telles celles de Douala et Yaoundé). Ex : contrat de ville Etat (Minduh)-commune de Bangangté signé en août 2019 avec des investissements (voirie urbaine, infrastructures) de plus de 14 milliards.

PARTIE II : LE CADRE PROCESSUEL DES CONTRATS

ADMINISTRATIFS

L’étude du régime juridique du contrat conduit à étudier ce dernier sous l’angle processuel de sa formation (chapitre I), de son exécution (chapitre II) et de sa fin (chapitre III).

CHAPITRE I : LA FORMATION DU CONTRAT ADMINISTRATIF

La formation des contrats administratifs repose sur  un  certain  nombre  d’exigences.  Le  droit  camerounais   n’est   pas   en   reste.   Par   ailleurs,   si   en   droit   privé   la   conclusion des contrats se fonde sur les principes de liberté et l’égalité des contractants, il n’en est pas toujours le cas en Droit public. Section I : Qui peut contracter ?

Il faut distinguer la capacité à contracter des personnes privées de celle de l’Administration.

  • Chez les personnes  privées,  seules  peuvent  contracter  ou  soumissionner  les personnes qui remplissent les conditions de capacité exigées par le Code civil ou par la législation.

Il peut  s’agir  de  toute  personne  physique  ou  morale,  de  ses  représentants  personnels,  de ses successeurs et/ ou de ses mandataires dûment désignés. Sont notamment exclus de la soumission à un contrat administratif les personnes morales dont les dirigeants ont fait l’objet d’une condamnation définitive pour crime ou délit, les personnes morales ou les candidats en état de liquidation judiciaire ou en faillite ou admises au redressement judiciaire ou ayant fait l’objet de procédures équivalentes régies par un droit étranger, les personnes morales qui, à la fin de l’année précédente, ne se sont pas acquittées de leurs obligations fiscales et sociales (le

Bureau et l’Assemblée plénière qualifiés organes directeurs et de travail (V. art. 11.1 de la loi n°2006/012 du 29 décembre 2006 fixant le régime général des contrats de partenariat ;

v.égalementart.51.2 du décret n°2018/366 du 20 juin 2018 portant Code des marchés publics).

  • Du côté de l’Administration, seules les personnes morales de droit public  sont  habilitées à contracter (Etat, collectivités territoriales décentralisées et établissements publics). Pour chaque personne publique, les textes désignent l’autorité compétente pour signer le contrat. Les autorités compétentes pour  conclure  les marchés publics sont, notamment pour  le compte de l’Etat, et selon les cas, les chefs de départements ministériels, les gouverneurs de région, le préfet de département ; pour le compte des collectivités territoriales décentralisées, le maire et le maire de la ville ; enfin, pour le compte de l’établissement public, le recteur ou le directeur général. Section II : Comment choisir le cocontractant ?
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Dans cette phase, le respect des principes d’accès à la commande publique est exigé à savoir  la liberté d’accès, l’égalité de traitement des candidats ; la concurrence et la transparence dans les procédures. Le contrat passé peut se présenter sous une forme écrite (lire décret portant code des marchés publics); Ou sous une forme verbale (jugement UM NTYAM vs État du Cameroun).

Concernant la supposée égalité entre les parties, il faut relever que c’est en droit privé que les clauses sont, en principe, négociées. Tel n’est pas le cas en droit public où le principe est celui de la non négociation des termes du contrat. En effet, les contrats administratifs sont pour l’essentiel des contrats d’adhésion dont les clauses sont fixées à l’avance par l’administration, à l’exception de la clause relative au prix, et doivent donc être acceptées ou rejetées en totalité par le cocontractant. Par ailleurs, le contrat administratif, notamment le marché public est un contrat qui prend généralement la forme d’un document écrit.

CHAPITRE II : L’EXECUTION DU CONTRAT ADMINISTRATIF

L’exécution des contrats de droit privé est dominée par le  principe  énoncé par  l’article  1134 du Code civil selon lequel, « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ». Il résulte de ce principe le corollaire selon lequel ces conventions ne peuvent être modifiées où prendre fin que par l’effet du consentement mutuel des parties contractantes.

L’exécution consiste pour le cocontractant à réaliser l’objet du contrat. Exemple : travaux de construction, fourniture. Dans le cadre de l’exécution du contrat, l’administration doit à son tour payer le prix convenu selon les modalités fixées. L’administration exerce en outre sur le cocontractant des pouvoirs exorbitants. Ceux-ci ont été indiqués dans l’affaire TAMEGHI Boniface et Amsecom Amseconcom du 1er Février 1985. Il s’agit des pouvoirs de direction et de contrôle, de modification unilatérale, résiliation unilatérale et de sanction à l’égard des cocontractants, mais qui sont contrebalancés par certains droits du cocontractant souvent pris en compte dans le cas des aléas.

Section I : Les privilèges de l’Administration contractante

Il s’agit des prérogatives exceptionnelles détenues par l’Administrations contractante.

A- La direction et le contrôle par l’Administration

Ce pouvoir permet à l’administration de s’assurer du respect par le cocontractant des clauses du contrat et d’exiger de lui des renseignements propres à lui permettre de vérifier  l’exactitude où la matérialité des actions contractuelles qu’il mène ou devrait mener. L’administration peut, sur cette base, imposer certaines modalités d’exécution au cocontractant. Ce droit de regard se manifeste par la présence des ingénieurs de l’administration pendant l’exécution des marchés publics.

B- La modification unilatérale par l’Administration

On n’applique pas au contrat administratif le principe de l’immutabilité des contrats énoncé par l’article 1134 du Code civil. En effet, l’administration peut, par sa seule volonté, et dans un but d’intérêt général, modifier le champ des obligations du cocontractant, soit en les augmentant, soit en les réduisant. C’est l’application du principe d’adaptabilité ou de mutabilité des services publics. Ce principe permet d’adapter le contrat administratif aux nouvelles exigences du service. Le pouvoir de modification unilatérale des contrats

administratifs par l’administration est admis par la jurisprudence (CE, 21 mars 1910,  Compagnie générale des Tramways).

C- Les sanctions

Il est reconnu à l’administration contractante le pouvoir d’infliger des sanctions (pécuniaires  et coercitives) au cocontractant pour cause d’inexécution, de mauvaise exécution, de méconnaissance des clauses du contrat ou pour inobservations des injonctions reçues. (CS/CA, jugement no 50 du 1er février 1985, Tameghi Boniface (Amsecom-Amseconcom) c/ Etat du Cameroun où il y a eu résiliation administrative du marché public).

1- Les sanctions ne mettant pas fin au contrat ou sanctions non résolutoires

Les sanctions non résolutoires que l’administration peut infliger à son cocontractant sont de deux sortes : les sanctions financières et les sanctions coercitives. a)- Les sanctions financières

Les sanctions financières sont prises soit sous forme de pénalités destinées à sanctionner les retards d’exécution (CE, 23 juin 1944, Ville de Toulon), soit sous forme d’amende ou de pénalité fixée par l’administration lorsque les sanctions prévues par le contrat ne sont pas adaptées à cause, par exemple, de leur sévérité par rapport à certains comportements non gravement fautifs du cocontractant. b)- Les sanctions coercitives

Les sanctions coercitives tendent autant à punir qu’à surmonter la défaillance ou le comportement grave du cocontractant sans que le contrat soit pour autant rompu. Dans ce cas, l’administration se substitue au cocontractant ou désigne une autre personne qui va poursuivre l’exécution du contrat au risque et au frais du cocontractant défaillant.

2- Les sanctions mettant fin au contrat ou sanctions résolutoires

L’administration peut être amenée, en cas de faute grave ou lourde commise par le cocontractant (défaillance ou indélicatesse) à résilier le contrat. Cette résiliation constitue  donc une sanction infligée au cocontractant fautif. Il en est ainsi lorsque le cocontractant a abandonné le chantier et n’a même pas cru devoir réagir après une mise en demeure à lui adressée par l’administration

(CS/CA, jugement n° 72 / 88 – 89 du 29 juin 1989 Fouda Etama c / Etat du Cameroun)

Section II- Les droits du cocontractant de l’administration

Les droits du cocontractant portent sur les avantages réels ou éventuels qui sont reconnus ou attribués au cocontractant. C’est l’autre versant de ses obligations contractuelles.

A- Le droit au règlement du prix

Normalement, le prix n’est dû qu’une fois que le cocontractant a entièrement rempli ses obligations. On parle alors de paiement après service fait. Mais il s’agit d’une règle rigide qui connaît des aménagements permettant la facilitation de l’exécution de ses engagements par le cocontractant.

Il est donc prévu juridiquement,  des  avances  à  verser  au  cocontractant  par l’administration en vue de la réalisation des opérations nécessaires à l’exécution des prestations prévues dans le marché (Voir article 83 du Code) ainsi que des comptes (Voir article 84 du Code) que le cocontractant peut obtenir périodiquement pendant l’exécution du marché. B- Le droit à des indemnités éventuelles

En règle générale, l’administration est tenue de respecter la règle de l’équilibre financier du contrat qui est la contrepartie de ses prérogatives. Ainsi, lorsque les charges supplémentaires sont imposées aux cocontractants, cet équilibre ne doit pas être rompu. C’est pourquoi, quand des situations de nature à changer les termes du contrat surviennent, il est prévu, au profit du cocontractant, des indemnités compensatrices. De telles situations, que l’on peut considérer comme des entraves ou des obstacles à l’exécution normale du contrat, sont, pour l’essentiel, au nombre de trois, à savoir : le fait du prince, l’imprévision et les sujétions imprévues.

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Section III : La situation du contrat face aux aléas

Dès lors que l’exécution du contrat s’étale dans le temps, les cocontractants sont confrontés à des aléas qui leur sont extérieurs. Certains ouvrent droit au rétablissement de l’équilibre en adaptant le contrat, d’autres justifient cependant son extinction.

A- Les aléas justifiant une adaptation du contrat

Au cours de sa vie, le contrat administratif peut faire face à divers aléas : technique, administratif ou économique.

  • L’aléa technique ou les sujétions imprévues : elles sont des difficultés matérielles rencontrées lors de l’exécution d’un marché, présentant un caractère exceptionnel et imprévisible lors de la conclusion du contrat et dont la cause est extérieure aux parties (conditions climatiques exceptionnelles, surcout important dans l’exécution et ave pour effet le bouleversement de l’économie du marché, aléa naturel). Les sujétions permettent à l’entrepreneur qui a continué à exécuter le marché d’obtenir l’indemnisation intégrale des charges imprévues.
  • L’aléa administratif ou fait du prince : la théorie du fait du prince est une théorie permettant l’indemnisation du cocontractant lorsque l’Administration contractante modifie unilatéralement et indirectement les modalités d’exécution du contrat ou les prestations du cocontractant. En tout état de cause, le cocontractant aura droit en principe à l’indemnisation intégrale du fait de la modification unilatérale du contrat par la personne publique.
  • L’aléa économique ou l’imprévision : C’est au cours de la Première Guerre mondiale que le Conseil d’Etat a appliqué pour la première fois la théorie de l’imprévision à un contrat de concession devenu très couteux pour le concessionnaire du fait de la forte augmentation du prix du charbon (Conseil d’Etat, 30 mars 1916, Compagnie générale d’éclairage de bordeaux, p.143, dite Affaire du gaz de Bordeaux). L’état d’imprévision permet au titulaire du contrat qui a continué de l’exécuter d’obtenir une « aide » de l’Administration dont le montant est fixé par les parties ou à défaut d’accord par le juge.

B- Les aléas justifiant une inexécution du contrat

Il existe des aléas qui emportent l’extinction du contrat administratif dès lors que certaines conditions sont réunies.

  • La force majeure exonératoire: La force majeure est de façon générale un événement exonératoire de responsabilité. Elle permet ainsi non seulement d’exclure la responsabilité de celui qui s’en prévaut en cas de dommage causé à un tiers mais aussi de le dispenser d’exécuter ses obligations contractuelles. L’événement doit être imprévisible, irrésistible et extérieur aux parties (fait naturel, fait humain). Ce fait extraordinaire est susceptible de profiter aussi bien à l’Administration qu’à son cocontractant. Il n’en reste pas moins vrai que dans la très grande majorité des cas, il bénéficiera au cocontractant car ce dernier est généralement chargé de fournir une prestation à l’administration. Cette force majeure entraîne l’annulation de l’obligation d’exécuter le contrat.
  • La force majeure libératoire : ce type de force majeure intervient lorsque l’exécution d’un contrat est affectée par un bouleversement définitif face auquel le jeu de la théorie de l’imprévision ne permet pas le retour à l’équilibre financier. Elle permet aux cocontractants, à défaut d’accord sur la réorientation de l’exploitation, de demander au juge la résiliation du contrat.

CHAPITRE III : LA FIN DU CONTRAT ADMINISTRATIF

Le contrat administratif peut prendre fin dans de multiples hypothèses. S’il est conclu pour une durée déterminée, il prend fin à l’expiration de cette période. S’il s’agit d’un contrat comportant un seul échange de prestations, par exemple, la vente d’un immeuble à l’Etat, l’exécution des obligations des deux parties met fin à ce contrat. Les deux parties peuvent aussi se mettre d’accord pour résilier le contrat. Cette résiliation peut être aussi décidée par l’administration seule.

Le contrat peut également prendre fin du fait d’un événement extérieur aux parties, par exemple, un cas de force majeur. Enfin, le juge administratif peut être amené à mettre fin à un contrat administratif.

Au-delà de cette pluralité d’hypothèses, la fin du contrat administratif peut être appréhendée selon la summa divisio binaire suivante : la fin normale et la fin provoquée du contrat administratif.

On parle de fin normale lorsque les parties ont exécuté chacune leurs obligations contractuelles ou lorsque la période pour laquelle le contrat a été conclu est venu à expiration. Quant à la fin provoquée du contrat, elle peut être le fait de la volonté des parties, ou liée à un fait qui leur est extérieur.

Au regard de cette dernière considération, il convient d’appréhender dans un premier temps,  la résiliation du contrat par l’administration, et, dans un second temps, sa résiliation par le juge administratif.

Section I- La fin administrative

L’administration peut prononcer de façon unilatérale la résiliation d’un contrat administratif et ce, même, en dehors des cas où le contrat lui reconnaît ce pouvoir. Cette résiliation peut être prononcée, soit à titre de sanction, le cocontractant ayant commis une faute, soit à titre de remède, pour des motifs d’intérêt général.

A- La résiliation-sanction

L’administration peut être amenée, en cas de faute grave commise par le cocontractant, à résilier le contrat. Cette résiliation constitue une sanction infligée au cocontractant fautif. Il en est ainsi, par exemple, lorsque le cocontractant a abandonné le chantier et n’a même pas cru

devoir réagir après une mise en demeure à lui adressée par l’administration (CS / CA, jugement Fouda Etama c/ l’Etat du Cameroun précité).

Si les motifs de la résiliation s’avèrent, par suite, inexistantes, le juge administratif saisi ne peut prononcer l’annulation des mesures prises par l’administration envers l’entrepreneur. En effet, le pouvoir de résiliation unilatérale dont dispose l’administration en matière de marchés publics est généralement considéré par la jurisprudence comme une prérogative exorbitante (V. CS /

CA, jugement n° 50 / 84-85 du 1er février 1985, Affaire Tameghi Joseph c/ l’Etat de Cameroun dit affaire Amsecom – Amseconcom).

Par ailleurs, si la faute de l’administration est établie, le cocontractant reste tenu d’exécuter le contrat, mais il a droit à une indemnité, même lorsque les pièces du contrat sont muettes à ce sujet (V. jugement Tameghi Joseph. suscité et CS / CA, jugement n° 44 / 89-90 du 28 juin 1990, entreprise Amsecom c/ l’Etat du Cameroun). Toutefois, il peut demander la résiliation du contrat au juge administratif en cas de faute grave commise par l’administration. De même, il a droit, en cas de « rupture abusive » du contrat par l’administration, d’obtenir du juge administratif réparation par le versement d’une indemnité compensatrice, d’une indemnité pour préjudice matériel et d’une indemnité pour préjudice moral (v. CS/CA, jugement n°59/04-05 du 23 mars 2005, Etablissements LIPA-SPORTS B.T.P c/ Etat du Cameroun) ou alors des dommages et intérêts ( v. CS/CA, jugement n°80/06-07 du 04 juillet 2007, Etablissement Le «PAYSAN » c/ Etat du Cameroun : « (…) comme relevé dans leur requête, les Etablissements « Le Paysan » avaient successivement reçu du Ministère de la Santé Publique une lettre du 11 Juillet et une autre du 17 septembre 2001 allant toutes dans le sens de l’arrangement amiable de leur différend ; (…) il ressort de ces correspondances que contrairement aux indications de son représentant, l’Etat du Cameroun n’a pas contesté la validité du marché à l’origine du litige dans la mesure où il a accepté de payer les frais de140 son enregistrement ; (…) à cet égard (…), la position de l’administration est sans rapport avec le préjudice subi par l’entreprise poursuivante laquelle non seulement a engagé des dépenses pour démarrer les travaux, mais encore a subi un manque à gagner par la remise en cause de l’opération concernée ».

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B- La résiliation-remède

Lorsque l’intérêt général l’exige, l’administration peut toujours mettre fin au contrat, soit par décision particulière, soit par un acte réglementaire. Cette prérogative est le prolongement logique du pouvoir de modification unilatérale qui lui est reconnu et se justifie par la nécessité d’adapter l’action administrative aux circonstances de temps et de lieu, lesquelles sont, en générale mouvantes.

Ce pouvoir de résiliation a comme contrepartie l’obligation pour l’administration d’indemniser intégralement le cocontractant par l’application de la théorie du fait de prince. C’est ainsi que dans l’affaire Distillerie de Magnac Laval du 2 mai 1955, le Conseil d’Etat français reconnaît, sous certaines conditions, à la personne publique contractante, la  possibilité de résilier unilatéralement un ou plusieurs contrats dans l’intérêt du service ou dans l’intérêt général, quel que soit l’objet du contrat. Pour le Conseil d’Etat, en effet, « les règles applicables au contrat administratif permettent, sous réserve des droits à indemnité des intéressés », à l’administration contractante de résilier un contrat en cours d’exécution.

Dans le cas spécifique de la concession d’un service public, la résiliation prend la forme de rachat de la concession.

Section II- La fin juridictionnelle

La résiliation du contrat administratif par le juge peut intervenir soit à la demande du particulier cocontractant, soit à la demande de l’administration, soit, enfin, à la demande de l’une ou l’autre partie au contrat.

A- La résiliation à la demande du cocontractant

La résiliation du contrat à la demande du cocontractant peut être prononcée, soit en cas de faute grave de l’administration, ce qui entraîne l’obligation pour elle d’indemniser son cocontractant,

soit lorsque les changements que l’administration prétend imposer unilatéralement au cocontractant excèdent certaines limites, soit, enfin, dans certaines hypothèses de force majeure.

B- La résiliation à l’initiative de l’administration

La résiliation du contrat à l’initiative de l’administration est prononcée, soit lorsque cette dernière renonce de son plein gré à user de sa prérogative de résiliation et préfère saisir le juge du contrat, soit lorsqu’il s’agit d’une concession du service public pour laquelle la déchéance ne peut être prononcée par l’administration.

C- L’extinction à la demande de l’une ou l’autre partie au contrat

La résiliation du contrat à la demande de l’une ou l’autre partie au contrat est prononcée par le juge lorsqu’il apparaît manifestement que l’équilibre économique du contrat est

définitivement bouleversé du fait des circonstances qui peuvent être liées, soit à un  fait naturel, soit à un fait économique, soit à un fait politique. Dans ce cas, il est question de mettre fin à une situation qui est de nature à préjudicier gravement les droits et les intérêts des parties au contrat.

Il est, par conséquent, dans l’intérêt de ces parties, lorsque les circonstances leur sont défavorables, que le contrat soit résilié.

[1] Elle renvoie à l’idée de maximisation de profit que l’on puisse tirer de la réalisation, l’acquisition, l’entretien, la location, l’utilisation ou plus généralement la gestion d’un bien public. En effet, pour les propriétés publiques déjà existantes, leur valorisation économique passe par leur gestion rentable provenant soit de leur location, si leur affectation probable ne s’y oppose pas, soit de leur aliénation au meilleur prix, dès lors que leur entretien devient plus onéreux pour les deniers publics.

Articles et contributions.

  • AJDA (actualité juridique du droit administratif) du 29 avril 2013, no 15, 2013, Dossier sur les contrats entre personnes publiques, 833-860.
  • Stéphane Braconnier, « La typologie des contrats publics d’affaires face à l’évolution du champ d’application des nouvelles directives », AJDA, 21 avril 2014, no 15, 2014, pp.832- 840.
  • Jacques Biakan, « Recherches sur les contrats publics d’affaires au Cameroun », RASJ, numéro spécial 2014, pp.135-156.
  • David Soldini, « La délégation de service public, sa fonction, ses critères », RFDA, nov- dec 2010, pp.1114-1123.
  • Urbain Noël Ebang Mve, « Recherche sur les aspects juridiques de l’occupation privative du domaine public en droit administratif camerounais », Afrilex, mai 2019, 22p.
  • Lionel Pierre Guéssélé Issémé, « Partenariats public-privé et développement dans les Etats d’Afrique noire francophone », Revue RAMReS/S.J.P, n° 1 Janvier 2021, pp.1-30.
  • Thomas Passos Martins, « L’inversion des principes du contrat administratif », Revista de Direito Administrativo & Constitucional, Belo Horizonte, no 69, jul./set. 2017, pp.33-53.
  • Alain Franklin Ondoua, « Le règlement non juridictionnel des litiges dans le domaine des contrats publics d’affaires au Cameroun », in L’effectivité du droit. De l’aptitude du droit objectif à la satisfaction de l’intérêt particulier, Mélanges en l’honneur du Professeur François Anoukaha, L’Harmattan, 2021, pp.860-877.
  • « Fasc-10 : notion de contrat administratif », Jurisclasseur contrats et marchés publics, 2009, 38p.
  • Jean-Claude Douence, « Les conventions entre personnes publiques », Mélanges en l’honneur du professeur Michel Stassinopoulos, LGDJ, 1974, pp.113-127.
  • Grégory Kalfèche, « Commande publique », in Nicolas Kada, Romain Pasquier (dir.), Dictionnaire encyclopédique de la décentralisation, Berger-Levrault, Paris, 2017, pp.184- 190.
  • Yves Gaudemet, « A propos de la valorisation économique des propriétés publiques », RDP, 2012, pp.1223 et

Cours inédits.

  • Bernard-Raymond Guimdo, Cours de Droit administratif, 2e année Licence, Université catholique d’Afrique centrale, année universitaire 2019-2020, 181p
  • John Richard Keudjeu de Keudjeu, Cours de Droit des contrats administratifs, L3 Droit public/Droit privé, année universitaire 2019-2020, 36p.

Textes.

  • Décret de 2018/366 du 20 Juin 2018 portant Code des marchés publics
  • Loi n°2006/018 du 29 décembre 2006 régissant les contrats de partenariat public-privé INTRODUCTION

Ouvrages.

  • André De Laubadère, Franck Moderne et Pierre Delvolvé, Traité des contrats administratifs, Tome I, 2e édition, LGDJ, Paris, 1223p.
  • Fabrice Melleray, Pascale Gonod, Philippe Yolka (dir), Traité de droit administratif, Tome II, Dalloz, Paris, 711p.
  • Edgar Patrick Abane Engolo, Traité de droit administratif au Cameroun. Théorie générale et droit administratif spécial, L’Harmattan Paris, 2019, 548p.
  • Jean Waline, Droit administratif, 26e édition, Dalloz, Paris, 2016, 772p.
  • Jean-Claude Ricci, Fréderic Lombard, Droit administratif des obligations, 1ère édition, Sirey, Dalloz, Paris, 615p.
  • Helene Hoepffner, Droit des contrats administratifs, 2e édition, Dalloz, Paris, 2020, 981p.
  • François Lichère, Droit des contrats publics, 3e édition, Les mémentos Dalloz, Paris, 2020, 158p.
  • Sébastien Hourson, Philippe Yolka et alii, Droit des contrats administratifs, 2e édition, LGDJ-Lextenso, Paris, 2020, 190p.
  • Contrats publics, Mélanges en l’honneur du Professeur Michel Guibal, textes réunis et présentés par Guylain Clamour et Marion Ubaud-Bergeron, Université Montpellier I, 2006, 2 vol., 1588p.