Cours Droit de la Famille Complet Par Brigitte DJUIDJE CHATUE Docteur/HDR en Droit privé et Sciences criminelles, Maître de Conférences FSJP/Université de Dschang.

Table des matières

Introduction générale

L’introduction du cours passe par quelques généralités sur la notion de famille (I), l’importance de la famille (II) et les sources du droit camerounais de la famille (III).

I – Notion de famille

Le terme famille peut être pris dans des sens différents :

Dans un sens large, la famille comprend toutes les personnes unies par un lien de parenté ou d’alliance. Dans cette acception, la famille repose à la fois sur le lien de sang (parenté), qui résulte d’une origine commune, sur le mariage (alliance) et sur l’adoption.

Dans un sens plus restreint, la famille englobe les personnes vivant sous le même toit :

père, mère, enfants et, le cas échéant, les petits-enfants, voire même des collatéraux (les frères et sœurs). Ainsi comprise, la famille revêt un sens politique et économique, correspondant au sens originel du terme familia : foyer, maison, domus (du droit romain). C’est l’ensemble des personnes vivant sous une même autorité et grâce aux mêmes ressources.

Enfin, dans un sens plus restreint encore, la famille est le groupement constitué par le père, la mère et les enfants.

En principe, c’est dans le premier sens, le seul qui soit véritablement juridique, qu’il faut entendre le terme famille. Toutefois, la famille, au sens juridique, peut comprendre parfois seulement les époux et les enfants mineurs ; il en est ainsi lorsque la loi établit le mari comme chef de famille (article 213 du Code civil).

II – Importance de la famille

Sous quelque aspect qu’on l’envisage, la famille apparaît comme l’élément naturel et fondamental de la société. C’est ce qui résulte clairement du préambule de la Constitution camerounaise du 18 janvier 1996 qui énonce : « La nation protège et encourage la famille, base naturelle de la société humaine ».

Pour apercevoir le rôle de la famille au point de vue social et moral, il suffit d’imaginer une société sans famille, c’est-à-dire sans lien juridique entre le père, la mère et les enfants : la mère et les enfants risqueraient l’abandon par l’homme, l’Etat recueillerait les enfants. Une telle société, comprenant une multitude d’individus et sans corps intermédiaires entre ceux-ci et l’Etat, serait difficilement viable.

La famille n’en est pas moins nécessaire au point de vue politique. En effet, l’importance politique de la famille ressort du lien entre celle-ci et la natalité. L’expérience a prouvé que tout affaiblissement de la famille entraîne inéluctablement une baisse de la natalité, qui s’avère très dangereuse pour la sécurité et la situation économique d’un Etat. (L’Etat encourage la famille par exemple en diminuant les impôts des personnes mariées et en octroyant des allocations familiales pour les enfants).

L’importance économique de la famille n’est pas des moindres. Ainsi la famille est un groupement de producteurs dans certains domaines (agriculture ou élevage, par exemple). Mais surtout, la famille joue un rôle économique très important dans la mesure où c’est elle qui fournit à tous les secteurs d’activités les hommes et les capitaux grâce à l’épargne (or une bonne politique familiale favorise l’épargne, l’individu ayant tendance à épargner pour ses enfants).

III – Les sources du droit camerounais de la famille

La variété des sources du droit camerounais de la famille tient au fait de l’histoire et plus précisément au fait colonial marqué par la résistance des coutumes en matière familiale.

Ainsi, en définitive, sur le plan législatif, peuvent être considérées comme sources du droit camerounais de la famille : les dispositions du Code civil français de 1804 dans sa version jusqu’en 1960 pour le Cameroun francophone, la Common Law pour le Cameroun anglophone, l’Ordonnance N° 81/02 du 29 juin 1981 portant organisation de l’état civil et diverses dispositions relatives à l’état des personnes physiques, en principe applicable sur l’ensemble du territoire national et enfin les coutumes (qu’on peut chiffrer à environ 250).

Après toutes ces généralités sur la notion de famille, l’importance de la famille et les sources du droit camerounais de la famille, rappelons que la famille peut se définir juridiquement comme un groupe de personnes qui sont reliées entre elles par des liens fondés sur le mariage et la filiation.

Cette double nature du lien familial justifie le découpage du cours en deux grandes

parties :

Première partie : Le mariage

Deuxième partie : La filiation

Première partie : Le mariage

Après avoir dégagé dans un chapitre 0 le sens du mot mariage en le comparant à certaines notions voisines, nous étudierons dans 3 chapitres :

  • La formation du mariage ;
  • Les effets du mariage ; – La crise du mariage.

Chapitre 0. Mariage et notions voisines

Section 1. Définition du mariage

La définition du mariage n’apparaît pas dans le Code civil qui se contente d’en préciser les caractères : Ainsi d’après l’article 144 du Code civil le mariage est une union, une conjonction de sexes (« L’homme avant dix huit ans révolus, la femme avant quinze ans révolus, ne peuvent contracter mariage »). De l’article 146 l’on déduit qu’il est un accord de volontés (« Il n’y a pas de mariage lorsqu’il n’y a point de consentement »). Quant à l’article 165, il consacre le caractère solennel du mariage en l’enfermant dans un rite particulier dont l’acteur principal est l’officier d’état civil (« Le mariage sera célébré publiquement devant l’officier de l’état civil… »). En droit traditionnel, le mariage est considéré comme un accord de deux familles portant sur l’union de deux enfants.

En fait, il est difficile de définir le mariage, et ce pour deux raisons : la première provient des différents aspects du mariage, aspects sociaux et moraux qu’il est difficile d’insérer dans une définition juridique ; la seconde résulte du double sens du mot mariage qui désigne tantôt l’acte instantané (cérémonie) qui donne naissance à l’état de marié, tantôt l’état continu de marié lui-même.

Compte tenu de ces difficultés, François TERRE et Dominique FENOUILLET (Droit civil – Les personnes – La famille – Les incapacités, 6e éd., Paris, Dalloz 1996, p. 263) ont proposé la définition suivante : « Le mariage est un acte juridique solennel par lequel un homme et une femme établissent entre eux une union dont la loi civile règle impérativement les conditions, les effets et la dissolution ».

Le mariage apparaît ainsi comme un accord de volontés en vue d’adhérer à un modèle légal. Un débat s’est alors instauré sur sa nature juridique : est-ce un contrat ou une institution ? En réalité, le mariage civil participe à la fois du contrat et de l’institution. En effet, le mariage est un contrat, ou si l’on préfère un acte juridique, puisque la volonté des époux intervient dans sa formation. Le mariage est aussi une institution dont rendent comptent l’intervention de l’autorité publique dans sa formation et dans sa dissolution par le divorce, ainsi que le caractère impératif de la législation en la matière.

De tout ce qui précède, la nécessité de distinguer le mariage de certaines situations qui lui sont voisines n’est plus à démontrer. Hors du moule du mariage, l’union d’un homme et d’une femme correspond à deux situations. La première repose sur l’intention de se marier, elle correspond aux fiançailles. La seconde a pour fondement la volonté de vivre ensemble sans pour autant s’enfermer dans les liens du mariage, c’est le concubinage.

La tradition opposait les deux situations non seulement par l’intention, mais encore matériellement, les fiançailles classiques ne s’accompagnant ni de cohabitation, ni de relations sexuelles : chacune de ces situations se trouvait sur un versant du mariage, les fiançailles étant l’intention du mariage sans la cohabitation, le concubinage au contraire, la cohabitation sans l’intention du mariage. Mais l’évolution contemporaine (je parlerais moi de régression !) a rapproché les deux situations qui se recouvrent de plus en plus souvent : le « mariage à l’essai », ou ce que les sociologues appellent la cohabitation juvénile, réunit fiançailles et concubinage. Le plus souvent même, l’ordre s’est inversé : c’est en vivant en commun que les concubins acquièrent la volonté de se marier.

L’appréhension juridique des deux situations les rapproche également. Elles sont pareillement dépourvues d’organisation : les fiancés comme les concubins restant maîtres du sens et de la durée de leurs liens qui n’ont pas la valeur d’un engagement juridique. Elles ont aussi en commun de n’apparaître pratiquement à la vie juridique qu’en cas de rupture.

L’étude du concubinage dans une section et des fiançailles dans une autre, mettra en relief cette ressemblance entre ces deux types distincts de couple non marié.

Section 2. Le concubinage

Deux expressions désignent le même phénomène, à savoir une union hors mariage présentant une certaine stabilité : le terme de concubinage, plus cru, met l’accent sur l’élément matériel (cum cubare = coucher avec), celui d’union libre, plus intellectuel, sur l’élément intentionnel (union sans formalisme et surtout sans lien, union susceptible d’être librement rompue). Ainsi, l’union libre ou concubinage est le fait pour un homme et une femme d’entretenir des relations d’une certaine durée et stabilité, comme des gens mariés.

Mais la différence fondamentale entre le concubinage et le mariage est l’absence de lien de droit entre concubins. En effet, le concubinage, quelle que soit sa durée et sa stabilité, ne produit aucun effet sur le plan de l’état des personnes : non mentionné sur les registres de l’état

civil, il n’emporte notamment aucun droit au nom ou à la nationalité. Il est également traditionnel d’affirmer qu’il n’emporte pas, comme le mariage, présomption de paternité des enfants issus de la concubine, car cette dernière n’est pas assujettie comme une épouse au devoir de fidélité.

En tout cas, les concubins échappent aux devoirs du mariage : s’ils cohabitent, c’est de plein gré, et ils ne se doivent en droit ni fidélité, ni assistance, ni secours matériels. Aucune vocation successorale ne résulte non plus de leurs relations. S’il y a eu mise en commun des ressources ou des biens, ceux-ci seront partagés à la rupture du concubinage suivant les règles de la société de fait et non du régime matrimonial qui n’existe pas entre concubins.

Parce qu’il n’y a pas de lien de droit entre les concubins, la rupture peut intervenir par décision unilatérale. Dès l’instant où l’accord disparaît, l’union cesse sans qu’aucune procédure semblable au divorce ne soit nécessaire. Il a été maintes fois jugé que la rupture du concubinage ne peut, à elle seule, justifier une demande en dommages-intérêts de la part de la maîtresse abandonnée même sans ressources, la cessation d’une situation immorale ne pouvant en principe engendrer de responsabilité (Civ. 9 juill. 1935, D.H. 1935, p. 444 ; Civ. 17 juin 1953, D. 1953, p. 596 ; Civ. 1re, 3 mars 1964, Gaz. Pal. 1964, 2, 83 ; Lyon, 18 déc. 1973, D. 1974, Somm. 73). La rupture du concubinage ne peut ouvrir droit à indemnité sur la base de l’article

Lire Aussi :  COURS DE DROIT CONSTITUTIONNEL 2 complet (PDF)

1382 du Code civil (« Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer ») que si elle revêt un caractère fautif.

Le plus souvent la faute découlera des circonstances, telle une séduction dolosive (c’est-à-dire une fausse promesse de mariage) qui a provoqué la liaison.

A côté des problèmes de rupture, s’est posé celui de la responsabilité du tiers ayant causé le décès ou des dommages à l’un des concubins. Les termes du problème étaient les suivants : Lorsqu’une personne mariée est tuée ou blessée par le fait d’un tiers, son conjoint obtient du responsable réparation du préjudice que cet accident lui cause par ricochet, c’est-à-dire, de manière indirecte. Peut-il en être de même au profit du concubin ou de la concubine ? Pendant longtemps, en Droit français, au motif que le concubinage est un état irrégulier et immoral, la jurisprudence a répondu à cette question par la négative ; et c’est cette solution qui prévaut toujours en Droit camerounais, comme peut le confirmer l’arrêt N° 198/P du 21 mars 2002 de la Cour Suprême (in Les grandes décisions de la jurisprudence civile camerounaise, LERDA, 2008, pp. 316-334, Obs. J.P. Tchou-Bayo).

Section 3. Les fiançailles

Dans le langage courant l’on parle généralement des fiançailles comme de la situation où se trouve un couple dans l’attente du mariage projeté.

Cependant, envisagées non plus comme une situation de fait mais comme l’acte qui crée cette situation, les fiançailles peuvent se définir comme « la déclaration réciproque d’un homme et d’une femme qui prennent l’engagement moral d’entrer prochainement dans les liens du mariage » (Lexique des termes juridiques, 10e éd., p. 210). Dans ce sens, les expressions « promesse de mariage » et « fiançailles » sont prises comme synonymes. Mais certains auteurs à l’exemple d’Henri Mazeaud (Leçons de Droit civil, Tome 1, 3e éd., p. 726) soutiennent qu’il existe une certaine nuance entre ces deux expressions. Pour eux, la promesse de mariage (stricto sensu) désigne l’échange de volontés, tandis que les fiançailles (stricto sensu) comportent outre cet élément intentionnel, un élément de publicité qui se manifeste par exemple par l’annonce de la promesse faite aux parents et aux amis.

D’autres auteurs à l’instar de F. Anoukaha, L. Elomo Ntonga et S. Ombiono (Tendances jurisprudentielles et doctrinales…, p. 26) vont dans le même sens quand ils déclarent que « les fiançailles commencent lorsque la promesse de mariage est devenue officielle ».

Cette nuance nous semble digne de foi car la publicité que comportent les fiançailles est de nature non seulement à faciliter la preuve des fiançailles, mais aussi à augmenter considérablement le préjudice subi par le fiancé délaissé en cas de rupture. (Sur l’ensemble de la question, voir DJUIDJE CHATUE Brigitte : La rupture des fiançailles, PUA, 2010)

Les fiançailles se distinguent donc bien du mariage. Tandis que le mariage entendu comme l’acte juridique créateur d’un état, indique l’intention de se prendre pour mari et femme immédiatement, les fiançailles quant à elles, impliquent l’intention de se prendre pour mari et femme dans l’avenir (Henri MAZEAUD, Leçon de droit civil, tome 1, 3ème éd. P. 726). Les fiançailles désignent donc une étape nécessaire et prudente vers le mariage.

Parce que les fiançailles résultent d’un accord de volontés, l’on peut à bon droit se demander si on a affaire à un contrat.

Le Code civil de 1804 est resté muet sur la question (il en est de même de l’Ordonnance du 29 juin 1981 qui ne parle des fiançailles qu’à l’occasion de sa positon sur la dot coutumière).

Le législateur, préoccupé de respecter avant tout la liberté matrimoniale des futurs époux, n’a pas voulu réglementer les fiançailles ; il n’a précisé ni leur nature juridique ni leurs effets.

La jurisprudence une fois de plus a eu à suppléer au silence de la loi. C’est ainsi qu’elle rejette de façon catégorique toute nature contractuelle, afin de sauvegarder jusqu’au dernier moment pleine et entière liberté de consentement. (Civ.  30 mai 1838, Sirey 1838, 1, 492 ; TPD de New-Bell et Bassa Douala, jugement N° 192 du 9 décembre 1976, inédit. Affaire Nangmi Lucienne contre Lontho Jean).

Les fiançailles se caractérisent donc par l’absence de force juridique impérative, laquelle n’exclut pourtant pas certaines conséquences juridiques tant entre les fiancés eux mêmes, qu’à l’égard des tiers.

Entre les fiancés, l’absence de force obligatoire des fiançailles a pour objet de permettre à chaque fiancé de renoncer librement à son projet : jusqu’au moment de la célébration, la rupture est possible. N’étant que l’exercice d’une liberté, celle de ne pas se marier cette rupture ne peut pas constituer une faute par elle-même et engager la responsabilité de son auteur. Ce n’est qu’en cas d’abus du droit de rompre que l’auteur de la rupture peut être condamné à une indemnité sur le fondement de l’article 1382 du Code civil.

Il appartient à la victime de d’établir le caractère fautif de la rupture, cette faute pouvant se déduire de la manière de rompre, si elle est incorrecte, injurieuse ou brutale (voir Colmar, 12 juin 1970, D. 1971, 406 retenant une lettre de rupture sans même une formule de courtoisie ; Paris, 3 décembre 1976, D. 1978, 339 pour une non présentation à la cérémonie au prétexte d’une crevaison de pneu suivi d’une lettre six jours plus tard) ; du moment de la rupture (voir Req., 23 juin 1938, Gaz. Pal. 1838, 2, 586 : disparition le matin même du mariage ; Civ. 2ème, 2 juillet 1970, Bull. Civ. II, p. 178 : rupture 5 jours  avant le mariage prévu ; Paris 3 décembre 1978 précité : Non présentation à la cérémonie ; Civ.1re, 15 mars 1988, Gaz. Pal. 1989, 374 : rupture après fixation de la date auprès de la mairie ; Paris, 12 mai 1984, D. 1987 IR. p. 142 : rupture la veille du mariage prévu) ; des motifs de la rupture : ainsi serait fautive la rupture inspirée par des motifs illégitimes, tels que des considérations de fortune (voir TPD de

Yaoundé, jugement N° 455 du 29 décembre 1986, inédit), de race, d’opinion ou de milieu social.

L’auteur de la rupture peut justifier son initiative par divers motifs jugés légitimes par la jurisprudence. Constituent ainsi des motifs légitimes de rupture : la disparition du fiancé, le décès du fiancé, la découverte d’un empêchement dirimant à mariage (exemple : identité de sexes entre fiancés, liens de parenté entre fiancés), le défaut  d’amour, la découverte d’une maladie héréditaire, l’incompatibilité des groupes sanguins, la stérilité de la fiancée, l’impuissance du fiancé, des fautes imputables à la victime telles que la découverte d’une grossesse dont on n’est pas l’auteur, son inconduite, son passé déshonorant, etc.

L’autre conséquence de la rupture des fiançailles entre les fiancés touche au sort des cadeaux.

Leur restitution ou leur conservation dépend à la fois de leur nature et des circonstances.

Ainsi, les présents d’usage caractérisés par leur valeur modique eu égard au train de vie et aux habitudes du donateur, sont définitivement acquis et ne pourront être remis en cause après rupture, quelles qu’en soient les circonstances.

Les cadeaux les plus importants, ceux qui étaient inspirés par la considération du mariage futur, sont au contraire soumis à l’article 1088 du Code civil qui dispose : « Toute donation faite en faveur du mariage sera caduque, si le mariage ne s’ensuit pas ». Ils doivent donc être restitués.

Quant à la bague de fiançailles, son sort est nuancé. En fait, la jurisprudence récente tend à considérer que la bague constitue un présent d’usage restant comme tel acquis à la fiancée. Néanmoins, cette nature de la bague des fiançailles est masquée dans deux hypothèses :

Premièrement lorsque l’on considère l’imputabilité de la rupture et deuxièmement lorsque la bague constitue un bijou de famille.

Dans la première hypothèse, lorsque la rupture est imputable à la faute du fiancé, la fiancée a le droit de garder la bague. Par contre, si la rupture est imputable à la faute de la fiancée, celle-ci doit restituer la bague. Dans la deuxième hypothèse, lorsqu’il est prouvé que la bague constitue un bijou de famille, elle échappe au sort des présents d’usage et ne peut qu’être restituée.

Outre les cadeaux d’importance, la dot doit également être restituée. Il résulte expressément de l’article 71 de l’Ordonnance de 81 que « Toute remise antérieure au mariage à titre de dot ou d’exécution de convention matrimoniale en constitue celui qui la reçoit dépositaire jusqu’à  la célébration du mariage. – En cas de rupture des fiançailles, le dépositaire est tenu à restitution immédiate ».

A l’égard des tiers, l’on peut retenir deux idées :

Premièrement, le statut des enfants issus des relations entre fiancés est celui du droit commun des enfants naturels. Ces enfants  ont perdu la chance d’être légitimés par le mariage subséquent de leurs parents.

Deuxièmement, étant entendu que le responsable du décès ou des blessures d’un fiancé lui doit réparation personnellement, à lui ou à ses héritiers, la question est de savoir si l’autre fiancé peut lui demander réparation du préjudice qu’il subit par ricochet. Les hésitations sont nées du défaut de tout lien juridique entre fiancés, mais ont été finalement écartées au motif que le fait juridique des fiançailles suffit à établir l’existence réelle d’un préjudice moral subi du fait de la perte d’un être cher (Crim. 5 janvier 1956, D. 1956, 216 ; Crim. 16 décembre 1954,

JCP 1955, 8505), ainsi que celle d’un certain préjudice matériel : remboursement des dépenses éventuellement engagées en vue du mariage.

En tout état de cause, il faut dire que la rupture des fiançailles reste une hypothèse

« anormale », car en s’engageant l’objectif des fiancés était d’arriver au mariage. Dans la norme donc, les fiançailles aboutissent à un mariage. Mais pour ce faire, la seule volonté des futurs époux ne suffit pas. Ils doivent se soumettre à toutes les exigences légales de formation du mariage.

Chapitre 1. La formation du mariage

Le législateur accorde à l’institution du mariage une importance considérable. En tant que fondement normal de la famille, sa conclusion doit se faire sans légèreté. C’est ce qui explique qu’elle soit soumise à des conditions bien déterminées par la loi (section 1), condition dont le non-respect remettrait en cause l’existence même du mariage (section 2)

 Section 1. Les conditions de formation du mariage

On distingue traditionnellement les conditions de fond (sous-section 1) et les conditions de forme (sous-section 2).

Sous-section 1. Les conditions de fond

Les conditions de fond de validité du mariage peuvent être groupées en plusieurs catégories : il y a d’abord les conditions naturelles d’aptitude (§ 1) ; d’autres conditions procèdent de l’aspect contractuel du mariage (§ 2) ; enfin certaines conditions tendent à assurer la moralité de l’union projetée (§ 3).

§ 1. Conditions naturelles d’aptitude 

Cette première catégorie de conditions résulte du but de procréation et de l’entretien par les époux de relations sexuelles normales. Elle concerne le sexe des époux (A), l’âge des époux (B) et la santé des époux (C).

A. La différence de sexe

L’article 52, al. 3 de l’Ordonnance de 1981 fait expressément de la différence de sexe une condition de formation du mariage. C’est donc dire que contrairement à certains pays  (comme les USA, Pays-Bas, l’Allemagne, l’Espagne, l’Afrique du Sud, l’Angleterre, l’Uruguay, la France…) où l’homosexualité est admise et où on assiste à  la célébration des unions homosexuelles, le Cameroun ne reconnaît de mariage qu’entre un homme et une femme. La pratique homosexuelle est d’ailleurs fermement réprimée par l’article 347-1 du Code pénal camerounais qui punit d’un emprisonnement de 6 mois à 5 ans et d’une amende de 20.000 à 200.000 FCFA toute personne qui a des rapports sexuels avec une personne de son sexe.

Deux difficultés peuvent survenir à propos de la détermination du sexe :

La première est celle du vice de conformation ou de l’hermaphrodisme où une personne naît sans un sexe bien défini. En pareil cas on attribue généralement à l’intéressé le sexe le plus saillant. Confrontée aux incertitudes sur le sexe d’un époux mal formé, la jurisprudence classique a, « dans le but de prévenir  les incertitudes, les difficultés et les scandales de la preuve » (Civ., 6 avril 1903, D. 1904, 1, 395, S. 1904, 1, 273, note Wahl), rejeté toute action en nullité du mariage : il faut donc s’en tenir aux indications figurant sur l’acte de l’état civil. Le mariage est valable si les époux y sont indiqués comme de sexe différent (ce qui sera toujours le cas sans quoi l’officier d’état civil aurait refusé de célébrer).

La deuxième difficulté résulte du phénomène du transsexualisme apparu avec les progrès récents de la médecine. La question du transsexualisme procède en effet du « sentiment

irrésistible et inéluctable éprouvé par certains d’appartenir au sexe opposé à celui qui est génétiquement, physiologiquement et juridiquement le leur, avec le besoin obsédant de changer d’état sexuel, anatomie comprise ». (Rapport et Avant-projet de la loi sur les Sciences de la vie et les droits de l’homme, mars 1989, p. 73, cité par Rubellin-Devichi, Obs. Revue Trimestrielle de Droit Civil, 1989, p. 724).

Afin de répondre à ce prétendu besoin, les médecins n’hésitent pas à donner aux personnes qui l’éprouvent, par des traitements hormonaux ou des interventions chirurgicales, l’apparence d’un individu de sexe opposé.

Il faut préciser que ce phénomène reste encore étranger (du moins devant les juges) au contexte camerounais. Mais avec le développement actuel des moyens de communication et le fait que malheureusement le phénomène de mode ne concerne pas seulement les choses attrayantes, ce problème ne tardera pas à se poser dans notre pays. Or le transsexualisme, légitimé en France depuis l’arrêt de  l’Assemblée plénière de la Cour de cassation du 11 décembre 1992 (JCP 1993, II, 21991, Concl. Jéol,  RTDC 1993, 325, note J. Hauser, GA p.

108, affaire  Rénex), est très critiquable et a d’ailleurs été vivement critiqué par les auteurs, car les conséquences néfastes de ce phénomène sur le plan social ne sont pas négligeables. En effet, il n’est pas rare que le transsexuel soit déjà marié et qu’il ait des enfants. Qu’adviendra-t-il de cette union, de ces enfants ? (Le mariage devient celui de deux personnes de même sexe et mérite d’être frappé de caducité. Les enfants subiront un grave préjudice moral car tenus de vivre l’homosexualité de leurs parents).

De plus, pour de nombreux transsexuels, le changement de sexe n’est qu’une étape sur la voie de la formation d’une nouvelle famille. Revendiquant haut et fort le droit au mariage, ils prétendent épouser des personnes qui, au moins génétiquement sont de même sexe qu’eux. Enfin, ne pouvant procréer, ils chercheront  à se constituer artificiellement une postérité en ayant recours à l’adoption. L’on constate alors que le débat sur le transsexualisme touche aux fondements même de la société !

B.  L’âge des époux

Le législateur a fixé une condition d’âge qu’on rattache globalement à la puberté  et à la fonction procréatrice du mariage, mais qui s’explique également par l’exigence d’une certaine maturité. Il s’agit de l’âge nubile (âge de se marier, être en âge de procréer).

En effet, selon l’article 52, al. 1er de l’Ordonnance de 1981 : « Aucun mariage ne peut être célébré si la fille est mineure de 15 ans ou le garçon mineur de 18 ans, sauf dispense accordée par le Président de la République pour motif grave ». En principe donc, une fille de moins de 15 ans et un garçon de moins de 18 ans  ne peuvent pas entrer dans le mariage. Mais si le but de procréation peut déjà se réaliser, notamment si la fille est enceinte, cela constitue un motif grave pouvant justifier la dispense du  Président de la République. Cette dispense ne vient que combler l’impuberté, c’est-à-dire satisfaire la condition de puberté. Elle n’augmente pas l’âge des époux qui demeurent mineurs (puisqu’ils n’ont pas encore 21 ans) et ont besoin du consentement de leurs parents pour parfaire le mariage.

C. La santé des époux

En réalité la santé des époux n’est pas en droit camerounais une condition de formation du mariage.

D’une part, en effet, alors que certaines législations extérieures excluent du mariage les personnes atteintes de maladies vénériennes ou de tares héréditaires, notre droit ne fait même pas état de le santé des époux, choisissant ainsi implicitement une voie plus libérale et donnant par conséquent plus d’importance à la responsabilité individuelle. Aucune affection physique ne peut donc s’opposer au mariage de celui qui en souffre pourvu qu’il puisse exprimer son consentement, et que celui de son conjoint soit donné en connaissance de cause : la dissimulation d’une affection grave justifierait une action en nullité pour erreur ou en divorce. (Ce principe est valable même pour le SIDA. La contamination consciente peut constituer un cas d’empoisonnement passible de sanction pénale, mais ce n’est guère préventif…).

Lire Aussi :  COURS DE DROIT DES CONTRATS ADMINISTRATIFS (PDF)

D’autre part, le certificat prénuptial n’est pas exigé dans le contexte camerounais.

L’aptitude physique des futurs époux ne suffit  pas pour qu’il y ait mariage, il faut encore que leur volonté soit librement et clairement exprimée.

§ 2 : La volonté des époux

C’est la volonté des époux qui, dans la conception essentiellement psychologique du mariage que reçoit notre droit positif, joue le rôle principal. Et cette importance ne va que croissant au fur et à mesure que s’affirme l’idée de liberté individuelle en la matière.

Ce lien entre la liberté individuelle et le respect de la volonté des époux dans la formation du mariage ressort d’ailleurs très nettement de la Déclaration universelle des droits de l’homme, Charte des libertés individuelles, proclamée en 1948 par les Nations Unies, dont l’article 16 est ainsi conçu : « A partir de l’âge nubile, l’homme et la femme, sans aucune restriction quant à la race, la nationalité ou la religion, ont le droit de se marier et de fonder une famille. Le mariage ne peut être conclu qu’avec le libre et le plein consentement des futurs époux ».

Ce texte met bien en valeur les deux aspects de la volonté conjugale qui suppose la liberté nuptiale (A) et le consentement nuptial (B).

A. La liberté nuptiale

La liberté nuptiale présente la valeur d’un principe fondamental et d’une règle d’ordre public. Elle renferme à l’analyse 3 attributs : le droit de se marier (1), le droit de choisir librement son conjoint (2), le droit de ne pas se marier (3).

1. Droit de se marier

Pourvu qu’il remplisse les conditions posées par la loi, l’individu reçoit le droit de se  marier comme une prérogative d’ordre public. Aucune autorité administrative ou judiciaire ne peut le priver de cette prérogative : il n’existe pas de peine si grave soit-elle qui emporte une interdiction de se marier. (Le droit suisse  connaissait la possibilité pour le juge qui prononce un divorce d’interdire, à titre de sanction, à l’époux fautif de se remarier pendant une durée de 2 ans pouvant être portée à 3 ans en cas d’adultère. Mais la Cour Européenne des Droits de l’Homme a condamné cette disposition : 18 décembre 1987, RTDC 1989. 408, Clunet 1988, p.892).

La jurisprudence a été appelée,  depuis fort longtemps à se prononcer sur la validité des clauses de célibat ou des clauses de viduité qui subordonnent, dans un acte juridique, les droits d’une personne à la condition qu’elle demeure célibataire (clauses de célibat) ou ne se remarie pas (clauses de viduité).

Ces clauses ne sont pas un obstacle total au mariage, qui demeure valable, mais elles exercent une pression sur l’individu en le contraignant à choisir entre le mariage et les avantages qu’il tire de l’acte.

Lorsque les clauses sont insérées dans un acte à titre gratuit (comme une donation), les tribunaux ne le déclarent pas nécessairement nulles, mais distinguent selon le mobile qui a inspiré l’auteur, pour n’annuler que si le mobile apparaît illégitime : tel sera souvent le cas du sentiment de jalousie posthume ayant dicté au défunt la clause imposant à son conjoint de ne pas se remarier (Civ. 24 octobre 1939, DH 1940, 1) ou du désir de maintenir le souvenir de relations illégitimes (Req. 8 avril 1913, D. 1915, 1, 29, note G. R.). En revanche, il a été admis que la clause pouvait être légitimement inspirée soit par le désir d’assurer l’avenir des enfants issus du mariage (Civ. 16 décembre 1913, D. 1915, 1. 28, S. 1914. 1. 460), soit par le souci de protéger le conjoint contre son âge avancé, son état de santé, sa légèreté ou sa faiblesse (Civ. 22 décembre 1836, D. 1898, 1. 537, Concl. Desjardins) ou de maintenir des biens dans la famille (Req. 30 mai 1927, DH 1927, 448).

Lorsqu’elle a été appelée à se prononcer au sujet des clauses insérées dans des actes à titre onéreux (comme le contrat de travail par exemple), la jurisprudence a au contraire été plus catégorique dans le refus d’admettre leur validité. Elle a ainsi annulé les clauses de célibat concernant les hôtesses de l’air d’Air-France (Paris, 30 avril 1963, D. 1963, 428 note Rouast), déclaré abusif le licenciement fondé sur le mariage du salarié (Soc. 7 février 1968, D. 1968,

428 ; CS, arrêt N° 71/5 du 6 juin 1973), hormis le cas exceptionnel d’incompatibilité majeure reconnue dans le cas du remariage après divorce d’une enseignante dans un établissement catholique. (Assemblée plénière, 19 mai 1978, D. 1978, 541, note Ardent).

2. Droit de choisir librement son conjoint

Le libre choix du conjoint constitue l’une des facettes de la liberté  nuptiale. Les clauses d’une libéralité interdisant le mariage avec une personne désignée ou d’une appartenance sociale, raciale ou religieuse précise sont nulles.

Cette facette de la liberté nuptiale est clairement protégée par l’Ordonnance de 1981. En effet, l’article 77, al. 2 de l’Ordonnance abolit le lévirat (qui consistait à obliger la femme qui venait à perdre son mari d’épouser un frère ou même un des enfants du défunt) en prévoyant qu’en cas de décès du mari, ses héritiers ne peuvent prétendre à aucun droit sur la personne ni sur les biens de la veuve. Celle-ci peut librement se remarier à une personne de son choix après respect du délai de viduité.

De même en déclarant dans l’article 52, al. 4 « qu’aucun mariage ne peut être célébré si les futurs époux n’y consentent », l’Ordonnance de 81 entend implicitement mais sûrement interdire la pratique du sororat (qui consistait à obliger la sœur d’une femme décédée à épouser le veuf de cette dernière).

3. Droit de refuser le mariage

La liberté du mariage comporte le volet négatif de toute liberté, à savoir le droit de ne pas l’utiliser. Non seulement le mariage conclu sous leur empire serait nul, mais encore toutes les pressions qui viseraient à contraindre une personne au mariage sont illicites (exemple : un congédiement motivé par le refus de l’employé d’épouser la fille du patron).

C’est cette liberté qui constitue le fondement du défaut de force obligatoire des fiançailles. La sauvegarde de cette liberté nuptiale donne toute sa portée au consentement que vont donner les époux.

B. Le consentement nuptial

Comme pour tout contrat, le consentement est la condition fondamentale de la formation du mariage. C’est le consentement personnel des époux qui est essentiel et toujours nécessaire

(1) ; il n’est pas toujours suffisant car le mariage est parfois soumis de plus à certaines autorisations (2).

1. Le consentement des époux

Le consentement des parties est de l’essence même du mariage. C’est ce qui résulte clairement et fermement des articles 146 du Code civil et 52, al. 4 de l’Ordonnance de 1981 qui énoncent respectivement : « Il n’y a pas de mariage lorsqu’il n’y a point de consentement » ; « Aucun mariage ne peut être célébré si les futurs époux n’y consentent ». Ce consentement doit exister au moment précis où l’officier d’état civil demande à chaque époux s’il consent à prendre l’autre  pour mari ou pour femme (a). Il ne suffit d’ailleurs pas que le consentement existe, il doit encore être exempt de vices (b).

  1. Existence du consentement

Pour exister valablement, le consentement doit être conscient (*1), sérieux (*2) et signifié personnellement par les deux époux devant l’officier d’état civil (*3).

*1 Consentement conscient

Le consentement étant la base essentielle du mariage, il est indispensable que la volonté véritable des époux corresponde à celle qu’ils ont exprimée. Il en découle qu’aucune forme particulière n’est imposée pour exprimer son consentement, et que le sourd-muet peut contracter mariage, à condition d’être en état de manifester sa volonté par écrit ou par signes.

Il en résulte surtout qu’une personne entièrement privée de l’usage de la raison, soit par folie, soit par imbécillité, soit par une cause temporaire comme l’ivresse, la drogue ou l’hypnose,  ne peut contracter mariage, car le consentement donné dans ces conditions est purement inexistant. Est-ce à dire que les aliénés se voient en pratique fermer hermétiquement la porte du mariage ? En réalité non, car la jurisprudence considère que le consentement  n’est altéré que si l’intéressé était inconscient au moment précis de la célébration, mais qu’au contraire, ce consentement est valable s’il a été recueilli  au cours d’un intervalle lucide (Bastia,

8 février 1888, DP. 1888, 2, 317). Et, favorable à l’exercice du droit au mariage, la jurisprudence estime que l’intervalle lucide doit être présumé, celui qui poursuit la nullité du mariage devant  établir l’inconscience au moment précis de la célébration (Civ. 1re, 29 janvier 1975, D. 1975, 668, note Hauser ; 2 décembre 1992 : D. 1993, 409, note F. Boulanger).

*2 Consentement sérieux

On rencontre des cas où des personnes ne se marient pas dans le but d’adhérer à l’institution et de créer une union conjugale, mais dans la seule perspective d’obtenir ainsi un avantage lié au mariage : légitimation d’un enfant naturel, acquisition d’une nationalité, voire, dispense d’obligations militaires ou obtention d’une libéralité ou d’avantages sociaux ou fiscaux. Le mariage conçu comme un simple moyen pour obtenir l’une de ses conséquences est un mariage fictif ou simulé.

Selon une théorie, un tel mariage devrait être tenu  pour valable afin de sanctionner les époux qui ont entendu utiliser frauduleusement l’institution. (C.I. Foulon-Piganiol, « Le mariage simulé », RTDC 1960, 217 et « Le mariage à effets conventionnellement limités », D. 1965, Chron. 9). Cette conception faisant du maintien du mariage une sorte de peine privée est généralement rejetée par une doctrine dominante qui considère qu’à défaut de volonté réelle le mariage est sans valeur, et doit être frappé de nullité absolue (Raymond, « Nullité absolue du mariage pour simulation », Gaz. Pal. 1975, 2, doctr. 501). C’est cette solution qui prévaut en droit positif camerounais.

*3 Consentement signifié personnellement par les époux

 La loi ne se contente pas de ce que le consentement existe, il faut qu’il soit manifesté par les époux eux-mêmes, comparaissant en personne devant l’officier de l’état civil et déclarant devant lui qu’ils entendent se prendre pour mari et femme. C’est ce qui résulte clairement de l’article 64, al. 1 de l’Ordonnance de 1981 selon lequel : « Le consentement des futurs époux est personnellement signifié par ceux-ci à l’officier d’état civil au moment de la célébration du mariage ». Notre droit n’admet donc pas en principe la possibilité d’un mariage conclu par mandataire, c’est-à-dire, un mariage par procuration. Un tel mariage est frappé de nullité absolue.

La raison de cette règle est que la liberté du mariage doit être particulièrement entière et que les époux doivent pouvoir changer d’avis jusqu’au dernier moment ; d’où la nécessité de leur comparution personnelle qui, seule, peut garantir la persistance de leur volonté au moment même de la célébration.

Ce principe connaît cependant deux exceptions expressément prévues par la loi. Il s’agit notamment du mariage « in extremis » qui est célébré alors que l’un des futurs conjoints est en péril imminent de mort (article 66 de l’Ordonnance de 1981) et du mariage posthume célébré alors que l’un des futurs conjoints est décédé (article 67 de l’Ordonnance de 1981). Dans les deux cas, le mariage ne peut être célébré que si les formalités de publication des bans avaient été accomplies ou tout au moins étaient en cours : ceci manifeste en effet l’intention de se marier des personnes concernées.

Le mariage posthume ne peut être autorisé  que par le Président de la République et pour motif grave, généralement l’état de grossesse de la fille ou l’existence d’un enfant naturel à légitimer, en vue d’une succession à liquider. L’époux décédé est représenté à la transcription du mariage (et non à sa célébration) par son père, sa mère, son frère, sa sœur, son ascendant ou descendant ou le responsable coutumier. Les effets très restreints de ce mariage remontent à la date du jour précédant celui du décès de l’époux. Ce mariage est d’ailleurs immédiatement dissout après sa transcription, car la mort est une cause naturelle de dissolution du mariage.

Le mariage « in extremis » quant à lui ne peut être célébré s’il fait l’objet d’une opposition en cours d’examen ou si les personnes dont le consentement était requis ont refusé de le donner. Il s’agit notamment, le futur époux étant en péril imminent de mort et ne pouvant plus exprimer personnellement son consentement ni se présenter devant l’officier d’état civil, de son père, sa mère, son frère, sa sœur, son tuteur légal ou le responsable coutumier.

Dans tout les cas, que le consentement soit donné par les futurs époux eux-mêmes ou par les  tiers, sa seule   expression ne garantit pas le maintien du mariage, il faut encore que le consentement soit exempt de vice.

  1. Vices du consentement

Le consentement n’est efficace que s’il est libre et éclairé. Il devient sans effet lorsqu’il est entaché d’un vice. En droit commun, les trois vices du consentement qui peuvent entraîner l’annulation d’un contrat sont : l’erreur, la violence et le dol. Or il résulte de l’article 180 du Code civil qui adapte en matière de mariage, la théorie générale des vices du consentement que seules l’erreur et la violence sont alors prises en considération. Le dol est volontairement exclu ; car il est, de manière générale trop difficile à distinguer des moyens normaux de séduction de son futur conjoint, qui ne sont que « art de plaire ». C’est ce que Loysel exprimait par un adage bien  connu : « En mariage, il trompe qui peut ». Le souci de la stabilité des mariages a donc traditionnellement fait écarter  toute action en annulation du mariage pour dol.

En définitive donc, les deux vices du consentement à retenir en matière de mariage sont l’erreur et la violence.

*1 La violence

Il résulte de l’article 65, al. 1er de l’Ordonnance de 1981 que : « Le mariage n’est pas célébré si le consentement a été obtenu par violence ». L’alinéa 2 du même article définit  la violence comme des sévices ou des menaces exercées sur la personne de l’un des futurs époux, de son père, de sa mère, du tuteur légal, du responsable coutumier ou de ses enfants en vue d’obtenir son consentement. L’on déduit aisément de cette définition que la violence peut être physique ou morale. Mais on imagine difficilement, en matière de mariage, une violence physique par laquelle on est contraint à agir par la force étant donné la présence de l’officier d’état civil et des témoins.

La violence morale qui est la crainte née de la menace d’un mal considérable et présent de nature à faire impression sur une personne raisonnable est plus aisément concevable. Le juge apprécie  la gravité de la menace en tenant compte de divers paramètres tels le sexe, l’âge, ou la condition de la victime.

*2 L’erreur

L’erreur peut être définie comme une fausse représentation de la réalité. D’après l’article 180, al. 2 du Code civil : «  Lorsqu’il y a erreur dans la personne, le mariage ne peut être attaqué que par celui des époux qui a été induit en erreur ».

« L’erreur dans la personne » vise l’erreur sur l’identité physique de la personne ou encore l’erreur sur son identité civile. La première paraît peu plausible dans la mesure où la loi exige la comparution personnelle des époux ; on ne  pourrait l’imaginer que dans un cas de substitution de personnes (cas de vrais jumeaux).

L’erreur sur l’identité civile de la personne est plus compréhensible, elle a d’ailleurs été invoquée à plusieurs reprises devant les tribunaux qui ne l’admettent qu’à condition qu’elle soit déterminante du consentement. Ainsi, une erreur sur la situation de famille de célibataire ou divorcé selon les conceptions de l’intéressé, peut paraître ou non déterminante (Admettant l’erreur à raison des convictions religieuses du conjoint : TGI Bordeaux 9 juin 1924, Gaz. Pal. 1924, 2, 201 ; Trib. Civ. Seine, 4 avril 1951, JCP 1953, II, 7408 ; la rejetant au contraire : Bordeaux, 21 décembre 1954, D. 1955, note Esmein). Est généralement regardé comme non déterminante l’erreur sur la filiation (conjoint enfant naturel et non légitime : Paris, 12 juin

1957, D. 1950, 571) ou le nom (cependant, admettant l’erreur en cas d’usurpation d’état civil : Paris, 12 mars 1903, S. 1904, 2, 47 ; Trib. Civ. Seine, 7 juillet, 1948, D. 1950, 441) et la nationalité (Paris, 7 juin 1973, D. 1974, 174, Lyon, 9 janvier 1979, D. 1981, 241. Il en va autrement en temps de guerre : Trib. Civ. Seine, 4 février 1918 et 2 janvier 1920, D. 1920, 2, 78) ou la paternité  (Trib. Civ. Seine, 18 janvier 1938, S. 1938, 2, 119 : pour ignorance que le conjoint est parent d’un enfant naturel) ou encore l’âge (pour une femme  de 35 ans n’en ayant avoué que 25 : Trib. Civ. Seine, 6 décembre 1949. D. 1950, 103 ; et plus fort encore, pour une femme de 68 ans n’en ayant avoué que 35 : Lyon, 10 avril 1856, DP 1857, 2, 54).

Lire Aussi :  Cours de comptabilité publique Complet (PDF)

En outre, l’erreur peut vicier le consentement si elle porte sur les qualités essentielles d’une personne, entendues comme celles qui, tant du point de vue individuel que du point de vue sociologique, sont regardées comme liées à la conception du mariage. A ainsi été retenu comme cause de nullité l’erreur sur l’impuissance du conjoint (Trib. Civ. Grenoble 13 mars et 20 novembre 1958, D. 1959, 495, note Cornu), sur son état mental (TGI Le Mans, 18 mars

1965, D. 1967, 203, note Pradel, Tendances jurisprudentielles… p. 59, affaire Allix contre Dame Danzio), sur son honorabilité (Trib. Civ. Bressuire, 26 juillet 1944 D. 1945, 94 : Mari arrêté à la sortie de l’église pour meurtre commis quelques jours auparavant), sur la croyance erronée à la possibilité d’un mariage religieux (Trib. Civ. Seine, 4 avril 1951, Sem. Jur. 1953, II, 7408, note J. M. : Un divorcé a faussement affirmé qu’il pouvait se marier religieusement), sur la nationalité en temps de guerre (Trib. Civ. Seine 4 février 1918 et 2 janvier 1920, DP 1920, 2, 78 : des Français, ayant, au cours de la guerre de 1914-1918, épousé des alsaciennes, ont obtenu l’annulation de leur mariage).

La volonté des époux exprimée sans vice n’est pas toujours suffisante, parfois certaines autorisations s’imposent.

2. Les autorisations

Certaines autorisations extérieures sont parfois exigées pour le mariage, mais toutes n’ont pas la même portée. Les seules autorisations qui constituent, au sens plein du terme, une condition du mariage, sont les autorisations familiales. Celles que certains textes réglementaires exigent pour le mariage de quelques catégories de fonctionnaires (fonctionnaires du Ministère des Affaires étrangères, agents diplomatiques et consulaires, les militaires,…) n’ont pas la même force : car il est toujours loisible à l’intéressé de s’en passer en abandonnant ses fonctions. Il s’agit donc de dispositions qui, plus qu’à des conditions, s’apparentent à des pressions. C’est la raison pour laquelle nous n’insisterons ici que sur le consentement des parents au mariage de leurs enfants mineurs.

Pratiquement, il résulte de l’article 64, al. 2 de l’Ordonnance de 1981 que le consentement d’un futur époux mineur n’est valable que s’il est appuyé de celui de ses père et mère.

Le consentement d’un seul des parents suffit :

  • Pour les enfants naturels, lorsque leur filiation est légalement établie à l’égard d’un seul de leurs auteurs ;
  • En cas de décès ou d’absence judiciairement constatée de l’un des auteurs ou si l’un d’eux se trouve dans l’impossibilité ou l’incapacité d’exprimer son consentement ;
  • En cas de dissentiment entre le père et la mère, si l’auteur consentant est celui qui exerce la puissance paternelle (père pour les enfants légitimes dont les parents vivent ensemble) ou assure la garde de l’enfant (enfants naturels ou enfants légitimes de parents vivant séparément).

Parfois même le consentement  d’un tiers peut venir conforter celui d’un futur époux. Il en est ainsi du consentement du tuteur ou du responsable coutumier lorsque :

  • L’enfant est né de parents inconnus ;
  • L’enfant est orphelin ;
  • Les père et mère sont dans l’impossibilité d’exprimer leur consentement.

Le consentement ainsi donné par les parents ou ceux qui en tiennent lieu doit répondre à certaines exigences :

  • Il doit être spécial, c’est-à-dire, viser nominativement la personne avec laquelle l’enfant est autorisé à se marier.
  • Il doit être concomitant au mariage. Il en résulte que : 1) Tant que le mariage n’est pas célébré, le consentement peut être rétracté par celui qui l’a donné. 2) Si l’ascendant qui a déjà donné son consentement vient à décéder avant la célébration du mariage, ce consentement devient inopérant, car il n’émane pas de la personne qui a désormais qualité pour consentir.
  • Il est souverain en ce sens que sa délivrance ou son refus n’a pas besoin d’être motivé et que la décision du parent qui donne ou refuse son consentement ne se prête à aucun recours devant les tribunaux.

La volonté ferme n’est que l’étape première pour accéder au mariage puisque les candidats doivent encore se soumettre à d’autres conditions exigées par la loi.

§ 3. Les conditions de moralité sociale

La loi interdit le mariage dans certaines situations pour des raisons de moralité ou d’utilité sociale. Ces situations constituent des « empêchements » au mariage, ou des « interdits ». Ces empêchements sont au nombre de trois : l’existence d’un mariage antérieur non dissout, l’existence d’un certain degré de parenté ou d’alliance entre les futurs époux et la non-expiration du délai de viduité. Les deux premiers sont des empêchements dirimants (A) alors que le 3ème est un empêchement simplement prohibitif (B).

A. Les empêchements dirimants

Les empêchements dirimants sont des obstacles qui sont susceptibles d’entraîner la nullité du mariage. Il s’agit notamment de l’existence d’un mariage antérieur non dissout (1) et

de l’existence d’un certain degré  de parenté ou d’alliance entre les futurs époux (2).

1. L’existence d’un précédent mariage non dissout

En principe on ne peut contracter un second mariage avant la dissolution du premier. Le faire serait consommer la bigamie, cause de nullité absolue du second mariage.

Mais il faut en droit camerounais distinguer selon que la personne en cause est une femme ou un homme. Lorsqu’il s’agit de la femme, l’interdiction de la polyandrie lui commande de ne pas se remarier tant que son mariage actuel n’est pas dissout. Lorsqu’il s’agit de l’homme en revanche, l’on doit encore rechercher sous quelle option il a contracté le premier mariage. S’il avait opté pour la polygamie, il peut contracter autant de mariages successifs qu’il le désire. S’il avait opté pour la monogamie, le second mariage est entaché de bigamie et donc nul. C’est ce que prévoit l’article 63 de l’Ordonnance de 1981 aux termes duquel : « Nonobstant l’existence d’une opposition, est nul d’ordre public tout mariage conclu par une femme légalement mariée ou par un homme engagé dans les liens d’un précédent mariage monogamique non dissout ». La jurisprudence applique strictement cette disposition (CA de Bertoua, arrêt du 5 mars 1979, Affaire Dame Etoga contre Etoga Florent,

Tendances jurisprudentielles… p. 63 ; CS, arrêt N° 129 du 25 mai 1971, affaire Makondo  contre Dame Ngo Hongnoyo. Tendances jurisprudentielles… p. 66).

La nullité serait prononcée même si c’est la première épouse qui a proposé sa coépouse à son mari. En droit pénal, la bigamie est entendue de manière plus large. L’article 359 du Code  pénal y inclut outre les cas de l’article 63 de l’Ordonnance de 81, celui où un polygame prend une nouvelle épouse sous la forme monogamique avant la dissolution des précédents mariages.

2. L’existence d’un lien de parenté ou d’alliance

Le mariage est interdit entre certaines personnes parentes ou alliées tant pour des motifs de moralité que pour des raisons physiologiques, les enfants issus d’une telle union risquant d’être atteints de tares graves.

Il résulte ainsi des articles 161 à 163 et 354 du Code civil que :

  • En ligne directe le mariage est prohibé entre tous les ascendants et descendants légitimes ou naturels, et les alliés dans la même ligne.
  • En ligne collatérale, le mariage est prohibé entre frère et sœur légitimes ou naturels.
  • Le mariage est encore prohibé entre l’oncle et la nièce, la tante et le neveu. – De même, le mariage est prohibé entre :
    • L’adoptant, l’adopté et ses descendants ;
    • Entre l’adopté et le conjoint de l’adoptant, et réciproquement entre l’adoptant et le conjoint de l’adopté ;
    • Entre les enfants adoptifs du même individu ;
    • Entre l’adopté et les enfants qui pourraient survenir à l’adoptant.

Il est à noter toutefois que conformément aux articles 164 et 354 (in fine) du Code civil certains des empêchements résultant de la parenté ou de l’alliance sont susceptibles d’être levés par des dispenses obtenues du Président de la République pour causes graves.

Aucune dispense ne peut être accordée pour un mariage entre parents en ligne directe

(ascendants ou descendants), non plus qu’entre l’adoptant et l’adopté et ses descendants. En ligne collatérale, aucune dispense n’est possible entre frère et sœur. En revanche, le Code  civil autorise les dispenses entre oncle et nièce, tante et neveu, entre alliés en ligne directe lorsque la personne qui a créé l’alliance est décédée, et enfin entre les enfants adoptifs d’un même individu ou entre l’adopté et les enfants survenus à l’adoptant.

Le fait de se marier entre parents et alliés au degré prohibé sans la dispense du Président de la République constitue globalement l’inceste, qui, au plan civil, constitue une cause de nullité absolue du mariage, ce qui le différencie des empêchements simplement prohibitifs.

B. Les empêchements prohibitifs

L’empêchement est simplement prohibitif si l’officier de l’état civil qui le constate a le devoir de ne pas célébrer l’union, étant admis que s’il le célèbre tout de même le mariage n’est pas annulable pour ce motif. Comme tel, on cite généralement l’exigence du délai de viduité et les autorisations administratives évoquées plus haut. Nous ne parlerons donc ici que du délai de viduité. Cet empêchement ne concerne que la femme qui contracte un second mariage. L’article 228, al. 1er du Code civil dispose : « La femme ne peut contracter un nouveau mariage qu’après trois cents jours révolus depuis la dissolution du mariage précédent ». Ce délai, dit de viduité, a pour but d’empêcher une confusion de parts ou de paternité, c’est-à-dire, une incertitude sur la filiation paternelle de l’enfant qui naîtrait d’un second mariage contracté trop tôt après la dissolution du précédent, l’enfant pouvant, par le recoupement  des présomptions de paternité, être attribué également aux deux maris successifs. C’est pour cela que l’on a fixé la durée du délai de viduité à trois cents jours, ce qui est le délai le plus long que puisse avoir la grossesse : un enfant qui naîtrait plus de trois cents jours après la dissolution du premier mariage ne pourrait plus être attribué au premier mari.

La règle est applicable quelle que soit la cause de la dissolution du premier mariage : décès, divorce (article 296 du Code civil) et même nullité.

Fort curieusement, l’article 77, al. 2 de l’Ordonnance de 81 fixe ce délai à 180 jours. Bien plus, cet article ne vise expressément que le seul cas du décès. La question se pose donc de savoir s’il y a en droit camerounais, deux délais de viduité, l’un de 300 jours pour le divorce et la nullité, l’autre de 180 jours pour le décès. Si l’on s’en tient à la lettre de la loi, la réponse à cette question doit être affirmative. Mais si l’on s’en tient au but unique reconnu au délai de viduité, la réponse doit être négative. En effet, pour permettre à cette institution d’atteindre son but (à savoir éviter la confusion des parts) seul devrait être pris en considération dans les deux cas le délai de 300 jours prévu par le Code civil.

Point de départ du délai : En cas de décès du mari, le délai court du jour du décès ou du jugement qui en tient place en cas de disparition. En cas de divorce, il court normalement à compter de la décision définitive de divorce. Mais si les époux ont été autorisés à résider séparément au cours de la procédure, le délai commence à courir à partir du jour de la décision autorisant la résidence séparée.

Sanction du délai : L’inobservation du délai de viduité ne donne lieu à aucune sanction a posteriori, car, si le mariage a été célébré, le risque de confusion  de parts ne peut plus être évité : ce délai ne constitue qu’un empêchement prohibitif qui doit conduire l’officier d’état civil à surseoir à la célébration.

Sous-section 2. Les conditions de forme

Si conformément à l’article 81 de l’Ordonnance de 1981, les mariages coutumiers ont été à nouveau déclarés valables en droit camerounais, le législateur n’a pas prévu selon quelle forme ils doivent être célébrés. Il y a lieu alors de se reporter à la coutume des parties.

En revanche, l’Ordonnance de 1981 contient des dispositions assez précises relatives aux mariages célébrés par l’officier d’état civil. Ces dispositions concernent d’une part les formalités antérieures au mariage (§ 1) et d’autre part les formes proprement dites du mariage (§ 2).

§ 1. Formalités antérieures au mariage

Elles tendent à renseigner l’officier de l’état civil sur la situation de chacun des futurs époux, afin qu’il vérifie si les conditions de fond du mariage sont remplies.

Ce sont la publication du projet de mariage (A) et la production de certaines pièces (B).

A. La publication des bans 

C’est une formalité empruntée au droit canonique (notamment les bans du mariage qui étaient des publications orales que le curé de la paroisse de chacun des deux fiancés faisait en chaire de la messe les  trois dimanches ou jours de fête précédant  le mariage). Elle tend à faire connaître le projet de mariage, afin que les personnes qui sauraient l’existence de quelques empêchements au mariage aient le temps de le signaler à l’officier de l’état civil, et même de former une opposition si la loi leur en donne le droit.

Les formes de la publication sont énoncées par les articles 53 et suivants de l’Ordonnance de 1981. La publication se fait par voie d’affichage au centre d’état civil compétent (Cf. article 54) au moins un mois avant la célébration du mariage (Cf. article 53).

Elle comporte, outre l’intention des futurs époux de contracter mariage, un certain nombre de mentions relatives aux noms, prénoms, profession, domicile, âge et lieu de naissance des futurs époux.

Il faut toutefois signaler que le mariage peut être célébré au Cameroun alors que les bans n’ont pas été publiés. A cette fin les futurs époux doivent obtenir auprès du Procureur de la République du lieu de célébration, dispense totale ou partielle de publication en justifiant de motifs graves requérant célérité, par exemple, danger de mort ou imminence de l’accouchement de la future épouse (article 55).

Mais aucune dispense ne peut être accordée si une opposition a été formulée auprès de l’officier d’état civil appelé à célébrer le mariage. La violation de cette prescription entraîne la nullité du mariage si l’opposition est reconnue par la suite fondée (article 57). En tout cas, la décision du Procureur de la République refusant la dispense de publication des bans n’est susceptible d’aucune voie de recours (article 56).

B. Les productions

Avant la célébration du mariage, chacun des futurs époux doit remettre à l’officier de l’état civil les pièces établissant qu’il réunit les conditions requises pour contracter régulièrement le mariage. Ces pièces, plus ou moins nombreuses selon les cas, sont les suivantes :

  • Dans tous les cas une copie d’acte de naissance. Cette pièce est essentielle : elle permet de savoir si les futurs époux ont atteint l’âge de la puberté ou celui de la capacité civile ; elle permet aussi de déceler parfois certains empêchements résultant de la parenté.
  • Selon les circonstances, d’autres pièces doivent être fournies :
    • S’il a été fait un contrat de mariage, le certificat rédigé par le notaire ;
    • En cas de dispense d’âge ou de parenté, le document qui l’a accordée ;
    • En cas de remariage, les actes justifiant de la dissolution du premier mariage : extrait de l’acte de décès du premier conjoint, ou extrait du jugement du divorce devenu définitif ;
    • En cas de minorité, les actes attestant les autorisations familiales ;
    • Le certificat médical prénuptial n’est pas exigé dans le contexte camerounais (mais de plus en plus dans la pratique ce certificat est établi à la convenance des futurs époux).

§ 2. Les formes du mariage

Les règles sur les formes du mariage concernent : le lieu de la célébration du mariage

(A) ; la célébration même du mariage (B) ; la rédaction de l’acte instrumentaire (C). Ces diverses formes se réfèrent en général à la publicité dont il est indispensable d’entourer le mariage, en raison des grands changements qu’il apporte à la condition des époux et à la consistance de leur patrimoine. Il faut de plus, que le mariage puisse être connu de ceux qui auraient des oppositions à former.

A. Lieu de la célébration du mariage

En principe les futurs époux ne peuvent se marier qu’en un lieu où ils sont eux et leur famille réputés connus. C’est pourquoi l’article 165 du Code civil porte que le mariage doit être célébré devant l’officier de l’état civil de  la commune où l’un des époux a son domicile ou sa résidence à la date de la publication des bans. Le mariage est donc possible en principe au maximum dans quatre communes ; et si les futurs époux désirent se marier dans une commune déterminée, il suffit à l’un d’eux d’y résider pendant un certain temps (un mois en France).

Lire Aussi :  Cours De Procédure Civile Complet (PDF)
B. Célébration du mariage

La célébration du mariage se caractérise par sa publicité et par sa solennité.

  1. A l’idée de publicité se rattachent encore les règles ci-après, relatives à la célébration :
  • L’article 68 de l’Ordonnance de 81 exige que la célébration du mariage ait lieu dans le local destiné à cet effet au centre d’état civil. Le mariage ne saurait être célébré en un autre lieu. C’est ce qui justifie qu’en cas de mariage in extremis le législateur ait admis la représentation de l’un des époux par ses parents et non pas le transport à domicile de l’officier de l’état civil comme on aurait pu imaginer.
  • La cérémonie doit être publique, c’est pourquoi les portes du local où elle a lieu doivent être ouvertes. En effet, l’article 165 du Code civil dit que le mariage sera célébré publiquement.
  • Enfin, la célébration requiert la présence de deux témoins au moins, un par époux, (article 69, al. 1er de l’Ordonnance de 81). Ces témoins peuvent être parents ou non, appartenir à l’un ou l’autre sexe, mais doivent être majeurs.
  1. La solennité s’affirme à différents égards :
  • Par la nécessité de la présence réelle des futurs époux ; on ne se marie pas par procuration.
  • Par l’intervention de l’officier d’état civil et par l’accomplissement de certains rites décrits à l’article 75 du Code civil :
    • L’officier de l’état civil fait lecture aux futurs époux des articles 212 à 215 du Code civil relatifs aux effets du mariage ;
    • Il interroge les futurs époux et, s’ils sont mineurs, leurs ascendants présents et autorisant le mariage sur le point de savoir s’il y a un contrat de mariage, afin de faire mention de leur réponse dans l’acte de mariage ;
    • Puis il demande aux futurs époux s’ils optent pour la monogamie ou la polygamie (cette question ne figure pas dans l’article 75 du Code civil mais plutôt se déduit de l’article 49 de l’Ordonnance de 81) ;
    • Il demande ensuite aux futurs époux s’ils veulent se prendre pour mari et femme.
    • Enfin, l’officier de l’état civil prononce la formule d’union (à condition bien entendu que les époux aient répondu « oui » à sa demande) : « au nom de la loi » il les déclare unis par le mariage.  
C. Rédaction de l’acte instrumentaire

Après la célébration du mariage, la loi  (article 75 du Code civil) prévoit qu’est dressé aussitôt l’acte de mariage. En fait cet acte est dressé bien avant par le secrétaire d’état civil à l’aide des éléments tirés du dossier fourni par les futurs époux. Seules les signatures sont apposées séance tenante (notamment celles de l’officier d’état civil, des époux, des témoins et des représentants des familles). L’article 49 de l’Ordonnance de 81 énumère avec minutie les énonciations que l’acte doit contenir (en l’occurrence : le nom du centre d’état civil, les noms, prénoms, date et lieu de naissance, domicile et profession des époux ; le consentement des parents en cas de minorité ; les noms et prénoms des témoins ; les date et lieu de célébration du mariage ; éventuellement la mention de l’existence d’un contrat de mariage : communauté ou séparation des biens ; la mention de la forme matrimoniale choisie : polygamie ou monogamie ; les noms et prénoms de l’officier d’état civil ; les signatures des époux ; des témoins et de l’officier d’état civil).

Cet acte permettra aux époux d’établir leur mariage et aux tiers d’être renseignés.

Section 2.  L’existence du mariage

Après sa célébration, l’existence du mariage pourra être contestée, soit en fait, soit en droit. En fait, s’il arrive que sa réalité soit mise en doute : cette réalité devra être fréquemment établie, ce qui pose la question de la preuve du mariage (sous-section 1). En droit, c’est plutôt la validité du mariage qui sera attaquée en cas de non-respect des conditions de formation du mariage (sous-section 2).

Sous-section 1. La preuve du mariage

La preuve du mariage est souvent requise des époux lorsqu’ils en invoquent les effets, soit entre eux, soit à l’encontre des tiers. Mais elle peut également être nécessaire aux enfants des époux, afin d’établir leur légitimité, ou encore à des tiers pour qui l’existence de ce mariage est la condition d’un droit (par exemple du droit de réclamer à un époux paiement des dettes ménagères contractées par l’autre, ou encore d’une vocation successorale dépendant de l’établissement d’une généalogie).

La solennité du mariage  assure la pré-constitution d’un moyen privilégié par la rédaction de l’acte de mariage inscrit sur les registres d’état civil (§ 1). Ce système de preuve connaît néanmoins quelques exceptions (§ 2).

§ 1. Système de la preuve préconstituée : preuve par l’acte de mariage

Aux termes de l’article 194 du Code civil « Nul ne peut réclamer le titre d’époux et les effets civils du mariage, s’il ne présente un acte de célébration inscrit sur le registre de l’état civil ». Ainsi, la loi établit en cette matière, le régime de la preuve légale préconstituée, c’està-dire, qu’elle interdit aux intéressés de prouver le fait du mariage par tout autre moyen que celui qu’elle a elle-même ménagé en organisant l’institution des actes de l’état civil. Par exemple, c’est en vain que l’on prétendrait invoquer le témoignage de personnes qui auraient autrefois assisté à la célébration du mariage ou la présomption qui résulterait de la possession d’état (le fait que le couple passait aux yeux du public pour marié) ; sinon des concubins pourraient trop facilement établir faussement qu’ils sont mariés.

§ 2. Exceptions au système de la preuve préconstituée

Elles interviennent dans trois hypothèses : en cas d’inexistence ou de perte des registres (A), en cas de preuve administrée par les enfants issus du mariage (B) et en cas de recherches généalogiques en vue d’une succession (C).

A. Cas d’inexistence ou de perte des registres

En cas d’inexistence ou de perte des registres, l’article 194 in fine du Code civil, renvoyant à l’article 46 du Code civil, permet que le mariage puisse être prouvé par tous moyens : papiers domestiques ou témoins.

Il peut se faire que la destruction ou l’inexistence de l’acte de mariage soit le résultat d’un acte criminel prévu par le Code pénal (exemple : l’acte de mariage a été falsifié ou déchiré par un individu quelconque) ou bien l’officier de l’état civil l’a rédigé ailleurs que sur les registres destinés à cet effet ou à omis de l’inscrire (article 150 du Code  pénal). Dans ce cas le jugement qui constate l’infraction commise sera alors inscrit sur les  registres de l’état civil et tiendra lieu d’acte de mariage (article 198 du Code civil).

B. Preuve administrée par les enfants issus du mariage

L’article 197 du Code civil suppose que, les parents étant décédés, la légitimité des enfants issus du mariage est l’objet d’une contestation. Il décide que les enfants pourront alors faire la preuve du mariage de leurs parents, à défaut de présentation de l’acte de célébration, en invoquant la possession d’état.

Ces enfants seront considérés comme légitimes aux quatre conditions suivantes :

  • Il faut que le père et la mère soient tous deux décédés ;
  • Il doit être établi que les père et mère ont eu la possession d’état d’époux ;
  • Il faut que l’enfant ait lui-même la possession d’état d’enfant légitime ;
  • Il faut enfin que cette possession d’état ne soit pas contredite par un acte de naissance.
C. Recherches généalogiques en vue d’une succession

L’article 194 du Code civil ne visant que les époux eux-mêmes, il ne semble pas que l’exigence de l’acte s’impose aux tiers qui n’ont aucun moyen de déterminer le lieu du mariage où ils pourront obtenir un extrait de l’acte. Aussi est-il admis qu’ils peuvent prouver le mariage par tous moyens, notamment, s’il s’agit d’une recherche généalogique en vue d’une succession, par exemple (Civ. 8 mars 1904, D. 1904, 1, 246).

Sous-section 2. Respect des conditions de formation du mariage

Les irrégularités dont le mariage peut être entaché lors de sa formation sont susceptibles de plusieurs types de sanctions. Certaines constituent des infractions passibles des sanctions prévues par le Code  pénal (exemple l’article 149 du Code pénal qui frappe d’un emprisonnement  de trois mois à un an et d’une amende de 5000 à 70000 francs l’officier de l’état civil qui dresse un acte de mariage sans s’assurer que les consentements nécessaires à sa validité ont été accordés ; sans observer le délai de viduité éventuellement prescrit ; l’article

359 du Code pénal qui sanctionne la bigamie…)

Certaines peuvent sur le plan purement civil aboutir à l’octroi des dommages-intérêts sur la base des articles 1382 et 1383 du Code civil. D’autres  enfin peuvent, toujours sur le plan civil, entraîner soit une sanction préventive qui est l’opposition (§ 1) soit une sanction répressive qui est la nullité (§ 2). Seules ces deux dernières sanctions retiendront notre attention.

§ 1. Oppositions à mariage

L’opposition est l’acte par lequel certaines personnes qualifiées font connaître à

l’officier de l’état civil qu’en raison d’un motif indiqué par la loi, elles entendent mettre obstacle à ce qu’il soit procédé au mariage. C’est ainsi que l’article 58 de l’Ordonnance de 81 énonce que pendant toute la période des publications de bans, toute personne justifiant d’un intérêt légitime peut faire opposition à la célébration du mariage. Les personnes habilitées à faire opposition (A), la forme de l’opposition (B) et les effets de l’opposition (C) sont clairement définis par la loi.

A. Les personnes habilitées à faire opposition

L’article 58 de l’Ordonnance de 81 prévoit que toute personne justifiant d’un intérêt légitime peut le faire. Le texte poursuit cependant en citant certaines de ces personnes. Il s’agit notamment : du père, de la mère, du tuteur pour les futurs époux mineurs ; du responsable coutumier ; de l’époux d’une femme engagée dans les liens d’un précédant mariage non dissout ; de l’épouse d’un homme engagé dans les liens d’un précédent mariage à régime monogamique non dissout.

Cette énumération doit être considérée comme simplement indicative. Bien plus, les causes pour lesquelles l’on peut s’opposer au mariage n’ayant pas été spécifiées dans tous les cas, il faut en déduire que les causes peuvent être librement invoquées. Reserve doit être faite toutefois de la cause d’opposition fondée sur le non-paiement partiel ou total de la dot qui ne saurait être valablement invoquée (Cf. article 61 de l’Ordonnance de 81).

B. Forme de l’opposition

D’après l’article 59 de l’Ordonnance de 81 l’opposition peut se faire soit oralement, soit par écrit auprès des officiers d’état civil qui procèdent à la publication des bans. Lorsque l’opposition est faite oralement, l’officier d’état civil qui la reçoit doit en dresser un procèsverbal signé par l’opposant.

L’acte d’opposition énonce les noms et prénoms de l’opposant, son adresse, la qualité qui lui confère le droit de la formuler, les références de la publication et les motifs  détaillés de l’opposition. Pour être recevable, l’opposition doit être faite dans le mois que dure la publication des bans.

C. Effets de l’opposition

Quel que soit son bien-fondé, l’opposition oblige l’officier de l’état civil à surseoir au mariage jusqu’à ce que la main levée ait été obtenue (Cf. article 60 de l’Ordonnance de 81).

L’officier d’état civil doit alors transmettre au président du Tribunal de Première Instance  toutes les oppositions formulées dans les délais et parvenues avant la célébration du mariage ainsi que les résultats de ses recherches qui sont de nature à empêcher ce dernier. Il notifie également  l’opposition aux futurs époux.

Le président du tribunal saisi a un délai de 10 jours pour statuer sur les oppositions à lui transmises. Il peut soit déclarer l’opposition bien fondée (le mariage ne sera pas célébré, temporairement ou définitivement), soit la déclarer mal fondée. Il en donne alors mainlevée.

Dans tous les cas, il statue par ordonnance sans frais, les parties étant entendues

(l’instruction de l’affaire se passe comme une audience normale mais tout se déroule dans son cabinet). L’ordonnance autorisant ou interdisant la célébration du mariage est susceptible de voies de recours (article 62 de l’Ordonnance de 81).

Il peut se produire que malgré la réalité d’un obstacle l’opposition n’ait pas lieu ou que la mainlevée ait été accordée à tort ; le mariage étant célébré, la seule sanction qui reste pour le remettre en cause est celle de la nullité du mariage.

§ 2. Nullités du mariage

De manière générale, en droit civil, la nullité peut être définie comme la sanction prononcée par le juge et consistant dans la disparition rétroactive de l’acte juridique qui ne remplit pas les conditions requises pour sa formation.

De manière spécifique, la sanction civile répressive des règles relatives à la formation du mariage c’est la nullité de l’union qui aurait été contractée en violation de ces règles. La loi énumère les cas dans lesquels il y a lieu d’annuler le lien matrimonial : ces cas sont traditionnellement qualifiés « d’empêchements dirimants ».

L’intérêt d’assurer la stabilité de l’institution du mariage justifie la limitation des cas de nullité (A) que nous analyserons avant d’en apprécier les effets (B).

A. Cas de nullité

La loi énumère un certain nombre d’irrégularités qu’elle sanctionne par la nullité, en précisant dans chaque hypothèse, s’il s’agit d’une nullité relative (1) ou d’une nullité  absolue (2).

1. Les cas de nullité relative

La nullité relative en matière de mariage est, comme en tout autre matière, une nullité de protection, sanctionnant la violation de règles édictées pour la sauvegarde d’intérêts privés. Il existe deux causes de nullité relative : les vices du consentement des époux (a) et le défaut d’autorisation des parents, pour le mariage des enfants mineurs (b).

  1. Les vices du consentement des époux

Il s’agit de l’erreur et de la violence visées par l’article 180 du Code civil.

La nullité fondée sur un vice de consentement ne peut être demandée que par l’époux qui a été victime de la violence ou de l’erreur. Ni l’autre conjoint, ni ses ascendants, ni les tiers ne peuvent agir. Il faut toutefois noter que la nullité de l’article 180 du Code civil peut, conformément aux conceptions générales en matière de nullité relative, se couvrir par une confirmation ultérieure de l’acte annulable. Ainsi, l’époux, lorsque la violence a cessé ou qu’il a eu connaissance de son erreur, peut confirmer soit expressément, soit tacitement par son attitude, le mariage dont la validité est alors rétroactivement  assurée. Contrairement au droit commun des nullités relatives qui soumet l’action à la prescription de 10 ans, en matière de mariage, l’action en nullité relative pour vice de consentement se prescrit par  6 mois à partir du jour de la  découverte de l’erreur ou de la cessation de la violence.

  1. Défaut de consentement des parents

Nous savons que le consentement des parents est requis pour le mariage des mineurs.

L’action en nullité pour défaut de consentement des parents peut être intentée par l’époux mineur lui-même qui avait besoin d’autorisation et en second lieu par ceux dont le consentement était requis, c’est-à-dire, suivant les cas, le père ou la mère, les ascendants ou le conseil de famille.

Comme dans le cas précédent, la nullité pour défaut de consentement des parents peut se couvrir par une confirmation ultérieure de l’acte annulable. C’est ainsi notamment que l’article 183 du Code civil décide que ceux dont le consentement était  nécessaire peuvent renoncer à l’action en nullité et, par là, ratifier le mariage soit par une approbation (ou confirmation) expresse du mariage de l’enfant, soit par tout autre procédé de confirmation tacite. Par exemple, ils auront rendu visite, ou encore ils auront accepté le parrainage d’un enfant.

Par ailleurs, l’action en nullité pour défaut de consentement des parents se prescrit par une année, pour l’action des parents, à compter du jour où ils ont eu connaissance du mariage, pour l’action du mineur, à compter du jour de sa majorité (Cf. article 183 du Code civil).

2. Les cas de nullité absolue

La nullité est absolue lorsque les conditions imposées par la loi sont essentielles et tendent à protéger l’intérêt général, ou l’ordre public, ou les bonnes mœurs. Parce qu’elle intéresse l’ordre public, la nullité absolue peut être demandée par toute personne intéressée,  y compris le Ministère public. L’action est en principe ouverte pendant une durée de 30 ans. Mais en matière de mariage, le régime normal des nullités absolues connaît de nombreuses dérogations, notamment lorsque l’on a affaire à une cause spécifique. A cet égard les causes de nullité absolue d’un mariage prévues par la loi sont au nombre de 6, à savoir : le défaut de consentement, l’impuberté, la bigamie, l’inceste, la clandestinité, l’incompétence de l’officier de l’état civil.

  1. Le défaut de consentement des époux

Le défaut total de consentement est sanctionné par la nullité absolue. Ainsi le mariage d’un dément ou d’un idiot pourra être attaqué, soit par les époux eux-mêmes, soit par tous ceux qui y ont intérêt, soit par le Ministère public, à condition que l’absence de volonté au moment de la célébration du mariage soit démontrée. De même, le mariage est nul faute de consentement, lorsque les époux ne se sont prêtés à la cérémonie qu’en vue d’atteindre un résultat étranger à l’union matrimoniale : c’est l’hypothèse du mariage simulé ou du mariage fictif.

  1. L’impuberté

Le mariage d’une personne qui n’a pas atteint l’âge nubile ou l’âge légal (15 ans pour la fille, 18 ans pour le garçon) est considéré par la loi contraire à l’ordre public et donc sanctionné par la nullité absolue. Lorsqu’une dispense a été accordée, le mariage ne saurait être attaqué sur ce point.

Lire Aussi :  Cours politiques publiques complet (PDF)

Bien que la nullité pour cause d’impuberté soit d’ordre public, elle est néanmoins susceptible de se couvrir dans les hypothèses prévues par les articles 185 et 186 du Code civil.

D’après l’article 185 du Code civil, le mariage contracté par des époux qui n’avaient point encore l’âge requis, ou dont l’un des deux n’avait point atteint cet âge ne peut être attaqué :

  • Lorsqu’il s’est écoulé 6 mois depuis que cet époux ou les époux ont atteint l’âge compétent ;
  • Lorsque la femme qui n’avait point cet âge a conçu avant l’échéance de 6 mois (Dans le cas d’espèce les faits ont en effet démontré que la jeune femme était suffisamment pubère).

Quant à l’article 186 du Code civil, il enlève aux parents le droit d’attaquer le mariage de leurs enfants pour impuberté quand ils y ont consenti. Il y aurait évidemment quelque chose de choquant dans l’attitude de celui qui viendrait critiquer un mariage auquel il aurait donné son approbation.

  1. La bigamie

Le mariage est entaché de nullité absolue si l’un des époux était encore, au moment de sa célébration, engagé dans les liens d’un précédent mariage non dissout. L’action en contestation est recevable même si la bigamie a cessé depuis la célébration (par exemple, en cas de mort du 1er conjoint ou de divorce).

S’il est prétendu que le premier mariage était nul, il faudra statuer sur cette question avant d’examiner la validité du deuxième mariage.

En cas de mariage contracté par une personne pendant l’absence de son conjoint, l’article 139 du Code civil n’accorde l’action en nullité pour bigamie qu’à l’absent lui-même ou à son fondé de pouvoir muni de la preuve de son existence. Il en résulte que, lorsque l’absent vient à décéder, le mariage ne peut plus être attaqué par personne pour cause de bigamie.

Dans le cadre de l’Ordonnance de 81, la bigamie est clairement sanctionnée par son article 63 qui déclare nul d’ordre public tout mariage conclu par une femme, légalement mariée ou par un homme engagé dans les liens d’un précédent mariage monogamique non dissout et cela nonobstant l’inexistence d’une opposition. Il s’agit bien ici de la nullité du second mariage.

  1. L’inceste

L’empêchement résultant de la parenté ou de l’alliance est sanctionné par  la nullité absolue, même s’il pouvait être levé par une dispense. Par contre, si une dispense avait été accordée dans les hypothèses où la loi le permet, le mariage est valable.

  1. L’incompétence de l’officier de l’état civil.

L’incompétence de l’officier de l’état civil dont l’article 191 du Code civil fait un cas de nullité absolue peut exister dans trois hypothèses : 1°. Elle peut tenir (ratione personae) aux époux eux-mêmes, aucun d’eux n’étant domicilié ni ne pouvant se prévaloir d’une résidence dans la commune ; 2°. L’officier de l’état civil  peut être incompétent (ratione loci), s’il s’est transporté hors de la commune où il exerce ses fonctions ; 3°. Il peut aussi être incompétent parce qu’il n’a pas personnellement qualité pour exercer ses fonctions, ainsi lorsqu’il n’a pas reçu une délégation régulière (exemple : le conseiller municipal célébrant n’a pas reçu de délégation régulière du maire, ou le mariage a été célébré par le secrétaire d’état civil).

  1. La clandestinité

Le mariage clandestin est celui qui a été célébré sans publicité. La publicité du mariage est assurée par tout un faisceau de dispositions convergentes, se référant notamment aux publications, au domicile ou à la résidence des époux, à la célébration à la maison communale, à l’admission libre du public, à la présence des témoins. L’inobservation de l’une quelconque de ces prescriptions n’entraîne pas forcément la nullité du mariage ; les juges ont, en cette matière, un pouvoir d’appréciation.

Le tribunal devra donc se demander si l’irrégularité relevée, (par exemple l’absence des publications des bans) est, en l’espèce, assez importante pour avoir entraîné la clandestinité du mariage, c’est-à-dire, pour avoir empêché les tiers de le connaître, et a eu pour but de faire fraude à la loi, (par exemple, en vue d’éluder une opposition au mariage). La conjonction du vice de forme constitué  par le défaut de publicité et de l’élément intentionnel constitué par la volonté des époux d’éviter la publicité pour faire fraude à la loi paraît nécessaire pour le prononcé de la nullité. Lorsque l’existence de ces deux éléments est établie, le juge pourra, suivant son appréciation, ou prononcer la nullité ou se refuser à la prononcer.

B. Effets de la nullité

Les effets de la nullité du mariage sont dominés par le principe de la rétroactivité de la nullité (1). Mais les conséquences de ce principe sont tellement graves en matière de mariage qu’on lui a apporté une dérogation dans une situation particulière, celle du mariage putatif (2).

1. Effets rétroactifs de l’annulation du mariage

Il convient de distinguer la situation des époux (a) de celle des enfants (b).

  1. La situation des époux

L’annulation prononcée, qu’il s’agisse d’une nullité absolue ou d’une nullité relative, met fin au mariage ; mais, à la différence de la simple dissolution dont les conséquences sont limitées à l’avenir, elle produit un effet rétroactif ; tout doit se passer comme si le mariage n’avait pas eu lieu. De nombreuses conséquences découlent de la rétroactivité de la nullité. ✓ Premièrement, les effets personnels du mariage sont rétroactivement effacés :

Il est censé n’y avoir eu aucun lien d’alliance entre l’un des conjoints et les parents de l’autre, et il n’existe donc aucun empêchement à mariage.

La femme n’a plus aucun droit à l’usage du nom du mari.

Le conjoint perd la nationalité camerounaise qui ne se fondait que sur le mariage.

La femme doit respecter le délai de viduité de 300 jours.

Deuxièmement, les effets patrimoniaux du mariage sont également effacés.

Le régime matrimonial est rétroactivement effacé. On liquidera les intérêts pécuniaires d’après les règles qui président à la liquidation des rapports pécuniaires entre concubins, c’està-dire, sur la base d’une société de fait.

Les donations que les tiers ont pu faire  aux époux ou que ceux-ci se sont faites entre eux, en vue du mariage, tombent. Il faut donc les restituer.

Le survivant n’a aucun droit à la succession du prédécédé. Bien plus, si l’annulation du mariage a été prononcée après la mort de l’un des époux, le survivant qui aurait déjà recueilli la succession du défunt, devrait la restituer à qui de droit.

  1. La situation des enfants

Les effets d’un tel mariage à l’égard des enfants sont effacés rétroactivement   comme les effets relatifs aux époux. Il en résulte :

  • Premièrement, que les enfants nés du mariage sont des enfants naturels et même considérés comme adultérins ou incestueux si la cause de la nullité est la bigamie ou l’inceste.
  • Deuxièmement, que les enfants nés avant le mariage, s’il en est, ne sont pas légitimés par le mariage.
2. Dérogation à la rétroactivité du mariage nul : le mariage putatif

Théoriquement, le mariage putatif peut être défini comme un mariage nul, mais qui en raison de la bonne foi de l’un au moins des époux, est réputé valable pour le passé à l’égard de cet époux.

L’institution du mariage putatif a été imaginée par le droit canonique pour tempérer la rigueur de la rétroactivité. Elle a été reprise par le Code civil dans les articles 201 et 202 (article 201 du Code civil : « Le mariage qui a été déclaré nul produit néanmoins les effets civils, tant à l’égard des époux qu’à l’égard des enfants, lorsqu’il a été contracté de bonne foi ». Article 202 du Code civil : « Si la bonne foi n’existe que de la part de l’un des deux époux, le mariage ne produit les effets civils qu’en faveur de cet époux, et des enfants issus du mariage »).

Le mariage putatif est un mariage nul ; il ne peut plus produire d’effets désormais ; mais les effets antérieurement produits subsistent. En d’autres termes, en cas de mariage putatif, la rétroactivité de la nullité ne joue pas ; la nullité n’est plus qu’une dissolution du mariage, comme en cas de décès de l’un des conjoints ou comme en cas de divorce. Une bonne maîtrise de la notion de mariage putatif passe par l’analyse de ses conditions (a) et de ses effets (b).

  1. Condition du mariage putatif

La condition nécessaire pour que le mariage nul soit déclaré putatif est la bonne foi de l’un des époux (l’erreur unilatérale suffit). La bonne foi se définit comme l’ignorance de l’empêchement qui peut provenir soit d’une erreur de fait (l’époux ne connaissait pas la parenté ou l’alliance qui  empêchait le mariage, ou il croyait que le premier mariage de son conjoint avait été dissout), soit d’une erreur de droit (l’époux connaissait la parenté ou l’alliance qui le liait à l’autre conjoint, ou il savait bien que le premier mariage de son conjoint n’était pas dissout, mais il ignorait que ces choses constituaient des empêchements au mariage) : la jurisprudence admet que l’un des époux puisse se prévaloir de l’ignorance légale du vice empêchant le mariage, écartant ainsi en la matière la maxime « nul n’est censé ignoré la loi ».

La bonne foi des époux n’a pas à être prouvée par celui qui invoque le bénéfice du mariage putatif ; la bonne foi se présume. C’est donc toujours à celui qui allègue la mauvaise foi de la prouver s’il ne veut pas que s’applique, en présence d’une nullité du mariage, la théorie du mariage putatif.

  1. Effets du mariage putatif

Le mariage putatif reste un mariage nul, mais il est traité comme simplement dissout. En conséquence, il cesse de produire effet à compter du jugement définitif de nullité, mais tous les effets qui se sont produits avant le jugement sont maintenus, tant les effets d’ordre purement civil, personnel ou pécuniaire, que les effets accessoires tels que l’acquisition d’une nationalité. Par soucis de clarté, il convient de distinguer les effets relatifs aux époux des effets relatifs aux enfants.

➢ Effets relatifs aux époux

Ces effets varient selon qu’un seul des époux ou alors les deux sont de bonne foi.

Si les deux époux étaient de bonne foi, le mariage putatif produit les effets d’une dissolution pure et simple. Comme en matière de divorce, le régime matrimonial sera liquidé en conformité des stipulations du contrat de mariage qui le régissait ; ou du régime matrimonial légal en l’absence de contrat de mariage ; chacun conserve les avantages matrimoniaux dont il était bénéficiaire. Chacun des époux conserve les libéralités qui lui avaient été faites par son conjoint ou par toutes autres personnes à l’occasion du mariage. Si l’un des époux étaient déjà mort quand la nullité est reconnue, la succession recueillie par le survivant, resterait acquise à celui-ci. La jurisprudence autorise la femme à garder l’usage du nom de son mari.

Si un seul des époux était de bonne foi, le mariage ne produit pour le passé ses effets qu’en faveur de cet époux, en sorte que la nullité opère sans rétroactivité pour l’époux de bonne foi, tandis qu’au regard de l’époux de mauvaise foi, elle rétroagit. Il en résulte une situation complexe dont voici quelques applications :

L’époux de bonne foi peut exiger l’application des conventions matrimoniales, ce qui le fera notamment bénéficier des donations et avantages du contrat de mariage. L’époux de mauvaise foi perd tous les avantages qui résultaient pour lui, non seulement des stipulations du contrat de mariage, mais des règles de la communauté légale, qui est le régime des personnes mariées sans contrat.

L’époux de bonne foi, s’il avait, avant le jugement de nullité, recueilli la succession ou une part de la succession de son conjoint, gardera ce qu’il a reçu, alors que l’époux de mauvaise foi serait, dans les mêmes conditions, tenu de restituer.

L’époux de mauvaise foi peut être condamné à verser une pension à l’époux de bonne foi, sur le fondement de l’article 1382 du Code civil en tant que responsable du préjudice causé par l’annulation du mariage.

➢ Effets relatifs aux enfants

Les enfants gardent leur légitimité en cas de bonne foi d’un des époux et d’accord du bénéfice du mariage putatif.

Si les enfants sont mineurs, ils seront traités comme des enfants de divorcés : l’autorité parentale sera exercée comme en matière de divorce et leurs biens seront soumis à

l’administration légale (de la personne qui a la garde de l’enfant).

A l’issue des développements qui précèdent on constate que la nullité est une mesure grave et que la putativité n’est pas automatique. Il appartient donc aux candidats au mariage de s’assurer qu’ils ont respecté toutes les exigences légales, car ce n’est qu’à cette condition qu’ils peuvent en toute quiétude prétendre aux effets du mariage.

Chapitre 2.  Les effets du mariage

Le mariage a des effets complexes ; ainsi par exemple :

  • Le mariage affecte le statut personnel de chaque époux dans son élément le plus apparent, à savoir le nom. Le mariage donne en effet à la femme un droit d’usage sur le nom de son mari.
  • Le mariage peut également affecter la nationalité des époux en permettant à l’un des conjoints d’acquérir la nationalité de l’autre.
  • Le mariage affecte la capacité des époux dans la mesure où si l’un d’eux est mineur au temps du mariage, il s’en trouve automatiquement émancipé.
  • Indépendamment des enfants auxquels le mariage de leurs parents confère la légitimité, les tiers sont intéressés par le mariage où le célibat de leur cocontractant, à la fois pour déterminer les pouvoirs dont ce dernier dispose et pour connaître l’étendue du patrimoine qui répondra de leur créance.

Ceci dit, il est évident que c’est entre les époux que le mariage va produire ses effets essentiels en créant des liens tant sur le plan personnel (section 1) que sur le plan pécuniaire (section 2).

Section 1. Les effets du mariage relatifs aux rapports   personnels entre époux

Le  mariage engendre sur le plan personnel un certain nombre de devoirs entre les époux

(§ 1). Ces règles sont d’ordre public et constituent la base de la famille dont la direction est menée de manière inégale par les époux (§ 2).

§ 1. Les devoirs entre époux

Ces devoirs sont prévus par les articles 212 et 215 du Code civil dans le cadre du mariage monogamique. Il s’agit des devoirs de fidélité, d’assistance et de cohabitation. Mais nous y ajouterons le devoir conjugal. Il faudra à chaque fois en donner le réel contenu dans le cadre d’une union polygamique.

A. Le devoir de fidélité

L’article 212 du Code civil dispose que les époux se doivent mutuellement fidélité. Cela signifie avant tout qu’ils ne doivent pas avoir de relations sexuelles avec une personne autre que leur conjoint, de telles relations étant constitutives de l’adultère. Mais le devoir de fidélité peut être violé sans qu’il soit besoin d’aller jusqu’aux rapports sexuels ; en effet, l’infidélité peut revêtir deux formes : une forme matérielle et une forme morale.

1. L’infidélité matérielle

Elle se caractérise par l’effectivité des rapports sexuels. Elle est donc constitutive d’adultère.

Sur le plan civil cet adultère peut entraîner la séparation de corps ou le divorce (dont il constitue d’ailleurs une cause péremptoire). L’époux blessé peut même se contenter de demander seulement des dommages et intérêts.

Sur le plan pénal cependant, l’adultère est sanctionné par l’article 361 du Code pénal aux termes duquel : « 1) Est punie d’un emprisonnement de deux (02) mois à six (06) mois ou d’une amende de vingt-cinq mille (25 000) à cent mille (100 000) francs, la femme mariée qui a des rapports sexuels avec un homme autre que son mari. 2) Est puni des peines prévues à l’alinéa 1 ci-dessus, le mari qui a des rapports sexuels avec d’autres femmes que son ou ses épouses. Toutefois, la preuve de l’existence d’une union polygamique incombe au mari ».

On déduit de cet article du Code pénal que ce devoir de fidélité n’est pas étranger au mariage polygamique. Le mari ne doit entretenir des relations sexuelles qu’avec ses femmes actuelles et avec elles seulement. On a pu dire aussi qu’il était astreint à des fidélités multiples (Meloné S. « Le poids de la tradition dans le droit africain contemporain », Penant 1971, p.

Lire Aussi :  COURS DE DROIT FISCAL GENERAL (PDF)

429). Le mari commettrait l’adultère s’il avait des relations avec une autre femme, serait-ce sa

« fiancée ». Ainsi a-t-il été jugé comme contraire à l’ordre public une coutume qui admet l’adultère du mari, même polygame (CS, 15 novembre 1979 arrêt N° 18/L ; voir aussi TGI Mfoundi, 21 janvier 1987, jugement N° 7 ; TGI Wouri, 3 janvier 1992, jugement N° 159).

2. L’infidélité morale

On admet que constitue une infidélité « morale » l’attitude trop intime avec un tiers pour ne pas être ressenti comme une injure par le conjoint, voire comme une présomption d’adultère. (Exemple : pour des visites assidues chez le voisin : Req. 8 juin 1939, D. 1939, 421. Pour une correspondance amoureuse échangée avec un tiers, Civ. 2ème 31 octobre 1962, Bull.

Civ. 1962, II, 683). Ici l’acte sexuel n’est pas matériellement consommé, mais le comportement de l’époux laisse croire qu’il y aurait entre lui et un tiers une relation coupable. C’est ainsi que dans une espèce, une femme a été condamnée à payer des dommages et intérêts à son mari pour s’être publiquement comporté avec un tiers comme si elle en était la maitresse (Req. 7 juin 1873, Sirey 1895, I, 413).

Si pareille attitude ne peut être qualifiée d’adultère elle peut être retenue comme une injure grave, cause facultative de divorce.

B. Le devoir d’assistance

Ce devoir est expressément consacré par l’article 212 du Code civil. Il consiste à apporter au conjoint l’appui de son affection et de son dévouement dans les difficultés de la vie : ainsi aider son conjoint malade ou infirme en lui prodiguant les soins nécessaires, lui apporter une aide professionnelle, etc. De manière plus générale, on peut dire qu’il consiste à respecter l’autre et à rendre la vie commune tolérable, agréable, plaisante… La plupart des comportements injurieux étudiés parmi les causes de divorce sont ainsi appréhendés en tant que manquements au devoir d’assistance. Ainsi, il se diversifie en devoirs de sincérité, de patience, de solidarité, d’honneur, de courtoisie, de respect mutuel. (Le Code  civil du Québec parle avec bonheur de devoir de « respect »).

Dans le mariage polygamique, ce devoir existe aussi entre le mari et chacune de ses épouses. Il n’existe pas entre épouses. Viole de devoir d’assistance par exemple le mari qui assiste sans intervenir à la bastonnade d’une de ses épouses par les enfants de l’autre (TGI Wouri, 20 août 1992, jugement N° 685).

De manière plus générale, on pourrait dire que viole le devoir d’assistance le conjoint qui assiste sans intervenir à des propos injurieux adressés par un membre de sa famille, ou tout tiers, à l’encontre de l’autre conjoint.

Le manquement au devoir d’assistance peut constituer une faute, cause de divorce ou de séparation de corps et motiver en outre une condamnation à des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi.

L’inexécution de l’obligation d’assistance peut aussi donner lieu à application des sanctions pénales  prévues par la loi sur l’abandon de foyer (article 358 du Code  pénal).

C. Le devoir de cohabitation

Le devoir de cohabitation impose aux époux une communauté de vie, conçue comme le partage du même toit. L’article 215 du Code civil prévoit qu’en sa qualité de chef de famille, il incombe au mari de choisir la résidence familiale. La femme est tenue d’y habiter avec lui, et lui est obligé de la recevoir. La femme ne peut être autorisée à résider séparément que lorsque la résidence choisie par le mari présente pour elle-même et pour les enfants des dangers d’ordre physique ou moral, auquel cas une autre résidence lui est fixée par le juge.

Dans un mariage polygamique, l’habitation sous le même toit n’est parfois ni possible, ni souhaitée. La jurisprudence admet alors que le mari peut choisir une résidence distincte pour chacune de ses femmes (TGI Wouri, 14 mars 1991, jugement N° 225).

Le devoir de cohabitation suppose aussi et surtout l’obligation pour les époux d’avoir des relations sexuelles normales. Il s’agit du devoir conjugal. Les manquements au devoir conjugal ont donné lieu à une jurisprudence assez fournie. La faute consiste d’abord à refuser d’accomplir le devoir conjugal, soit en refusant de consommer initialement le mariage (Civ. 2ème section civ. 16 décembre 1963, D. 227, Sem. Jur. 1964, II, 13660, note J.A.), soit en s’abstenant de relations sexuelles en cours de mariage (Lyon 28 mai 1956, D. 1956, 647, note A. Breton ; Civ. 2ème section civ. 8 octobre 1964, Bull. Civ. II, N° 559). L’abstention à propos du devoir conjugal est normalement fautive, mais parfois aussi justifiée, notamment pour des motifs d’ordre médical.

Il peut également y avoir faute dans l’accomplissement  du devoir conjugal, soit qu’un époux aurait dû s’abstenir de relations pour ne pas compromettre la santé de son conjoint, (Poitiers, 3 décembre 1894, D.P. 1895, 2, 64. Comparer au sujet d’une communication de maladie vénérienne,  Req. 18 janvier 1892, S. 1892, 1, 80) ; soit qu’un époux se soit livré, à l’insu de son conjoint, à des pratiques ayant pour but d’empêcher une éventuelle maternité. (Tribunal Civ. Seine, 12 novembre 1948, Gaz. Pal. 1949, 1, 7 ; Paris 27 octobre 1959, D.1960, 144. Sur l’accusation de pratiques contre nature ou excessives. V. Nîmes, 5 juin 1894, 2, 142 ;

TGI Dieppe, 25 juin 1970, Gaz. Pal. 1970, 2, 243) ; soit qu’un époux exige de manière excessive les rapports sexuels.

Ces manquements au devoir conjugal constituent des fautes susceptibles de motiver le prononcé du divorce ou de la séparation de corps et l’octroi des dommages-intérêts.

§ 2. La direction de la famille

L’article 213, al. 1er du Code civil fait du mari le chef de la famille. Il doit cependant exercer cette fonction dans l’intérêt commun du mariage et des enfants.

A ce titre il exerce seul la puissance paternelle sur les enfants (article  373 du Code civil).  Ceux-ci ne peuvent quitter la maison sans sa permission sauf pour enrôlement volontaire à l’âge de 18 ans révolus (article 374 du Code civil). Le père qui aurait des sujets de mécontentement très graves sur la conduite d’un enfant peut prendre les mesures nécessaires à son éducation, notamment le placement par autorité de justice du mineur dans une maison d’éducation surveillée, dans une institution charitable ou chez toute personne  agréée par l’autorité administrative ou les tribunaux (article 375 du Code civil.)

La femme ne fait que concourir avec le mari à assurer la direction morale et matérielle de la famille, à pourvoir à son entretien, à élever les enfants et à préparer leur établissement

(article 213, al. 2 du Code civil). Ce n’est qu’exceptionnellement qu’elle peut devenir chef de famille. Il en est ainsi notamment lorsque le mari est hors d’état de manifester sa volonté en raison de son incapacité, de son absence, de son éloignement ou de toute autre cause (article 213,  al. 3 du Code civil).

Section 2. Les effets du mariage relatifs aux rapports  pécuniaires entre époux

Dans le Code civil, deux corps de règles distincts sont prévus pour régler les conséquences pécuniaires du mariage : les articles 212 à 226 d’une part (repris pour l’essentiel par les articles 74, 75 et 76 de l’Ordonnance du 29 juin 1981), les articles 1387 à 1581, d’autre part.

Le second corps de règles traite du régime matrimonial (proprement dit), entendu

comme l’ensemble des règles de droit qui gouvernent les intérêts pécuniaires des époux, dans leurs rapports entre eux, et dans leurs rapports avec les tiers.

De manière plus concrète, ce second corps de règles s’applique aux biens et aux dettes présentes et à venir des époux, dont il détermine le sort pendant le mariage et après la dissolution de celui-ci, dans les rapports entre époux et à l’égard des tiers. Le régime matrimonial relève essentiellement du choix des époux. En effet, il est librement choisi par les futurs époux dans un contrat de mariage établi devant notaire. Ils peuvent ainsi choisir soit un régime de séparation des biens soit un régime de communauté des biens.

Lorsque les époux se sont mariés sans contrat de mariage, ils sont soumis au régime matrimonial supplétif ou légal : en l’occurrence la communauté des meubles et acquêts d’après l’article 1400 du Code civil.

Quant au premier corps de règles prévus pour régir les rapports pécuniaires entre époux, il traite de ce qui est convenu d’appeler le régime matrimonial primaire. C’est un ensemble de règles de base, impératives qui s’applique aux gens mariés quel que soit leur type de régime matrimonial (proprement dit), par le seul effet du mariage.

Les rapports dont il s’agit ici sont tantôt des rapports de réciprocité (§ 1), tantôt des rapports d’autorité (§ 2).

§ 1. Rapports de réciprocité

Les rapports de réciprocité concernent les obligations pécuniaires des époux. Ces obligations concernent le devoir de secours (A) et la contribution aux charges du mariage (B).

A. Le devoir de secours

Le devoir de secours est prévu par l’article 212 du Code civil.  Il est entendu comme l’obligation pour chaque époux de fournir à son conjoint ce qui est nécessaire à son existence

(à sa subsistance). C’est une application de l’obligation alimentaire existant d’une manière plus générale entre parents et alliés.

Dans le contexte du droit camerounais autorisant la polygamie, la question s’est posée de savoir si ce devoir liait les coépouses entre elles étant donné qu’elles sont toutes les partenaires d’un même mariage. En l’absence de texte et de jurisprudence répondant à cette question, la doctrine (MM. P.-G. POUGOUE et F. ANOUKAHA) estime que le devoir de secours existe entre le mari et chaque femme et non entre femmes. Par conséquent, le mari ne saurait utiliser les revenus de l’une des épouses pour subvenir aux besoins de l’autre.

L’obligation alimentaire dans les rapports entre époux s’exécute de manière différente selon qu’ils vivent ensemble ou non.

Lorsque les époux vivent ensemble, l’obligation de secours est pratiquement masquée par l’obligation qu’ont les époux de contribuer aux charges du mariage : ces charges comprennent les besoins des époux et ceux des enfants ; en assumant sa contribution de la manière que lui impose le régime matrimonial, chaque époux exécute le devoir de secours qui lui incombe. L’obligation alimentaire ne se confond toutefois pas avec l’obligation de contribuer aux charges du mariage. Cette contribution est due en toute circonstance, alors que l’obligation alimentaire proprement dite n’est due que si l’un des époux est dans le besoin.

D’autre part, un époux ne peut se contenter de fournir la contribution que lui impose le régime matrimonial si son conjoint a besoin de plus. La charge d’un époux indigent incombe ainsi totalement à son conjoint.

Lorsqu’il n’y a plus communauté de résidence ou de vie entre les époux, notamment en cas de séparation de corps, le devoir de secours s’exécute sous la forme d’une pension alimentaire.

En principe, la dissolution du mariage met fin au devoir de secours. Mais de manière exceptionnelle il peut être maintenu après la dissolution du mariage. C’est ainsi que la doctrine voit dans la pension alimentaire en cas de divorce résultant de l’article 301, al. 1 du Code civil

si les époux ne s’étaient fait aucun avantage, ou si ceux stipulés ne paraissent pas suffisants pour assurer la subsistance de l’époux qui a obtenu le divorce, le tribunal pourra lui accorder, sur les biens de l’autre époux, une pension alimentaire, qui ne pourra excéder le tiers des revenus de cet autre époux. Cette pension sera révocable dans le cas où elle cesserait d’être nécessaire »), la continuation du devoir de secours entre époux.

L’inexécution de l’obligation de secours peut entraîner des sanctions civiles et pénales.

Sur le plan civil, le manquement au devoir de secours peut constituer une faute, cause de divorce ou de séparation de corps et motiver également une condamnation à des dommagesintérêts si ce manquement  a entraîné un préjudice.

D’une manière générale, l’époux qui n’exécute pas spontanément son devoir de secours peut être contraint judiciairement à verser à son conjoint une pension alimentaire (V. dans ce sens : TPD Yaoundé, jugement N° 340/72-73 du 15 janvier 1973, Tendances jurisprudentielles… p. 80).

L’inexécution de l’obligation de secours peut aussi donner lieu à l’application des sanctions pénales prévues par la loi réprimant soit l’abandon pécuniaire (article 180), soit l’abandon de foyer (article 358, al. 1).

L’infraction d’abandon pécuniaire est prévue par l’article 180 du Code pénal qui dispose : « 1) Est puni d’un emprisonnement de un mois à un an et d’une amende de 20.000 à 400.000 francs ou de l’une de ces deux peines seulement, celui qui est demeuré plus de deux mois sans fournir la totalité de la pension qu’il a été condamné à verser à son conjoint, à ses ascendants ou à ses descendants. 2) Le défaut de paiement est présumé volontaire sauf preuve contraire ; mais l’insolvabilité qui résulte de l’inconduite habituelle notamment de l’ivrognerie, n’est en aucun cas un motif d’excuse valable pour le débiteur ».

Quant à l’infraction d’abandon de foyer, elle est prévue à l’article 358, al. 1 du Code  pénal aux termes duquel : « Est puni d’un emprisonnement de 3 mois à un an ou d’une amende de 5000 à 500.000 francs le conjoint, le père ou la mère de famille qui, sans motif légitime, se soustrait, en abandonnant le foyer familial ou par tout moyen, à tout ou partie de ses obligations morales ou matérielles à l’égard de son conjoint ou de son ou ses enfants ».

B. La contribution aux charges du mariage

De manière générale les charges du mariage sont les frais d’entretien  du ménage, ainsi que les frais nécessaires à l’éducation des enfants. On s’accorde d’ailleurs à considérer que les charges du mariage doivent être entendues largement. On y englobera bien entendu les dépenses de nourriture, de logement, de vêtements des époux et des enfants. Cependant les charges ne se limitent pas aux dépenses nécessaires, elles comprennent aussi celles qui ont pour objet l’agrément de la vie ou l’aménagement de son cadre, tels que les frais d’installation de l’habitation familiale, les frais de vacances et de loisirs.

Les charges du mariage incombent à titre principal au mari (article 214, al. 2 du Code civil) en sa qualité de chef de famille. La femme en est également tenue, notamment lorsqu’elle exerce une profession séparée de celle de son mari (article 75 de l’Ordonnance de 1981). La mesure de la contribution est fixée soit conventionnellement entre époux, soit judiciairement en fonction des facultés respectives des époux (article 214, al. 1er du Code civil).

Bien que l’obligation de contribuer aux charges du mariage soit distincte du devoir de secours, elle comporte les mêmes sanctions (Cf. supra).

§ 2. Rapports d’autorité

La qualité de chef de famille du mari se traduit au niveau patrimonial par le pouvoir de gestion dont il est investi. Ainsi l’article 214, al. 3 du Code civil fait-il de lui l’ordonnateur principal du ménage, la femme n’étant que son délégué ; de même le mari est-il l’administrateur légal des biens de ses enfants mineurs (article 389 du Code civil), en même temps qu’il en a jouissance légale (article 373 du Code civil).

La femme n’est pas dépourvue de tout pouvoir. Sa marge d’action est cependant réduite. Ainsi n’a-t-elle que le pouvoir de représenter le mari pour les besoins du ménage (article 220, al. 1er du Code civil). C’est le traditionnel pouvoir domestique de la femme mariée. Dans son exercice la femme peut se faire ouvrir un compte ménage. En principe les actes passés dans ce cadre obligent le mari (article 220, al. 2 du Code civil).

La femme peut également exercer une  profession séparée de celle de son mari. Le mari ne peut s’opposer à l’exercice d’une telle profession que dans l’intérêt du mariage et des enfants.

Il revient au juge d’apprécier  si l’exercice d’une profession par la femme met en péril l’intérêt du mariage ou des enfants.

La femme exerçant une profession séparée jouit aussi de la liberté de gestion. Elle a ainsi la possibilité de se faire ouvrir un compte en banque pour y déposer ou en retirer  les fonds issus de son travail. Elle peut utiliser ses gains et salaires pour acquérir des biens dits biens réservés, biens dont elle a la libre administration et la libre disposition, après s’être acquitté de sa contribution aux charges du mariage.

Chapitre 3 : La crise du mariage

L’intensité de la discorde dans les ménages peut atteindre des degrés divers et les conséquences qu’elle entraîne dans les rapports entre les époux ou à l’égard de leurs enfants varient donc d’une situation à l’autre. La crise du mariage peut ainsi aboutir soit à la dissolution du lien matrimonial (section 1) soit seulement à son relâchement (section 2).

Lire Aussi :  Cours de Politique Publique 2 complet (PDF)

Section 1. La dissolution du lien matrimonial : le divorce

D’après l’article 77, al. 1er de l’Ordonnance de 81 « le mariage est dissout par le décès d’un conjoint ou le divorce judiciairement prononcé ». Décès et divorce sont donc deux causes de dissolution du mariage reconnues en droit camerounais. Seulement, à la différence du divorce qui est un effet de la crise du mariage, le décès de l’un des conjoints constitue une cause naturelle de dissolution du lien conjugal. Cette cause de dissolution entraîne principalement des conséquences d’ordre patrimonial, notamment la liquidation du régime matrimonial et la dévolution de la succession de l’époux précédé. Il s’agit en fait d’une cause de dissolution du lien conjugal si naturelle et même primordiale que lorsqu’un époux en instance de divorce vient à décéder, il est exclu qu’un jugement de divorce puisse être prononcé. Le divorce qui nous intéresse ici au premier chef est la dissolution du mariage, du vivant des deux époux, à la suite d’une décision judiciaire, rendue à la requête de l’un d’eux ou de l’un et de l’autre, dans l’un des cas prévus par la loi.

Le divorce dissout le mariage, mais seulement pour l’avenir ; il en laisse subsister les effets dans le passé, sans que la régularité de ceux-ci en soit affectée. C’est la différence fondamentale avec la nullité du mariage, un mariage nul étant, en principe, anéanti rétroactivement. Le prononcé du divorce suppose des conditions positives que sont les causes du divorce (§ 1), il suit une procédure rigoureuse et produit des effets variés (§ 2).

§ 1. Les causes du divorce

Deux conceptions du divorce sont possibles : on peut n’admettre le divorce que si l’un des époux a commis une faute assez grave ; c’est une conception modérée du divorce, celle du divorce- sanction, la sanction frappant l’époux coupable qui ne peut demander le divorce. A cette conception s’oppose celle du divorce-remède (ou divorce-faillite), le divorce, remède nécessaire étant admis dans tous les cas où la vie commune est impossible, au-delà, voire en l’absence d’une faute des époux ou de l’un d’eux.

Dans le contexte camerounais ces deux conceptions sont présentes à des degrés variables. En effet, le droit camerounais repose principalement sur la première conception, celle du  divorce-sanction et exceptionnellement sur la deuxième conception, celle du divorceremède. C’est ce qui transparaît clairement de l’examen des causes de divorce qui diffèrent selon  que l’on les envisage en droit écrit (A) ou alors en droit coutumier (B).

A. Les causes du divorce en droit écrit

Traditionnellement, une distinction est faite entre les causes péremptoires (1) et les causes facultatives du divorce (2).

1. Les causes péremptoires du divorce

Les causes péremptoires du divorce sont celles dont la réalisation oblige le juge à prononcer le divorce. Il s’agit de l’adultère d’un des conjoints et de la condamnation à une peine afflictive et infamante.

  1. L’adultère

L’adultère comme cause de divorce est prévu pour l’homme par l’article 230 du Code  civil, et pour la femme par l’article 229 du Code civil. Quel que soit l’époux coupable l’adultère ne sera constitué que si les éléments matériels et psychologiques sont réunis.

L’élément matériel réside dans l’effectivité des relations sexuelles avec un autre que son conjoint. Il peut se prouver par procès-verbal de flagrant délit dressé par un huissier ou un officier de police judiciaire dans les heures légales (entre 6 heures du matin et 18 heures du soir). Au-delà de ces heures, il ne peut être instrumenté qu’en application d’une Ordonnance du président du Tribunal de Première Instance prise à cette fin (CS, arrêt N° 20/L du 5 janvier

1984, affaire Mbouck Firmin C/Ngoune Nitendeu Louise, Tendances jurisprudentielles… p.142).

L’adultère peut parfois encore résulter de présomptions (opinion fondée seulement sur la vraisemblance) ou d’indices tels que les correspondances compromettantes. La jurisprudence exige alors que ces indices soient suffisamment significatifs (CS, arrêt N° 49/L du 11 mai 1978, affaire Essengue née Etoundi Marie C/Essengue, Tendances jurisprudentielles… p. 138).

Dans tous les cas, lorsque la matérialité de l’acte sexuel n’est pas incontestable, la qualification d’adultère pourrait toujours être abandonnée au profit de celle d’injures graves constituées, notamment ici, de toutes sortes de relations équivoques, disgracieuses ou immorales avec un tiers. Des relations homosexuelles sont également considérées comme injurieuses à l’égard du conjoint (Civ. 2ème, 21 décembre 1960. Bull. Civ. II. N°811. p. 554).

Par ailleurs, il est plus plausible pour prouver l’adultère du mari, d’établir un lien de filiation avec un enfant né hors mariage.

L’élément intentionnel ou psychologique de l’adultère implique la volonté consciente de commettre l’acte prohibé. Il a ainsi été jugé qu’il n’y a pas adultère si le conjoint en cause était frappé d’aliénation mentale (Req. 5 août 1890. D.P. 1891, I, p. 365).

  1. La condamnation à une peine afflictive et infamante

Aux termes de l’article 231 du Code civil « la condamnation de l’un des époux à une peine afflictive et infamante sera pour l’autre époux une cause de divorce ».

Comme peines afflictives et infamantes énumérées par le Code  pénal français de 1810, on retient la peine de mort, les travaux forcés à perpétuité, les travaux forcés à temps, la déportation (c’est-à-dire, l’exil définitif d’un condamné) et la réclusion (peine criminelle, privation de liberté avec obligation de travailler, réclusion criminelle à perpétuité).

Il y a lieu de remarquer que le droit camerounais ne connaît plus désormais comme peine afflictive infamante que la peine de mort, les autres peines ayant été supprimées par le Code  pénal en vigueur.

2. Les causes facultatives du divorce

Les causes facultatives de divorce sont celles dont la réalisation n’entraîne le divorce qu’à la suite d’une appréciation souveraine du juge.

Elles sont expressément prévues par l’article 232 du Code civil qui dispose : « En dehors des cas prévus aux articles 229, 230 et 231 du présent Code, les juges ne peuvent prononcer le divorce, à la demande de l’un des époux, que pour excès, sévices ou injures de l’un envers l’autre, lorsque ces faits constituent une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations résultant du mariage et rendent intolérable le maintien du lien conjugal ». Comme on peut le déduire de ce texte, l’existence d’un des faits énumérés n’entraînera le divorce qu’à certaines conditions laissées à l’entière appréciation du juge.

  1. Les faits constitutifs d’une cause facultative de divorce

Ils sont au nombre de 2, à savoir les excès et sévices d’une part, les injures d’autre part.

  • Les excès et sévices

Certains auteurs ont proposé de faire une différence entre les excès et les sévices. Les excès seraient des traitements particulièrement graves mettant en danger la vie de l’autre. Les sévices seraient alors des traitements moins importants.

En pratique et à la suite de la majorité de la doctrine et de la jurisprudence, on ne fait plus de distinction entre les deux notions. Les excès et sévices deviennent donc des synonymes et correspondent tout simplement à des mauvais traitements infligés à son conjoint tel les bastonnades, les abus de relations sexuelles, la privation de nourriture, la séquestration, etc.

Si un fait qualifié initialement d’excès et sévices n’est pas entériné par le juge sous cette qualification, il pourrait toujours, compte tenu des larges manœuvres dont il  dispose, le convertir en injures.

  • Les injures

En droit pénal (article 307 du Code pénal), l’injure est le fait pour une personne d’user à l’encontre d’une autre personne, d’une expression outrageante, d’un geste, d’un terme de mépris ou d’une expression outrageante, d’un geste, d’un terme de mépris ou d’une invective (paroles ou suite de paroles violentes contre quelqu’un) qui ne renferme l’imputation d’aucun fait.

En droit civil, l’injure comme cause de divorce s’apparente à un fourre-tout. Cette qualification peut en effet être retenue pour un manquement quelconque de l’époux à ses devoirs légaux et moraux résultant du mariage (à titre d’exemple : le manquement de l’un des époux et tout spécialement du mari à l’obligation de contribuer aux charges du mariage ;  le fait pour l’un des époux de ne pas apporter de soins à son conjoint ; le défaut de soin et d’attentions à l’égard des enfants ; le manquement au devoir de cohabitation ; le refus de relations sexuelles ; le défaut de respect et de considération ou l’indifférence pour la personne de l’autre conjoint, les scènes et propos injurieux, qu’ils soient commis en public ou en privé ; l’adoption d’une attitude systématiquement vexatrice ; la démonstration d’un caractère exigeant, acariâtre (d’un caractère  désagréable, difficile, grincheux, hargneux) ou hostile ; toute attitude de mépris et d’ignorance envers son conjoint…)

Qu’il s’agisse de sévices ou d’injures, leur effectivité ne conduit pas nécessairement au divorce. Cette sanction ne pourra être prononcée que si les faits présentent un certain caractère tel qu’exigé par l’article 232 du Code civil.

  1. Les caractères des causes facultatives du divorce

Ces caractères sont au nombre de 2 : D’une part, les faits doivent être graves ; d’autre part, ils doivent entraîner l’impossibilité du  maintien du lien conjugal.

  • La gravité des faits

La gravité peut résulter d’un fait unique, mais atroce. S’il s’agit de faits moins atroces, il faut qu’ils soient multiples. Dans tous les cas, la gravité est appréciée par le juge qui tient compte de l’état des mœurs, du milieu social, de l’état de santé de la victime et des circonstances qui ont donné lieu à la commission des faits reprochés. Le fait perd tout caractère fautif s’il est involontaire. En d’autres termes, le fait n’est répréhensible que s’il est intentionnel. Le fait peut être retenu alors qu’il a été accompli par un tiers sous le regard passif ou avec la participation du conjoint. Il a ainsi été jugé qu’il y avait sévices imputables au mari lorsque ce dernier assistait passif à une molestation infligée à la deuxième épouse par la première.

Outre leur gravité, les faits doivent ensuite rendre impossible le maintien du lien conjugal.

  • L’impossibilité du maintien du lien conjugal

Le fait doit avoir rendu impossible toute continuation de la communauté de vie entre les époux. Il s’agit d’un caractère essentiellement subjectif à l’égard duquel le juge dispose d’un grand pouvoir d’appréciation.

B. Les causes du divorce en droit coutumier

Certaines de ces causes avaient été listées par le législateur colonial dans son arrêté du 11 janvier 1936. Les autres résultent de la jurisprudence.

1. Causes prévues par l’arrêté du 11 janvier 1936

Ce texte distinguait deux catégories : d’une part celle fondée sur les torts de l’un des époux, d’autre part la renonciation à la polygamie.

  1. Divorce fondé sur les torts de l’un des époux

Une distinction est faite selon que le divorce est demandé par le mari ou alors par la femme.

Le divorce peut ainsi être demandé par le mari pour :

  • Mauvaise conformation de la femme ;
  • Condamnation de la femme à une peine d’emprisonnement pour crime ou délit ;
  • Inconduite habituelle de la femme ;
  • Absences répétées de la femme du domicile conjugal ;
  • Refus persistant et systématique de la femme d’accomplir les obligations coutumières. Le divorce peut être demandé par la femme pour :
  • Maladies contagieuses graves à elle communiquées par le mari (CS, arrêt N°117 du 9 mai 1967, Bull. p. 1689) ;
  • Sévices graves et mauvais traitements habituels exercés à l’égard de la femme par le mari (CS, arrêt N° 99 du 7 avril 1967, Bull. p. 1677) ;
  • Refus habituel du mari d’assurer l’entretien de la femme et de pourvoir à ses besoins coutumiers ;
  • Condamnation judiciaire du mari à une peine d’emprisonnement pour crime ou délit et internement prononcé par mesure administrative.
  1. Divorce fondé sur la renonciation des époux ou de l’un d’eux à la polygamie

Il s’agissait ici de permettre à l’un ou aux époux ayant embrassé la religion chrétienne postérieurement à leur mariage polygamique de faire concorder leur état matrimonial avec la conviction religieuse nouvellement acquise.

L’arrêté du 11 janvier 1936 est un texte colonial qui, par ailleurs, ne donnait qu’une liste indicative des causes de divorce en droit coutumier. L’énumération légale étant incomplète, la jurisprudence se devait de la compléter.

2. Causes retenues par la jurisprudence

La jurisprudence a reconnu comme causes de divorce :

  • L’adultère (CS, arrêt N° 54 du 17 mai 1966, Bull. p. 1325 ; arrêt N° 11 du 8 novembre 1966, Bull. p. 1512) ;
  • La violation de l’engagement de monogamie invoquée par la première femme (CS, arrêt N° 18 du 22 décembre 1964, Bull. p. 921 ; CS arrêt N° 97 du 18 avril 1967, Bull. p.

1676) ;

  • L’abandon du domicile conjugal (CS, arrêt N° 61 du 8 juin 1965, Bull. p. 1054 et

1055) ;

  • Le refus du mari d’espacer les naissances (CS, arrêt N° 108 du 20 mai 1967, Bull. p. 1684) ;
  • L’impuissance du mari (CS, arrêt N° 20 du 3 décembre 1963, Bull. p. 677) ;
  • La répudiation invoquée par la femme (CS, arrêt N° 108 du 20 mai 1967, Bull. p. 1684) ;
  • La stérilité de la femme ;
  • La sorcellerie …

En tout cas cette liste ne saurait être exhaustive. En l’absence d’une codification des coutumes, les causes de divorce demeurent largement ouvertes. Le divorce est donc rendu plus facile sur ce terrain que lorsque l’on invoque une cause prévue par le Code civil.

§ 2.  Les effets du divorce

Devenu définitif, le divorce produit des effets particulièrement graves. Ces effets commencent à courir en principe à partir du jour où la décision prononçant le divorce a pris force de chose jugée (c’est-à-dire est devenue définitive). Ce principe connaît néanmoins  de nombreux tempéraments. Il en est ainsi notamment du délai de viduité qui commence à courir dès le jour où les époux en instance de divorce ont été autorisés à avoir une résidence séparée. Ceci étant, le jugement de divorce produit des effets tant dans les rapports entre époux (A) que dans les rapports entre les époux, les enfants et les tiers (B).

A. Effets du divorce dans les rapports entre époux

Il faut distinguer les rapports personnels (1) des rapports pécuniaires (2).

            1. Effets quant aux rapports personnels

Le divorce entraîne la dissolution du lien matrimonial, mais seulement pour l’avenir, ceci à partir du moment où la décision est devenue définitive (c’est-à-dire lorsqu’elle a acquis autorité de chose jugée, toutes les voies de recours exercées ou ne pouvant plus l’être).

Chacun des époux recouvre la liberté  de sa personne ; les devoirs  de fidélité et de vie commune cessent. Il peut donc se marier soit avec une autre personne, soit avec son ex-époux s’il regrette la désunion. Dans ce dernier cas, une nouvelle célébration demeure nécessaire (article 295 du Code civil). Toutefois, la femme est tenue d’observer un délai de viduité de 300 jours. La femme perd en principe l’usage du nom du mari sauf maintien dûment justifié (article 299, al. 2  du Code civil). Les liens d’alliance, qui unissent chaque époux à la famille de son conjoint, disparaissent. On en déduit que, même s’il existe des enfants communs, il n’y a plus l’obligation alimentaire entre un ex-époux et ses anciens beaux-parents.

Les époux divorcés sont déliés, l’un envers l’autre de toute obligation d’assistance.

            2. Effets quant aux rapports pécuniaires

Sur le plan pécuniaire, le divorce entraîne la dissolution et la liquidation du régime matrimonial (article 252, al. 6 du Code civil). Les époux perdent respectivement leur vocation successorale vis-à-vis l’un de l’autre (article 767 du Code civil). En outre, en vertu  de l’article 301, al. 1er du Code civil, une pension alimentaire peut être accordée à l’époux innocent dans le besoin. Cette pension a une double nature : elle est d’abord indemnitaire en ce sens que le bénéficiaire doit avoir eu gain de cause au divorce (c’est une sorte de récompense à l’innocence) ; elle est ensuite considérée comme une prolongation exceptionnelle du devoir de secours entre les époux résultant de l’article 212 du Code civil. Selon l’article 301, al. 2 du Code civil des dommages et intérêts peuvent être accordés en plus à l’époux innocent pour préjudice matériel ou moral subi des suites de la rupture. Enfin, cet époux conserve les avantages matrimoniaux que lui aurait concédés le conjoint fautif, lequel perd pourtant les siens (article 299 du Code civil).

            B) Effets du divorce dans les rapports entre les époux, les enfants et les tiers

Il convient de distinguer ici les effets du divorce dans les rapports entre époux et enfants d’une part (1), de ceux entre époux et tiers d’autre part (2).

 

            1. Dans les rapports entre époux et enfants

En vertu de l’article 304 du Code civil, les enfants conservent tous les avantages que leur avait procurés le mariage de leurs parents. Ainsi ils demeurent légitimes  et conservent leur vocation successorale envers leurs parents et vice-versa.

Lire Aussi :  Cours de droit des obligations 2 Complet (PDF)

En fait, le véritable problème qui se pose ici est celui de la garde des enfants suite au divorce des parents. En effet, bien que l’article 302 du Code civil semble lier la garde au profit du divorce (la garde étant alors confiée à l’époux innocent), le vrai critère d’attribution de la garde est l’intérêt de l’enfant (CS, arrêt du 8 juillet 1976, R.C.D. N° 13-14, p. 188). Le juge décidera alors en s’inspirant de divers paramètres tels que les résultats de l’enquête ordonnée en application de l’article 238, al. 3 du Code civil sur la situation matérielle et morale de la famille, sur les conditions dans lesquelles vivent et sont élevés les enfants, leur âge, leur attachement à l’un ou l’autre parent, etc. C’est au nom de l’intérêt de l’enfant que par exemple la garde d’un enfant trop jeune sera confiée à la mère même fautive. Dans tous les cas, l’attribution de la garde reste provisoire et  pourrait donc être modifiée en fonction des circonstances nouvelles.

L’époux qui n’a pas obtenu la garde dispose d’un droit de visite et d’éducation sur l’enfant (article 303 du  Code civil). En contre partie, il doit verser à celui qui a la garde une pension alimentaire pour les enfants.

2. Dans les rapports entre époux et tiers

Le divorce n’est opposable aux tiers (principalement les fournisseurs et les clients, créanciers) qu’après publicité. Et cette publicité est assurée par la mention du divorce en marge des actes de naissance des ex-conjoints et dans la souche des registres de leurs lieux de naissance. A partir de ce jour, aucun des époux ne peut plus engager l’autre à l’égard des tiers. Si au moment du divorce, les tiers avaient des créances de ménage, ils seraient désintéressés lors de la liquidation du régime matrimonial.

La dernière question relative aux relations des époux avec les tiers concerne la dot. A cet égard, l’article 73 de l’Ordonnance de 1981 prévoit que le bénéficiaire de la dot peut être condamné à son remboursement total ou partiel s’il porte en tout ou partie la responsabilité de la désunion. Autrement dit, le remboursement n’est pas dû si le bénéficiaire est innocent.

Au terme de notre analyse sur la dissolution du lien matrimonial, il convient de relever qu’heureusement toutes les crises du ménage n’aboutissent pas à cette fin fatale. Parfois on a affaire uniquement au relâchement du lien matrimonial.

Section 2. Le relâchement du lien matrimonial : la séparation de corps

Aux termes de l’article 306 du Code civil : « Dans les cas où il y a lieu à la demande en divorce, pour cause déterminée, il sera libre aux époux de former une demande en séparation de corps ».

De cet article, l’on peut déduire que la séparation de corps est la situation juridique  de deux époux qu’une décision de justice a dispensé de l’obligation de mener une vie commune. C’est un « diminutif » du divorce, car elle laisse subsister le mariage en relâchant seulement le lien matrimonial.

La séparation de corps peut donc être prononcée sur la demande conjointe des deux époux ou de l’un d’eux seulement dans les mêmes cas que le divorce.

Ne pouvant, comme le divorce, résulter que d’une décision judiciaire, elle ne doit pas être confondue à la « séparation de fait ». En effet, qu’elle soit intervenue unilatéralement (par abandon de domicile conjugal, ou du fait de la répudiation) ou conventionnellement (par un pacte de séparation amiable), la séparation de fait porte atteinte au devoir d’ordre public de cohabitation. Elle n’a en principe aucun effet juridique, aucune incidence sur le lien matrimonial.

Toutefois, le législateur est intervenu spécialement pour reconnaître à l’époux abandonné le droit d’intenter une action civile pour l’obtention d’une pension alimentaire (Cf. article 76 de l’Ordonnance de 81) ou une action pénale pour abandon de foyer conjugal (article 358 du Code pénal). La séparation de fait peut être un prélude à la séparation de corps.

Les causes de séparation de corps et la procédure à suivre pour son obtention étant les mêmes qu’en cas de divorce, nous ne nous attarderons que sur les effets et sur la manière dont il y est mis fin.

 § 1. Les effets de la séparation de corps

Il convient d’envisager les effets de la séparation de corps dans les rapports entre époux (A) et dans les rapports entre les parents et les enfants du mariage (B).

A. Les effets de la séparation de corps dans les rapports entre époux

Ces effets sont à la fois d’ordre extrapatrimonial et patrimonial.

1. Sur le plan extrapatrimonial
  • L’effet principal de la séparation de corps est la cessation du devoir de cohabitation.

Ainsi, la femme séparée de corps cesse d’avoir pour domicile légal le domicile de son mari. (Cf. article 108, al. 3 du Code civil).

  • Le mariage subsiste. Par conséquent, les époux séparés de corps demeurent tenus du devoir de fidélité et l’adultère qu’ils pourraient commettre constitue une faute, cause de divorce.
  • La femme séparée de corps continue à porter le nom de son mari, sauf demande du mari allant en sens contraire (article 311, al. 1 du Code civil)
2. Sur le plan patrimonial
  • La subsistance du mariage maintient le devoir de secours entre époux. Ce dernier revêt alors la forme d’une pension alimentaire versée à l’époux dans le besoin sans considération des torts.
  • La situation conflictuelle qui prévaut dans les rapports entre les conjoints explique que le législateur ait posé le principe selon lequel : « la séparation de corps emporte toujours la séparation de biens » (article 311, al. 2 du Code civil).
B. Les effets de la séparation de corps dans les rapports des parentset des enfants

La séparation de corps laisse subsister les droits et devoirs des père et mère à l’égard de leurs enfants. Elle entraîne donc sur ce plan les mêmes effets que le divorce en ce qui concerne notamment la garde et l’exercice de l’autorité parentale.

§ 2. La fin de la séparation de corps

Il est mis fin à la séparation de corps soit par la mort de l’un des conjoints (A), soit par la réconciliation intervenue entre eux (B), soit par la conversion de la séparation de corps en divorce (C).

A. La mort de l’un des conjoints

La mort de l’un des époux entraîne la dissolution du mariage et donc la fin de la séparation de corps. L’époux survivant est dans la même situation qu’un veuf ou une veuve ordinaire. De ce principe il résulte par exemple que l’époux auquel la garde des enfants n’avait pas été attribuée reprend en principe cette garde, s’il survit, même s’il est coupable.

B. La réconciliation

La réconciliation, si elle se produit en cours d’instance, constitue une fin de non- recevoir aussi bien à la séparation de corps qu’au divorce.

Si elle se produit après la décision définitive, elle met fin à la séparation de corps et rétablit  l’état de mariage tel qu’il existait primitivement, à cette exception près que le régime matrimonial reste celui de la séparation de biens.

C. La  conversion

Pendant la séparation de corps, l’un des époux peut toujours demander le divorce en invoquant un fait nouveau, par exemple la violation du devoir de fidélité qui pèse toujours sur les époux séparés de corps.

Cependant lorsque la séparation de corps aura duré trois ans, le jugement sera de droit converti en jugement de divorce sur la demande formée par l’un des époux (article 310, al. 1er  du Code civil.)

Le délai de trois ans commence à courir à compter du jour où le jugement ou l’arrêt prononçant la séparation de corps a acquis autorité de la chose jugée. Si dans cet intervalle s’est produite une réconciliation, faisant cesser la séparation de corps, la conversion devient impossible.

La conversion doit être demandée en justice par assignation. Elle ne se produit pas de plein droit. La conversion est obligatoire pour le juge (article 310, al. 1er  du Code civil).

A la suite de la conversion, il n’y a plus séparation de corps, mais divorce. Les éléments du lien conjugal qui subsistaient encore disparaissent donc, notamment les devoirs de fidélité et de secours.

Deuxième partie : La filiation

La filiation peut être définie comme le lien juridique qui unit un enfant à ses parents.

Les conséquences attachées à l’établissement de ce lien sont multiples, il crée notamment des droits de successibilité (succession) réciproques, il fait naitre une obligation alimentaire et des empêchements au mariage.

L’on distingue 3 types de filiation : la filiation légitime (chapitre 1), la filiation naturelle (chapitre 2) et la filiation adoptive (chapitre 3).

Chapitre 1. La filiation légitime

La filiation légitime est celle qui caractérise les enfants conçus ou nés pendant le mariage de leurs parents. Il est assez aisé d’établir la filiation des enfants nés dans ces conditions (section 1), mais il peut arriver que les choses se compliquent et nécessitent le recours au juge (section 2).

Section 1 : Etablissement de la filiation légitime

On suppose que le lien unissant un enfant à sa mère est établi, ou n’est pas contesté (l’article 41, al. 2 de l’Ordonnance de 81 dispose à ce sujet que : « l’accouchement vaut reconnaissance à l’égard de la mère ») et que cette mère a été mariée à un moment ou à un autre. Le tout est donc de rattacher l’enfant à son mari. En d’autres termes, pour qu’un enfant né pendant le mariage soit légitime, encore faut-il qu’il ait été engendré par le mari de sa mère.

Les secrets des lieux des rapports amoureux et l’incertitude de la science font cependant de la paternité une donnée dont la preuve directe est écartée. D’où l’existence en la matière d’une présomption traditionnelle figurant à l’article 312, al. 1 du Code civil : « L’enfant conçu pendant le mariage a pour père le mari ». Cette disposition consacre une maxime latine qui s’énonce : « pater is est quem nuptiae demonstrant », qui se traduit littéralement par « le père est celui que les noces démontrent ».

La légitimité d’un enfant passe donc par sa position dans le champ d’application de cette présomption (§ 1) et la preuve de son état (§ 2).

§ 1. Le domaine de la présomption pater is est…

La délimitation précise du champ d’application de la présomption pater is est… (A) permet d’en souligner les restrictions (B).

A. Le champ d’application de la présomption pater is est…

La présomption pater is est… s’applique à titre principal aux enfants conçus pendant le mariage (1). Mais elle a été étendue aux enfants conçus avant le mariage (2) et aux enfants dont la gestation a eu lieu pendant le mariage (3).

1. Les enfants conçus pendant le mariage

La présomption de paternité du mari s’applique tout d’abord aux enfants qui sont conçus dans le mariage. C’est le sens strict de l’article 312, al.1er du Code civil. L’existence du mariage permet, en effet, de designer le père probable. Seulement, aucune preuve directe de la date de conception n’étant usuellement possible, la loi fixe une présomption relative à la période de conception, en procédant à un compte à rebours à partir de la naissance : elle présume que l’enfant a été conçu pendant la période qui s’étend du trois centième au cent quatre vingtième jour, inclusivement, avant la date de naissance (article 312, al. 2 du Code civil).

Compte tenu de cette période légale de conception, la loi établit la présomption irréfragable selon laquelle les gestations les plus courtes (d’un enfant né vivant) sont de 180 jours et les plus longues de 300 jours. (C’est ainsi notamment qu’a été décidé qu’un enfant né  306 jours après la dissolution du mariage par la mort du mari ne pouvait prétendre démontrer que la date de sa conception avait précédé cette mort. Cf. Civ. 1ère, 9 juin 1959 D.

1959, 557, Grands arrêts N° 38, Tendances jurisprudentielles… p. 164).

2. Les enfants conçus avant le mariage

Par extension de l’article 312, al. 1er du Code civil, la jurisprudence a décidé que la présomption de paternité du mari est également appliquée aux enfants qui sont nés pendant le mariage, bien qu’ils aient été conçus avant la célébration de celui-ci (Cass. civ. 8 janvier 1930, affaire Degas, D.P. 1930, 1, p. 51, Tendances jurisprudentielles… p. 165).

Il s’agit des enfants nés dans les 179 premiers jours du mariage (dont la conception est nécessairement antérieure à  celui-ci).

3. La gestation pendant le mariage

C’est le cas de l’enfant conçu avant le mariage, mais né après la dissolution du mariage de ses parents. Il ne se retrouve dans aucun des cas ci-dessus étudiés. La jurisprudence a eu à connaître d’un tel cas dans l’affaire Dewalle (Cass. civ. 2 juillet 1936, D.P. 1936, 1, p. 118, Tendances jurisprudentielles… p. 169). En l’espèce, le père avait été victime d’un accident de travail le 14 octobre 1930. Il épousa la mère de l’enfant le 23 octobre 1930 et décéda le 25 octobre 1930. L’enfant vint au monde le 4 janvier 1931. Les juges déclarèrent l’enfant apte à recueillir la rente reconnue par la loi de 1898 aux enfants légitimes des travailleurs défunts. De toute vraisemblance l’enfant n’avait pas été conçu dans le mariage. Il n’était pas non plus né dans le mariage. Ce qui a justifié sa légitimité était le fait unique qu’une partie de sa gestation se soit passée pendant le mariage.

B. Les restrictions 

Il est deux séries d’hypothèses où bien que la conception ou la naissance de l’enfant se trouve dans le mariage, de sorte que la présomption de paternité devrait normalement jouer, celle-ci est écartée. En effet, on considère que les circonstances ne sont pas assez favorables pour que l’on puisse présumer la paternité du mari, de sorte que celle-ci, qui n’est pas impossible, doit être positivement établie. Il en est ainsi notamment en cas de conception pendant une séparation légale (1) et en cas de conception pendant l’absence du mari (2).

1. Conception pendant une séparation légale

La première de ces circonstances est celle où l’enfant a été conçu pendant une période de séparation légale, c’est-à-dire, pendant une période où les époux étaient dispensés par une décision de justice du devoir de cohabitation (article 313, al. 2 du Code civil). Il s’agit du cas où a été prononcée entre les époux soit une séparation de corps, soit une ordonnance au cours d’une procédure de divorce qui les autorise à résider séparément.

L’existence de cette séparation légale et de l’opposition judiciaire des époux rend, en effet, peu probable la paternité du mari (bien que le devoir de fidélité subsiste en droit). En conséquence, l’enfant conçu pendant cette période de séparation légale n’est pas concerné par la présomption de paternité du mari. (L’enfant est présumé adultérin a matre).

Rétablissement de la présomption dans ce cas.

La présomption de paternité est rétablie de  plein droit, c’est-à-dire, automatiquement, sans qu’il soit besoin de la demander en justice, si l’enfant a la possession d’état d’enfant légitime. (L’enfant a été élevé par le couple uni, comme si cet enfant était le sien).

Elle peut également être rétablie à la demande de l’un des époux s’il a existé pendant la période légale de conception une réunion de fait rendant vraisemblable la paternité du mari, c’est-à-dire, impliquant l’existence de relations intimes entre les époux (article 313, al. 3 du Code civil).

2. Conception pendant l’absence du mari

Il s’agit de l’absence entendue au sens juridique du terme et qui désigne l’état d’une personne qui est restée si longtemps sans qu’on ait de ses nouvelles que l’on se demande si elle est vivante ou déjà décédée. L’absence n’entraîne pas la dissolution du mariage. Donc en principe tout enfant né pendant ce temps est conçu dans le  mariage et par conséquent devrait être couvert par la présomption pater is est... Mais la légitimité est écartée pour cet enfant. Si l’absent revient, la présomption jouera rétroactivement, sauf  la faculté reconnue au père de désavouer l’enfant pour impossibilité physique de cohabiter avec sa femme ou pour cause d’éloignement  (article 312, al. 2 du Code civil).

§ 2. La preuve de la légitimité

On distingue les preuves extrajudiciaires (A) des preuves  judiciaires (B).

A. Les preuves extrajudiciaires

Elles sont au nombre de deux : la preuve par titre et la preuve par la possession d’état.

  • La preuve par titre est selon l’article 319 du Code civil faite par l’acte de naissance inscrit sur les registres de l’état civil et indiquant les noms des père et mère. Mais peu importe que le nom du père soit absent ou que la mère soit désignée sous son nom de jeune fille ou même qu’un tiers soit désigné comme père. A partir du moment où l’enfant est né d’une femme qui au moment de sa conception était mariée, on fera jouer l’article 312, al. 1er du Code civil pour attribuer l’enfant au mari de la mère.
  • La preuve par la possession d’état, refusée aux parents (pour l’établissement de leur mariage), est exceptionnellement admise au profit des enfants. La possession d’état est définie en droit de la famille comme l’apparence d’un état donné. En matière de filiation légitime, il résulte clairement de l’article 320 du Code civil qu’à défaut d’acte de naissance, la possession constante de l’état d’enfant légitime suffit.
Lire Aussi :  Cours d'institution administratives et décentralisation (PDF)

Cette possession d’état s’établit par une réunion suffisante de faits qui indiquent le rapport de filiation et de parenté entre l’enfant et la famille à laquelle il prétend appartenir. Les principaux de ces faits sont au nombre de trois :

  • Le nomen : l’enfant a toujours porté le nom de la famille ou du père auquel il prétend appartenir ;
  • Le tractatus : le père l’a traité comme son enfant et a pourvu, en cette qualité, à son éducation, à son entretien et à son établissement ;
  • La fama : l’enfant a la réputation aux yeux du public ou de la famille d’être l’enfant légitime du père dont il se prévaut.

La preuve de la légitimité est davantage renforcée lorsque le titre est corroboré par la possession d’état. C’est la substance de l’article 322 du Code civil aux termes duquel : « Nul ne peut réclamer un état contraire à celui que lui donnent son titre de naissance et la possession d’état conforme à ce titre. Et réciproquement, nul ne peut contester l’état de celui qui a une possession conforme à son titre de naissance ».

B. La preuve judiciaire

L’on parle de preuve judiciaire ici parce que c’est celle qui est utilisée lorsque la filiation d’un enfant qui ne dispose ni d’un titre, ni de la possession d’état, est contestée par les tiers.

Elle résulte clairement de l’article 323, al. 1er du Code civil qui dispose : « A défaut de titre et de possession constante, ou si l’enfant a été inscrit soit sous de faux noms, soit comme né de père et mère inconnus, la preuve de filiation peut se faire par témoins ».

Mais cette preuve par témoins ne peut être admise que lorsqu’il y a commencement de preuve par écrit (résultant par exemple des titres de famille, des registres et papiers domestiques, ainsi que tous autres écrits -lettres missives publics ou privés- émanés d’une partie engagée au procès ou qui y aurait intérêt) ou lorsque les présomptions ou indices résultant des faits (par exemple, ressemblances physiques, marques du linge, possession d’un souvenir de famille, d’une médaille…) dès lors constants sont assez graves pour déterminer l’admission (article 323, al. 2 du Code civil).

Section 2. Les actions relatives à la paternité légitime

Il existe deux sortes d’actions relatives à la présomption de paternité. Les unes peuvent tendre au rétablissement de la présomption de paternité dans les cas où, s’agissant pourtant d’enfants conçus pendant le mariage, cette présomption est écartée. Ainsi  en est-il de l’action par laquelle chacun des époux peut demander que les effets de la présomption soient établis, en justifiant que, dans la période légale de conception, une réunion de fait a eu lieu entre eux, qui rend vraisemblable la paternité du mari. Or la nécessité d’une appréciation de cette vraisemblance implique le contrôle du juge. (Remarquons que cette action n’appartient pas seulement au mari, mais aussi à la femme).

Les autres actions tendent à détruire la présomption de paternité. Cette destruction est indirecte lorsque par une action en contestation d’état, l’on parvient à détruire une filiation maternelle et, par voie de conséquence, la présomption de paternité qui en résulte. Elle est directe lorsque, sans nier la maternité, l’on entend écarter, à l’égard du mari de la mère, la présomption de paternité. Il en est ainsi soit en cas de contestation de légitimité (§ 1), soit en cas de contestation de paternité (§ 2).

§ 1. La contestation de légitimité

Lorsqu’une personne intente une action en contestation de légitimité, elle prétend priver l’enfant de sa légitimité, en démontrant qu’il a été conçu dans des conditions telles que la présomption de paternité ne lui est pas applicable. Ce n’est pas la paternité qui est contestée, mais le caractère légitime de cette paternité.

Tendant à détruire l’un ou l’autre support de la présomption de paternité, l’action peut viser soit le mariage des père et mère, soit le lien entre l’enfant et le mariage de ceux-ci.

  1. La légitimité de l’enfant fait défaut en cas d’absence de mariage des père et mère. Ainsi notamment, la nullité du mariage des père et mère détruit la légitimité de l’enfant, sauf cas de mariage putatif.
  2. La destruction du lien exigé entre l’enfant et le mariage de ses parents peut entraîner la disparition de la légitimité. Il est en effet possible d’établir, par confrontation de date de naissance ou de conception de l’enfant et de la date du mariage des parents, que la présomption de paternité ne joue pas. Ainsi, par exemple, s’il est prétendu qu’un enfant, jouissant normalement de la possession d’état d’enfant légitime, est pourtant né avant le mariage et si cette preuve est rapportée, par comparaison des actes d’état civil, l’enfant cesse de bénéficier du statut d’enfant légitime.

§ 2. La contestation de paternité

La contestation de paternité est le monopole du mari. Elle se fait à l’aide de l’action en désaveu de paternité dont on énumèrera les cas (A) avant d’en étudier le régime (B).

A. Les cas de désaveu

Le désaveu n’est admis dans le Code  civil que dans de strictes conditions. On peut y distinguer deux types, en fonction du fardeau de la preuve : le désaveu par preuve contraire (1) et le désaveu par simple dénégation (2).

1. Le désaveu par preuve contraire

C’est l’action menée par le mari pour démontrer sa non-paternité. On parle généralement ici de désaveu pour causes déterminées parce que la preuve de non-paternité ne peut résulter précisément que de l’établissement de l’impossibilité physique de cohabitation due soit à l’éloignement du mari, soit à son impuissance accidentelle pendant la période légale de la conception de l’enfant.

La preuve ne devient  libre que si la naissance a été cachée au mari (comme par aveu tacite d’adultère) et l’on assimile le recel de grossesse au recel de naissance : il est alors question ici de désaveu pour causes indéterminées.

2. Le désaveu par simple dénégation

Par le désaveu par simple dénégation, le mari n’a pas à prouver le bien-fondé de sa prétention et peut se contenter de décliner sa paternité présumée. Il concerne d’une part les enfants conçus pendant une période de dispense du devoir de cohabitation entre époux, d’autre part les enfants conçus avant le mariage et nés dans le  mariage. L’article 314 du Code civil écarte la possibilité du désaveu par simple dénégation :

  1. Lorsque le mari a connu la grossesse avant le mariage, ce qui signifie qu’il pense qu’il est le père ou, à tout le moins, qu’il accepte la paternité.
  2. Lorsque le mari s’est, après la naissance, comporté comme le père, ce qui atteste, de sa part, l’existence d’un aveu, explicite ou implicite de paternité.
B.  Le régime de l’action en désaveu

L’action en désaveu doit en principe être portée au choix du demandeur soit devant le TGI, soit devant le TPD du domicile de l’enfant, qui est, en principe celui de ses père et mère. L’action est essentiellement personnelle au mari. Mais l’article 217 du Code civil permet aux héritiers, en cas de décès du mari, de poursuivre l’action déjà introduite et même de l’initier dans certains cas. Cet article dispose en substance que les héritiers ont deux mois pour contester la légitimité de l’enfant « à compter de l’époque où cet enfant se serait mis en possession des biens du mari, ou de l’époque où les héritiers seraient troublés par l’enfant dans cette possession ».

Lorsque l’action est exercée par le mari, le délai pour agir est d’un mois à dater de la naissance si le mari est sur les lieux, de deux mois après son retour s’il était absent ou après la découverte de la fraude si la naissance lui a été cachée.

Le succès de l’action en désaveu fait perdre la qualité de légitime à l’enfant, qui devient alors un enfant naturel.

Chapitre 2. La filiation naturelle

Bien qu’au sens courant l’expression de filiation naturelle puisse désigner toute filiation biologique, elle sert au sens  juridique, à préciser que l’enfant est né de parents non mariés ensemble, et s’oppose ainsi directement à la filiation légitime.

La catégorie se subdivise selon la situation des parents : ou parle de filiation naturelle simple si les parents sont tous deux célibataires, de filiation adultérine si les parents ou l’un d’eux sont mariés avec des tiers, ou de filiation incestueuse si les parents sont unis par un lien de parenté ou d’alliance qui leur interdit de se marier.

Il convient d’étudier la filiation naturelle en envisageant dans un premier temps l’établissement de la filiation naturelle (Section 1), dans un second temps les enfants naturels dont la filiation peut être établie (section 2) et enfin la légitimation qui transforme une filiation naturelle en filiation légitime (section 3).

Section 1. Etablissement de la filiation naturelle

La filiation naturelle peut être établie à l’égard de chaque parent soit de manière volontaire, il s’agit de la reconnaissance (§ 1) ; soit de manière forcée, on parlera d’action en recherche de filiation naturelle (§ 2).

§ 1. La reconnaissance

C’est un mode d’établissement de la filiation naturelle résultant d’une initiative personnelle des parents. Vu le caractère divisible de la filiation naturelle, la reconnaissance par la mère (A) diffère de celle engagée par le père (B).

A. La reconnaissance par la mère

D’après l’article 334 du Code civil, la mère devait reconnaître son enfant naturel dans les mêmes conditions que le père. Mais depuis l’Ordonnance de 81 la tâche lui est facilitée puisque désormais il résulte de l’article 41, al. 2 que « l’accouchement vaut reconnaissance à l’égard de la mère ». La filiation ne sera cependant réellement établie que si la mère n’a pas abandonné l’enfant à sa naissance (Cour d’Appel de Douala, 9 juillet 1982, arrêt N° 17/L, inédit). En cas d’abandon, il appartiendra à l’enfant d’agir ultérieurement en recherche de maternité naturelle pour se lier juridiquement à sa mère.

B. La reconnaissance par le père

Le père peut reconnaitre son enfant par deux voies, à savoir : la voie administrative (1) et la voie judiciaire (2).

1. La voie administrative

D’après l’article 44 de l’Ordonnance de 81 le père peut reconnaître l’enfant par déclaration de sa paternité naturelle devant l’officier d’état civil au moment de la déclaration de naissance. Cette déclaration doit être reçue après consentement de la mère en présence de deux témoins. Si la mère est mineure son consentement doit être appuyé de celui de ses propres parents. Ce procédé n’est possible que si l’enfant n’est pas revendiqué par une autre personne.

La reconnaissance doit intervenir dans les délais impartis pour la déclaration des naissances (c’est-à-dire, 90 jours à compter de l’accouchement), faute de quoi la voie administrative est fermée pour ne laisser de place qu’à la reconnaissance judiciaire.

2. La voie judiciaire

C’est la voie normale indiquée par l’article 41, al. 1er de l’Ordonnance de 81 selon lequel

« la reconnaissance ou la légitimation d’un enfant né hors mariage se fait par jugement ».

Le tribunal compétent est soit le TGI, soit le TPD du lieu de résidence de la mère si l’enfant est mineur ou de l’enfant s’il est majeur. La reconnaissance judiciaire est imprescriptible. Le père pourra donc introduire son action à tout moment, à moins d’avoir été devancé par la mère ou l’enfant agissant en recherche de paternité naturelle.

§ 2. La recherche de filiation naturelle

L’Ordonnance de 81 n’a prévu que l’action en recherche de paternité naturelle (B), mais il existe aussi l’action en recherche de maternité naturelle (A).

A. La recherche de maternité naturelle

La caractéristique de cette action peut se faire sentir lorsque la filiation de l’enfant à l’égard de sa mère n’a pas été réalisée par le seul fait de l’accouchement, notamment lorsque la mère s’est volontairement débarrassée de l’enfant à sa naissance. L’enfant qui recherche sa maternité devra alors prouver deux choses :

  • D’une part, l’accouchement de la prétendue mère à l’époque de sa naissance ;
  • D’autre part, l’identité entre l’enfant né et lui-même.
B. La recherche de la paternité naturelle

L’article 46 de l’Ordonnance de 81 a spécialement repris à ce propos certaines dispositions de l’article 340 du Code civil. Ainsi, l’action en recherche de paternité naturelle est accordée à la mère pendant la minorité de l’enfant, et à ce dernier lorsqu’il devient majeur. Dans le premier cas, elle doit être exercée dans un délai de 2 ans à compter de l’accouchement ou du jour où le père a cessé de pourvoir à l’entretien de l’enfant. Dans le second cas l’enfant doit agir dans l’année suivant sa majorité, c’est-à-dire, sa 22ème année. De même, l’article 46 de l’Ordonnance a prévu des fins de non-recevoir à l’action. Ainsi l’action est irrecevable lorsque :

  • Pendant la période de conception, la mère a été d’une inconduite notoire ou a eu un commerce avec un autre homme ;
  • Le père prétendu était dans l’impossibilité de procréer.

Cependant, à la différence de l’article 340 du Code civil qui avait énuméré limitativement 5 cas d’ouverture de l’action (1er : dans le cas d’enlèvement ou de viol, lorsque l’époque des faits se rapportera à celle de la conception ; 2ème : dans le cas de séduction accomplie à l’aide de manœuvres dolosives, abus d’autorité, promesse de mariage ou fiançailles, 3ème : dans le cas où il existe des lettres ou quelque autre écrit émanant du père prétendu, propres à établir la paternité d’une manière non équivoque ; 4ème : dans le cas où le père prétendu et la mère ont vécu pendant la période légale de la conception en état de concubinage, impliquant, à défaut d’une communauté de vie, des relations stables et continues ; 5ème : dans le cas où le père prétendu a pourvu ou participé à l’entretien, à l’éducation ou à l’établissement de l’enfant en qualité de père) l’article 46 de l’Ordonnance de 81 n’a pas envisagé les cas d’ouverture à l’action en recherche de paternité naturelle. Il faut en déduire que ceux-ci n’existent plus en droit camerounais. Le législateur de 81 a voulu en effet favoriser l’établissement de la filiation d’un plus grand nombre d’enfants naturels.

Section 2. Enfants naturels dont la filiation peut être établie

La question de la détermination des enfants naturels dont la filiation peut être établie est gouvernée par un principe (§ 1), assorti de quelques exceptions (§ 2).

§ 1. Le principe

Rompant avec les dispositions de l’article 335 du Code civil qui interdisaient l’établissement de la filiation de certains enfants naturels, adultérins et incestueux précisément (pour application, CS, 12 novembre 1969, arrêt N°19 ; Bull. p. 2332), l’Ordonnance de 81 pose en principe que la filiation hors mariage peut être établie (Cf. article 43 de l’Ordonnance de 81).

La seule condition de fond qu’exige le législateur est l’existence d’un lien de sang entre l’enfant et le père prétendu. Lorsque ce lien est établi, nul ne peut faire obstacle à la reconnaissance (Cf.

article 41, al. 2 de l’Ordonnance de 81), encore moins à l’action en recherche de filiation naturelle.

Ainsi donc, peut être établie non seulement la filiation des enfants naturels simples, mais aussi celle des enfants adultérins et incestueux (CS, 2 mai 1985, arrêt N° 42/L, Tendances jurisprudentielles…, p. 205).

Le principe ainsi établi connaît cependant quelques exceptions.

§ 2. Les exceptions

Le législateur n’apporte que deux exceptions à la règle ci-dessus énoncée, l’une apparente, l’autre réelle. L’exception apparente concerne l’enfant adultérin a matre (c’est-àdire, fruit de l’adultère de la mère, par opposition à l’enfant adultérin a patre, fruit de l’adultère du père) qui, conformément à l’article 43, al. 2 de l’Ordonnance de 81, ne peut être reconnu par le père naturel qu’après désaveu du mari en justice. En effet, à moins de supposer que cet enfant a été conçu dans une période de séparation légale de ses parents (article 313, al. 2 du Code civil), il est couvert par la présomption « pater is est… » (article 312 du Code civil). Il est donc légitime jusqu’au désaveu par le mari de la mère.

L’exception réelle concerne l’enfant issu d’un viol. L’article 43, al. 3 de l’Ordonnance de 81 affirme fermement : « est irrecevable toute action en reconnaissance d’un enfant issu d’un viol ». L’analyse littérale de ce texte permet d’affirmer que le mode de filiation prohibée est limitativement celui résultant du père qui voudrait se prévaloir en justice de sa propre inconduite. C’est pourquoi, contrairement à une certaine doctrine qui voudrait étendre l’interdiction à la recherche de paternité, il y a lieu de penser que tant la lettre de l’Ordonnance que son esprit (qui se veut plus favorable à l’établissement de la filiation naturelle que le Code civil) plaide en faveur de la possibilité de rattacher l’enfant à son père par l’action en recherche de paternité.

Lire Aussi :  Cours de comptabilité publique Complet (PDF)

Quoiqu’il en soit, le débat ne demeure que par rapport au père. A l’égard de la mère en effet, la reconnaissance est spontanée du seul fait de l’accouchement et donc la filiation maternelle de l’enfant  issu du viol n’est pas interdite par le texte.

Au demeurant, il convient de souligner ici que l’état d’enfant naturel déterminé d’après les circonstances de la naissance n’est pas définitif. Il peut être changé notamment par le biais de la légitimation.

Section 3. La légitimation de l’enfant naturel

La légitimation est un bienfait de la loi par lequel un enfant naturel acquiert pour l’avenir la condition d’enfant légitime. Après avoir répondu à la question de savoir si tous les enfants naturels peuvent être légitimés (§ 1), nous analyserons le régime de la légitimation (§ 2).

§ 1. Enfants pouvant être légitimés

Malgré le principe apparemment discriminatoire posé par l’article 331, al. 1er du Code civil « les enfants nés hors mariage, autres que ceux nés d’un commerce adultérin, sont légitimés par le mariage subséquent de leurs père et mère, lorsque ceux-ci les ont légalement reconnus avant leur mariage soit qu’ils les reconnaissent au moment de sa célébration… », en l’état actuel du droit camerounais, tous les enfants naturels peuvent être légitimés. Cette assertion est indiscutable en ce qui concerne les enfants naturels simples.

Les enfants incestueux ne peuvent cependant être légitimés que si leurs parents ont obtenu les dispenses les affranchissant de l’empêchement à mariage tiré de la parenté ou de l’alliance.

Quant aux enfants adultérins, s’ils sont de père, ils peuvent être légitimés comme les enfants naturels simples.

Si les enfants sont adultérins a matre, ils doivent avoir été désavoués par leur père légitime (c’est-dire, le mari de leur mère). Sinon ils doivent avoir été conçus à une époque où leurs parents étaient dispensés du devoir de cohabitation.

§ 2. Le régime de la légitimation

Le régime de la légitimation touche à ses conditions (A), à sa forme (B), à ses effets et à sa contestation (C).

A. Conditions de la légitimation

Quatre conditions sont en principe nécessaires, il faut : 1° que le mariage ait été célébré entre les parents ; 2° que l’enfant soit né avant le mariage ; 3° que l’enfant soit vivant au moment du mariage ou, s’il est décédé, qu’il ait laissé des descendants vivants au même moment ; 4° que la filiation de l’enfant ait été officiellement établie à l’égard de ses parents.

  • Première condition : le mariage des parents

La première condition de la légitimation est le mariage des parents. Le mariage qui entraîne la légitimation peut fort bien être un mariage posthume. Pour entraîner la légitimation, il faut un mariage valable. La nullité du mariage n’affecte cependant pas la légitimation lorsque sont réunies les conditions du mariage putatif. De même, le divorce qui rompt le mariage laisse subsister la légitimation.

  • Deuxième condition : la naissance avant le mariage

L’enfant doit être né avant la célébration du mariage ; en effet, comme nous l’avons vu précédemment, l’enfant est légitime dès lors qu’il est né pendant le mariage, même s’il a été conçu avant. Or la légitimité concerne des enfants naturels.

• Troisième condition : l’enfant vivant

Il faut que l’enfant naturel soit vivant au moment du mariage de ses auteurs, ou du moins, qu’il ait laissé des descendants vivants à ce moment (article 332 du Code civil). Dans ce dernier cas, la légitimation profite aux descendants ; elle établit entre eux et leurs grandsparents un lien de parenté. La loi ne permet pas la légitimation d’un enfant naturel décédé sans postérité, elle ne présenterait aucun intérêt.

  • Quatrième condition : la constatation de la filiation

La filiation de l’enfant doit être établie vis-à-vis des deux parents. En effet, à la différence de l’adoption qui a pour but de créer une filiation en dehors des liens du sang, la légitimation est destinée à conférer le bénéfice de la légitimité à des enfants naturels. La reconnaissance établissant la filiation entre l’enfant et ses parents peut précéder le mariage (on parle alors de légitimation par le mariage subséquent) ou le suivre (on parle alors de légitimation post nuptias). La reconnaissance peut même être concomitante à la célébration du mariage. Dans ce cas, l’officier d’état civil la consigne dans un acte séparé de celui du mariage.

B. Forme de la légitimation

Sur le plan de la forme, le Code  civil rendait la légitimation automatique dans le cas où la reconnaissance avait précédé le mariage. L’article 331 n’exigeait l’intervention du juge qu’en cas de légitimation post nuptias (Voir par exemple, CS, 30 juin 1964, arrêt N° 78 ; Bull., p. 817). L’Ordonnance de 81 prévoit de manière générale que la légitimation se fait par jugement (Cf. article 41). Il faudra comme dans le Code civil que l’enfant ait eu depuis la célébration du mariage la possession d’état d’enfant commun au couple.

C. Les effets et la contestation de la légitimation
1. Effets

L’effet essentiel de la légitimation est de conférer à l’enfant naturel qui en bénéficie la condition juridique d’enfant légitime ; il en a les droits et les devoirs. C’est ce qui résulte clairement de l’article 333 du Code civil selon lequel : « les enfants légitimés par le mariage subséquent ont les mêmes droits que s’ils étaient nés de ce mariage ».

Ainsi, l’enfant prend le nom de son père, s’il ne l’avait déjà, l’administration légale remplace la tutelle, l’enfant a les droits successoraux d’un enfant légitime. Mais cette assimilation aux enfants légitimes ne se produit qu’à partir du mariage qui a entraîné la légitimation. Celle-ci n’est pas rétroactive. L’absence de la rétroactivité entraîne cette conséquence que, si l’enfant est déjà décédé au moment du mariage, il n’a jamais été légitimé.

Toutefois, s’il est mort en laissant des descendants, la légitimation profite à ceux-ci.

2. Contestation de la légitimité

La légitimation peut être contestée par tout intéressé,  notamment les parents et l’enfant lui-même, le demandeur pouvant invoquer un simple intérêt moral. On peut soit contester le mariage, soit la reconnaissance. L’annulation du mariage entraîne l’annulation de la légitimation, sauf application des règles du mariage putatif. La contestation de la reconnaissance a pour effet de faire perdre à l’enfant le bénéfice de la légitimation et de le rattacher comme enfant naturel à celui de ses auteurs dont la reconnaissance subsiste.

Chapitre 3. La filiation adoptive

La filiation adoptive s’oppose aux filiations légitime et naturelle par son caractère artificiel : elle ne correspond pas à une descendance biologique, mais résulte d’un acte juridique, l’adoption, qui crée entre deux personnes un lien juridique de filiation non fondé sur un lien de sang. L’adoption est régie par les dispositions du Code civil en ce qui concerne ses conditions de fond et ses effets. C’est ce qui résulte expressément de l’article 42 de l’Ordonnance du 29 juin 1981 aux termes duquel : « les conditions de fond de l’adoption sont celles prévues en droit écrit, sauf dispositions contraires de la présente Ordonnance ». Quant à la procédure, elle est désormais judiciaire conformément à l’article 41 de l’Ordonnance de 81.

Le droit Camerounais connaît 2 types d’adoption : l’une que le Code civil appelle simplement « adoption » (articles 340 à 367) (section 1) ; et l’autre, « la légitimation adoptive » (articles 368 à 370) (section 2).

Quelle que soit sa forme, l’adoption ne peut être accordée que s’il y a de justes motifs et lorsque cette mesure  est avantageuse pour l’enfant à adopter.

Section 1. L’adoption (tout court)        

Nous étudierons successivement les conditions (§ 1) et les effets (§ 2).

§ 1. Les conditions de l’adoption

Elles sont relatives à l’adoptant (A) et à l’adopté (B).

A. Conditions requises quant à l’adoptant

D’après l’article 344 du Code civil l’adoption n’est permise qu’aux personnes de l’un ou de l’autre sexe âgées de plus de 40 ans. Toutefois, elle peut être demandée conjointement par 2 époux non séparés de corps dont l’un au moins est âgé de plus de 35 ans s’ils sont mariés depuis plus de 10 ans et n’ont pas eu d’enfant de leur mariage.

Dans tous les cas, la différence d’âge entre l’adoptant et l’adopté doit être de 15 ans au moins. Toutefois, lorsqu’il s’agit d’adopter l’enfant de son conjoint, la différence d’âge est ramenée à 10 ans ; elle pourra même être réduite par dispense du Président de la République.

La dernière condition est que les adoptants ne devront avoir, au jour de l’adoption, ni enfants, ni descendants légitimes (l’existence d’enfants légitimés par adoption ne fait pas obstacle à l’adoption). C’est une condition à laquelle est strictement attachée la jurisprudence camerounaise. En effet, elle n’a pas hésité à rejeter une demande d’adoption formulée par une personne, père de quelques enfants, alors que les enfants à adopter avaient été recueillis par le demandeur depuis leur tendre enfance. (CS, arrêt N° 17/L du 20 décembre 1973, Affaire Nouck, R.C.D. N° 7, p. 66, Tendances jurisprudentielles…, p. 258 ; TPD de Dschang, jugement du 13 juillet 1986, Affaire Dongbou, inédit).

B. Conditions requises quant à l’adopté

Compte tenu des effets peu étendus de l’adoption, toute personne sans restriction particulière peut être adoptée. Toutefois l’adoption requiert le consentement de l’adopté s’il est majeur ou de celui de ses parents ou de celui du conseil de famille s’il est mineur. Si la personne à adopter est mineure et a encore ses père et mère, ceux-ci doivent consentir l’un et l’autre à l’adoption. Si l’un des deux est décédé, ou dans l’impossibilité de manifester sa volonté, le consentement de l’autre suffit. Si les père et mère sont divorcés ou séparés de corps, le consentement de celui des époux au profit duquel le divorce ou la séparation de corps a été prononcé suffit (Cf. article 347 du Code civil).

Si le mineur n’a plus ni père ni mère, ou s’ils sont dans l’impossibilité de manifester leur volonté, le consentement est donné par le conseil de famille. Il en est de même si le mineur est enfant naturel qui n’a point été reconnu, ou qui, après l’avoir été, a perdu ses père et mère, ou dont les père et mère ne peuvent manifester leur volonté (Cf. article 349 du Code civil).

Si l’adopté est marié, le consentement de son conjoint est nécessaire.

§ 2. Les effets de l’adoption

L’adoption crée un lien de parenté entre l’adopté et l’adoptant, sans détruire les liens qu’il avait avec sa famille d’origine. Il y reste donc avec tous les droits et devoirs qui en découlent.

En résultent l’application de tous les empêchements à mariage organisés au sein de la famille par le sang, ainsi que l’acquisition par l’adopté du nom de l’adoptant qu’il adjoint à son nom d’origine. L’adoptant est en outre seul investi de la fonction parentale : il exerce tous les droits de l’autorité parentale, et notamment le droit de consentir au mariage de l’adopté.

Enfin, l’adoption crée une obligation alimentaire réciproque entre l’adoptant et l’adopté ainsi qu’une vocation successorale réciproque. L’adopté n’a cependant aucun droit sur le patrimoine des parents de l’adoptant.

Section 2. La légitimation adoptive

C’est une autre forme d’adoption aux conditions plus rudes et aux effets plus énergiques.

§ 1. Les conditions de la légitimation adoptive

Elles sont les mêmes que celles de l’adoption tout court en ce qui concerne l’âge de l’adoptant, la différence d’âge minimale entre l’adoptant et l’adopté et l’absence de descendants légitimes à l’adoptant au moment de l’adoption. L’originalité apparaît en ce qui concerne l’enfant adopté et le consentement requis.

A. La condition sociale de l’enfant à adopter

La légitimation adoptive n’est ouverte selon l’article 368 du Code civil qu’aux enfants âgés de moins de 5 ans qui ont été abandonnés par leurs parents ou dont ceux-ci sont restés inconnus ou décédés.

B. Les consentements requis

La légitimation adoptive ne peut être demandée que conjointement par des époux non séparés de corps. De plus, la mesure ne peut être prononcée qu’après avis favorable de l’Administration, de l’œuvre ou de la personne qui élevait l’enfant (article 369, al. 3 du Code civil).

§ 2. Les effets de la légitimation adoptive

La légitimation adoptive entraîne substitution d’une filiation fictive à une filiation par le sang, substitution définitive en raison du caractère irrévocable de cette adoption. Il convient donc d’en envisager les effets d’abord à l’égard de la famille biologique et ensuite à l’égard de la famille d’adoption.

A. A l’égard de la famille biologique

La légitimation adoptive entraîne automatiquement une rupture complète des liens avec la famille d’origine. Seuls subsistent les empêchements à mariage. Pour le reste, le lien de filiation par le sang est entièrement gommé : l’enfant ne porte plus le nom de ses parents d’origine, n’est plus créancier, ni débiteur d’une quelconque obligation alimentaire à leur égard ; toute vocation successorale disparaît.

B. A l’égard de la famille d’adoption

L’enfant, objet de la légitimation adoptive, entre irrévocablement dans la famille de ses adoptants. Il y acquiert le statut d’un enfant issu du mariage. C’est ainsi notamment qu’il succède à ses parents adoptifs comme leur enfant légitime et peut même avoir des droits dans le patrimoine des ascendants des adoptants s’ils ont donné leur adhésion par acte authentique à la légitimation adoptive (article 370 du Code civil).

BIBLIOGRAPHIE

I- OUVRAGES

  • ANOUKAHA (F.) (dir.), Les grandes décisions de la jurisprudence civile camerounaise, Dschang, LERDA, 2008.
  • BENABENT (A.), Droit civil – La famille, 8e éd. Paris, LITEC, 1997.
  • CAPITANT (H.), TERRE (F.) et LEQUETTE (Y.), Les grands arrêts de la jurisprudence civile, Tome 1, Paris, Dalloz, 11e éd. 2000.
  • CARBONNIER (J.), Droit civil – La famille, Paris, PUF, 20e éd. 1999.
  • COURBE (P.), Droit civil – Les personnes – La famille – Les incapacités, Paris, MEMENTOS Dalloz, 5e éd. 2005.
  • DJUIDJE CHATUE (B.), La rupture des fiançailles, Yaoundé, PUA, 2010.
  • DOUCHY (M.), Droit civil, 1ère année, Introduction – Personnes – Famille Hyper Cours, Paris, Dalloz, 2001.
  • GUILLIEN (R.) et VINCENT (J.), Lexiques des termes juridiques, Paris, Dalloz, 14e éd. 2003.
  • MALAURIE (Ph.) et AYNES (L.), La famille, Paris, Defrénois, 2e éd. 2006.
  • TERRE (F.) et FENOUILLET (D.), Droit civil – Les personnes – La famille – Les incapacités, Paris, Dalloz, 6e éd. 1996.
  • WEILL (A.) et TERRE (F.), Droit civil – Les personnes – La famille – Les incapacités, Paris, Dalloz, 5e éd. 1994.

 

II- THESES

  • MELONE (S.), La parenté et la terre dans la stratégie du développement : l’expérience camerounaise, Paris, Klinsksieck, 1972.
  • NKOUENDJIN YOTNDA (M.), Le Cameroun à la recherche de son droit de la famille, Paris, LGDJ, 1975.
  • OMBIONO (S.), L’application de la loi du 7 juillet 1966 portant diverses dispositions relatives au mariage dans l’ex-Cameroun oriental, Thèse, Université de Yaoundé, 1979.
  • POUGOUE (P.-G.), La famille et la terre. Essai de contribution à la systématisation du droit privé au Cameroun, Thèse, Bordeaux, 1977.
  • TIMTCHUENG (M.), Le droit camerounais de la famille, entre son passé et son avenir, Thèse de Doctorat 3e Cycle, Université de Yaoundé II, 2000.

 

III- POLYCOPIE ET ARTICLES

  • ANOUKAHA (F.), « La filiation naturelle au Cameroun après l’Ordonnance N° 81/02 du 29 juin 1981 », Penant, 1987, p. 7.
  • ANOUKAHA (F.), ELOMO NTONGA (L.) et OMBIONO (S.), Tendances jurisprudentielles et doctrinales du droit des personnes et de la famille de l’exCameroun oriental, Polycopie, Université de Yaoundé, 1989.
  • ANOUKAHA (F.) et POUGOUE (P.-G.), « Mariage – Filiation », JurisClasseur du Droit comparé, vol. Cameroun, Fasc. 2, 1996.
  • KEUBOU (Ph.), « L’adultère en droit positif camerounais », Annales de la Faculté des Sciences Juridiques et Politiques de l’Université de Dschang, Tome 1, vol. 2, PUA, 1997, p. 153.
  • MELONE (S.), « Les effets du mariage dans l’ordre des rapports patrimoniaux », Encyclopédie Juridique de l’Afrique, NEA, 1982, vol. 6, chap. XIV, p. 225.
  • MBELLA MBAPPE (R.), « A propos de deux lois sur le mariage au

Cameroun », Penant, 1970, p. 419.

  • OMBIONO (S.), « Le mariage coutumier et le droit positif camerounais », Penant, 1989, p. 32.
  • TIMTCHUENG (M.), « Le délai de viduité en droit camerounais », Annales de la Faculté des Sciences Juridiques et Politiques de l’Université de Dschang, Tome 1, vol. 2, PUA, 1997, p. 207.