Cours Introduction à La Science Politique Par TCHINGANKONG YANOU MOÏSE ENSEIGNANT CHERCHEUR à l’université de Yaoundé II.

OBJECTIFS & PLAN DE L’ENSEIGNEMENT

Envisager un enseignement portant sur l’introduction à la science politique c’est poursuivre un objectif principal qui lui-même pourrait se décliner en plusieurs objectifs secondaires.

S’agissant de l’objectif principal, il s’agit à travers cette unité d’enseignement de permettre aux étudiants qui ont fait le choix de prendre une inscription dans la filière Science politique de disposer des connaissances fondamentales à l’entame de la discipline, pour l’évolution dans la filière et pour plus tard aborder le cycle de recherche.

En termes d’objectifs secondaires, il s’agit dans le cadre de cette unité d’enseignement d’informer les étudiants débutant dans la filière sur les controverses et les ententes ayant contribué à l’institutionnalisation de la discipline.

Au rang des controverses, les querelles entre juristes et politistes ayant structuré l’autonomisation de la discipline. L’instabilité autour de l’objet et des méthodes d’études. Les débats enrichissant les sous-disciplines de la science politique et même intrinsèquement la notion de « politique ». Pour ce qui est des convergences, le partage de l’idée que la science politique est une science.  C’est ce qui est au cœur l’organisation, ci-dessous présentée, de l’unité d’enseignement.

Introduction générale

Un panorama de la vie de la science politique au sein de l’université camerounaise laisse transparaître une pluralité d’antagonistes. S’opposent au sein dudit champ disciplinaire, dès les années 1980[1], tradition romanogermanique et tradition anglo-saxonne à travers les luttes entre politistes ayant mené ou finalisé leurs études dans les universités françaises et ceux ayant connu l’expérience des universités anglaises, américaines et canadiennes. S’opposent aussi à partir de la décennie 1990[2], tradition déductive et tradition inductive à travers les rivalités qui opposent les politistes marqués par la tendance sociologique et ceux attachés à la tendance anthropologique. Les premiers sont fortement dévoués à la conceptualisation et à la catégorisation du réel alors que les seconds considèrent que l’expérience du terrain commande le procédé mental de raisonnement. S’opposent encore, dès la décennie 2000[3], défenseurs de la science fondamentale et défenseurs de la science appliquée. Les premiers politistes sont jaloux de la vocation explicative et analytique de la discipline et les seconds lui confèrent une vocation prospective et prévisionnelle. Ces antagonismes d’une part participent des luttes de vécues qui structurent l’implantation de la science politique au sein de l’université camerounaise[4] et, d’autre part confèrent à la discipline à cette échelle locale toute sa légitimité (Surel, 2015). Le processus mis en évidence ici est celui du transfert international (Dolowitz & Marsh, 2000) des normes d’une discipline scientifique des pays où ont étudié les politistes camerounais vers leurs universités nationales où ils disposent désormais de postes académiques.

L’apprentissage au sein des universités occidentales est le processus de « socialisation primaire » par lequel l’incorporation de la science politique, en tant que discipline académique s’est opérée chez les premiers politistes camerounais. En effet, la science politique prise comme telle est un savoir occidental de par la « structure des révolutions scientifiques » (Khun, 1972) qui l’anime. Son implantation au Cameroun conforte l’hypothèse de la marginalité académique du continent africain, en tant qu’objet ou pas (Sindjoun, 1999 ; Bonnecase & Brachet, 2021), dans ce champ disciplinaire. Cela en raison d’une visibilité relative de ses politistes dans les forums spécialisés de ce savoir

(Pokam, 2018). Ces politistes brillent ainsi par leur absence ou par l’excellence d’un petit nombre seulement, sorte d’élites, dont certains vont se constituer en entrepreneur international (Dezalay, 2004) du transfert des standards de la discipline au sein de leurs pays d’origine. Dès lors, si leur contribution internationale est marginale parce que circonscrite à une élite, leur participation à l’institutionnalisation « ailleurs » (Sindjoun, 2002) d’une vie de la discipline est cependant réelle, démontrant que le processus de transfert international ne s’est pas interrompu avec la génération pionnière des années 1970. La circulation des politistes camerounais au sein de ces universités occidentales se poursuit dans le cadre d’une « socialisation secondaire » alliant familiarisation locale et poursuite de l’apprentissage au sein des lieux-terroirs de la discipline.

Le travail d’export/import du savoir politiste est ainsi au centre de la trajectoire d’institutionnalisation de la discipline. Il s’agit d’une mécanique sociale complexe de transfert de savoir vers ce pays par des enseignants dont l’obtention de postes d’enseignant, postes qui instituent comme « savant » (Weber, 1959), participent à la construction de la discipline. Ces enseignants qui assurent l’implantation constituent les figures de cette discipline. Ils animent les structures, principalement institutionnelles, et, subsidiairement, non institutionnelles, qui consacrent la matérialité du dispositif académique de science politique. La détermination de ces acteurs centraux à susciter la multiplication des structures porteuses de la discipline, ainsi qu’à les faire fonctionner, définit une trajectoire propre à la discipline au sein de cet environnement non occidental. La courbe d’institutionnalisation met ainsi en perspective le travail de ces acteurs centraux du champ académique (Bourdieu, 1984) délimité par la discipline science politique.

L’objectif ici est celui de saisir le transfert d’une discipline scientifique d’un espace global, en tant que centre de la « communauté professionnelle » (Khun, 1972 : 25), vers l’espace local. Celui-ci est la périphérie qui, selon les circonstances, contribue à assoir l’autorité du centre. Suivant cette perspective, l’institutionnalisation de la discipline dans la périphérie est marquée par la double tradition des entrepreneurs locaux. Par processus de transfert académique, il faut entendre principalement au sens de Sabine Saurugger (2009) le processus de diffusion, plus large, de formes institutionnelles, d’idées, de normes, de manière de faire la science d’un système social académique vers un autre. Cela se dégage de manière particulière des actions des personnages centraux de la discipline au sein de l’université camerounaise. En fonction du profil historique de socialisation à la discipline de chacun et des lieux étrangers de cette socialisation – universités occidentales – les politistes camerounais portent chez eux les référents institutionnels, les idées corporatistes, les normes académiques structurantes de la discipline. Ils s’érigent ainsi en de véritables « opérateurs d’hégémonie » (Tchingankong Yanou, 2021) chez eux, des considérations particulières de cette science.

La dynamique de diffusion de la science politique au sein des universités camerounaises engendre dans ces espaces ce qu’il me convient de qualifier ici de champ politiste[5]. Le champ politiste met ainsi en scène les acteurs centraux de la discipline engagés au sein de rivalités (Favre & Legrave, 2000) pour le succès local de leurs expériences internationales passées (Dolowitz & Marsh, 2000). Il s’agit cependant de transpositions qui, si elles entraînent une hégémonie de ces experiences étrangères, ne signifient pas reproduction à l’identique de la trajectoire occidentale de la discipline (Mény, 1993). En effet, les promoteurs des traditions ne disposent pas de toutes les modalités matérielles qui ont concourru à la cristallisation de la trajectoire occidentale de la science politique (Favre, 1989; Almond, 1997). Ils participent ainsi à la création d’une experience nouvelle avec conservation néanmoins de points de convergence (Bennet, 1991). L’expérience camerounaise de la science politique est ainsi proche de celle originelle (Pierson, 2000) en raison des multiples luttes qui l’émaillent, de la pluralité des contraintes contextuelles à laquelle font face les acteurs et leurs capacités à adapter leurs visions de l’espace académique aux représentations intériorisées de la discipline académique[6] tel qu’elle se fait autre part (Favre & al., 2007).

Dès lors, la science politique au sein de l’université camerounaise institue un champ politiste dont l’autonomisation et l’émulation qui en sont des corollaires contribuent à l’hégémonie de traditions scientifiques occidentales pour ce concerne cette discipline. Cette science politique est une « science normale » au sens ou l’entend Thomas Khun dans son illustre ouvrage d’histoire des sciences, publié en 1962 sous le titre : La structure des révolutions scientifiques. Son autonomisation intervient au terme d’un long processus permettant d’objectiver un ensemble de règles et modalités qui consacrent une démarche scientifique. Cela étant, il convient néanmoins pour une bonne assimilation de cet enseignement de s’arrêter dans le cadre de deux encadrés sur le sens des deux concepts constitutifs de la dénomination de cette discipline en situation de transfert, en l’occurrence les vocables « science » et « politique ».

L’appréhension du vocable « science » pourrait passer par la maîtrise, sans prétention à l’exclusivité, des quatre caractéristiques retenues par Gary King, Robert Keohane et Sidney Verba dans leur ouvrage Designing Social Inquiry. Scientific Interference in Qualitative Research. Selon eux, la première caractéristique de toute science, et son premier objectif, est ainsi de « faire des inférences explicatives et descriptives sur la base  d’informations empiriques sur le monde ». La multiplication des données et des observations doit permettre en effet de produire une restitution la plus précise possible des événements ou des phénomènes observés. Le dépouillement sans cesse plus important des fonds d’archives autorise  par  exemple  les  historiens  à fournir une vision informée, sous la forme de  « récits  véridiques»  selon l’expression  de  Paul  Veyne (1970), des faits étudiés,  qu’il s’ agisse de la prise de la Bastille le  14 juillet 1789  ou des conditions exactes  de l’entrée  en guerre  en 1914.  L’intégration de nouvelles données  permettra ensuite  constamment de confirmer ou d’amender ces mêmes propositions descriptives.

Mais, la tâche des scientifiques ne peut s’arrêter à la simple description,  selon  King,  Keohane et Verba,  car  elle  suppose  également de parvenir  à une  généralisation  contrôlée   de ces  mêmes  informations par le biais d’inférences explicatives. La science ne peut se contenter de simples constats,  nécessairement insatisfaisants car dépendants de la qualité  et de la quantité des informations disponibles, elle  se  doit aussi  d’ordonner les  données   collectées  en établissant des  liens  de causalité   ou  de  simples   corrélations.  Par  exemple,   il ne  suffit  pas de constater  que plusieurs pays ont connu des phases de démocratisation postérieures à des périodes de développement économique et social. Il faut établir  également par quels facteurs et selon quelles dynamiques (augmentation de la scolarisation, pluralisation  des groupes sociaux, remise  en cause des attaches traditionnelles, etc.) ces séquences de « décollage » économique, selon l’expression célèbre  de Rostow, déterminent une probabilité plus ou moins  grande  de voir un pays  connaître  une  transition  démocratique. L’inférence  descriptive prend  ici la forme d’une proposition qui établit que « dans certains pays, l’émergence de la démocratie a suivi une phase  de développe- ment économique», tandis  que l’inférence explicative, à la recherche d’une causalité, suppose de démontrer que « toutes  choses  égales par ailleurs,  une  augmentation du stade  de développement d’une société qui suscite une augmentation de la démocratie dans cette même  société ».

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La  deuxième caractéristique relevée par King, Keohane et Verba est la publicité des procédures propres  à la recherche scientifique. Pour  eux,  en  effet,  « la recherche scientifique  utilise des  méthodes explicites, codifiées et publiques pour produire et analyser des données dont la fiabilité peut dès lors être  éprouvée ». Ils rappellent ici l’une des conséquences majeures du caractère collectif,  partagé  et reproductible des  processus scientifiques.  Toute  discipline, on le verra,  est  aussi  une  communauté de chercheurs  qui possède  des règles  de fonctionnement explicites,  qui rendent  possibles le débat  scientifique comme  les logiques  plus ordinaires  de recrutement et d’évaluation. Un scientifique devra toujours soumettre ses investigations et ses résultats à l’attention et à la critique en communiquant ses travaux. Par une vérification répétée  des travaux réalisés et par  l’ajout constant de nouvelles informations, les  chercheurs procèdent  ainsi  à  l’amendement  de  la  connaissance. Cette publicité et cette transparence constituent également de puissants vecteurs de légitimation de la  science  au-delà  même  des  frontières d’une communauté scientifique.

Troisième propriété essentielle, liée aux précédentes, est l’idée que les conclusions  scientifiques  soient  toujours   incertaines.  Cela tient  notamment au fait que  la qualité de l’information est toujours partielle, tandis  que les cadres  analytique les méthodes sont en évolution  constante, en  raison  précisément de  cette  dynamique interne  nourrie  par la publicité et par  le sens critique.  Il n’existe  dès lors pas de vérité  en science,  mais  des résultats  provisoires et incertains, acceptés  pour un temps dans l’attente de nouvelles  informations ou de nouvelles théories. Cette propriété, qui renvoie à l’un des principes  fondamentaux (et parfois fortement contesté) de la démarche scientifique posé par Karl Popper,  à savoir la falsifiabilité, est même  tenue pour décisive : « les inférences qui ne laissent pas une part à l’incertitude ne relèvent pas  de la  science  telle que nous la  définissons ». Si l’on considère par exemple la proposition  classique  selon laquelle  « les démocraties  ne se font pas la guerre»,  il est clair que cette proposition peut être considérée comme universellement vérifiée à ce jour.  L’histoire  ne comporte en effet pas (encore)  d’exemple de conflit armé entre deux régimes démocratiques  (définis  comme  tels  par  les  chercheurs).  Toutefois, si  un conflit devait se produire  ou si l’on considère les attaques  sur les données numériques  comme des formes modernes de « guerre », alors la proposition devrait être révisée ou abandonnée. L’addition de nouvelles informations ou un changement accepté par la communauté scientifique de ses outils d’analyse auraient alors pour effet de modifier la connaissance et d’ouvrir la voie à de nouvelles incertitudes.

Le  dernier  élément  décisif isolé  par  King, Keohane et Verba a trait aux méthodes. Selon eux, le contenu de la démarche scientifique tient fondamentalement à ses méthodes  en raison  de l’adhésion d’une communauté scientifique à des règles d’investigation et de fonctionnement,  qui fonde sa légitimité, son identité et sa pérennité. Ce qui singularise une discipline scientifique à l’égard d’une autre discipline scientifique et d’autres formes de savoirs, ce sont précisément les méthodes et les règles de fonctionnement  qui sont partagées par ses membres. Pour ces auteurs, « le contenu de la “science”  tient en premier lieu aux méthodes et aux règles, et non pas à la matière étudiée, dans la mesure où nous pouvons utiliser ces méthodes  pour étudier  virtuellement  n’importe  quoi ».  L’unité  d’une science  tient par conséquent  à ses règles internes d’élaboration des inférences descriptives (quête des données, traitement de l’information, etc.) comme aux méthodes qui permettent de tester la pertinence des inférences explicatives (expérimentation, régression statistique, récit  analytique, etc.). On retrouve  ici ce que Pierre Favre désigne comme le critère de scientificité : « la possibilité de réitération, à des fins de vérification, de la démonstration conduite, cette  possibilité étant inscrite dès sa réalisation dans la recherche puisque celle-ci doit être construite comme vérifiable ». La réitération  suppose à minima que quiconque mobiliserait des sources analogues, manipulerait des données identiques et utiliserait des formes  d’exploitation similaires, aboutirait aux mêmes résultats que ceux présentés par le scientifique. Cela signifie également, on le verra, que la  science est soumise à des règles évolutives de contrôle et d’évaluation, qui permettent par exemple de vérifier la justesse des calculs dans le cadre d’une analyse statistique du vote.

Encadré 1

Une façon commode retenue par nombre d’auteurs pour saisir le vocable politique consiste à le définir par sa fonction. La politique ne serait-elle pas tout simplement une organisation indispensable aux sociétés des plus antiques aux plus modernes dès lors que celles-ci devraient définir des  intérêts communs ? Nombreux sont les éléments qui semblent  plaider  en  ce sens. La  vie  collective  n’appellerait-elle  pas  nécessairement  une  définition  du « groupe »  (de ses frontières, de ses valeurs)  qui  confère une identité  aux individus  qui  le constituent ? Les documents les plus élémentaires de la vie en société ne manifestent-ils pas cette relation fondamentalement politique : une « carte d’identité» qui exprime pour tout un chacun cette relation entre l’individu et le groupe ; une « Constitution » qui sanctionne l’appropriation  d’un  territoire,  enrôle  une  population «nationale», définit éventuellement une citoyenneté, avant précisément d’organiser  la  désignation des « pouvoirs  publics », qui donnent au groupe désigné son visage  institutionnel et humain ? Ne faut-il pas, à l’occasion, dénombrer cette population, consigner naissances et décès sur des documents faisant foi devant toutes les autorités socialement constituées, bref tenir des registres d’état civil ? Ces ressources administratives sont d’autant plus indispensables que la collecte de l’impôt en  dépend, tout comme l’activité économique la  plus élémentaire, que conditionne un âge légal  d’accès à l’emploi ou à la retraite et même l’agenda ordinaire des jours dévolus à la production  et à la divinité (le dimanche) ou à la célébration du groupe, le 20 mai, bref des jours « fériés ». Les controverses les plus actuelles l’attestent : la politique est l’organisation de la société, de la  révision de la  Constitution à la législation sur le « travail du dimanche ».

Les difficultés persistent toutefois dès lors que  l’on a ainsi  défini  la politique comme une fonction sociale. Malgré tous les efforts faits pour rendre certaines formes d’organisation  politique  universelles  (la  démocratie), voire  pour rendre certains enjeux politiques globaux  (le  terrorisme),  rien  de ce qui est  « politique »  ne s’impose  de manière  identique  à tous  les  groupes et/ou à tous  les  membres d’un même groupe. Les problèmes de l’espèce  humaine,  pour aussi  « naturels »  qu’ils  puissent  paraître maîtrise des ressources  (extraction  du  pétrole,  accès à l’eau), échange des biens  (du  troc  au commerce international), allocation des territoires (règles de propriété,  migrations  internationales), etc. ne  trouvent  de  solutions « sociales » que par le biais de civilisations variées. Ainsi, les problèmes communs d’organisation  politique  donnent  lieu  à  des   formes d’organisation  différentes,  dans lesquelles on  peut  sans doute trouver des fonctions identiques  (un  « chef »,  des « sages »),  mais dont il convient plus encore de comprendre les structures  spécifiques. Il est ainsi difficile  d’ignorer que les  sociétés  sont  universellement  traversées  par  un  processus  de division du travail, comme  l’a  souligné  Émile  Durkheim  qui,  en  matière  politique en  particulier,  oppose  les  « gouvernants »  aux  « gouvernés »,  Mais  la  délégation  du  pouvoir   au  « gouvernement »  à  la  suite  d’un  vote  suivant  un ensemble  de  règles  codifiées  reste  une modalité  d’organisation  spécifique à certaines  époques  et à certaines  sociétés seulement.  Et  si cette  forme  de division du  travail politique semble  aujourd’hui   universellement  considérée comme la  plus « légitime », ceci ne dit  rien  des  modalités  extrêmement  variées  par  lesquelles  cette  délégation  est  elle-même  mise  en  œuvre et  acceptée  par  les  gouvernants  et les  gouvernés.  Les  multiples  interrogations  sur  le  fonctionnement  des  « démocraties  représentatives »  ou  les perspectives proposées par les  tenants  des « démocraties participatives »  ou « délibératives »  en attestent.

La conférence de Max Weber, Politik ais Beruf, « Le  métier  et la  vocation d’homme politique », dans Le Savant et le  Politique tire son importance   intellectuelle de l’effort pour surmonter cet obstacle. La politique, observe  d’emblée  l’auteur,  n’a  aucun  « contenu »  spécifique : « On  parle de  la  politique de  devises  d’une banque,  de  la  politique d’un  syndicat au cours d’une  grève;  on  peut également  parler  de la  politique  scolaire  d’une commune  urbaine  ou  rurale,  de la  politique  d’un  comité  qui  dirige  une association  et finalement de la politique d’une femme habile qui cherche à gouverner son mari».   Simultanément, il est impossible,  dans les  sociétés  contemporaines,  d’observer  le  moindre  de ces différents aspects de « la »  politique en passant sous  silence  l’État,  dont elle tire sa possibilité et son sens. Mais, attention,  la  question  n’est qu’à moitié résolue. L’État  lui-même  ne  se  laisse  pas définir  par un  contenu  : Il n’existe,  en  effet, presque aucune  tâche  dont  ne se soit  occupé  un jour  un groupement  politique quelconque;  d’un  autre  côté,  il  n’existe  pas  non plus  de  tâches  dont on puisse dire qu’elles  aient,  en  tout  temps,  du  moins exclusivement,  appartenu en  propre aux groupements  politiques  que  nous appelons  aujourd’hui  États ».  L’État,  au  vrai,  est un « groupe »  (une  « communauté  humaine »,  dit Weber),  au  même titre  que n’importe  quel autre groupe,  mais un groupe qui  «  revendique avec succès pour son  propre compte  le  monopole  de la violence physique légitime » ; en d’autres termes, puisqu’il  n’existe aucune bonne raison  de  penser que  l’autorité  dans   le groupe  et sur  le  groupe s’acquiert autrement que  par la  force,  l’État  est  un groupe  qui  a  réussi à exproprier l’ensemble des autres groupes, « dans les limites d’un territoire  déterminé », du pouvoir d’exercer la contrainte de manière légitime et notamment, en Occident, le  pouvoir  religieux. La définition de  la  politique  par ses fins disparaît ainsi chez  Weber  au  profit  d’une définition  exclusive  de la politique  par  les  moyens : l’État  et son  instrument  (la violence  physique), a tentative réussie de celui-là pour s’approprier celui-ci (la  conquête du monopole), l’énergie nécessaire pour dénier cette violence  une fois l’entreprise réalisée  (la légitimation symbolique).

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L’État dispose ainsi,  seul,  de  la  contrainte  physique,  sans qu’il  ne soit pour autant  question  pour  lui  de l’exercer  à  tout  instant,  ni  même  forcément de  manière régulière  qui la rend  pour  beaucoup et souvent pour l’essentiel  insensible. Le gouvernement »  repose  en  effet  sur  un  rapport de « domination »   bien plus que sur un rapport de « contrainte ».  La domination se distingue en effet de la  contrainte  en  ce que les  « dominés »  perçoivent  le commandement des « dominants » comme légitime. « Toutes  les dominations  cherchent  ainsi  à éveiller  et  à  entretenir  la  croyance en  leur légitimité »,  en  faisant  passer cette domination pour nécessaire auprès  de ceux  sur  lesquels  elle  s’exerce. Il convient  donc de  « distinguer  les  formes  de  domination suivant  la  revendication  de légitimité  qui  leur  est propre». La  « nature des motifs »  par lesquels  les  dominants  revendiquent l’obéissance  des dominés  et,  inversement,  les dominés se  sentent  devoir  obéir aux  dominants  détermine  largement  le  « type »  de domination – qui  peut donc  varier  et,  surtout,  prendre des formes  hybrides d’une société  à une autre,  d’une  époque à une  autre  (du  féodalisme  à  la France  de la 5e République).  Weber distingue  en  effet trois  types de « domination » : la  domination « rationnelle »  ou  «légale»  (ou  « rationnelle légale  ») qui  repose  sur  la  «  croyance  en  la  légalité » des règles  et des ordres édictés  par  les  dirigeants;  la  domination  « traditionnelle » qui repose  sur  la  « croyance  quotidienne  en  la  sainteté  de  traditions  valables de  tout  temps»;  et  la  domination  « charismatique » qui  repose  sur  la « soumission  extraordinaire  au caractère sacré,  à  la  vertu  héroïque  où à la valeur exemplaire d’une  personne ».

Mais Politik ais Beruf est également un point de repère important dans la position du rapport savant à la politique. Après  les  inévitables définitions  préliminaires, Weber  ne développe  son  idée  de ce qu’est  l’activité  politique  «  au  présent »  qu’après  une  étude  de  l’activité  politique « passée »  analysant  donc  la  politique  moderne  (celle  du  début  du XX’  siècle)  en  s’appuyant  sur  un  détour  par sa  genèse ;  montrant  surtout en  quoi le  présent est une accumulation de résultats issus de processus passés mais  non  programmés,  et encore moins linéaires. Il en est ainsi  de la  formation d’une direction  administrative spécialisée dont la maitrise a pu opposer les dynasties aristocratiques aux  légistes spécialisés en direction d’un avenir singulier et inédit – la naissance de la  bureaucratie – en suivant  un  cheminement qui  n’a  rien  de  mécanique et  sans  que  cette orientation  de l’histoire  en train de se  faire ne soit  nullement  maîtrisée départ  en part  par  aucun de  ces  groupes.  Dans  ces  conditions,  la  question du  « sens »  de  la  politique  (sa  définition  par  l’analyste)  disparaît comme un  débat sans fondement au  profit de  la  question  des  « sens » de  la  politique au cours du  temps (ses définitions concurrentes et successives par les acteurs). La  définition  progressive  de  l’activité  politique  est  alors  envisagée  au fil  de son histoire  et  comme  terme à celle-ci. Le  réalisme  lucide  et paradoxalement  provocant  de Weber affirme  ainsi  la  possibilité  d’une forme d’autonomie  intellectuelle  de l’« analyse  politique »  face aux  prétentions  des  hommes de  pouvoir à détenir,  outre  la  définition  de la  vérité  de la  politique, le monopole  de  la  définition  de  la  vérité  politique  inaugurant  une  tradition originale  et critique  dont beaucoup  d’auteurs  sont  les  héritiers,  et dont,  en  tout  cas,  la  science politique peut se prévaloir. Aussi convient-il de ne jamais  accorder trop  d’importance  à quelque définition que  ce  soit. Toute  définition  devrait être envisagée avec  l’esprit  qui  était celui  de Durkheim : le définition  préalable  est  une  construction  théorique provisoire  visant  à  substituer  au sens  commun  une  première notion  scientifique  et  n’a  d’autre  objet  que  de  se  mettre  d’accord  sur  un objet d’enquête à l’orée de celle-ci. Elle  ne  préjuge  en  rien  de ses conclusions futures.

Encadré 2

Envisager le transfert de la science politique en tant que discipline scientifique et académique s’est ici principalement s’investir à retracer sa trajectoire d’institutionnalisation ici et ailleurs. La dynamique de transfert s’inscrit dans une logique de duopole articulé  à l’unique phénomène qu’est l’autonomisation. C’est pour cette raison que dans une première partie nous analyserons les chemins de l’autonomie empruntés par la science politique et dans une seconde partie nous traiterons des corollaires de l’autonomie de cette discipline.

Première partie

Les chemins de l’autonomie scientifique  

 

La vie de la science politique est dépendante des institutions et des figures qui l’animent (Favre, 1985) et affirment son existence (Surel, 2015). Il s’agit ici des structures administratives que sont les départements et les centres de recherche. La mise en place des premiers révèle le chemin sinueux de l’affirmation administrative de la discipline et de manière corrélative celui de l’imposition de ses cursus et programmes d’enseignement. La mise en place des seconds par contre consolide ce statut revendiqué du fait de la mise en visibilité qu’ils confèrent aux recherches des protagonistes politistes. Dans cette perspective, la trajectoire camerounaise d’autonomisation se conforme aux standards universels de ce champ scientifique (Favre, 1989).

Chapitre 1

L’organisation administrative de la discipline  

En Occident, la datation historique de la science politique fait débat.

Gabriel Almond (1996) la situe à l’antiquité en raison d’une considération de la définition de la discipline qui la rapproche de toutes les autres sciences sociales[7] (Surel, 2015) du « stade pré-disciplinaire » (Heilbron, 1990). Philippe Braud, (2014), quant à lui, refuse cette datation et considère la discipline comme une science contemporaine du fait d’un ensemble de critères de scientificité apparus au commencement du 20è siècle[8]. Une troisième voie, qui semble davantage convaincante, est celle pour laquelle opte Antonin Cohen (2009) et ses collaborateurs du Nouveau manuel de science politique, que sont Bernard Lacroix et Philippe Riutort. Ils considèrent que la science politique ne saurait disposer d’une date précise de naissance tant la connaissance savante sur la politique est aussi ancienne que la politique. Ils conseillent alors de se tourner vers son autonomisation en tant que discipline académique distincte qu’ils perçoivent récente parce que entamée juste au 19è siècle en Occident.

L’un des auteurs canoniques de la discipline, Gabriel Almond, s’est intéressé à plusieurs reprises  à l’histoire de la science politique. Son analyse,  présentée notamment dans un chapitre publié dans A New Handbook of Political Science, s’appuie sur une définition préalable de la science politique qui lui permet d’identifier plusieurs césures historiques pertinentes dans la structuration de cette discipline particulière. Ainsi, pour Almond, « l’objet essentiel de la science politique, qu’elle partage avec toute démarche de recherche est la production de connaissance, définie comme des inférences, des généralisations sur la politique s’appuyant sur des éléments de preuve ».  On reconnaît ici certains  des traits évoqués  comme  étant constitutifs de toute discipline scientifique : le  couple  induction/déduction ; le  contrôle  par la preuve, qui peut prendre (pas nécessairement) un caractère expérimental ; la production de résultats sous la forme de généralisations contrôlées.

Sur cette base, Almond procède à une datation très large lorsqu’il établit la genèse et  les principales évolutions de la discipline. Les origines de la science politique lui paraissent attachées à l’Antiquité. Pour Almond, en effet, les trois ouvrages écrits ou prêtés à Platon, La république, Politique, Les Lois, sont les premières véritables œuvres de la science politique, car ils initient un véritable champ de recherche en formulant les premières réflexions sur les régimes politiques et leurs évolutions. La pérennité de ces premières analyses lui paraît  même évidente, dans la mesure où « ses théories [celles de Platon] relatives à la stabilité politique et  à l’optimisation des performances, modifiées et précisées par Aristote et Polybe, préfigurent les recherches contemporaines sur la transition et la consolidation démocratiques ». Gabriel Almond poursuit sa généalogie de la science politique en évoquant Saint Thomas d’Aquin, Machiavel ou Hobbes comme des auteurs majeurs, ayant chacun ouvert de nouvelles perspectives de recherche ou amendé  d’une façon décisive  les connaissances préexistantes.

Gabriel Almond reconnaît cependant le caractère particulier du 19e siècle comme  phase de rupture et de structuration durable  de la discipline. Il souligne l’influence décisive  de la sociologie naissante avec Comte, puis Durkheim, influence qui détermine l’adoption de protocoles de recherche nouveaux  et mieux  assurés,  parce  qu’ils sont  moins  abstraits   et  plus  directement tournés  vers  l’empirisme. Il remarque ainsi  que  « les propositions élaborées  au XIXe  siècle  sur la nature  et l’explication  des phénomènes politiques furent  de façon croissante basées sur  des  inductions historiques  plutôt  que  sur  des hypothèses relatives à la nature humaine», ce qui permet  de « scientificiser » l’analyse des objets politiques. Même si Almond ne considère pas pour autant que l’empirie ait été systématiquement absente  auparavant (cf. le caractère  informé,  empirique au sens fort, des analyses  de Tocqueville notamment), c’est bien le caractère  scientifique,  au sens  d’une démarche collectivement partagée  et structurante de l’activité de recherche, qui lui paraît s’affirmer au XIXe. Comprendre  les   histoires   de  la   science politique, c’est   donc d’abord établir  pourquoi  cette datation  est souvent  adoptée,  au point de voir dans le XIXe  siècle un véritable  « moment fondateur ». Différentes  raisons  peuvent  être avancées : le XIXe siècle offre d’abord des conditions socio-politiques « favorables » à l’institutionnalisation et à la professionnalisation des sciences sociales en général ; cette même phase voit également se constituer une demande et une offre de savoirs sur les  objets politiques. Autant d’éléments transversaux qui seront déclinés de façon différenciée dans le cadre  des trajectoires  empruntées par la science  politique  aux États-Unis et en France.

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Par bien des aspects, le 19e siècle constitue une rupture décisive dans   l’autonomisation, l’institutionnalisation et la professionnalisation de la science politique.  Pierre Favre a insisté sur ce caractère particulier dans plusieurs écrits, notamment son  ouvrage intitulé Naissance de la science politique. Il établit à son tour le caractère « fondateur » de cette période en raison de l’activation de deux critères  ou dimensions  nécessaires à la constitution d’une discipline : la science  politique devient alors une communauté de professionnels revendiquant une spécificité relative en termes d’objets et de méthodes.

Cette césure n’est pas absolue, car Favre reconnaît que les filiations sont parfois compliquées à établir. Il pose en particulier que « la science politique d’aujourd’hui n’a pas été produite seulement par la science politique du passé, et la science politique du passé  n’a pas produit seulement la science politique d’aujourd’hui ». Isoler des ancêtres de la discipline, comme reconnaître des antécédents dans une période pré-scientifique, ne doivent dès lors pas  conduire à relire l’histoire à rebours. Tocqueville  ne se  voyait sans doute pas comme faisant de la science politique, en tout cas certainement pas au sens où l’on définit aujourd’hui cette discipline, mais son œuvre reste un point de référence essentiel pour l’analyse de la  formalisation de la démarche (comparaison  systématique, liens constants entre théorie et empirie), ainsi que pour certaines hypothèses ou conclusions  alors avancées (sur  la  densité du « tissu » démocratique, sur l’importance des variables religieuses, sur les ruptures et continuités attachées aux processus révolutionnaires, etc.). Tocqueville n’est pour autant pas le seul « père fondateur » de la discipline et l’usage qui est fait de ses ouvrages n’est pas monopolisé par la science politique. De la Démocratie en Amérique reste ainsi une référence en droit, en philosophie, en sociologie, etc. Enfin, l’analyse des phénomènes révolutionnaires ne s’inspire pas uniquement des ouvrages en apparence les plus directement liés à l’histoire  de la discipline comme peut l’être  L’Ancien Régime et la Révolution  de Tocqueville.

Dans le stock  de données, de concepts et de résultats offerts par les  auteurs du passé, on trouve également des ouvrages dont l’influence est le plus souvent attestée dans d’autres  disciplines. C’est  le cas par exemple de l’ouvrage de Gustave Le Bon, La psychologie des foules, qui reste une contribution fondatrice pour la psychologie ou pour la sociologie. Les généalogies sont donc parfois incertaines et fragiles, même si certaines césures, certaines œuvres et certains auteurs restent des références primordiales. Cette nuance étant faite, la  mise en avant du 19e siècle comme période fondatrice reste largement acceptée. Pour Pierre  Favre,  en  effet, « dans les pays du monde les plus développés, c’est donc toujours dans le dernier tiers du 19e siècle qu’une science politique, selon les critères que nous avons retenus,  fait son apparition ».                                       Encadré 3

Au Cameroun, c’est ce conseil qu’Antonin Cohen et ses acolytes donnent qui est opératoire. La datation du processus d’autonomisation de la science politique est à rechercher dans l’histoire de l’Institut des relations internationales du Cameroun (IRIC) et l’École supérieure des sciences et techniques de l’information et de la communication (ESSTIC). L’IRIC est créé le 24 avril 1971, sa mise en marche concrète s’opère à partir de 1972. Pour la formation de l’élite (Delmas, 1996) diplomates devant représenter l’État à l’étranger, finalité qui justifie l’existence dudit institut (Ntuda Ebode & Ebogo, 2013), il accueille des universitaires camerounais dont la spécialisation à la discipline ne subit pas la rivalité des juristes. Il s’agit notamment de Laurent Zang (1952-2021) qui intègre l’institut en 1974 et Dieudonné Oyono qui, lui y est intégré en 1975. Viendront dans la décennie suivante, Peter Agbor Tabi (1951-2016) précisément en 1982 et, en 1986, Elvis Ngolle Ngolle, Pierre Moukoko Mbonjo et Jean

Emmanuel Pondi[9]. L’IRIC est cependant un espace académique consacré à la science politique avec un accent marqué sur les études internationales instituées comme savoir d’État indispensable (Delmas, 2006).

S’agissant de l’ESSTIC, l’appellation première est l’École supérieure internationale de journalisme de Yaoundé (ESIJY) créée en 1970. En 1982, elle devient l’École supérieure des sciences et techniques de l’information (ESSTI).

C’est en 1991 qu’elle prend l’appellation définitive qu’elle porte aujourd’hui en raison de l’essor des nouveaux moyens techniques de communication. Elle contribue à la construction du champ politiste en raison de son intéressement pour le fait politique, particulièrement dans sa dimension communicationnelle – la communication politique. C’est pour assumer la formation dans ce domaine que l’école recrute, au sein de son département des enseignements généraux, des politistes. Il s’agit de Laurent-Charles Boyomo Assala qui intègre l’école en 1988. Celui-ci officie au côté d’autres enseignants qui, même s’ils ne se revendiquent pas comme politistes, leur champ de spécialisation dans la communication ne les en éloigne pas, ce qui suscite des frictions au sein de l’école.

L’expérience occidentale, si elle est antérieure à celle camerounaise, ne

Héritières des « sciences  camérales » qui visent dès le 16e siècle à offrir des instruments susceptibles pour parfaire la bonne gestion des affaires publiques, les sciences politiques sont alors envisagées comme des savoirs essentiellement pratiques destinés à instruire les grands serviteurs de l’État. La création de l’Académie des sciences morales et politiques puis celle de l’École libre des sciences politiques témoignent, à près d’un siècle  d’écart, de cette préoccupation récurrente. Instituée sous la Révolution (1795), supprimée par le Consulat (1803), puis rétablie à l’initiative de François Guizot sous la monarchie de Juillet (1832), l’Académie des sciences morales et politiques favorise ainsi le développement d’un « art de gouverner » qui s’appuie sur la connaissance statistique de la population et sur une expertise d’État qu’illustre par exemple le rapport Villermé de 1840 portant sur la condition ouvrière dans l’industrie textile. La création de l’École libre des sciences politiques par Émile Boutmy, en 1872, dans le contexte tourmenté de la Commune, de la défaite de Sedan et de l’instauration de la IIIe République à une époque où se créent une série d’institutions d’enseignements  équivalentes : la School of Political Science de l’Université de Columbia aux  États-Unis (1880), la London School of Economies and Political Science en  Grande-Bretagne  (1895), prolonge cette entreprise de formation des élites (que l’École ambitionne de  « régénérer ») en proposant des savoirs « utiles » (le plus souvent aux élites conservatrices et/ou « modernisatrices ») qui relèvent des sciences  juridiques, des sciences administratives, des sciences économiques bien plus que d’une véritable « science » de la politique. Ainsi, la sociologie est largement tenue à l’écart alors même qu’un programme de « sociologie  politique » est inscrit au cœur de l’œuvre d’Emile Durkheim. Les sciences politiques se  définissent alors comme l’ensemble des connaissances qui servent à la direction générale de  la politique  et  qui  sont  d’application  dans  les  diverses  administrations  d’un État ». Ainsi, l’École ne va pas tarder à conquérir un véritable monopole sur la préparation aux concours de recrutement les plus importants dans les administrations  centrales de l’État.

La  nationalisation de l’Ecole libre des sciences  politiques  en 1945 ouvre un contexte nouveau ; deux institutions sont conjointement créées : une École nationale d’administration (ENA), qui dispose désormais du monopole sur le recrutement dans les grands corps de l’État  (Conseil  d’État,  inspection  des  Finances,  Cour des  comptes), et un Institut d’études politiques (IEP) adossé à une Fondation nationale des sciences politiques  (FNSP) qui  vont, dès lors, plus que par le passé, investir dans la « science », et en particulier dans la « science politique». La véritable institutionnalisation de la science politique  française se  produit à cette époque, avec la création simultanée de plusieurs IEP en province, Strasbourg (1945), Grenoble, Lyon, Toulouse et Bordeaux (1948), puis Aix-en-Provence (1956). Les IEP de Lille et Rennes ayant été créés par la suite, au  début des années 1990, mais aussi de  l’Association  française de science politique (AFSP) en 1949 et de la Revue française de science politique (RFSP) en 1951. Dans le même temps, on assiste à une croissance considérable en science politique, comme dans les autres sciences humaines, du nombre d’enseignants chercheurs, qui  passe  de quelques dizaines à plusieurs centaines de personnes, même si, en termes numériques.                                                                                         Encadré 4

s’éloigne de dynamique d’introduction de la discipline par les écoles et instituts.

Si l’IRIC et l’ESSTIC sont les premiers sites spécialisés à l’étude d’une dimension du fait politique parce que destinés à l’enseignement des relations internationales et de la communication politique, le champ politiste met en scène ses véritables propriétés dans le campus de l’Université de Yaoundé où exercent dès la décennie 1970, au sein de la faculté de droit et sciences économiques (FDSE) les premiers politistes de formation revenus de l’étranger. Participent à cette fondation, Adamou Ndam Njoya (1942-2020) qui y est intégré en 1970, Paul Ndue Ntungwe qui y est intégrés en 1972, Aletum Tabuwe Michael (19392020) et Augustin Kontchou Kouomegni qui y sont intégrés en 1974 et Louis Paul Ngongo (1933-2014) qui y est intégré en 1977. La particularité de ces derniers[10] est l’animation du champ à l’épreuve de l’hégémonie des juristes publicistes car la discipline ne fait l’objet que de quelques enseignements (introduction à la science politique, relations internationales, sociologie politique) dans le cadre du cursus de droit au sein du département de droit et science politique de la FDSE. La dénomination de la faculté montre bien que, la science politique à ce moment n’est qu’une sous formation académique puisqu’elle est enseignée en appoint d’une autre discipline – le droit public[11].

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Le contrôle des facultés des sciences juridiques et politiques (FSJP) dans l’ensemble des universités d’État par les juristes a toujours conféré à ceux-ci une position hégémonique sur la Science politique. D’ailleurs, les juristes publicistes lauréats du concours d’agrégations du Conseil Africain et Malgaches de l’Enseignement Supérieur (Concours d’agrégation CAMES), ont toujours revendiqué disposer de la connaissance politiste. La revendication est liée à l’organisation jusqu’en 2007, par le CAMES, d’une agrégation en droit public et science politique. C’est ce couplage des deux disciplines dans le cadre d’une même section du concours qui laisse ainsi libre cours à ces prétentions. Un terme sera mis à cette association autorisant des confusions. Luc Sindjoun alors président du jury de la section droit public et science politique à l’édition 2007 dudit concours s’investira à faire créer une section science politique autonome.

En effet, lors du concours d’agrégation de 2009 les candidats des deux disciplines compétissent au sein de sections distinctes. Ceux qui réussissent au concours d’agrégation du CAMES sont désormais lauréats en science politique. L’évolution séparée des deux disciples a contribué à mettre un terme aux prétentions des juristes publicistes[12] et à une plus grande reconnaissance de la discipline (Millet, 2001). Cette dynamique d’autonomisation est aussi identifiable en France. Maurice Duverger et George Védel, bien qu’étant des juristes, œuvre pour la création d’un concours d’agrégation de science politique. c’est certainement leur conversion à la discipline qui anime ce combat dont l’aboutissement intervient en 1973 avec la tenue du premier jury d’agrégation de science politique.

L’autonomisation de la science politique du droit public à l’échelle internationale portée par Luc Sindjoun[13] intervient en réalité à la suite du processus similaire opéré au niveau interne de l’État. Il s’agit d’une dynamique entamée par Micheal Aletum Tabuwe[14]. Il est installé dans la durée au sommet de la hiérarchie administrative des disciplines droit et science politique au sein de la FDSE, notamment de 1980 à 1991 en qualité de chef de département de droit et science politique, puis au sein de la FSJP, de 1992 à 2000, en tant que chef de département de droit public et science politique. Son entreprenariat pour l’autonomisation de la science politique par la création d’un département exclusif pour l’administration de la discipline s’intensifie à la faveur de la création de l’Université de Yaoundé 2 en 1993. La disposition par cette nouvelle institution d’un établissement consacré aux sciences juridiques et politiques ouvre les éventualités de revendications d’une spécialisation des administrations consacrées aux disciplines. La « fenêtre d’opportunité » (Kingdon, 1984) qui accroit les possibilités de concrétisation de ces revendications est la désignation d’Ephraïm Ngwafor Nde comme chef de l’institution – recteur. La collaboration entre Micheal Aletum Tabuwe et celui-ci, marquée entre autres par leurs connexions linguistiques et culturelles (Sindjoun, 1998), permet de contourner la domination du chef d’établissement. Il parvient ainsi à traverser le verrou du chef d’établissement juriste et à faire remonter au niveau de l’autorité de tutelle la nécessité de la création d’un département de science politique[15].  Celui-ci est

créé en 2000 non pas par un acte spécifique de création mais par l’acte ministériel de désignation de Micheal Aletum Tabuwe à la tête d’un département consacré à l’administration exclusive de la science politique. Il exerce son autorité sur ledit département jusqu’en 2006. À titre de comparaison, en France le premier département universitaire de science politique date 1969. Il est créé à l’Université de Paris 1-Sorbonne par des juristes convertis à la discipline comme Maurice Duverger (Cohen et al., 2009).

La trajectoire d’autonomisation administrative incrémentale de la science politique qu’a connue particulièrement l’Université de Yaoundé 2 est repérable dans les autres universités publiques à la suite de la transformation de l’architecture monolithique de l’enseignement supérieur. La réforme universitaire de 1993, qui elle-même n’est pas dissociable de la transition politique que connait l’État à l’entame de cette même décennie, institue

plusieurs institutions universitaires publiques. D’une université d’État, la carte de l’enseignement supérieur s’enrichie de cinq nouvelles universités, soit six désormais, dont les délimitations obéissent à l’héritage colonial marqué par l’antagonisme français et britannique. L’enjeu de l’autonomie administrative de la science politique au sein des FSJP des universités publiques autres que celle de Yaoundé 2 montre effectivement la prégnance de l’hégémonie du droit public. À l’Université de Douala, l’autonomisation administrative de la science politique intervient en 2006 avec la séparation du département de droit public et de science politique en deux administrations distinctes. Depuis cette individualisation du destin administratif de la science politique et de celui du droit, les politistes assurent son fonctionnement[16]. À l’Université de Dschang, ce n’est qu’en 2012 que l’administration de la discipline est détachée du droit public en raison de la création d’un département de science politique[17], ce qui revient à mentionner que jusqu’à cette date elle s’effectuait sous la même autorité administrative que le droit public.

À l’Université de Ngaoundéré la trajectoire est similaire. Administrativement, et ce jusqu’en 2020, la discipline est intégrée dans le département de droit public qui est sous l’autorité cependant d’un politiste, Mathurin Nna[18]. Celui-ci, entreprend cependant l’ajustement de la dénomination du département en y adjoignant science politique pour avoir l’appellation département de droit public et science politique. Bien que, cette terminologie ne connaitra pas de consécration par un acte normatif de la tutelle ministérielle, son application pratique (Lascoumes, 1990 ; De Herdt & De Sardan, 2015) lui permet tout de même d’affirmer l’existence de la discipline. La double fonction d’administration du droit public et de la science politique – chef d’établissement

– par un politiste, Janvier Onana ne contribuera n’ont plus à l’autonomisation. Les deux politistes de 2015 à 2020 constituent en effet une association hiérarchique favorable à l’affirmation de la discipline. Pour autant, le temps relativement long conduisant à l’ouverture du département montre que le chemin vers l’autonomie administrative se révèle sinueux. La ressource que constitue la coalition de corps ne se montre performative qu’en 2020. Le moment historique d’autonomisation du département de science politique de la FSJP de l’Université de Maroua[19] coïncide avec celui de le FSJP de l’Université de Ngaoundéré, notamment l’année 2020. D’une administration conjointe avec le droit public dans le cadre du département de droit public et de science politique fonctionnant sous l’autorité d’un juriste publiciste, Abdoul Nasser, la gestion de la discipline a été séparée à travers la création d’un département de science politique qui est désormais conduite par un politiste, Appolinaire Foulla Damna.

La trajectoire d’autonomisation administrative de la discipline dans la partie anglophone est distincte car les deux universités qui y existent sont créées avec déjà des départements de science politique. La vie de la science politique est dans ces situations moins déterminée par le droit en raison de leur attachement à la tradition anglo-saxonne de la discipline. C’est le cas particulier de l’Université de Buea où la discipline est premièrement intégrée à la faculté des sciences sociales et du management (FSSM) et est administrée par un département de science politique[20]. Par la suite, elle est rattachée à la FSJP contrôlée par un juriste spécialiste de la common law[21]. Cependant, la création en 2017, d’un département de relations internationales et résolutions des conflits[22] à côté de ce dernier marque la volonté d’affirmer cette tradition anglosaxonne qui fait de la diversité de connaissance, lié au fait politique, sa singularité (Almond, 1997). La trajectoire de l’Université de Bamenda, dernière en date des institutions universitaires créées[23], diffère de celle de Buea. Bien que située en région anglophone l’institution universitaire est organisée suivant le modèle des universités francophones. Elle dispose en son sein d’une FSJP. La gestion de la science politique est à la charge d’une administration spécifique. L’acte qui met en scène la dominance du droit sur la discipline ici est la présence à la tête de cette unité administrative d’un juriste de tradition common law, Atangcho Nji Akonumbo, jusqu’en 2017. L’administration est remise au politiste dès cette date, administration qu’il conserve depuis lors[24].

À l’Université de Yaoundé 2 la position dominante de Micheal Aletum Tabuwe sur l’administration du droit et de la science politique puis, sur l’administration autonome de cette dernière, ne lui confère tout de même pas un monopole sur la définition des cursus et des programmes d’enseignement. Les juristes sont effectivement majoritaires au sein des différents départements que dirigera Micheal Aletum Tabuwe[25] et les différents établissements aussi sont contrôlés par eux. À la FDSE, il exerce ses fonctions de chef de département de droit et science politique sous l’autorité des doyens, Stanislas Melone, juriste privatiste (1976-1981), Peter Ntamack, juriste de tradition common law (19811988), Joseph Marie Bipoum Woum, juriste publiciste (1988-1990) et Paul Gérard Pougoué, juriste privatiste (1990-1993). À la FSJP, il exerce ses fonctions de chef de département de droit public et science politique sous l’autorité également de Paul Gérard Pougoué, juriste privatiste (1990-1993) puis d’Adolphe Minkoa She, juriste privatiste (1993-1999), de Maurice Kamto, juriste publiciste (1999-2005) et Victor Emmanuel Bokali, juriste privatiste (2005-2012).

Le poids de ces chefs d’établissement sur la délimitation des cursus de formation se traduit par la nécessité pour les étudiants désireux d’être formés au savoir politiste de débuter leur formation par le droit. De 1998, et ce jusqu’en 2008, l’accès se fait en troisième année de licence après l’obtention d’un diplôme d’étude universitaire générale (DEUG) en droit fondamental. Au terme de la troisième année de licence, il leur est délivré une licence en droit option science politique et au terme de l’année de maîtrise, c’est aussi une maîtrise en droit option science politique qui est décernée. Or, de 1993 à 1998, la science politique enregistrait déjà une partielle individualisation car les étudiants s’inscrivant pour la formation en science politique étaient enregistrés dès la première année de licence comme faisant partie d’un cursus distinct bien qu’ils suivaient trois semestres de formation générale de droit et de science politique. Le quatrième semestre était dominé par les enseignements de science politique.

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Il convient par conséquent de considérer que durant la décennie 1998-2008, c’est une régression qui s’opère. Pour autant, la quête d’autonomie entamée par Micheal Aletum Tabuwe est achevée en 2007 par Luc Sindjoun. À la faveur de l’arrimage national aux directives communautaires rendant obligatoire l’application du système LMD – système Licence-Master-Doctorat – dans l’enseignement supérieur[26].

Dans les institutions universitaires éloignées du centre d’émulation de la science politique que représente l’Université de Yaoundé 2[27], le cursus de formation à la discipline évolue encore sous la dominance du droit. À

Ngaoundéré, l’accès à une formation spécialisée en science politique s’effectue à partir de la première année de master et elle se poursuit jusqu’en cycle de doctorat. Ceux qui souhaitent s’y inscrire débute le cursus de tronc commun à dominance juridique. La présence d’un doyen politiste[28] n’est pas une ressource d’autonomisation des cursus, ce qui amène à relativiser l’argument plus haut mobilisé concernant la FSJP de l’Université de Yaoundé 2 où la succession des doyens juristes a été considérée comme un verrou de l’autonomisation des cursus. Cela est identique à l’Université de Dschang, l’Université de Douala et celle de Maroua pour l’exigence du début par un tronc commun dans la filière mais, dans ces trois institutions universitaires, l’intégration du cursus science politique se fait dès la troisième année de licence[29]. Par contre, à l’Université de Buea et l’Université de Bamenda[30], seuls quelques enseignements de droit considérés comme complémentaires pour le cursus de formation – droit constitutionnel et le droit international par exemple – sont pris en compte. Dans ces institutions, le cursus de formation débute en première année de licence comme sus évoqué pour l’Université de Yaoundé 2.

De ce qui précède, l’autonomisation du cursus de formation à l’Université de Yaoundé 2, à l’Université de Buea et celle de Bamenda relève davantage de l’exceptionnalité (Durkheim, 2013). Si le cursus est désormais complet parce que débutant en première année de licence et cheminant jusqu’au cycle de doctorat, la lutte pour l’autonomie se poursuit cependant pour ce qui concerne la définition des programmes devant meubler le cursus de formation en science politique. Elle s’anime autour du dosage des enseignements d’une part des diverses sous-disciplines de la science politique dans un cursus politiste et d’autre part des autres disciplines jugées complémentaires au cursus. A partir de l’existence d’un département propre aux politistes, d’un cursus qui débute dès la première année de licence, les tensions s’internalisent donc et les protagonistes de la discipline entre eux confrontent leur conception de la science politique.

Pour d’aucuns, la tradition des facultés de droit est à conserver. Cela se traduit par le maintien d’un équilibre entre les enseignements de droit et ceux de science politique[31]. Cette position est défendue par les politistes de tradition française qui ont débuté leur cursus par le droit.

Pour d’autres, la science politique est en majeur partie de la sociologie.

Cela implique une réduction des enseignements d’ordre juridique et une accentuation des enseignements conduisant à doter les étudiants de la connaissance sociologique du fait politique[32]. C’est toujours le fait de politistes de tradition française mais particulièrement ceux qui ont débuté la science politique dès leur entrée à l’université. D’autres encore, considèrent que la science politique est constituée d’une pluralité de savoirs. Celles-ci, selon eux, devraient être en priorité enseignées[33]. Il s’agit des politistes de tradition anglosaxonne et nord-américaine qui envisagent la terminologie au pluriel – les sciences politiques. Cet antagonisme continue d’animer la discipline au département de science politique de la FSJP de l’Université de Yaoundé 2, de Luc Sindjoun à Fabien Nkot[34] en passant par Jean Njoya[35] et, à chaque fois sous l’autorité de chefs d’établissement relevant du droit[36]. Il en est de même au sein des autres universités publiques.

La diffusion de la science politique sus analysée coïncide à certain égard avec la démocratisation de l’État (Keohane, 2009), tout au moins pour ce qui concerne la multiplication des départements en raison de la multiplication des universités publiques. Dès lors, autant la lutte pour l’autonomie, à travers la création des départements exclusifs, la définition des cursus et programmes d’enseignement particuliers que, d’autres structures administratives et instruments de promotion se rapportant à la discipline participent du même processus.

Chapitre 2

L’animation scientifique de la discipline

L’enjeu de l’autonomie de la science politique se pose aussi concernant l’administration de la recherche. Les institutions publiques de recherche ainsi que celles privées, en tant que lieux d’opérationnalité des programmes scientifiques (Ritchie, 2020), s’inscrivent dès leurs entames dans la perspective de l’autonomie. En effet, la majorité des expériences s’y rapportant dévoile que les centres de recherche sont créés avec déjà un ancrage spécialisé dans la science politique. Le tout premier est le Centre de recherche et d’études politiques et stratégiques (CREPS). Il est créé en 2007 suite à l’entreprenariat de Joseph Vincent Ntuda Ebode. Il s’en suit en 2014, à l’initiative de Nadine Machikou, la création du Centre d’études et de recherches en dynamiques administratives et politiques (CERDAP). Les centres sont ainsi des espaces institutionnels d’administration autonome de la recherche dans un champ disciplinaire. L’Université de Dschang concernant l’administration de la recherche montre par contre une expérience singulière. Avec son Centre d’études et de recherches en droit et développement (CERDD), elle révèle que l’affirmation de la science politique reste toujours à conquérir. Celle-ci partage le destin du droit malgré l’unité de recherches politiques, stratégiques et sociales (URPOSSOC) qui au sein du centre est assignée à la délibération et la conduite des programmes de recherche. L’administration publique de la recherche présente par conséquent une double dynamique. L’une affranchissante, l’autre assujettissante.

Dans le domaine de l’administration de la recherche en science politique, c’est toutefois l’initiative privée qui est pionnière. La fondation camerounaise de science politique (FCSP) voit ainsi le jour vers la fin des années 1990. Elle est la première à s’engager dans la recherche en géopolitique dans toute l’Afrique centrale (Ntuda Ebode & Ebogo, 2013). Suivra, en 1996, le Groupe de recherche administrative, politique et sociale (GRAPS) de Luc Sindjoun. La fondation Paul Ango-Ela (FPAE) est créée en 1999. Elle se spécialise sur les études de géopolitiques et se distingue par la promotion d’un support prospectif dénommé

Enjeux. En 2006, le Centre d’études stratégiques pour la promotion de la paix et du développement (CAPED) est créé par Alain Fogue Tedom. La particularité de ces initiatives privées de structuration de la recherche en science politique est qu’elles se cantonnent dans la ville de Yaoundé, précisément à l’Université de

Yaoundé 2 qui apparait comme le site par excellence d’émulation et d’animation de la discipline.

Si la Yaoundé est le centre de la science politique, au sens où c’est elle la gardienne du « noyau dur » (Sindjoun, 2002) de la discipline, la périphérie affiche progressivement sa volonté d’exister dans ce champ scientifique. La ville de Douala, consécutivement à l’émancipation des politistes de l’Université de Douala, est la première des sites périphériques à entamer sa mue quant à l’animation privée de la recherche en science politique. L’initiative pionnière est portée par Manasse Aboya Endong. Il créé en 1998 le Groupe de recherche sur le parlementarisme et la démocratie en Afrique (GREPDA). À sa suite, près de deux décennies après, en 2017, un disciple de Luc Sindjoun, Auguste

Nguelieutou[37] qui dispose également d’un poste d’enseignant permanent à l’Université de Douala, s’inscrit dans cette trajectoire de l’administration privée de la recherche. Il densifie l’espace d’administration de la recherche en science politique dans la ville de Douala en créant le Centre de recherches sur l’Afrique et les enjeux contemporains (CRAEC). Il convient de constater que les politistes de la ville de Douala projettent, à travers la focalisation sur l’Afrique, de faire de leur ville un pôle de la recherche sur les questions du politique à l’échelle du continent africain.

L’initiative privée visant à promouvoir la recherche en science politique ne se réduit pas aux œuvres d’enseignants disposant de postes permanents au sein des universités. La diffusion de la discipline est aussi perpétrée par des jeunes encore en cours de formation. En 2006, un groupe d’étudiants de l’Université de Yaoundé 2 et de niveau maîtrise se mettent ensemble dans le cadre d’une association faisant la promotion de la science politique. Dénommée Science Po Cameroun[38], l’engagement au sein de cette organisation leur permet de manifester leur passion pour la discipline. Ils se livrent à l’organisation de conférence sur des thèmes d’actualité, ce qui leur permet de contribuer à la visibilité de la discipline. Science Po Cameroun est par conséquent une dynamique de bureaucratisation d’un mouvement associatif estudiantin (Eyenga, 2021). Elle porte aussi leur volonté de faire carrière dans la recherche en science politique par l’intégration de la corporation à la suite de leurs études. L’initiative de 2006 sera suivie par d’autres générations d’étudiants de cette même université[39].

Si ici elle est le fait de l’initiative privée, la science politique s’est principalement toujours organisée autour d’associations scientifiques depuis la première association internationale qu’avait créée l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation,  la science et la culture (UNESCO) ainsi que les supports de publications scientifiques qui contribuent à la promotion du savoir politologique. C’est au lendemain de la seconde guerre mondiale que s’amorce la seconde institutionnalisation  de  la  science politique. Jusqu’alors, en dehors des États-Unis  où  existe  une  association  nationale  de science  politique  depuis  1903, l’étude de  la  politique  n’est pas constituée dans un cadre disciplinaire clairement établi, mais résulte plutôt    d’enseignements sur l’État conçus à partir des disciplines existantes (droit, philosophie, économie) et délivrés dans  des institutions qui, comme l’École libre des  sciences politiques (1872), la London School of Economics and  Political Science (1893), l’École des  sciences  sociales  et politiques  de  Lausanne  (1903) ou  la  Oeutsche  Hochschule für Politik de  Berlin (1920), ont plutôt une vocation de formation du  personnel  étatique  et diplomatique.

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La création de l’Unesco en novembre 1945 va partiellement changer la donne avec  son ambitieux projet de développement et de coordination des sciences. L’organisation définit rapidement cinq programmes et crée autant de départements. Le plus important concerne l’éducation, les quatre autres  les sciences naturelles, la communication de masse, les activités culturelles et les sciences sociales. Au sein de ce dernier, une division est plus particulièrement consacrée à la science politique, une autre à la coopération internationale. Il s’agit alors de réorganiser  les sciences sociales en favorisant la création d’associations internationales. Une Association internationale de science politique est ainsi créée en 1949 (parallèlement à plusieurs associations similaires, en sociologie, sciences économiques, psychologie sociale et sciences juridiques suivie par le Comité international pour la documentation des sciences sociales en 1950 (dont  le  secrétariat  est assuré par Jean Meyriat à l’Institut d’études politiques  de  Paris)  et par le Conseil international des sciences sociales en 1952. Simultanément, la science politique s’institutionnalise au niveau national. En 1949-1950, neuf associations nouvelles sont constituées (France, Allemagne, Royaume-Uni, Suède, Israël, Grèce, Belgique, Hollande, Autriche et Mexique), qui  s’ajoutent  à  celles  qui  existent  déjà  aux États-Unis,  en  Inde  et  au Canada.

Outre la dimension institutionnelle, l’Unesco encourage divers efforts bibliographiques ou  éditoriaux.  En  1948,  elle publie  le Bulletin  international  des sciences sociales (devenu  en  1959  la  Revue  internationale des sciences sociales) ; dès 1950,  son Centre  de documentation  assure  la  publication  de séries  bibliographiques  par disciplines  (sciences  sociales,  science  politique, droit  et  sociologie);  entre 1952 et 1954, elle organise la publication de la Documentation politique internationale (International Political Science Abstracts). Dans le  même temps, l’Unesco édite un volumineux ouvrage, La Science politique contemporaine (1950), rassemblant plus d’une cinquantaine de contributions sur l’état de la discipline (contenu, méthodologie, terminologie) dans différents pays.  L’expression « science  politique »  y est  utilisée au singulier pour spécifier un périmètre disciplinaire comprenant la  théorie politique et l’histoire des idées politiques, les institutions politiques (constitution, gouvernement, administration publique, fonctions  économiques  et  sociales du gouvernement, institutions politiques), les forces  politiques  (partis,  groupes  et  associations, opinion publique, participation politique) et les relations internationales. D’autres travaux  de  cette  nature seront publiés par la  suite,  notamment une enquête  sur  l’enseignement  des sciences sociales  en  1953,  puis  de  la  science  politique  en 1955.

Dans les années 1950, l’Unesco contribue ainsi à poser les bases d’une  institutionnalisation  disciplinaire de la science politique au niveau international, selon un modèle qui doit beaucoup, en cette période de guerre froide, à celui  des sciences sociales américaines,  dont la  diffusion est par ailleurs soutenue financièrement par différents  organismes  privés (Fondations  Rockefeller, Ford et Carnegie). En France, l’Institut d’études politiques (IEP) et la Fondation nationale des sciences politiques (FNSP) entretiennent des contacts étroits avec l’Unesco et ces fondations américaines, favorisant dès lors l’importation des modèles, théories, concepts et objets propres à la science politique  américaine.

Encadré 5

L’autonomie de la science politique est aussi l’enjeu de la production scientifique qui se développe dans les milieux universitaires à travers les supports de publications qui y sont créés. La Revue africaine d’études politiques et stratégiques (RAEPS) de la FSJP de l’Université de Yaoundé 2 constitue un support spécialisé parce qu’elle est exclusivement ouverte à l’analyse du fait politique. Au sein des autres universités publiques cette autonomie est absente malgré  que les revues qui y sont créées accueillent des travaux de science politique. La FSJP de l’Université de Douala, fait ainsi la promotion des recherches de politistes à travers la revue Janus (La Camerounaise de Droit et de Science politique). À l’Université de Dschang, Les Annales de la Faculté des sciences juridiques et politiques servent de support à ces derniers. À l’Université de Ngaoundéré, dès 2006, la FSJP se distingue avec la revue Cahiers juridiques et politiques. L’Université de Bamenda, à travers l’African Journal of Law and Politics, promeut les publications des politistes depuis 2017. La FSJP de l’Université de Maroua à la suite d’un colloque organisé en 2018 a inauguré sa Revue de droit et de science politique[40].

L’autonomie est par contre de mise au sein des initiatives privées conduites par des politistes ou ceux-ci en association avec des juristes. Luc Sindjoun y est attaché dès 1996, avec la revue PolisRevue camerounaise de science politique. Au sein de celle-ci, il regroupe des travaux aux domaines variés des sous disciplines de la science politique, tels que la sociologie politique, l’anthropologie politique, la politique comparée ou les relations internationales[41]. Il en est de même d’ailleurs de SolonRevue africaine de parlementarisme et de la démocratie que créés Roger Gabriel Nlep, Léopold Donfack Sonkeng et Aboya Manasse Endong, en 1998. La revue Dialectique des intelligences portée par Alain Fogue Tedom dès 2016 se consacre par contre aux études stratégiques. Des supports privés qui diffusent en simultané des travaux de droit et ceux de science politique sont aussi à mentionner. Il s’agit de la revue Juridispériodique de Paul Gérard Pougoué et François Anoukaha. Elle émerge au début de la décennie 2000. Dans la même décennie, plus précisément en 2013, Magloire Ondoa inaugure le premier numéro de la Revue africaine de droit et de science politique (RADSP).

Les départements, les cursus et programmes qu’ils élaborent pour la formation en science politique ainsi que les revues qui diffusent la recherche politiste participent dans l’accomplissement de leur utilité sociale à imposer

l’autonomie d’une connaissance sans « signifier une quelconque condescendance à l’égard d’autres discours » (Braud, 2014 : 3) scientifiques.

Celles-ci conditionnent la consolidation d’un espace d’émulation des spécialistes de la discipline.

Deuxième partie

Les corollaires de l’autonomie scientifique  

Qu’est-ce que qu’être politiste ? L’essentiel des politistes qui animent la science politique sont le produit du contexte de lutte pour l’autonomie de la discipline. L’intériorisation de la domination du droit dans le cadre de leur formation à la FDSE de l’Université de Yaoundé détermine de leur trajectoire de politiste. Pratiquer l’analyse de  la  politique  sans vouloir nécessairement en tirer un parti politique illégal. Cette pratique est difficile à caractériser en un mot. Mais, comme le soulignait fortement Norbert Elias, « c’est la  découverte, et non la méthode, qui légitime la recherche comme science»  [Elias,  1994].  On  fera alors  de  la  science  politique»  dès qu’on  aura,  d’abord,  constaté  avec étonnement que l’ordre social ne va pas de soi ; dès  qu’on  se  montrera ensuite soucieux d’en comprendre les structures politiques ; dès qu’on prendra enfin ses distances avec les convictions immédiates sur la politique, celles de nos contemporains mais aussi les nôtres, à la faveur d’une interrogation aussi systématique que possible. Il y a, pour  y  parvenir,  une  trousse  d’urgence  indispensable. C’est ce qui se fait dans le cadre des différentes sous disciplines de science politique, considérées ici comme ses territoires épistémiques.

Chapitre 3

Les controverses ontologiques de la discipline

La démocratisation de l’enseignement et de la recherche en science politique contribue à l’émergence d’une nouvelle génération de politistes disposant encore de leurs postes à l’université. Ils participent du « second souffle » (Hassenteufel & Smith, 2002) d’une corporation politiste dont le rayonnement international connait un « essoufflement » (Hassenteufel & Smith, 2002) en raison de la migration de ses « pères fondateurs » (Garrigou, 2009) vers les « sommets de l’État » (Birnbaum, 1994). Tous ces politistes susénumérés se distinguent par une ou plusieurs publications scientifiques d’abord de revues internationales de rang A, puis de chapitre d’ouvrage au sein d’ouvrages collectifs dirigés par des politistes occidentaux et édités par des maisons d’édition de renommée internationale, enfin d’ouvrages publiés au sein de ces mêmes éditeurs.

Malgré cette homogénéité qui structure leur sélection, la diversité de leurs parcours universitaires articule leurs revendications d’appartenance à des traditions singulières de la science politique qui alimentent les controverses au sein de la communauté (Almond, 1997) et accentuent la segmentation interne de la discipline (Almond, 1990). Une première tension émerge entre ceux de ces politistes ayant achevé leurs études en France, et ceux ayant achevé les leurs au Canada. Les premiers sont de tradition romano-germanique et les seconds de tradition nord-américaine. Dans la première catégorie se retrouve : Luc Sindjoun intégré dans le corps en 1991, Jean Njoya en 1995, Ibrahim Mouiche en 1996, Blaise Jacques Nkene en 1996 également, Aboya Manasse Endong en 1997, Joseph-Vincent Ntuda Ebode en 1997, Moluh Yacouba en 1997 également, Mathias Éric Owona Nguini en 1998 et André Kayo Sikombe 1999. Dans la seconde catégorie, Fabien Nkot qui intègre qui intègre la corporation en 1994 en est la figure principale.

Le premier groupe, malgré son homogénéité face au second, est loin d’être unifié. En son sein, un politistes de la lignée d’Augustin Kontchou Kouomegni se distingue. Il s’agit principalement de Luc Sindjoun[42]. Dès 1993, il œuvre au rayonnement de la science politique par sa présence au sein des revues internationales ainsi qu’au sein de forums internationaux de référence dans ce champ disciplinaire. En matière de forums de référence ici, il faut voir l’International political science association4[43][44] (IPSA), l’Académie française des sciences d’Outre-Mer[45] qu’il intègre en 2008 et la Francophonie[46]. En Afrique, il s’agit de l’Association africaine de science politique[47] (AASP), du Conseil pour le développement des sciences sociales en Afrique[48] (CODESRIA) et du

CAMES48. Dès 1999, suite à son admission au concours d’agrégation français de science politique, il travaille au développement chez ses étudiants du cycle de recherche d’une science politique tournée vers la conceptualisation et la systématisation tel qu’elle s’est faite par les penseurs classiques[49] et perpétuées depuis longtemps dans ces espaces internationaux (Pokam, 2018) de cotation de la discipline. Luc Sindjoun transmet ainsi à ses disciples ces standards scientifiques hérités de son apprentissage doctoral auprès d’Augustin Kontchou Kouomegni et, de Jacques Lagroye, dans le cadre de la préparation du concours d’agrégation français. Il guide aussi ses disciplines sur cette voie de la conceptualisation et de la systématisation en cultivant chez eux, dès les premières années de thèse de doctorat, la culture du débat théorique sur les thématiques majeures de la science politique.

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Luc Sindjoun positionne par sa formation ses disciples sur le chemin du concours d’agrégation inauguré par son maître Augustin Kontchou Kouomegni50. La réussite de celui-ci dans le cadre du CAMES et le plafonnement dans le corps toujours dans le cadre de cette institution ouvre la voie à des positions de prestige académique au sein de cette communauté régionale51. Au rang de ses disciples s’étant distingués il faut considérer : André Tchoupie[50], Nadine Machikou[51], Auguste Nguelieutou[52], Yves Paul Mandjem[53], Paul Elvic Batchom[54], Joseph Ketcheu[55], Moïse Tchingankong Yanou[56], Mireille Manga Edimo[57], Frank Afom Ndong[58] et Yves Alexandre Chouala (19682015)[59]. Au-delà de ce nombre élevé de disciples, l’institutionnalisation de son

  • Augustin Kontchou Kouomegni est reçu au concours français d’agrégation de science politique en 1981.
  • À la suite de Luc Sindjoun, Nadine Machikou préside la section science politique du concours d’agrégation CAMES depuis la 19è session tenue en novembre 2019. Toujours sur ses traces, elle accède à la viceprésidence de l’AASP en mars 2021. Toujours en 2021, elle intègre le comité exécutif de l’IPSA où elle occupe la fonction de vice-présidente en charge de l’adhésion. Elle parvient aussi cette même année à intégrer le comité de rédaction de la revue Politique africaine en qualité de corédactrice en chef. Il s’agit d’un support pluridisciplinaire et trimestriel de rang A créé en 1981 par Jean-François Bayart.

œuvre trouve progressivement une reconnaissance par les travaux qui s’intéressent à l’identification d’une trajectoire africaine de la science politique62 (Darbon & Provini, 2018 ; Darbon & al., 2019).

Toujours dans ce premier groupe mais davantage ceux des politistes ayant effectué, en France, le cursus universitaire fondamental concomitamment au cursus des Instituts d’études politiques (IEP), il convient de relever la trajectoire de Joseph-Vincent Ntuda Ebode. Ce dernier, une fois retourné au Cameroun s’investira premièrement dans l’analyse fondamentale. Il l’abandonne dès 2007 pour l’analyse prospective du fait politique dans le cadre du CREPS. Il excelle par conséquent dans la recherche prévisionnelle et en fait une école tournée vers les études stratégiques. Au titre de ses disciples donc la visibilité est garantie, il convient d’évoquer Frank Ebogo63 et Édouard Épiphane Yogo64. Néanmoins, cette tendance est équivoque suivant la position d’autorité d’un politiste classique, comme Philippe Braud (2014 : 3), s’agissant de la finalité de science politique. Pour lui, « la démarche du politiste se constitue […] autour de trois grands repères. Le premier est la séparation aussi rigoureuse de valeur, ce que

Max Weber appelait l’exigence de neutralité axiologique. Le deuxième est le recours à des méthodes et techniques d’investigation, communes d’ailleurs aux sciences sociales, sur la validité desquelles le chercheur doit en permanence s’interroger pour en évacuer les limites. Le troisième est l’ambition de systématisation, c’est-à-dire à la fois la production de concepts autorisant un

                                                                                                                                                                                    

internationales (Vol. 6, 2005), Politique et Sociétés (Vol. 25, n° 2-3, 2006), Bulletin de l’APAD (n° 27-28, 2008).

  • Pour de meilleures précisions sur la reconnaissance internationale des efforts de Luc Sindjoun pour l’institutionnalisation de la science politique au Cameroun, lire la note de bas de page 3 que lui consacre Dominique Darbon et Olivier Provini dans leur article commun (« Penser l’action publique » en contextes africains : Les enjeux d’une décentration ». Gouvernement et action publique, 2018, 2(2), 9-29.). Dans une autre recherche, en 2019, Dominque Darbon toujours mais accompagné, cette fois de trois autres collègues, précisent dans une note de bas de page encore, note de bas de page 6, les travaux de disciples de Luc Sindjoun, contribuant à consolider le développement de son école (« Un état de la littérature sur l’analyse des politiques publiques en Afrique », Papiers de Recherche AFD, n° 2019-98, Février, 1-37).
  • Frank Ebogo est coté à travers sa publication au côté de son maître d’un chapitre dans le cadre de l’ouvrage collectif Traité des relations internationales. Celui-ci est dirigé par Thierry Balzacq et Frédéric Ramel. Il est édité en 2013 aux Presses de Science Po.
  • Édouard Épiphane Yogo est coté à travers sa publication dans la revue Res Militaris numéro 1 du volume 11, 2021.

approfondissement de l’analyse et la formation de lois tendancielles, voire la construction de modèles qui introduisent une certaine prédictivité »[60].

Une autre tendance de la science politique s’affirme au début de la décennie 2010. Elle est portée par des politistes ayant intégré le corps durant la décennie 1990 mais ne s’affirment qu’à la suite de leurs plafonnements dans la corporation. Ibrahim Mouiche en est la figure. Postérieurement à ses premiers pas dans la recherche doctorale à l’Université de Yaoundé 2 où il obtient un doctorat 3è cycle en science politique en 1994[61], il ira à l’Université de Leiden, au Pays-Bas pour le doctorat (PhD, Doctor of Philosophy). Il l’obtient au côté de Peter Geschiere[62] et Piets Konings[63]. C’est deux dans le champ scientifique de l’anthropologie politique sont des références car leurs travaux, qui présentent la particularité de porter sur le Cameroun, font échos. Ils influencent ainsi la trajectoire anthropologique d’Ibrahim Mouiche par l’affinement de sa science attachée à l’analyse inductive. Pour lui, celle-ci est le préalable à toute généralisation. Cela est inévitablement lié à sa trajectoire doctorale marquée par l’anthropologie politique, d’ailleurs ils se revendiquent principalement anthropologue[64] considérant le qualificatif politiste comme réducteur du primat que l’anthropologie accorde aux données empiriques. Non pas que cette prise de position n’a pas lieu d’être mais elle n’est pas particulière à ce contexte bien qu’il convienne de privilégier l’unicité épistémologique et même méthodologique des sciences sociales (De Sardan, 2021). L’opposition induction/déduction est inhérente à la science comme le dévoile les critiques anciennes de Karl Popper (1991) concernant le risque de « l’inductivisme ». Il est cependant évident, comme le précise Yves Surel (2015 : 39), que « les caractéristiques de la science comme démarche de pensée invitent à insister sur plusieurs points cruciaux. D’abord la mise en œuvre de deux logiques

différentes et complémentaires, l’induction et la déduction, qui nourrissent le vaet-vient constant entre théorie et empirie. Ensuite, la mise à jour de plusieurs opérations qui rythment l’élaboration scientifique : l’observation, la généralisation, la formulation d’hypothèses ou encore la prédiction ». Dès lors, aucun procédé mental ne se suffit à lui tout seul. De manière implicite, le chercheur opère toujours cette complémentarité en situation de recherche. La science d’Ibrahim Mouiche est pérennisée en raison de la présence de ses disciples dans les forums internationaux de la science politique, en l’occurrence Aristide Michel Menguele Menyengue[65],  Ramses Tsana Ngueguang[66], Josiane Tousse Djou[67] et Assana Assana[68].

Il convient, inévitablement, de relever la controverse qui traverse ce sous champ disciplinaire de la science politique. La tendance sus évoquée est concurrencée par une autre qui voit en l’anthropologie politique une spécialité ouverte aux objets « macro politique » et pas exclusivement « micro politique » comme elle tend à être réduite. Au centre de cette autre tendance se situe Jean Njoya, dont la trajectoire de formation à la discipline est marquée par l’apprentissage de la recherche au côté des figures de la première génération de politistes et d’un détour à l’Université d’Abomey-Calavi, au Bénin dans le cadre de sa thèse de doctorat d’État[69]. Chantal Marie Ngo Tong est de ceux de ses disciplines dont l’œuvre pérennise son travail de formation, bien que ce soit dans d’autres champs disciplinaires[70]. La lutte de « cuisines internes » de deux anthropologues du fait politique n’est en réalité qu’une déclinaison locale du débat universel ancien au dit champ, notamment la tension

« tradition/modernité » qui est structurelle aux sociétés (Balandier, 1986).

Le second groupe, qui est de tradition nord-américaine est porté par Fabien Nkot[71]. Sa formation doctorale au côté de Jacques Zylberberg jusqu’en 2001 parachève la cristallisation de son identité de politiste. Fabien Nkot se distingue dans la trajectoire de la sociologie politique du droit comme son maître[72]. Il intègre ce savoir spécifique dans les programmes d’enseignement dès 2019 en tant que chef de département de science politique de la FSJP de l’Université de Yaoundé 2. Il ouvre par-là aux étudiants la connaissance d’autres sites de matérialité du politique, notamment le terrain du droit, à travers la vulgarisation de la sociologie du droit comme champ d’étude à part entier de la science politique. Il affine les problématiques de cette trajectoire d’étude dans la formation doctorale de ses étudiants du cycle de recherche[73]. Parmi ses disciples, Gérard Amougou, de par sa présence sur les portails scientifiques numériques internationaux pérennise cette école. Il ouvre une brèche théorique dans la compréhension des usages politiques du droit en l’envisageant partant de la politique par le bas[74]. L’entrepreneuriat de Fabien Nkot ne se réduit cependant pas à l’institutionnalisation de son identité scientifique. Dans la pure tradition des universités nord-américaines, il introduit dans le cadre de son passage à la direction du CERDAP, de 2014 à 2018, l’étude des comportements – les sondages – dans les plans d’action de recherche de cette administration consacrée à l’animation de la recherche. Il le fera aussi en 2020 dans les programmes du niveau d’étude de master consacré à l’initiation à la recherche.

Chaque vague de recrutement au sein de l’enseignement supérieur participe à la consolidation des pôles qui animent la science politique (Surel, 2015). Après la vague des pères fondateurs durant les décennies 1970 et 1980, puis celle de leur discipline durant la décennie 1990, l‘année 2000 enregistre la venue de politistes tant en provenance des universités occidentales que de celles nationales. Ils contribuent aussi à renforcer le second souffle (Hassenteufel & Smith, 2002) qui demeure à ce moment toujours performatif dans les forums internationaux de la discipline. Dans la première catégorie se situe Janvier Onana, Hilaire De Prince Pokam, Serge Paulin Akono Evang et Nadine Machikou. Dans la seconde se retrouve André Tchoupie. Il convient de relever ici que certains, à ce moment déjà, sont des disciples de certaines figures de la deuxième génération80, bien que le rattachement ici et là effectué entre disciples et maîtres ne consacre pas des écoles de pensée, toute faite, cohérente et instituée (Ravinet & Boussaguet, 2015).

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Les clivages en terme d’école sus analysés consolident les pôles de la science politique en les articulant à des objets qui l’inscrivent dans l’universel plus que dans le relatif. Ces clivages découlent du recensement des travaux des politistes légitimes par la visibilité internationale de leurs travaux de recherche

                                                                                                                                                                                   

internationale, (Vol. 4, n° 89, 2020), Nouvelles perspectives en sciences sociales, (Vol. 15, n° 1, 2019),  Politique africaine, (Vol. 2, n° 150, 2018), Espacetemps.net, (2019, 2018, 2018, 2017, 2015).

80 André Tchoupie est le politiste de la troisième génération ayant obtenu sa thèse de doctorat au côté d’un politiste de la deuxième génération, Luc Sindjoun. Il convient tout de même de préciser que sa thèse de doctorat de 3è cycle il l’effectue au côté François Mbome. Parmi les disciples de Luc Sindjoun, l’autre politiste ayant le profil similaire est André Kayo Sikombe.

que répertorie un moteur de recherche comme Google et, que référencient des portails de diffusion internationale des publications scientifiques comme Cairn, Érudit, Persée, OpenEditions Journals, Revues .org, HAL, Jstore, etc. C’est

ainsi que leurs travaux, indépendamment des terrains où ils sont menés, vont traiter des objets tels que l’ « État », la « compétition politique », les « mobilisations politiques », les « partis politiques » qui sont au cœur de la controverse sur l’objet de la science politique.

La question de l’objet de la science politique est devenue décisive dès lors que la discipline à chercher en France à s’imposer comme discipline autonome. Nombre de politologues la somment, en effet, de «  construire son objet ». Les réponses restent, cependant, diverses, les uns lui assignant comme objet la connaissance de l’ « Etat », les autres considère que c’est la connaissance du « pouvoir » qui y est centrale. La spécificité, l’autonomie, l’existence même de la science politique, si elles ne peuvent être raisonnablement fondées sur un noyau dur épistémologique  et méthodologique, pourraient être attachées à l’espace social qu’elle observe, soit les phénomènes politiques.

I. La science politique : une science de l’Etat ou du pouvoir 

Le débat autour de l’objet de la science politique pourrait permettre de distinguer deux tendances. L’une attaché à défendre l’idée qu’il s’agit d’une science de l’Etat une défendant la considération qu’elle est la science du pouvoir.

A. Pour les uns, science de l’Etat…

La tendance historiquement la plus ancienne rapporte la science politique à la connaissance de l’État (« statologie ») : cette démarche correspond, tout d’abord, à l’étymologie du terme « politique », « Polis », n’est-ce point la Cité, c’est-à-dire le cadre spatial de l’activité publique ?

  • elle se réfère, ensuite, à une réalité historique massive le philosophe Henri Lefebvre parle, à cet égard, d’un « mode de production étatique » signifiant par-là la mondialisation du fait étatique ; dans les sociétés occidentales, dans les sociétés de type communiste, dans les sociétés en voie de développement, l’État n’est-il pas la figure centrale ?
  • elle recouvre, également, des institutions présentant un assez grand degré de visibilité : le complexe gouvernemental, les institutions représentatives, les organismes administratifs, les entreprises publiques ou semi-publiques etc.

Elle semble, surtout, désigner une dimension capitale de l’activité politique, l’exercice exclusif de la contrainte.

Max Weber symbolise cette démarche lorsqu’il considère l’État « comme une communauté humaine disposant sur un territoire donné du monopole de la coercition légitime ». Pourtant, cette approche «  statologique » suscite d’âpres réserves :

  • l’Etat n’a pas toujours existé et apparaît même dans certaines sociétés comme une forme d’organisation sociale récente, voire précaire;
  • l’État n’est pas la seule instance visible de la sphère politique : partis politiques, groupes de pression, sociétés de pensée, médias, participent également à la politisation de la vie sociale ;
  • enfin, la contrainte n’est pas nécessairement l’élément distinctif de l’Etat : en quoi, écrit ainsi l’autorité du président de la République est-elle semblable ou différente de celle d’Al Capone ou

J.-P. Cot, l’autorité du président de la République est-elle semblable ou différente de celle d’Al Capone ou de Jésus de Nazareth ». Il existe des États dépourvus d’autorité (l’Etat libanais) et des institutions non étatiques pourvues d’une autorité effective (la mafia sicilienne, l’Eglise chiite en Iran, le mouvement Solidarnosc en Pologne).

Plus généralement, le principal inconvénient de cette approche est de transformer en objet achevé d’étude une forme d’organisation sociale historiquement et culturellement plus contingente qu’il n’y paraît. N’est-il pas remarquable que dans la plupart des pays occidentaux on assiste à une sorte d’évidement progressif des pouvoirs de l’État, en amont au profit des institutions internationales et supranationales, en aval au profit des collectivités décentralisées et, parfois, des corporations professionnelles.

B. … pour les autres une science du pouvoir 

La tendance actuellement dominante rapporte la science politique à la connaissance du pouvoir, l’État n’étant qu’une modalité parmi d’autres de l’exercice du pouvoir au sein d’une société :

  • cette seconde conception s’appuie sur un fait de portée universelle ; à défaut de connaître l’État, toute société est traversée par des phénomènes de domination, d’influence, liés à une répartition inégale des ressources politiques, économiques ou symboliques ;
  • elle permet, en outre, d’intégrer aux finalités de la science politique toute une constellation d’institutions qui semblent placées à la périphérie du pouvoir d’État alors qu’elles contribuent à la régulation de l’ordre social : partis, syndicats, systèmes symboliques ou idéologiques, opinion publique etc.

Ainsi, selon le politologue nord-américain Robert Dahl, « un système politique est une trame persistante de rapports humains qui implique une mesure significative de pouvoir, de domination, d’autorité ». Cette interprétation extensive des objets de la science politique n’est pourtant pas sans défaut. Il n’est pas aisé, en effet, de démêler le « politique » du « social » :

  • ou bien, la science politique identifie avant tout les centres de pouvoir liés directement ou indirectement à l’accomplissement des fonctions étatiques, mais elle est alors renvoyée à l’approche dite « statologique ».
  • ou bien, la science politique étend sa juridiction à l’ensemble des phénomènes de pouvoir mais elle risque de manquer la spécificité du politique et de croiser les objets traditionnels de la sociologie générale (sociologie de la famille, de l’école etc.).

Il n’est pas certain que toute relation sociale contraignante doive être automatiquement qualifiée de politique dès lors qu’elle implique « une mesure significative de domination ». Peut-on considérer comme éminemment politique l’autorité du père sur ses enfants, du maître sur ses élèves, du chef d’entreprise sur son personnel ?

Là encore, Max Weber esquisse peut-être une alternative raisonnable en énonçant que l’autorité politique :

  • dispose « du monopole de la coercition légitime » sur l’ensemble du territoire et non à l’endroit d’une ou plusieurs collectivités particulières, a vocation à agréger pacifiquement « la constellation des intérêts » s’affrontant sur ce même territoire.

II. La science politique comme science de la « politisation »

Reconsidérée  avec   toute  la  naïveté  et tout  l’éloignement  du  profane  la  question de l’objet de  la  science  politique  paraîtra insensiblement se recomposer : hier  recherche  des fonctions intemporelles  de  la  politique,  aujourd’hui  enquête  sur  la  « genèse » des  structures matérielles  et symboliques  historiquement  constituées  qui font  de  la politique ce qu’elle est. Dans  cette perspective, «  la  politique » semble pouvoir  être  « repérée » a priori comme  une  activité  consistant  à faire  des  choses  avec  des  mots. L’importance  pratique des « mots » n’échappera à  personne. Délégué d’une organisation internationale ou chef  de  gouvernement,  représentant  d’une  grande organisation patronale ou  secrétaire  de  la  section  locale  d’un  parti,  premiers ministres ou piliers de  comptoirs,  qu’ils  soient  d’un  côté ou  de  l’autre  de  la  ligne  de  partage entre gouvernants »  et  « gouvernés », «professionnels»  et  « profanes », tous recourent  au  langage  pour

«  parler  politique » : dévoiler un  plan  de lutte  contre le  chômage,  présenter  des  vœux   de début d’année, critiquer la hausse du prix du gaz, répondre à une  interpellation  parlementaire, poser  une  question  au  gouvernement,   rédiger  une  pancarte  de  protestation,  proposer le  thème de  la  fête  du  parti, ou  tout simplement  faire  part de l’ampleur  de  son  désarroi  à ses proches.  Dans  ces conditions,  tout  acte de  langage  politique  a un  caractère  « performatif »  en  ce  qu’il décrit dans le cadre de l’Etat moderne en même temps  qu’il  constitue la réalité politique ce qu’est le pouvoir. L’objet de la science  politique est ainsi lié au rapport de force que révèle les acteurs au sein de l’Etat en  même temps qu’il est inversement lié à une dénégation constante de ce rapport de  forces entre des groupes inégalement institués : l’État, le parti, la  manifestation, etc.

La  question préjudicielle  à l’étude  de  la  politique  devient  en  définitive de savoir ce qui « fait réalité » pour les acteurs impliqués dans la politique au sein de l’Etat : « Ces structures  collectives  qui  font partie  de la  pensée  quotidienne  ou  de la pensée juridique  (ou d’une  autre pensée  spécialisée)  sont  des représentations de  quelque  chose qui  est,  pour une  part,  de  l’étant,  pour  une autre part,  du  devant être,  qui  flotte  dans la  tête  des  hommes  réels  (non  seulement les  juges  et les  fonctionnaires,  mais  aussi  le  “public”)  d’après  quoi ils  orientent  leur  activité». On  est en  effet  conduit à se demander, en inversant  complètement  le  point  de vue qui consiste à définir la politique par la «substance»  de  certains  types de  relations humaines  (les  relations de pouvoir par exemple), si la politique ne désigne pas  plutôt les  catégories qui donnent corps aux groupes qui s’affrontent pour le pouvoir et qui leur servent  d’instruments dans ces affrontements. À l’instar, par exemple, de ces catégories adoptées  par les  hommes de lettres  et de loi  qui  se trouvent  aussi  être des hommes  de pouvoir  attachés à  l’État,  quand  ils  résument et condensent  leur propre  expérience  de ce pouvoir tout  en  cherchant à le rendre en quelque sorte naturel » à ceux sur qui ils l’exercent : «État», «souveraineté», « parlement», « démocratie»,  etc.  Sur  le  modèle,  aussi,  de ces  catégories qui escamotent les groupes au  sein  desquels elles  sont  en  usage : «État», encore, mais aussi « parti»  ou  « syndicat ».

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La question de l’objet de la science politique  suscite  régulièrement  des  controverses.   Pas  plus  que  la « politique»  n’a  de contenu  universel,  la  «  science  politique»  n’a  d’objet  intrinsèque quoique les définitions les plus canoniques de la discipline  entendent la cantonner  aux questions institutionnelles (les régimes  politiques) et électorales (les  analyses du  vote). On imagine bien dans ces conditions que  les  bouleversements  du  monde – la  fin  de  la  guerre  froide,  la  chute du  mur  de  Berlin,  le  11  septembre 2001 ou la globalisation  retentissent sur  la  définition  des  «objets»  de  la  science  politique.  Loin  de  rendre caduques les  réflexions  amorcées plus  haut,  ces  bouleversements  ne  font que  les  stimuler. Un problème  ne devient en  effet  «politique»  qu’à partir du  moment où  des  groupes parviennent  à  le  désigner et  à le  faire désigner comme  tel  (le  port du  bikini  ou  du  voile  dans  les  lieux  publics; le  fait de télécharger illégalement  de la  musique).  Une science  politique  soucieuse  d’analyser  la  «politique»  de  son  temps est ainsi  tributaire de  ces  opérations de  qualification  et  de  disqualification un sujet  présentant  peu  d’intérêt (électoral  ou  identitaire)  pouvant être pour  un  problème  d’ordre  privé,  voire strictement  «féminin»  et,  par conséquent,  indigne  d’être considéré  comme «politique».  Faut-il  alors soutenir que  sur le plan  épistémologique, la science politique ne serait pas véritablement  une  « discipline»  autonome  des  autres  sciences  sociales faute  d’un  « objet  central,  qui  par nature serait  étudié  par la  science  politique».  Le   linguiste,   le  sociologue,  l’historien,  le  démographe (la  liste  n’est pas exhaustive) peuvent en effet se pencher sur  le  langage politique,  les  relations  de sociabilité dans  les  organisations  politiques, les  politiques de  l’historien,  le  démographe (la  liste  n’est pas exhaustive) peuvent en effet se pencher sur  le  langage politique,  les  relations  de sociabilité dans  les  organisations  politiques, les  politiques de  contrôle des  naissances,  etc.  Si  Pierre  Favre a fini  par amender  quelque  peu  sa  vigoureuse  proposition  en  estimant,  vingt-cinq ans  plus  tard,  que  la  science  politique,  à force  d’emprunts  notamment  à la  sociologie  et à  l’histoire,  finissait  paradoxalement  par devenir  une science  sociale  parmi d’autres – ce dont  pourrait  témoigner, par exemple, son  relatif  succès  institutionnel,  la  question  de l’existence, sinon  d’objets  exclusifs,  au  moins d’objets  « préférentiels »  reste  posée.  Le «  point de vue» spécifique de la  science  politique pourrait alors être, parmi les autres  sciences  sociales,  de  mobiliser  les acquis  de  l’anthropologie,  de l’histoire  et  de  la  sociologie  pour  interroger  les  «  rapports  de pouvoir » engageant  la  société dans son  ensemble. Il  semble nécessaire,  en  effet,  de  «tenir»  ces  deux  perspectives  simultanément, d’autant que la confusion  savamment  entretenue  entre   « science   politique »  et  «politique»  resurgit  périodiquement  à  la  manière  d’un  serpent de mer évacué  temporairement ou  durablement du champ politique. La question de l’autonomie de la science politique reste ainsi d’actualité. Ce que le débat autour des méthodes ne réussit pas apaiser.

Encadré 6

Les recherches des politistes camerounais contribueront ainsi aux débats. Il convient néanmoins de relever que ces débats sont quelquefois initiés par des politistes qui ne sont pas toujours Camerounais mais, en ont fait du terrain camerounais leur champ de prédilection. Il est possible d’évoquer parmi eux Jean-François Bayard et Jean-François Médard, Peter Geshiere. Ces débats s’inscrivent dans les sous disciplines de la science politique comme la sociologie politique. En relations internationales, les travaux s’articulent principalement autour de la compréhension de la « politique internationale », de la

« puissance », de l’« intérêt national », de la « coopération », etc. Cette catégorie de politistes camerounais relève de l’universel par leur contribution à l’avancée de la « science normale ». Ce sont là les thématiques centrales des sous disciplines principales de la science politique qui sont ici traitées et qui imposent le champ politiste camerounais à travers le monde[75] et dans la sous-région[76].

À l’opposé, l’autre catégorie, parce qu’elle s’appesantit sur des thématiques périphériques de la science politique, effectue des recherches dont la portée est locale. C’est donc de la recherche provinciale, car cette catégorie de politistes camerounais ne participe pas au débat scientifique universel.

                                                                                                                                                                                    

L’Université Félix Houphouët Boigny d’Abidjan, en Côte d’ivoire, a connu sa première soutenance de thèse de doctorat en science politique en juillet 2018. L’Université d’Abomey-Calavy à Cotonou, au Benin, débute en 2018 le cycle de Master recherche en science politique. L’Université de Ndjamena au Tchad se situe à ce même niveau. L’Université de Lomé au Togo ne forme pas encore à la science politique, si ce n’est dans le cours complémentaire au cursus juridique. L’Université Abdou Moumouni de Niamey au Niger, l’Université de Gaston Berger à Saint-Louis et l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar,  au Sénégal, et l’Université de Ouagadougou 1 au Burkina-Faso semblent cependant en bonne voie dans ce processus d’institutionnalisation. Cela est certainement indissociable de la présence dans chacune de ces institutions universitaires d’enseignants agrégés de science politique. Il s‘agit d’Augustin Loada pour l’Université de Ouagadougou 1 (le Burkina Faso enregistrera un deuxième agrégé de science politique en 2019, Léon

Sampana de Université Nazi Boni), de Mahamat Aliou Tidjani pour l’Université Abdou Moumouni de

Niamey et de Mame Penda Ba et Samba Ndiaye Papa pour l’Université de Gaston Berger, à Saint-Louis au

Sénégal. La côte d’ivoire enregistrera en 2019 son premier agrégé de science politique – Seydina Ousmane Zina de l’Université Alassane Ouattara pendant que le Sénégal enregistrera son troisième – Abdou Rahmane Thiam de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar.

Chapitre 4

L’essor de l’expertise de la discipline

L’institutionnalisation de la science politique passe aussi par la présence des politistes au sein de l’espace administratif (Salla Bezanga, 2018). Les y envisager conduit à mettre l’accent sur leur expertise (Charton & Owuor, 2008).

L’espace administratif ici considéré n’est pas un espace homogène. Les enjeux académiques sont des enjeux de pouvoir. L’arène académique au-delà des débats scientifiques met en concurrence des positions politico-administratives.

L’enseignement supérieur est constitué autour d’une bureaucratie représentée par le ministère de l’enseignement supérieur avec tous les postes administratifs qu’il constitue : ministre de l’enseignement supérieur, secrétaire général dudit ministère[77], inspecteur général des services[78], inspecteur[79], conseiller technique[80], directeur[81] et toutes les autres positions inférieures de pouvoir. Les universités d’État sont aussi des espaces disposant de positions de pouvoir : recteur, vice-recteur[82], secrétaire général[83], conseiller technique[84], directeur[85], doyen[86], directeur d’écoles et d’institut[87] et toutes les autres positions inférieures de pouvoir. Pour autant, parce qu’il s’agit d’administrations étroitement liées au secteur académique, les politistes qui y occupent des positions ne sont pas considérés ici en circulation mais principalement en situation de contribution au développement de leur corporation.

La circulation sociale des politistes est principalement considérée ici dans le sens de leur présence au sein d’autres administrations en charge de questions autres que celles universitaires. Les politistes camerounais sont ainsi repérables à toutes les positions de pouvoir de l’administration publique camerounaise. Des ministres appartenant au champ politique sont ainsi dénombrables. Il s’agit d’Augustin Kontchou Kouomegni, Pierre Moukoko Mbondjo, Jean Pierre Fogui et Elvis Ngolle Ngolle et Luc Sindjoun. Certains ont été secrétaire général adjoint à la présidence de la République comme Peter Agbor Tabi. Il est aussi dénombrable des secrétaires généraux de ministère comme Fabien Nkot et Maturin Nna, des inspecteurs généraux des services comme Omballa Magellan et Blaise Jacques Nkene. Des conseillers techniques, tant dans les services du

Premier ministre[88] qu’au secrétariat général à la présidence de la République[89] et au sein des ministères. Des inspecteurs généraux[90] et des directeurs[91] sont aussi à dénombrer. Cela démontre l’importance du savoir politiste pour la société et, dans le même temps, son inscription comme savoir pratique et institutionnel. Il convient néanmoins de préciser que cette circulation administrative expression de nouvelles trajectoires de la réussite académique (Tchingankong Yanou, 2018) des politistes, n’entretient pas de corrélations avec le rayonnement dans leur champ.

La circulation des politistes ne se limite pas à l’occupation des positions au sein de l’administration d’État. Elle concerne aussi leur présence au sein du champ politique car comme le dit Gabriel Almond (1997 : 42) « il n’y a pas de science politique séparable au sens positiviste, c’est-à-dire de science politique séparable des engagements idéologiques ». Dans ce sillage des transactions collusives entre champ politique et champ scientifique ((Belomo Essono, 2016), les pionniers sont Adamou Ndam Njoya, Jean Pierre Fogui, Augustin Kontchou Kouomegni, Peter Agbor Tabi, Pierre Moukoko Mbondjo, Elvis Ngolle Ngolle et Laurent-Charles Boyomo Assala. Ils s’engagent de manière différenciée dans la vie politique[92]. Certains optent pour le camp au pouvoir alors que d’autres choisissent de s’investir dans l’opposition politique. Cet antagonisme est conservé par la génération des politistes ayant intégré le corps durant l’année

1990 ainsi que celle l’ayant intégré durant l’année 2000. Ils continuent ainsi cette logique de présence des politistes dans la vie politique. Il s’agit de Luc Sindjoun, Pascale Charlemagne Messanga Nyamding, Alain Fogue Tedom[93].

Pour certains du groupe dominant, c’est même leur présence dans celui-ci qui quelquefois, conditionne l’occupation de ces positions administratives.

L’engagement dans l’administration et au sein du champ politique des politistes, s’il est pertinent de considérer que la mobilité qu’il suppose entraine un enrichissement mutuelle des identités corporatistes (Salla Bezanga, 2020), il n’est non plus incongru d’en rechercher les incidences sur la productivité scientifique de ceux qui se retrouvent dans cette situation. Une première observation montre que le coût de la mobilité est élevé car les politistes dans la majorité des cas cessent d’être compétitif dans les forums internationaux de la science politique. Ils ne disposent plus de temps nécessaires pour produire des travaux du rang de ces espaces[94]. Dans une certaine mesure aussi, il devient difficile pour eux de faire la part des choses et, dans ces situations, leurs travaux deviennent le reflet de leur engagement administratif ou politique (Belomo Essono, 2016).  La seconde observation amène davantage à découvrir un coût relatif de la mobilité des politistes. Ici, la mobilité leur ouvre des terrains nouveaux, l’image d’André Siegfried dont l’expérience est révélée par Alain Garrigou (2009) dans le cadre d’un encadré édifiant du Nouveau manuel de science politique. Pour ceux d’entre eux qui s’y adonnent, leurs travaux de recherche se nourrissent ainsi d’une « relation de proximité » (Bourdieu, 1984 :

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11) qu’ils gèrent cependant.

Conclusion générale  

En définitive, envisager la science politique comme discipline académique au Cameroun ne poursuivait pas l’objectif de parvenir à la conclusion de

l’existence d’une science politique camerounaise. Dans la littérature qui retrace l’institutionnalisation d’une discipline, cela n’a d’ailleurs jamais été l’ambition (Almond, 1997 ; Leca & Muller, 2008 ; Boussaguet & Surel, 2015). Il a été principalement question ici, au plan théorique, de saisir la trajectoire d’implantation de la discipline en tenant compte des rivalités entre savants, entre savoirs et entre services que montre un champ disciplinaire continuellement en train de se structurer. L’hypothèse du champ au sens bourdieusien s’est révélée apparaître appropriée pour comprendre comment les politistes assurent le transfert international de la discipline de leur espace global d’apprentissage vers celui local où ils exercent la vocation (Almond, 2001). Ce transfert international d’une part n’entraine pas l’autonomie du local de la discipline par rapport à son champ global, d’autre part fait émerger les enjeux similaires à tout processus d’imposition d’une discipline scientifique (Khun, 1972). Au plan pratique, il ressort que ce mouvement d’importation de la science politique contribue à l’hégémonie des traditions scientifiques occidentales, ce qui conforte l’hypothèse de l’unicité de la posture et de la pratique scientifique (Mbembe, 2018).

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