Cours de science administrative par le Professeur Ngeukeu Dongmo Pierre. Maitre de conférence, enseignent à l’université de Dschang.

Table des matières

INTRODUCTION GENERALE

La doctrine administrative, qui se développe depuis plus de deux siècles, a connu, au fil du temps, une évolution profonde. Étroitement liée, à chaque étape de son épanouissement, à la situation, aux tâches et aux problèmes de l’administration ainsi qu’aux conceptions qui la sous-tendent, au progrès des sciences et des techniques, de même qu’aux changements du milieu social, elle se   transforme continuellement. Dès lors, tenter d’en faire l’historique sur le plan comparatif se heurte aux plus grandes difficultés, accrues par une terminologie incertaine et toujours controversée. C’est la raison pour laquelle on se limitera à en indiquer les orientations les plus récentes. Aussi conviendrait-il  d’intituler commodément ce cours introduction générale à la science administrative, tant il visera à soulever les prolégomènes qu’à faire un exposé exhaustif de la matière.

Afin de mieux situer des orientations, quelques données générales peuvent utilement être consignées en ce qui concerne les grands courants doctrinaux, les difficultés terminologiques et la discussion du point de savoir si la « science administrative » a réellement un caractère scientifique.

A- Les grands courants doctrinaux 

Les grands courants de la doctrine administrative tendent à se confondre ou à se conjuguer de manière à parvenir à une analyse interdisciplinaire et globale du phénomène administratif comme le témoigne la quasi disparition de l’ancienne opposition entre l’étude des aspects juridiques et non juridiques de l’administration. De plus en plus, la plupart des problèmes fondamentaux ne peuvent plus être valablement étudiés ou résolus que si l’on tient simultanément compte de leurs aspects juridiques et non juridiques. Loin d’être opposés ou distincts, les aspects juridiques et non juridiques sont devenus de plus en plus étroitement complémentaires.

C’est donc sur d’autres bases qu’il convient désormais de classer les grands courants de la doctrine. Si l’on se place sur le terrain historique, on constate que  trois de ces courants ont joué et jouent encore un rôle déterminant dans les manières de faire et de penser.  Il semble utile de les citer dans l’ordre chronologique de leur apparition .Néanmoins, il est évident qu’ils coexistent et, comme déjà indiqué, sont complémentaires.

1- Le courant technique et pratique

Ce courant axe ses préoccupations sur l’ensemble des connaissances et des techniques utiles à l’exercice de la fonction administrative ou le bon fonctionnement de l’administration. Il procède plus ou moins des sciences administratives camérales qui se développèrent dans les pays de langue allemande vers la fin du XVIIe siècle.   Il s’agit du courant managérial qui a reçu depuis, notamment en raison de l’évolution des sciences et des techniques, d’importants et de multiples apports continuellement renouvelés. La recherche des réformes administratives, la nécessité permanente d’adapter techniquement et pratiquement l’administration au monde moderne et la révolution technologique lui confèrent une importance capitale et toujours croissante. La science administrative s’appréhende ainsi comme une science de « l’organisation rationnelle des moyens matériels et humains en vue d’atteindre dans les conditions optimales un objectif donné » ; toutefois, il existe, par ailleurs au sein de ce courant, une analogie évidente dans la manière de traiter les problèmes selon qu’ils se posent dans les administrations publiques ou dans les entreprises  privées. Dans les administrations publiques, le courant managérial s’applique de plus en plus aux politiques publiques et tend à se généraliser dans tous les pays (C.Ménard).

2- Le courant politique et juridique

Ce courant s’attache plus particulièrement aux questions relatives d’une part à la position de l’administration dans l’Etat et à ses relations avec le gouvernement et, d’autre part, de la manière la plus large, aux relations entre l’administration et les administrés. Il découle partiellement des sciences politiques et administratives dont la conception est issue de la révolution française de 1789. Il opère en gros, la liaison entre les conceptions politiques et sociales, le milieu ou la société et l’administration, en précisant non seulement le rôle de celle-ci, mais encore ses limites, sa répartition géographique sur le territoire, ses mécanismes et ses moyens d’actions généraux. La transformation profonde des régimes et systèmes politiques ou constitutionnels, l’obligation de systématiser ou de renforcer la protection de l’administration face à l’Etat, ainsi que d’organiser comme il convient les relations internes et externes d’une administration de plus en plus puissante et étendue, justifient largement l’important que ce courant conserve depuis ses origines. Toutefois, par définition, ce courant ne s’intéresse qu’à l’administration publique, ici très nettement distinguée, par nature, des entreprises privées(C.Debbasch).

3- Le courant psycho-sociologique

Ce courant étudie surtout les comportements ou attitudes, individuels ou collectifs, non seulement au sein des grandes organisations, mais aussi face à l’administration. Ses origines sont lointaines, mais si on se limite à le considérer à partir du moment où il parvient à un stade relativement scientifiques de son évolution, il découle principalement d’apports de la public administration aux Etats-Unis. Toute proportion gardée, son apparition est très récente. En fait, en ce qui concerne l’administration publique, ce courant est introspectif ; l’une de ses orientations principales est la sociologie administrative qui connait actuellement, dans de nombreux pays, une légitime expansion. Comme le courant technique et pratique, il traite des problèmes qui présentent de grandes analogies dans toutes les grandes organisations, qu’elles soient publiques ou privées. C’est ainsi, par exemple, qu’il a donné un développement remarquable et nouveau à la théorie de la bureaucratie, à la recherche des meilleures formes d’organisations…

A ces trois grands courants, il faut ajouter, à titre complémentaire de chacun d’eux, le développement de plus en plus poussé d’études comparatives ainsi que les analyses portant sur les administrations internationales et supranationales ; mais surtout le développement d’un nouveau paradigme, celui des politiques publiques qui relance les recherches administratives(M.Crozier).

B- Les difficultés terminologiques et conceptuelles 

On ne saurait aborder la doctrine administrative sans faire l’état, sommairement, de la difficulté résultant d’une terminologie incertaine pour qualifier la discipline d’encadrement des études ayant l’administration pour objet. Pour s’en tenir à l’essentiel de la question en  langue française, il existe au moins quatre expressions à peu près équivalentes : sciences administratives, science administrative, administration publique (traduction de public administration) et science de l’administration. Cependant, à propos de l’option entre sciences administratives au pluriel et science administrative au singulier, une certaine controverse s’est élevée, elle est encore d’actualité. Sans entrer dans le détail, il est apparu de la sorte que cette option pouvait, selon certains, refléter une conception différente des choses : « en remplaçant le singulier par le pluriel, on pense faire valoir la divergence de perspectives intellectuelles entrant en ligne de compte et la dépendance des études de l’administration publique d’une série de discipline sociales qui chacune de son côté se penchent sur la gestion administrative » (G. Langrod). La question est ainsi portée sur le plan d’un antagonisme entre pluralistes et unitaristes, ces dernies préconisant le singulier pour affermir l’autonomie et le caractère spécifique d’une discipline nouvelle de synthèse. Cette controverse semble de nos jours plutôt vaine: par exemple le caractère interdisciplinaire est un trait commun aux sciences administratives et à la science administrative. Sur le plan des faits et des pratiques, l’emploi du singulier ou du pluriel n’a guère de répercussions. Il convenait toutefois d’évoquer cette controverse : elle est caractéristique d’une crise de croissance d’une discipline-carrefour cherchant encore sa voie. Ajoutons cependant que le pluriel est apparu bien avant le singulier ; cela s’explique du fait que la notion de sciences administratives ne désignait pas à l’origine une discipline sociale déterminée, mais un ensemble composite de matières susceptibles d’un enseignement spécialisé. Dans la réalité des choses, on peut dès lors se demander si, en fin de compte, l’opposition n’est pas factice puisque, dans cette perspective, la science administrative n’est en réalité … que l’une des sciences administratives.  Sur le plan conceptuel , les rôles et les fonctions de l’administration sont exactement l’objet d’étude des sciences administratives et, dans cette perspectives, le mot administration peut revêtir deux sens différents : si on s’attache à la fonction de l’administration ( définition fonctionnelle), le mot désigne l’ensemble des activités dont le but est de répondre aux besoins d’intérêt général de la population ( ordre public, bonne marche des services publics…) tels qu’ils sont définis à un moment donné par l’opinion publique et le pouvoir politique mais, si on s’attache à son organisation ( définition organique ), il désigne l’ensemble des personnes morales ( Etat, collectivités territoriales, établissements publics…) et physiques ( fonctionnaires, contractuels…) qui accomplissent lesdites activités . Dans ce sens, l’administration est une entité sociale. De ce fait, elle ne saurait être envisagée indépendante de la société dans laquelle elle se trouve. Là encore, on retrouve deux approches : une conception large qui considère que les organismes privés chargés d’une action administrative en font partie et une conception restreinte qui les exclut.

C- Caractère scientifique de la science administrative

Jusqu’alors, il a été postulé que l’administration pouvait faire l’objet d’une science et devenir de la manière la plus naturelle l’une des sciences sociales. Mais le caractère réellement scientifique de cette discipline est, lui aussi, contesté, même si on laisse dans l’ombre la question délicate de savoir, en l’occurrence, ce qu’il faut entendre par science. Par exemple, l’empirisme traditionnel des Britanniques les incline toujours à penser que l’administration est davantage un art qu’une science à l’égard de laquelle ils restent sceptiques. Tout le monde admet néanmoins, dans des proportions toutefois différentes et parfois inversées, que l’administration est pour partie un art et pour une autre partie une science. La discussion sur ce point est cependant loin d’être épuisée. Allant plus loin, certains dénient à la science de l’administration un caractère réellement scientifique, partiellement en raison d’une définition peut-être trop rigide du terme science. L’administration n’est certainement pas une science exacte ; ne peut-elle pour autant, dans une certaine mesure être une science sociale ? La plupart des spécialistes l’admettent, mais de façon assez différentes. On revient alors à la controverse sciences administratives au pluriel et science administrative au singulier et à ses implications.

Il était nécessaire, sans pour autant trancher ou entrer dans le détail, de  faire allusion à ces quelques problèmes. Toutefois, malgré l’étendue du champ définitionnel de la science administrative, l’unanimité semble de plus  en plus acquise selon Bernard Gournay qui la définit comme la branche des sciences sociales qui entend décrire et expliquer les structures et les activités des organes qui, sous l’autorité du pouvoir politique, constituent l’appareil d’Etat et des collectivités publiques.

Bien que cette définition élargisse l’éventail des aspects administratifs dont se saisit la science administrative, elle risque d’enfermer la science administrative dans les « affaires de l’Etat ». D’où la nécessité, selon certains auteurs, de voir eu de çà et au-delà de l’Etat. Plus complet, Rolland Drago définit tout simplement la science administrative comme la science qui s’applique à l’administration pour une meilleure compréhension du phénomène administratif ; et à Jacques CHEVALLIER et Danièle Lochak de préciser que « les phénomènes administratifs sont les phénomènes de gestion des organisations ».

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Considérant l’administration comme une donnée, la science administrative doit aboutir d’une part à l’étude du phénomène administratif tel qu’ils se manifestent dans toutes les organisations sociales, qu’elles soient publiques ou privées, et à l’établissement des lois sociologiques relatives à ce phénomène d’autre part. La science administrative s’y prend en utilisant toutes les techniques de collectes des données, toutes les théories valides et les méthodes pertinentes qui ont fait leurs preuves dans les sciences sociales.

Le présent cours s’inscrit dans la logique sociologique de compréhension de la dynamique administrative et singulièrement de l’administration publique. Notre soma division empruntera une logique triptyque :

  • Partie I /- l’institution administrative
  • Partie II /- l’activité administrative
  • Partie III /- l’appareil administratif

PREMIERE PARTIE

L’INSTITUTION ADMINISTRATIVE

Si au sens de Jacque CHEVALLIER et Danièle LOCHAK, l’administration publique est « l’ensemble des moyens humains et matériels chargés sous l’autorité des gouvernants d’assurer l’exécution des lois et le fonctionnement des services publics au bénéfice des citoyens », cela signifie bien que l’administration est une institution. La perspective institutionnelle permet de penser la singularité et de prendre en compte la complexité du phénomène administratif. En étant qu’institution, l’administration dispose d’une identité spécifique :

elle est caractérisée par un mode d’action, une logique de fonctionnement, qui lui sont propres. Mais l’administration est aussi une pièce de l’architecture sociale, un élément constitutif de l’ordre social : sa configuration dépend étroitement du type de société dans laquelle elle se situe.

CHAPITRE I- L’ADMINISTRATION ET SON ENVIRONNEMENT

Il est impossible de séparer l’administration du milieu politique, économique et social dans lequel elle s’insère. L’influence de l’environnement sur l’administration est multiple et variée. Par exemple, il existe un lien évident entre la fonction publique, sa conception, son organisation, son recrutement et sa structure, et le milieu social. Certaines situations sociales ont, par ailleurs, une incidence directe sur l’administration : on n’administre pas partout et toujours de la même manière. L’écologie de l’administration soulève de très nombreuses et importantes questions parmi lesquelles un choix s’impose en vue d’un aperçu significatif : dans cette perspective, divers facteurs déterminants peuvent  être retenus : le degré de développement économique et social, le régime politique et constitutionnel, l’impact de certaines traditions nationales, l’incidence des structures sociales.

I.       Degré de développement économique et social

Quelles sont les principales répercussions du degré de développement économique et social sur l’administration ? Par définition, il faut distinguer les pays industrialisés de ceux en voie de développement.

                A.        Les pays industrialisés 

L’histoire le démontre, le degré de développement que ces pays ont atteint est un élément, dans l’ensemble positif, d’un changement continu et profond de l’administration ainsi que des conditions dans lesquelles elle exerce son action. La transformation de l’Etat et de la société entraine des mutations constantes  remettant en cause les pratiques, les conceptions et les méthodes de l’administration. Les missions de celle-ci se modifient, se diversifient et s’étendent posant un problème permanent d’adaptation. De son côté, la société évolue, s’organise et se perfectionne. Il en résulte, notamment, des orientations nouvelles dans les relations entre l’administration et les administrés. Les pouvoirs publics doivent désormais davantage convaincre que craindre. Simultanément, la technicité croissante de l’action administrative exerce sur les structures, les procédures et les conditions d’exercice du pouvoir une influence considérable, mais on en mesure encore mal tous les effets.

Une première catégorie de répercussion met en lumière le changement de la conception de l’Etat et des rapports entre la politique et l’administration tels qu’ils se présentaient autrefois à un stade moins avancé de développement économique et social (A .Siegfried). Parallèlement et par la force des choses, il s’opère une certaine mutation au niveau des cadres dirigeants de l’administration. Le phénomène est lié en partie au degré de développement qui augmente l’importance du technique dans l’administration et oblige cette dernière à s’aligner sur le milieu dans lequel elle évolue (G.Burdeau). Il y’à également lieu de tenir compte des relations entre le gouvernement, l’administration (l’exécutif) et les forces sociales (J.Meynaud).

                B.      Les pays en voie de développement

Il semble que la situation économique et sociale qu’ils connaissent présentement soit un élément constituant un handicap au changement et au progrès. Au sous-développement économique et social correspond le plus souvent un sous-développement administratif, au moment même où une administration plus dynamique et tournée vers le développement est une nécessité  absolue. Comme partout ailleurs, les structure, les méthodes et le fonctionnement de l’administration sont directement influencés par l’environnement, mais d’une manière qui impose de sérieux efforts d’amélioration. Ces efforts incombent notamment à l’amélioration qui doit animer le développement dans des conditions difficiles qui tiennent en partie aux résistances du milieu. Elle risque ainsi de se couper des populations si, en même temps, on n’élève pas le niveau de l’instruction et de la formation civique. Il y’a là un ensemble de problèmes dont on découvre de mieux en mieux les particularités : d’une part, les répercussions du sous-développement sur l’administration(B.Tohngodo) ; d’autre part, les questions posées par les indispensables changements à opérer (D.Waldo).

II.     Incidence du régime politique constitutionnel

Le régime politique et constitutionnel explique les différences parfois sensibles entre les administrations des pays dont le degré de développement économique et social est voisin, sinon semblable. Si l’on cherche à se limiter à l’essentiel, quelques facteurs paraissent significatifs :

                A.      La forme de l’Etat 

La structure de l’Etat, c’est-à-dire la manière dont sont divisées et reparties les compétences étatiques, influe directement sur la physionomie de l’administration (B. Gournay). Une distinction capitale à cet égard est celle des Etats unitaires et des Etats fédéraux. Dans un régime fédéral, les tâches fondamentales de l’Etat, et par conséquent les missions de l’administration, sont reparties entre l’Etat fédéral et les Etats fédérés. Cette dichotomie a des conséquences importantes. Elle entraîne d’abord une certaine hétérogénéité de l’administration qui contraste avec l’uniformité des régimes unitaires. On constate ensuite un dédoublement de l’administration, c’est-à-dire une superposition de deux étages administratifs sans lien organique …

                B.      Le système partisan

Une deuxième question est celle des rapports entre les systèmes de partis politiques et l’administration, le nombre des partis étant l’élément principal à considérer, notamment en ce qui concerne la neutralité de l’administration (B.Gournay). Que ce soit le parti unique ou prépondérant dans le tiers-monde, le même phénomène peut être constaté : l’emprise du parti sur l’appareil administratif, à tous les niveaux de celui-ci. Ce fait s’explique aisément. L’existence d’un parti unique signifie que le programme de ce parti ou les objectifs poursuivis par l’équipe qui le dirige sont ceux de l’Etat lui-même. L’administration, qui est un moyen essentiel en vue de la réalisation de ces fins supérieures doit être organisée, dirigée, mobilisée dans le sens de la ligne politique suivie par le gouvernement.

Dans les régimes attachés au pluralisme idéologique et qui, de ce fait, reconnaissent aux groupes qui composent la collectivité la possibilité de

s’exprimer en tant que tels et de participer contradictoirement au fonctionnement des institutions de la cité, la physionomie de l’administration est fondamentalement différente. Si certains admettent un certain degré de politisation qu’ils estiment à la fois souhaitable et inévitable, d’autre par contre, aspirent à une dépolitisation totale des services publics, dépolitisation qui est jugée possible.

                C.      L’Etat de droit 

L’Etat de droit est fondamentale parce qu’il encadre et conditionne l’action administrative. Dans ce domaine vaste et complexe, deux aspects semblent spécialement à mettre en relief : le rôle du droit comme régulateur de l’action de l’administration et le rôle du juriste dans l’administration moderne dont la technicité s’affirme (A. Molitor).

On peut dire que le droit, et notamment le droit public est simultanément d’ordre instrumental et final. Il est de l’ordre des moyens, car il consiste en un ensemble de techniques sociales (régulation, norme, contrainte) qui visent à atteindre un but défini. Il est aussi de l’ordre des fins. En effet, l’existence dans un pays de ce qu’on appelle l’Etat de droit manifeste que l’effort social y a atteint un de ses buts essentiels qui est de parvenir à faire régner , autant qu’il est possible , un ordre véritable . Il ne s’agit pas de cet ordre apparent qui repose sur la force mise au service des caprices personnels des dirigeants irresponsables. Il s’agit d’une situation qui a été définie dans les traditions britannique par l’expression

« the rule of law », soit le régne de la loi. c’est à ce prix que l’instauration d’un système juridique atteint son but véritable. Quant au rôle du juriste, il découle à la fois de l’histoire et du régime administratif. S’il s’est transformé dans une certaine mesure, il n’en reste pas moins considérable aux yeux de certains par le fait même de la soumission de l’administration au droit. (P.Coudurier).

III. Incidence des traditions et des structures sociales

Les traditions jouent un rôle considérable non seulement dans la détermination de la structure et de l’organisation de l’administration, mais encore dans le fonctionnement de celle-ci. Leur influence peut, selon le cas, être positive ou négative. La question se présente, semble-t-il différemment dans les pays de vielle tradition administrative et dans les nouveaux Etats (A. De Tocqueville)

                A.      Les vieilles traditions administratives 

Lorsque l’administration a derrière elle un plus ou moins long passé, il est fréquent qu’elle soit caractérisée, dans l’un ou l’autre pays, par un ou plusieurs traits découlant de l’histoire : par exemple le fonctionnement de carrière à vie en Allemagne, le monocratisme centralisateur en France et la préférence donnée aux formules collégiales en Grande-Bretagne, etc.

                B.      Les nouveaux Etats

Là où les institutions sont les plus récentes, surtout lorsque l’administration nationale a succédé à l’administration coloniale, on est à la recherche des traditions propres, conformes au génie national. Ce sont alors souvent moins les traditions administratives qui sont déterminantes que les structures sociales, lesquelles doivent se concilier avec les modèles étrangers et les conditions du moment. Cela confère parfois à l’administration un style particulier ; cela soulève souvent des problèmes spécifiques d’adaptation. Par exemple, la majorité des sociétés  africaines s’efforcent, plus ou moins consciemment, de réaliser des synthèses entre les deux héritages socio-culturels différents. Dans l’ensemble, les recherches récentes ont permis de constater les larges possibilités d’adaptation de la coutume ; la modernisation n’entrainant pas nécessairement une rupture complète et brutale avec celle-ci : les rapports sociaux anciens sont souvent préservés et les mentalités sont souvent modelées par des rapports sociaux que les bouleversements de la période coloniale ont effacés en partie ou en totalité.

CHAPITRE II- STRUCTURE ET ORGANISATION ADMINISTRATIVES

La structure et l’organisation des institutions administratives varient dans l’espace comme dans le temps. Les solutions que pratiquent les divers pays du monde sont tributaires des facteurs en évolution : les circonstances, les idéologies, les conceptions du pouvoir et de l’administration, la nature et l’ampleur des tâches ou missions des pouvoirs publics, l’incidence du progrès technique ou de l’utilisation des méthodes nouvelles, etc. le problème doit donc être abordé d’un point de vue dynamique, et sous quatre aspects principaux.

I- La fonction administrative

En administration publique, la fonction administrative revêt deux acceptions : c’est la gestion des affaires ; mais c’est aussi, par rapport aux autres fonctions étatiques et au sein de l’exécutif, dans l’Etat et la société, la tâche incombant à l’administration au regard de la fonction gouvernementale. Deux aspects sont donc à prendre en considération (J .Rivero).

A- La spécificité de la fonction administrative

La  fonction de gérer les affaires est-elle, ou non, spécifique dans les administrations publiques ? La question reste controversée. Elle est en relation avec le problème de la confrontation ou de la comparaison entre les administrations publiques et les entreprises privées. Se basant sur l’identification de la fonction administrative à une fonction de direction ou de gestion, certains soutiennent, sinon l’identité, du moins l’analogie de cette fonction dans toutes les organisations, qu’elles soient publiques ou privées(H.Fayol). Ils en tirent des conclusions sur le plan général, avec une tendance  nette à transposer dans les administrations publiques les pratiques et les conceptions ayant fait leurs preuves dans les grandes entreprises. Adoptant un point de vue différent, excipant de la nature des activités ou de sujétions propres ou secteur public, mettant l’accent sur l’environnement, d’autres concluent à la spécificité de la fonction administrative dans l’administration, ce qui limite l’échange effectif d’expériences et de pratiques avec le secteur privé (J.Rivero). La doctrine administrative en a été influencée. Il n’est , par conséquent ,toujours pas possible  par exemple , de se mettre intégralement d’accord sur le point de savoir si la science de l’administration se limite à l’exercice d’une fonction similaire dans toutes les grandes organisations ou , au contraire , s’il faut lui assigner , au sein du seul secteur public , un champs plus vaste tout en faisant la science de l’administration publique . Cependant les positions sont nuancées et n’excluent nullement des rapprochements (M.Crozier),(A.Delion).

B- La nature et le contenu de la fonction administrative

La nature et le contenu de la fonction administrative, notamment par rapport à d’autres fonctions étatiques, posent des problèmes de délimitation. Les manières de voir ont une incidence directe sur la conception du rôle de l’administration dans l’Etat(J.Meynaud). La question n’est pas seulement technique et pratique ; elle a des prolongements en science politique. Dans cette perspective, l’abandon de l’ancienne théorie de l’administration «  instrument technique et apolitique d’exécution des décisions gouvernementales » laisse toujours un vide. Mais il reste à distinguer d’une façon plus large et plus systématique les éléments de la fonction administrative. C’est ainsi que Rivero la réduit, en pratique, a un certain nombre d’éléments relativement constants : elle suppose la prise des décisions, des opérations matérielles d’exécution des tâches, enfin l’exercice des contrôles assurant la cohésion. Certes, le contenu qu’il convient d’attribuer à la fonction administrative ne fait pas l’unanimité, mais il s’agit bien d’une fonction subordonnée, mais n’excluant pas l’exercice de larges attributions et des responsabilités, exigeant une déontologie, etc.

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                II-     La répartition des attributions et compétences

Cette répartition est surtout considérée comme s’effectuant entre divers échelons ou types d’organes , soit sur une base territoriale, soit par matière; c’est toute la question de la dynamique de la centralisation, de la décentralisation , de la concentration et de la déconcentration, de l’équilibre à maintenir entre ces procédés d’organisation , des facteurs ou éléments qui déterminent les solutions pratiquées , les modalités à employer , des avantages et des inconvénients de chaque formule(F.Meyers). La répartition proprement dite s’entendra dans la section traitant de l’organisation administrative. Dans la perspective dynamique, deux phénomènes extrêmement importants attestent particulièrement la mutation qui s’est opérée dans la répartition des attributions et compétences: l’incidence des facteurs économiques et du progrès technique sur la théorie de la décentralisation territoriales et même de la déconcentration; l’apparition de la décentralisation fonctionnelle comme un élément de l’expansion et de la transformation de l’administration publique.

A- Le trio centralisation-déconcentration-décentralisation

Il est indispensable de conserver présentes à l’esprit les conséquences de l’évolution récente des administrations publiques, ainsi que de la coexistence, en apparence contradictoire, d’un double mouvement de centralisation et de désintégration devenant de plus en plus perceptible.

1-L’impact du progrès économique et technique sur la décentralisation et la déconcentration 

Autrefois, la décentralisation administrative était presque exclusivement territoriale et la théorie avait un arrière-plan essentiellement politique ou idéologique. Certains posaient en principe que plus la décentralisation était poussée, plus la liberté était assurée(R.E.Charlier) ; d’autres, invoquant l’intérêt national, ou leurs conceptions du pouvoir, soutenaient la nécessité d’une centralisation politique et administrative(M.Debré). Les facteurs économiques et technologiques n’entraient pas alors en ligne de compte. Ils ont pris depuis une éclatante revanche et bouleversent les données traditionnelles. les considérations économiques et les impératifs d’un développement équilibré ont notamment un effet double d’un côté, ils ont mis en relief les inconvénients d’une décentralisation excessive, par exemple au profit d’un trop grand nombre de communes , multipliant des unités administratives incapables d’assurer leur nouveau rôle et favorisé , sinon suscité, des redécoupages ou des regroupements,  entre autres sur une base régionale. De l’autre côté, l’organisation moderne de l’économie, particulièrement l’usage de la planification, conduit à la révision des schémas classiques: la planification apparaît comme un élément de la décentralisation(E.Pisani). Quant aux progrès techniques, qu’il s’agisse de celui des télécommunications ou surtout de l’apparition des ordinateurs ou ensembles électroniques, il suscite des problèmes nouveaux, modifie les données habituelles et renouvelle, face au risque de technocratie, la vieille conception de la décentralisation, remède contre la bureaucratie centralisatrice.

2- L’apparition de la décentralisation fonctionnelle comme élément de l’expansion et de la transformation des administrations publiques.

Il est de plus en plus porté attention à des solutions assurant, d’une façon générale, une plus large participation des administrés, signe certain de la transformation profonde des modes d’exercices du pouvoir et de l’action administrative. depuis près d’un siècle , le développement de la décentralisation par services, puis plus récemment, l’apparition non seulement des formes nouvelles de décentralisation fonctionnelle ou de répartition des attributions  (administrations dites de mission) répondant à des besoins nouveaux, mais aussi de mouvements de transferts ou de dévolution des fonctions étatiques notamment à des groupements ou organisations professionnels ou sociaux, de formules diverses ( contrats , subventions etc.) qui modifient les modes d’action habituels.

C’est tout le problème des formes et des modalités de l’expansion administrative qui est ainsi soulevé. Autrefois, on ne concevait généralement le développement de l’administration centrale que par la création des services intégrés dans les ministères, quitte à ce que certains de ces services, suite à leur extension et leur spécialisation, constituent  ultérieurement, regroupés par secteurs, des ministères nouveaux. Comme le montre l’histoire, l’administration s’est longtemps «  reproduite », au sein de l’organisation ministérielle, par scissiparité, pour reprendre l’heureuse formule de divers auteurs. De nos jours, tout au moins dans plusieurs pays, le mouvement tend à se renverser : ce n’est plus qu’accessoirement que l’administration s’accroit par l’intermédiaire des ministères. d’autres solutions ( décentralisation fonctionnelle, administrations de mission) sont désormais plus volontiers utilisées, non seulement pour des raisons pratiques (constitution d’unité moins volumineuses, nécessités de la coordination, etc.), mais surtout parceque le régime administratif et les méthodes traditionnelles des ministères ne conviennent pas à des activités, des programmes ou des réalisations exigeant souplesse, rapidité et dynamisme, ou à des tâches sortant du domaine de l’administration d’autorité ou de gestion. Il se produit de la sorte un démembrement de l’administration traditionnelle; un double réseau d’administrations se constitue, avec toutes les difficultés, tous les risques que cela comporte …

B- Les formules de répartition des attributions et compétences

On distingue essentiellement deux formules de répartition des compétences :

la répartition géographique et la répartition fonctionnelle.

1- La répartition géographique

D’une manière générale, l’administration locale (communale ou municipale) peut être organisée selon deux systèmes: le self-government ou la décentralisation. Il convient d’en donner un aperçu (R. Drago) :

Le self-government  a une parenté incontestable avec le fédéralisme en ce sens que, comme lui, il implique l’élection intégrale des organes locaux et la reconnaissance de la personnalité morale aux collectivités locales. Mais il se distingue du fédéralisme non seulement, bien entendu, parce qu’il ne se conçoit qu’à l’intérieur d’un Etat unitaire(ou dans chaque Etat membre d’un Etat fédéral), mais surtout parce que l’autonomie reconnue aux entités locales n’est ni constitutionnelle, ni législative, mais seulement administrative. Toutefois, cette autonomie administrative est absolue, c’est-à-dire que l’intégralité des missions administratives est conférée aux collectivités locales. Cela veut dire que le gouvernement et les services placés sous ses ordres sont cantonnés dans des tâches essentiellement dites de souveraineté (défense, diplomatie, finances) et que toutes les missions administratives sont conférées aux autorités locales (enseignement, assistance, voirie, maintien de l’ordre, etc.). Cette situation implique, en outre, que le gouvernement n’exerce aucun pouvoir de contrôle sur les collectivités locales, celles-ci ne sont pas les démembrements de l’Etat, mais des entités entièrement autonomes qui, à certains égards, sont presque des égales de l’Etat. Dans les pays anglo-saxons pratiquant le self-government, la distinction entre les missions de l’Etat et les missions de l’administration locale est facile à faire puisque les secondes appartiennent dans leur totalité aux collectivités locales. Les seuls contrôles concevables, dans ce cas, sont celui de l’autorité législative et celui de l’autorité judiciaire.

Ainsi se caractérise le self-government, du moins dans sa pureté originelle. Il a subi de nombreuses atteintes et demeure comme une « mystique », les angloaméricains évoluant vers une simple décentralisation à la française.

Quant à la décentralisation, elle se définit par les caractéristiques suivantes :

  • Comme dans le self-government, les autorités locales sont élues, mais l’élection peut ne pas être intégrale, c’est-à-dire qu’il peut y avoir coexistence d’organe élus et d’organes nommés (décentralisation et déconcentration)
  • L’autonomie administrative des autorités décentralisées existe, mais elle est limitée par la loi ; c’est-à-dire que certaines missions administratives sont intégralement assurées par les autorités étatiques tandis que d’autres sont partagées entre l’Etat et les collectivités. En outre, les autorités locales sont astreintes à un contrôle de tutelle (sur les personnes et sur les actes)
  • Les collectivités locales sont dotées de la personnalité morale et de l’autonomie budgétaire ; mais la tutelle s’exerce également sur ce point.

Malgré toutes les restrictions, la décentralisation reconnait comme le selfgovernment, l’existence des libertés locales.

2- La répartition fonctionnelle

L’un des traits essentiels de la répartition fonctionnelle des attributions et compétences est de soustraire une activité déterminée des pouvoirs publics, permanente ou temporaire, aux règles contraignantes de l’administration traditionnelle ou au régime administratif qui est le sien. Elle apparait comme une formule nouvelle et plus appropriée. Le mouvement conduit à la création d’institutions para-publiques ou para-étatiques, au développement des administrations dites de mission ou encore à la dévolution des pouvoirs et des tâches à des organisations extra-administratives selon des mécanismes variés

(organes sociaux ou professionnels, institution d’auto-gestion, recours à des formules contractuelles spéciales, subventions et subsides, etc.).

Le développement des institutions para-étatiques est un phénomène universel coïncidant partout avec  la transformation des tâches  des pouvoirs publics et  le passage des missions surtout d’autorité à des missions principalement de prestation. De telles institutions peuvent être nombreuses et disparates, avoir des finalités variées. Dans de nombreux pays, elles ont pris en charge, en principe à titre permanent, une part importante de l’activité des pouvoirs publics dans le secteur administratif, social, économique, financier, industriel ou commercial, technique et culturel(J. Lespes)

                  III-  L’organisation administrative          

On sait que le ministère est le fondement de l’administration traditionnelle ou classique, l’archétype du système monocratique et hiérarchique, dit aussi « bureaucratique ». Il a été profondément  marqué par l’évolution tant dans sa conception que dans son agencement et dans ses méthodes. L’accroissement du nombre des affaires et des agents, qui donne naissance à des organisations amples et complexes (gigantisme), la nécessité de s’adapter à des besoins nouveaux et aux circonstances, aux progrès  techniques et aux transformations sociales, ont considérablement modifié sa physionomie depuis le siècle dernier. Ce qui intéresse ici, c’est tout ce qui se rapporte aux effets de l’évolution sur la structure et l’organisation des ministères; un choix s’imposant, quatre aspects retiendront l’attention.

A- L’organisation de la direction supérieure 

C’est un problème commun à toutes les organisations hiérarchisées, dès que les dimensions qu’elles acquièrent les font peu à peu échapper à l’empire d’un seul homme ou d’un petit groupe d’hommes. En principe, le système hiérarchique est destiné à faire face à ce phénomène puisque la hiérarchie est censée dédoubler et multiplier l’action de son chef suprême. Il est toutefois devenu nécessaire d’organiser la direction supérieure à mesure que les possibilités de la hiérarchie s’affaiblissaient en raison du gigantisme (G.Belorgey).

La question présente des aspects particuliers au sein de l’organisation des départements ministériels basée sur une direction supérieure dont le personnel (politique) est mouvant alors que les services administratifs prennent dès lors une importance capitale et exerce une influence sur la division du travail , la répartition des attributions et des compétences. De même, et par la force des choses, il faut tenir compte des répercussions de la conception de la fonction ministérielle sur le plan administratif. En effet, l’organisation de la direction supérieure est en partie conditionnée par la nature et l’ampleur des tâches administratives exercées par le ministre. Deux grandes conceptions se dégagent de l’étude comparée (J.W.Grove) :

  • La conception française du ministre-administrateur, qui prévaut généralement dans les pays de droit administratif, fait du ministre à la fois un membre du gouvernement et le chef de son administration, avec attributions des tâches de gestion étendues dans un système d’ailleurs marqué par une volonté centralisatrice.
  • La conception Britannique, au contraire, n’implique pas que le ministre prenne effectivement en mains la gestion courante de son département. il en résulte d’importantes conséquences sur l’organisation de la direction supérieure et la répartition des attributions.

Ces divergences proviennent d’évolutions historiques différentes qui continuent à influencer l’organisation et le fonctionnement des ministères.

B- La renaissance de la collégialité

L’adoption, au cours du siècle dernier, du système ministériel dans de nombreux pays a été justifiée par l’efficacité supérieure attribuée à ce type d’organisation par rapport aux formules collégiales jusqu’alors prédominantes. Ces formules collégiales ne disparurent toutefois pas complétement; elles furent reléguées au second plan. Or, depuis une cinquantaine d’années, on assiste à un spectaculaire retour en force du système collégial. C’est amplement attesté, dans divers pays, par la constitution progressive d’un important réseau de commissions, ou de comités permanent de consultation, de coordination, de contrôle et même d’action, certains disposants d’un pouvoir de décision. De compositions variées, réunissant  parfois des fonctionnaires et des personnes étrangères à l’administration, exerçant des fonctions très diversifiées, même de caractère juridictionnel, ces organisations ont souvent  pris une grande place dans l’organisation administrative. La renaissance de la collégialité, dont l’ampleur peut remettre en cause la prédominance effective du système hiérarchique, s’explique par des causes politiques, techniques, pratiques et sociologiques. Elle a suscité autant de louanges que de critiques. Il faut néanmoins désormais en tenir compte comme exprimant partiellement l’avènement des nouvelles méthodes d’élaboration des décisions ou même d’administration, pouvant entre autre déboucher sur une participation des représentants sociaux ou même des administrés.

C’est sans doute l’un des phénomènes les plus caractéristiques de la transformation du système bureaucratique traditionnel. Il se manifeste aussi bien dans les administrations publiques que dans les autres grandes organisations et donne naissance à un nombre important de collèges aux attributions variées, certains ayant des pouvoirs de décision, d’autres étant consultatifs (Y. Chapel).

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C- L’établissement des nouvelles relations entre l’administration et les administrés

Dans le même temps, face à l’évolution sociale, à la modification des tâches des pouvoirs publics, à l’importance de leur action sur le plan économique et social, à la transformation parallèle des modes d’exercice du pouvoir, de nouvelles relations s’imposent entre l’administration et les administrés. Il en résulte notamment des conséquences sur l’organisation des administrations qui améliorent leurs liaisons avec le public, mais présentement, le problème le plus important est de développer le dialogue entre l’administration et le milieu social. Certains pays ont déjà résolu en partie la question par des dispositions incluses dans une loi générale de procédure administrative non contentieuse, lesquelles concernent surtout les relations entre l’administration et les particuliers. Mais ces relations s’étendent de plus en plus à des groupes ou à des organisations représentatives(M.Ramond).

D’une manière générale, la participation des administrés devient une nécessité et la notion d’administration négociée tend, dans divers pays, à se substituer aux procédés classiques. Cela découle des orientations prises par l’administration consultative en matière de confrontation d’intérêts, mais aussi des causes psychosociologique profondes(R.Gregoire).

D- La transformation du rôle de la fonction publique supérieure

La mutation que connaissent les administrations se répercute sur le rôle de la fonction publique supérieure ainsi que sur la conception du fonctionnement-type. Michel Crozier pense que cette révolution administrative désormais en marche sera d’imposer aux dirigeants de la fonction publique une mutation pour eux sans précèdent. Il s’agit de faire émerger en leur sein un type d’homme nouveau pourvu d’un rôle nouveau , le manager  , à côté des types et rôles anciens du juriste, du financier ou de l’homme politique. L’art du manager est d’une nature totalement différente de celle des rôles précédents dont la rationalité pouvait être d’autant plus rigide qu’elle reste partielle. Le rôle du manager est d’intégrer rationnellement des rationalités en partie contradictoires et d’organiser le meilleur Trade-off entre une intégration par le calcul économique et l’intégration d’ordre politique qui permet de maximiser l’apport des moyens humains disponibles. L’émergence de ce nouveau rôle qui apparaît de plus ne plus comme le rôle clé nécessaire à la mutation du monde administratif, implique une transformation profonde du contenu et des méthodes de formation propres à la fonction publique. A la formation juridique et financière doit s’ajouter et, en partie, se substituer une formation économique et une formation au management (E.Poullet). Il en résulte une transformation du pouvoir hiérarchique : la tâche des dirigeants politiques, administratifs ou économiques est de moins en moins de savoir faire, elle est de plus en plus de savoir faire faire; étant donné  qu’ils ne doivent plus et ne peuvent plus décider seuls, la décision n’étant plus un pari, mais  un processus (A.G.Delion).

                IV-     La réalisation des réformes administratives 

Il s’agit principalement des problèmes de la stratégie de l’adaptation des structures et de l’organisation administratives aux réalités politiques, économiques, sociales et techniques, non seulement présentes, mais aussi futures. Vieux problème toujours renouvelé et permanent, la « réforme administrative » connait, sur le plan méthodologique, une évolution remarquable (Ch.Debbasch)  Etant donné l’ampleur de l’effort d’adaptation en cours, on ne peut valablement traiter de la structure et de l’organisation des institutions administratives sans parler de ce que l’on appelle de nos jours la « modernisation de l’administration » ou encore « la mise en condition de l’appareil administratif », plutôt que la « réforme administrative ». L’adaptation indispensable s’opère en partie d’elle-même, mais elle doit aussi être stimulée, orientée et rationalisée. La question capitale pour tous les pays est désormais de savoir si, d’une série d’expériences aux fortunes diverses ne se dégage pas, sinon une méthode, du moins une stratégie de l’adaptation et de la transformation des administrations publiques. Les idées dans ce sens se précisent peu à peu et certains auteurs ont dégagé quelques règles que peuvent appliquer ceux qui s’engagent dans l’entreprise toujours redoutable et difficile de la réforme(G.Caiden) :

  • Le réformateur ne doit pas chercher à tout faire à la fois,
  • Le réformateur doit viser moins haut que l’idéal,
  • Le réformateur ne doit pas essayer de sauter les étapes intermédiaires nécessaires
  • Le réformateur doit créer un climat favorable à la réforme et prédisposer à de nouvelles formes de pensée et de comportement,
  • Le réformateur doit limiter, dans la mesure du possible, les conséquences néfastes,
  • Le réformateur doit se servir, autant que possible, des institutions existantes,
  • Le réformateur doit prévoir chacune des étapes successives et évaluer les résultats de l’étape franchie avant d’aborder la suivante,
  • Le réformateur doit faire un galop d’essai ou limiter les réformes à un domaine restreint avant de s’engager à fond,
  • Le réformateur doit ramener les réformes à ce qui est familier et connu,
  • Le réformateur doit accorder une attention particulière  à la rétroaction et au feedback,
  • Le réformateur doit prévoir des réformes qui puissent se poursuivre sur leur lancée et laisser remplacer des réformes  par d’autres, le moment venu
  • Le réformateur doit agir selon les plans souples, sans dissimuler les motifs,
  • Le réformateur doit jouer collectif en mettant sur pied un bon appareil administratif de réforme,
  • Enfin, le réformateur doit peser les micros résultats et les macros résultats, qu’il s’agisse de pertes ou de profits, et évaluer les divers résultats finaux.

C’est quatorze préceptes sont fondés à la fois sur la logique, le jugement et l’expérience. Ce sont des directives utiles, mais qui ne peuvent s’appliquer à toutes les situations.

DEUXIEME PARTIE 

L’ACTIVITE ADMINISTRATIVE

Cette partie traite des principaux problèmes de l’élaboration et de la mise en œuvre des décisions dans les administrations publiques. En effet, l’administration est tout  entière orientée vers l’action, celle-ci se concrétisant au plus haut degré dans la décision. Une gestion de qualité des affaires publiques ou privées requiert des décisions adéquates assorties d’une exécution appropriée. Le problème fondamental est donc de parvenir, dans toute la mesure du possible, à l’élaboration des décisions convenables, débouchant sur une action cohérente et efficace. La question n’est pas nouvelle. Elle s’est toutefois considérablement transformée au cours de l’évolution et se présente, de nos jours, d’une manière très différente d’autres fois.

Au 19e siècle, face à une administration d’autorité aux missions limitées, mais menaçante pour le citoyen, on s’est attaché dans divers pays à réaliser l’Etat de droit. Une bonne administration se confondait alors surtout avec une administration légale. A mesure du changement profond des tâches administratives dans une société en mutation et du développement des sciences et des techniques, les considérations d’efficacité ont pris parallèlement une influence croissante, l’administration ayant désormais moins à commander qu’à prendre en charge tout une série de services au public. De nos jours, les impératifs de l’efficacité, joints à ceux de la coordination et de la cohérence, poussent à une intégration de la décision et de l’exécution dans un seul et même processus rationalisé. Toutefois, omniprésent et multiforme, le contrôle est inséparable de l’action administrative: selon les cas, il la précédé, l’accompagne ou le suit dans toutes ses manifestations. Il est un des éléments de la fonction administrative et une nécessité absolue tant pour l’Etat que pour les citoyens.

CHAPITRE III- DECISION ET ACTION ADMINISTRATIVES

Le processus rationalisé de la décision et de l’action administrative rencontre des obstacles et comporte des limites. Certains obstacles proviennent des contraintes internes, d’autres propres aux administrations publiques; d’autres encore sont techniques ou humains. La rationalisation trouve ses limites naturelles dans la recherche du consensus social. L’objectif ici n’étant pas d’analyser la théorie de la décision (Encyclopédie Universalis) ; nous nous limiterons à deux aspects considérés comme essentiels :

  • Faire percevoir le mécanisme, le processus de l’élaboration des décisions politico-administratives, tout en tenant compte du cadre particulier dans lequel elles sont prises.
  • Montrer que la décision politico-administrative évolue vers une plus grande rationalité sans dissimuler les difficultés ou les limites de cette évolution.

Trois points semblent devoir chacun éclaircir la compréhension : les aspects généraux du problème de la décision et de l’action administrative, les principaux éléments du processus décisionnel et la marche vers la rationalisation.

                I-       Les aspects généraux 

 Il ne sera guère ici question de la théorie de la décision, disions-nous ; on se contentera d’en indiquer d’emblée les contours, la conception et les implications :

A- Les types de décisions à prendre en considération

Si la définition académique de la décision ne soulève guère de difficultés (acte de choix qui détermine les moyens pour atteindre l’objectif fixé en fonction des éléments d’une situation de départ donnée, L.Boulet), il en va autrement de la notion de décision qui est délicate à préciser dans le contexte du fonctionnement des services publics. Les décisions sont de nature si diverses, leurs buts ou leurs fins sont si variables, les conditions dans lesquelles elles peuvent être élaborées ou prises sont si différentes, qu’il est manifestement impossible de les traiter toutes ou d’en faire une étude globale. à en juger par les efforts de classification déjà tentés, une analyse plus ou moins systématiques exigerait notamment que l’on distingue les décisions selon qu’elles sont politiques, administratives, économiques, sociales ou financières, unilatérales ou multilatérales, d’autorités ou négociées, discrétionnaires ou liées, importantes ou secondaires ,fondamentales ou répétitives, créatrices ou de routine … comme il ne s’agit pas d’étudier les décisions, de les inventorier ou de les classer, on s’en tiendra à celles qui exercent une influence marquante sur la vie sociale  ou le fonctionnement  des administrations publiques. Cela ne signifie pas que l’on puisse négliger la masse imposante des décisions généralement dites « administratives » parce qu’elles  sont subordonnées à des décisions politiques ou encadrées par les lois ou les règlements. Au contraire, ces décisions ont une répercussion considérable, permanente et quotidienne sur la vie sociale ou administrative (P. De Bruyn).

Toutefois, seules les décisions prises dans le secteur politico-administratif nous intéressent, en d’autres termes les décisions publiques. Quant à la décision administrative proprement dite, H.Buch fait les conclusions suivantes :

  • -La décision est une fonction maitresse de l’action de l’administration; Libératrice d’énergie, elle permet à la fonction publique de jouer pleinement son rôle.
  • – La décision administrative est l’expression des responsabilités des organes au pouvoir d’abord, mais aussi, et peut-être davantage, des agents de la fonction publique: elle donne à ceux-ci le droit de n’être jugés que sur leurs actes.
  • – La décision administrative est le produit d’une dialectique dans laquelle jouent le politique et le juridique. Elle traduit les modifications de l’un et de l’autre, et par conséquent les rapports qui les lient.
  • – La décision administrative est essentiellement une prévision ou pour utiliser un terme qui fait son chemin, une « prospective ». Son but est de tracer un chemin dans le dédale de la vie.
  • – La décision administrative découle des structures fondamentales du pouvoir dans la société considérée. L’action administrative ayant pour objet la réalisation de l’intérêt général, les critères de la décision administrative ne peuvent être autres que des critères politiques.
  • – La toute-puissance de l’Etat caractérise la décision administrative. Peut-être avec la transposition nécessaire pourrait-on parler du Léviathan administratif.

B- Les contextes d’élaboration des décisions politico-administratives

L’incidence du contexte d’élaboration de la décision sur le développement de l’action administrative est évidente: elle explique en grande partie la différence entre une décision dans le secteur public et dans le secteur privé. Cette différence est une donnée d’appréciation(A.Delpérée) :

La nature des décisions est l’une de ces données: l’Etat intervient dans une foule de domaines ou de questions et doit souvent tenir compte des éléments liés à ses engagement envers d’autres Etats, à la solidarité internationales ou supranationale. Les décisions deviennent de plus en plus complexes et difficiles, échappant toujours d’avantage à l’empire des hommes ou d’un petit groupe d’hommes. Elles ne sont plus uniquement de simples règles d’ordres ou de bon ordonnancement de la société; elles sont aussi parfois de véritables orientations de croissance. Les décisions prises aujourd’hui dépendent d’un vaste système décisionnel entre les éléments duquel il existe d’indispensables et d’obligatoires interactions. En outre, ce qui renforce la complexité et la difficulté des décisions, l’appareil politico-administratif est le plus souvent maintenant dans l’impossibilité de décider seul et d’une manière unilatérale. Il a besoin du monde extérieur pour réunir les informations nécessaires, doit tenir compte des réactions des administrés et de la nécessité d’associer les catégories sociales intéressées à un nombre croissant de décisions.

Une autre donnée est l’accélération exponentielle des besoins sociaux, ce qui a pour résultat de réduire les délais dans lesquels la décision doit être préparée.

Devant répondre rapidement à un besoin donné, l’appareil politico-administratif, même s’il possède un bon outil décisionnel, mais dont l’emploi demanderait plus de temps qu’on en dispose, préfère parfois finalement  prendre une décision intuitive minimale satisfaisante momentanément l’opinion publique, qu’une  décision mieux élaborée, mais intervenant trop tard. Il y’a donc tout intérêt à forger un instrument décisionnel rapide, efficace et surtout prospectif, dont l’ordinateur, par ses capacités énormes de vitesse et de traitement de l’information, constitue une pièce maîtresse. Encore faudrait-il disposer des hommes capables de la mettre en œuvre, développer au maximum les procédures de coordination, d’information, de communication et même de contrôle.

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C- La mise en œuvre administrative de la décision

Une dernière question est celle du prolongement de la décision dans la réalité, sa mise en œuvre au plan administratif; c’est un aspect capital : une décision restée  lettre morte n’a aucune valeur; si elle est mal exécutée, elle perd de sa vigueur et son utilité en proportion.

L’exécution d’une décision n’est sans doute pas inhérente à la décision. Il n’y a que trop de résolutions qui n’ont jamais été exécutées; mais ne dit-on pas précisément d’elles qu’elles sont restées «  lettre morte » ? Tant il est vrai qu’une décision non exécuté nous paraît stérile, car l’acte de décision n’a de raison d’être que s’il ouvre, par sa réalisation,  la voie à une nouvelle réalité. C’est pourquoi un examen de l’exécution de la décision administrative fait nécessairement partie de l’étude de celle-ci

  • Les agents d’exécutions : tout acte de l’organe du pouvoir exécutif qu’est la fonction publique est par définition  une exécution. L’écrasante majorité  des activités de presque tous les agents de l’administration n’apparaît que sous la forme d’activités matérielles pour lesquelles l’apport intellectuel, même réduit à la simple interprétation de la règle, est des plus réduits. Il n’en reste pas moins que tout acte d’un fonctionnaire est toujours en dernier ressort une exécution  d’une décision administrative. Mais une fois investie de l’action exécutive, l’administration se trouve placée devant un double problème.
  • Les problèmes d’exécutions : ils sont au nombre de deux; la mobilisation des moyens humains et matériels dont l’administration aura besoin d’une part, et d’autre part l’organisation de l’action, ce qui comprend: l’organisation proprement dite, c’est-à-dire tant la disposition que l’agencement des moyens; la méthode c’est-à-dire la démarche et le rythme de l’action; la coordination des actions entreprises, le contrôle des opérations à effectuer. Tout ceci pose des problèmes dont les moindres ne sont pas leurs rapports et leur direction d’ensemble. Savoir les résoudre, ça fait l’administrateur. (H.Buch).

                II-     Les principaux éléments du processus décisionnel

 Ce processus s’étend de l’origine de la décision à son exécution; c’est toute la problématique des politiques publiques; mais deux aspects seulement seront traités: d’une part l’élaboration ou la préparation des décisions; d’autre part les principales méthodes ou technique qui assurent la liaison entre la décision et l’action.

Une telle limitation  se justifie du fait que le cours de politique publique complète utilement celui de science administrative (cf. émergence et séquençage des politiques publiques).

A- Le processus et la structure de la décision

Un premier élément à considérer, parce qu’il permet utilement d’introduire d’analyses, est le fait que le processus décisionnel, véritable schéma opératoire, s’insère dans un cadre plus général, une sorte de philosophie de la décision, action appelée la structure de la décision, dont il convient dès lors de la distinguer. Il emporte de montrer la différence entre la notion de processus de décision et de structure de la décision.

  • La structure de la décision : elle peut être schématisée par un ensemble ternaire où l’on distingue le calculable, l’incertain et l’axiologique : par calculable, on entend non seulement ce qui relève du calcul au sens mathématique du mot, mais tout ce qui est logico-déductif, tout ce qui est inféré d’une manière univoque, à partir d’informations qui sont tenues pour des données (data). Le résultat est obtenu au moyen d’un raisonnement

(ratio=compte). Quant au domaine de l’incertain, c’est encore une sorte de « no man’s land »,  les experts essaient de conquérir, ce qui leur vaut l’accusation, souvent injuste d’ailleurs, de comportement technocratique. Comme les méthodes de réduction de l’incertain sont encore précaires et qu’il est peu probable qu’elles ne l’éliminent jamais entièrement, il est normal que la politique se refuse à battre définitivement en retraite sur cette zone contestée. Il reste que les experts s’essaient à réduire l’incertain sans pouvoir le transformer entièrement en calculable, en utilisant les méthodes probalistes ou en définissant des stratégies. En revanche, le choix axiologique est d’essence du politique. La doctrine technocratique, au sens précis du mot, consiste à affirmer que l’axiologique est calculable, ce qui est faux. En ce sens, il y’a peu de technocrates, car l’expert, en principe « sait » : il n’ignore pas l’existence de l’axiologique, que les techniques modernes d’élaboration des décisions, telles la planification ou la recherche opérationnelle mettent en lumière (L.Mehl).

  • Le processus de la décision : il convient de décrire les démarches successives qu’implique le processus décisionnel en général avant de faire quelques observations à propos des différentes phases dont se composent la plupart des processus : les démarches dont il sera question ici ne contribuent pas, en elles-mêmes, à « élaborer » les décisions. En vérité, chaque décision

est une option non dénuée de risques. Mais tant que l’administrateur ne se servira pas de ces éléments pour faire avancer le processus décisionnel, il lui sera impossible d’aboutir à une décision optimale et encore moins à une décision efficace(P.F.Drucker) :

  • La classification du problème: s’agit-il d’un problème d’ordre général? est-il exceptionnel et unique ? ou est-ce la première manifestation d’un problème nouveau ?
  • La définition du problème. de quoi agit-il ?
  • Les prescriptions auxquelles il ya lieu de satisfaire pour résoudre le problème. Quelles sont les conditions « limites » ?
  • La décision en vertu de ce qui est « conforme »plutôt qu’acceptable, afin de satisfaire les conditions limites: adaptations et concessions nécessaires pour rendre la décision acceptable.
  • La détermination, lors de l’élaboration de la décision, des mesures concrètes d’exécution. Quelles seront ces mesures ? qui en sera responsable ?
  • Les informations en retour pour juger de la validité et de l’efficacité de la décision à la lumière de la situation réelle. De quelle manière la décision est-elle exécutée ? les hypothèses sur lesquelles elle se fonde sont-elles valables ou dépassée.

Quant aux différentes phases du processus décisionnel, on en distingue trois :

 Première phase: l’initiative des projets; quels sont les initiateurs, réels ou apparents des décisions gouvernementales et administratives (cf. Emergence des politiques publiques)

 Deuxième phase : les préliminaires(le premier jet et l’élaboration de la tactique) : lorsque le gouvernement, face à une revendication, a décidé de faire mettre à l’étude un projet, soit par les bureaux, soit par une commission ad hoc, la phase proprement administrative commence.

 Troisième phase: l’affrontement des acteurs. le cheminement d’un projet, les études dont il fait l’objet, les discussions qui s’instituent  à son propos sur la place publique ou dans les cercles restreints, les démarches ou contre-offensives qu’il suscite peuvent provenir de toutes parts :

  • La multiplicité des unités administratives qui participent au processus
  • L’intervention des forces politiques et sociales
  • L’importance des considérations diplomatiques (B.Gournay)

En dehors de ces trois phases, une vue approfondie des opérations de préparation des décisions qui intéressent au premier chef l’administration est nécessaire, notamment parce qu’elle insiste sur divers éléments complémentaires, à savoir :

  • La collecte des informations
  • Le traitement de l’information
  • Les problèmes d’organisation

Collectées, triées, stockées, traitées, combinées en programmes spécifiques tenant compte des objectifs de travail, les informations sont finalement passibles d’une formulation en un certain nombre d’hypothèses de décision à la fois plausibles et probables, comparables entre elles grâce à un degré d’aléas relativement homogènes. C’est sur ce travail préparatoire, long et complexe que le « décideur » exercera sa fonction qui est de choisir (L.Boulet).

B- La liaison entre la décision et l’action

Disons rapidement que les décisions ne valant que dans la mesure où elles sont exécutées, on ne peut limiter l’analyse au processus décision-action proprement dit. Il faut aussi faire percevoir toute l’importance des procédures ou des méthodes appropriées facilitant la liaison entre la décision et l’exécution ou assurant à celleci un développent satisfaisant: c’est la problématique de la communication, de la coordination et du contrôle de gestion. La nécessité d’un système adéquat, formel ou informel, de communication interne et externe se mesure à l’importance de l’information et de la diffusion (H.A.Simon, D.W.Smithburg et V.A Thompson). Le caractère impératif d’une coordination tant au niveau de la conception que de la réalisation n’est plus à souligner. Sur le plan général, la coordination est l’indispensable contrepartie de l’extrême développement de la division du travail, de la spécialisation croissante (H.Luyk). Cette coordination complète utilement le contrôle de gestion que nous verrons plus loin.

III-  La marche vers la rationalisation

 Abstraction faite de tout jugement de valeur, la marche vers la rationalisation de la décision et de l’action administrative est un fait et une nécessité. En elle-même, la rationalisation n’est pas une nouveauté, mais l’expression du progrès; elle prend cependant des dimensions nouvelles grâce au développement des sciences et des techniques, à l’exploitation des moyens nouveaux. Il est normal qu’elle suscite d’avantage d’appréhensions ou d’oppositions. Néanmoins, moyennant d’indispensables précautions et sauvegardes, il est devenu impensable d’en arrêter le cours: elle répond à un besoin impérieux, d’où la nécessité de voir le mouvement de rationalisation et ses limites avant d’appréhender les méthodes et techniques décisionnelles.

A- Le mouvement de la rationalisation et ses limites 

Que les chercheurs ne se soient pas contentés d’une approche abstraite et historique, mais aient procédé à la réhabilitation intellectuelle des pratiques administratives, ce fait est dû à des raisons multiples au rang desquelles, la recherche de la rentabilité économique et de l’efficacité sociale. Dans cet ordre d’idées, l’influence de deux courants parallèles(G.Langrod):

  • La théorie de l’organisation remonte au taylorisme et au fayolisme qui a permis le développement des structures et des fonctions. on entend par là l’ensemble des méthodes scientifiques de gestion de l’entreprise, nouveau champs d’expérience où un lien s’établit entre le business administration et l’administration publiques. Ainsi se trouve constitué le cadre conceptuel objectif des opérations administratives (administrative engineering), par une approche à la fois anatomique (ordonnancement des rapports ‘‘internes’’ et ‘‘externes’’ grâce auxquels les cellules structurelles existantes forment une entité institutionnalisée ) et physiologique ; c’est le début de l’automatisation et de la robotisation (conditions de la marche continue et régulière de l’appareil).
  • La théorie de la décision développée grâce à l’effort conjoint des logiciens, des mathématiciens, des psychologues, des statisticiens et des militaires a eu une influence notable. La decision making process, qui caractérise le fonctionnement des administrations publiques, se trouve ainsi fondé sur l’appréciation de la situation, ainsi que sur l’analyse des démarches intellectuelles fournissant à l’administrateur les éléments du choix à effectuer.

C’est ainsi qu’on en arrive à définir la « stratégie » de l’action administrative à ses divers stades, en tenant dûment compte des modifications des données de base (unités de temps et d’espace) provoquées par le progrès technique. Après une période de tâtonnement empiriques, où l’approche du problème demeurait  foncièrement pragmatique et où les recherches  s’orientaient vers des analogies d’ordre mécanique plutôt que d’ordre biologique, on a parfaitement compris que ce qui l’emportait, en l’occurrence, c’était le problème humain. Pour être efficace, la rationalisation administrative devait être abordée en termes psychosociologiques. Cette réorientation significative des efforts de rationalisation a été particulièrement visible aux Etats-Unis, où le mouvement du scientific management avait été longtemps caractérisé par un véritable fétichisme de la technique. Dès lors, il ne suffit plus d’adapter l’homme à sa tâche en vue d’accroître le rendement de l’administration, il faut encore adapter la tâche à l’homme, en définissant un programme élargi de « relations humaines ».

Il est par contre évident que les efforts de rationalisation se heurtent à des difficultés diverses dont on ne saurait donner qu’un bref aperçu (Encyclopedie Universalis). La rationalité absolue de la décision administrative a fait l’objet d’une remise en cause systématique, notamment par Herbet Simon qui met en exergue cinq points :

  • L’information est peu disponible et sa détention est coûteuse,
  • La rareté des critères objectifs de choix de type scientifique ou technique,
  • L’impossibilité d’identifier toutes les alternatives possibles et efficaces (présentation très lacunaires des solutions possibles),
  • Le moment du choix est potentiellement perturbateur parce que les décisions les plus importantes sont bouleversantes en ceci qu’elles sont appelées à changer l’ordre des choses.
  • L’environnement, selon le courant écologique, influe sur la décision

Comme on peut le constater, il existe un fossé qui sépare la théorie de la décision conçue sur un modèle rationnel et la réalité sociologique(I.Sharkansky). En plus, la nature des décisions politico-administratives entraine en elle-même diverses contraintes ou attitudes qui rendent impossibles l’utilisation d’un modèle rationnel absolu, d’où cette conclusion de Lucien SFEZ qui pense qu’il faut passer «de la rationalité linéaire et monolithique, toute hantée par la volonté libre du sujet décideur, responsable de ses choix, aux rationalités multiples, pensable de ses choix, aux rationalités multiples, qui de l’extérieur, viennent limiter, et contraindre la décision et lui impriment un mouvement discontinu, heurté, dans l’enchevêtrement des causes et effets, en continuels feedback ».

B- Les méthodes et techniques décisionnelles 

Il existe un certain nombre de méthodes et de techniques qui aident ou encadrent la décision et l’action. Ce sont des instruments dont le rôle et l’importance s’accroissent continuellement au sein de l’administration moderne.

Il est évidemment hors de question de passer en revue toutes celles qu’apporte le développement scientifique. Il est néanmoins indispensable d’évoquer les plus caractéristiques, soit qu’elles soient déjà utilisées ici et là avec  plus ou moins de bonheur, soit qu’il semble souhaitable que leur utilisation se répande dans toutes les administrations désireuses de se moderniser : il s’agira de la direction par les objectifs, de l’analyse des systèmes, de la recherche opérationnelle, de la planification, du système plan-programme-budget ou rationalisation des choix budgétaires et de l’informatique. On présentera succinctement d’abord les moyens permettant au décideur de fixer les grandes options à partir de la perception la plus large possible d’un problème (direction par les objectifs et analyse de systèmes ), puis d’affiner la réflexion et d’enrichir les informations utiles (recherche opérationnelle), enfin de « modéliser» le processus décisionnel et d’en faire exécuter les choix ( planification, P.P.B.S ou R.C.B). L’informatique est traitée en dernier lieu et à part puisqu’elle n’est, en effet, ni une méthode, ni une technique.

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1- Direction par les objectifs et analyses des systèmes 

Ces deux instruments permettent au décideur de fixer les grandes options à partir de la perception la plus large possible d’un problème:

– Lorsqu’on pose le problème de la «direction par objectifs » dans le secteur public, il s’agit avant tout des objectifs du gouvernement et des départements ministériels qui le composent(H.Vivier). Quand on parle de direction par les objectifs, l’on entend par « objectifs » des actions ou prestations déterminées, qu’il s’agisse de faire rentrer X milliard d’impôts directs, de mettre à la disposition des administrations autant d’ingénieurs, d’économistes ou douaniers, ou d’assurer aux jeunes une formation professionnelle. Le vocable américain output convient fort bien pour cette notion d’objectif concret, l’output exprimant le caractère concret de l’objectif. son pendant est le input, c’est-à-dire les moyens en hommes, en matériel, en subventions dont la mise en œuvre est nécessaire pour la réalisation de l’output. Ceci étant dit, l’on peut pour la commodité de l’étude distinguer dans la direction par les objectifs quatre opérations principales (E.Poullet) :

 La prévision des besoins à rencontrer et l’analyse des méthodes les plus appropriées pour y parvenir. Les anglo-saxons appellent cette première opération planning; car gouverner c’est prévoir…,

 Le choix entre les objectifs et les méthodes de réalisation de ceux-ci dans une perspective de plusieurs années: établissement d’un programme multiannuel et adéquation entre input et output.

 Le budget annuel: un plan d’action à court terme. Le budgetplan d’action reste la pièce maîtresse de la direction par les objectifs; car c’est afin de lui donner consistance, rigueur et signification que les deux premières opérations sont faites et c’est à partir de lui que se fait le contrôle.

 Le contrôle régulateur de l’action. Il s’agit en effet, de vérifier dans quelle mesure l’objectif output fixé a été réalisé et dans quelle mesure il a été réalisé moyennant les coûts inputs prévus.

– Quant à l’analyse de systèmes, on peut, sans entrer dans les détails, donner ce nom à toute étude analytique et méthodique, destinée à aider un décideur à déterminer un mode d’action préférentiel parmi plusieurs alternatives possibles. C’est une démarche (une manière d’envisager) visant à aborder tous les problèmes de choix placés sous contrainte d’incertitude, elle devrait pouvoir contribuer à leur apporter des solutions. Toute analyse de systèmes implique, dans un premier temps, une comparaison entre les différentes actions possibles prises du point de vue de leur coût et de leur efficacité par apport à un objectif précis. Toutefois, cette analyse a des limites parce qu’elle est forcément incomplète, les mesures d’efficacité sont inévitablement approximatives, et les moyens manquent pour prévoir toujours justement l’avenir (E.S.Quade).

2- La recherche opérationnelle 

Selon l’association Française des conseils en organisation scientifique, recherche opérationnelle et organisation , « la recherche opérationnelle  est une méthode d’observation des faits et d’analyse mathématique de leurs rapports, permettant de déterminer l’utilisation la plus économique d’un certain nombre de moyens pour atteindre un objectif dans le cadre d’un contexte économique donné comportant des facteur dont il faut accepter les conséquences ». Cette définition est complète, pourtant, en dépit du dernier membre de la phrase visant l’objectif à atteindre, la définition reste au niveau de la méthodologie : c’est une méthode d’observation, une analyse mathématique, une recherche de rentabilité (L.Boulet et autres). La recherche opérationnelle peut aider de décider à :

  • Sélectionner les alternatives les meilleures relatives à un problème spécifique et débouchant sur les décisions ou les politiques publiques les plus adéquates;
  • Développer les méthodologies d’élaboration des divers types de décision optimales;
  • Instruire ses collaborateurs dans l’examen systématique de toutes les alternatives en vue d’améliorer les méthodes de l’élaboration de la meilleure décision (M.E.Ronayne).

3- Planification, P.P.B.S ou R.C.B

Ces deux instruments aideront le décideur à modéliser le processus décisionnel et d’en faire exécuter les choix.

 La planification

Les plans proprement dits marquent une volonté collective d’orienter l’économie en fonction des progrès prévu. Le plan est l’acte d’une collectivité qui soumet les décisions des personnes physiques et morales à des objectifs cohérents et à terme(P.Bauchet). Si tous les plans ont des caractères communs, ils n’en restent pas moins très divers. Si leur objet est de modifier les structures, ils sont étroitement conditionnés par elles. Les diversités techniques, sociales, juridiques et politiques se masquent profondément. Pour simplifier, on se bornera à différencier deux catégories : les plans impératifs et les plans souples.

  • Les plans centralisés ou impératifs encadrent les décisions des agents économiques dans une perspective qui les lie directement. Ils réglementent de nombreux aspects de la vie économique : prix, quantités, localisation, emploi et ce dans de nombreux secteurs. Certes, on insiste de nos jours sur le principe de « l’indépendance de gestion » des entreprises et suivant les pays socialistes le degré de centralisation varie, mais à la limite, la nation se comporte comme une seule entreprise qui dirige ses divers établissements. Ils se caractérisent par ailleurs par un certain mode d’élaboration des perspectives. Les plans ont tendances à déterminer la demande finale consommation et investissement à partir des objectifs prioritaires de production plus qu’à observer les comportements spontanés des agents. le mode d’exécution des objectifs est également original. L’exécution du plan est une obligation légale ; elle est contrôlée par le bureau de la planification central, les organisations financières et surtout l’autorité politique. L’ensemble du système s’appuie sur une foi déterministe dans la réalisation d’un avenir bien défini par des lois. Toutefois, l’expérience a conduit à limiter les ordres pour en éviter la dégradation, à généraliser le recours aux mécanismes du marché et aux stimulants : on fait appel à la concurrence, à la rentabilité.
  • Les plans décentralisés ou souples sont encore appelés «plans indicatifs ». La querelle de vocabulaire montre bien la difficulté de les caractériser. l’expression «plan indicatif» est remise en cause au nom des objectifs pratiques, essentiels à toute planification. Nous nous en tiendrons pour notre part à l’expression de «plan souple ». il ne couvre à l’intérieur d’une perspective générale de croissance qu’un nombre limité d’objectifs qui sont fixés plus souvent par secteur que par firme, laissant aux entrepreneurs une grande liberté d’action. Ces objectifs sont impératifs pour les industries de base le plus souvent nationalisées; ailleurs ils ne sont qu’indicatifs. L’avenir n’est pas, comme dans un plan impératif, prédéterminée avec rigueur, mais simplement prévu dans ses grandes lignes. L’action journalière et les mécanismes automatiques permettent l’adaptation nécessaire à l’imprévisible et l’expression des préférences dont le planificateur se refuse à être le juge. Il s’agit bien des vrais plans dans la mesure où il ya une perspective cohérente et à terme et des moyens de coercition.

Malgré les différences, l’essence des divers plans est la même puisqu’ils   expriment une volonté collective d’orienter  l’économie en fonction du progrès prévu. Ces plans marquent dans le domaine économique le passage, rendu nécessaire par le progrès des techniques et les changements de comportement, d’une ère darwinienne où le progrès est commandé par la survie résultant d’une sélection naturelle à une ère lamarckienne de «survie par invention calculée ». Ce progrès se nourrit moins de la lutte que de l’effort en commun tourné vers l’avenir.   Le P.P.B.S ou R.C.B

Planning, Programming And Budgetting System, chez les américains et Rationalisation des Choix Budgétaires chez les français, cet instrument est avant tout un cadre de travail systématique transcrivant logiquement en terme budgétaire les exigences économiques et sociales du développement. Il se présente comme une technique qui comprend les activités de planification, de programmation de d’élaboration du budget et les intègre en un tout cohérent. C’est un processus ayant quatre séquences successives(P.Defraigne):

  • Le planning se situe sur l’horizon temporel le plus éloigné, il vise à identifier les besoins futurs et à esquisser les types de solution les plus aptes à les rencontrer. Il s’efforce d’établir le coût et l’utilité de chaque solution afin de sélectionner la plus efficace. Cette recherche implique une grande rigueur intellectuelle dans la définition des besoins ; il ne s’agit pas de se livrer à des élucubrations fantaisistes sur l’émergence en 2035, mais au contraire de dégager patiemment et raisonnablement les trajectoires probables des besoins de la communauté dans un avenir lointain.

L’élaboration des solutions fait davantage appel à la créativité intellectuelle, mais l’appréciation de leur efficacité implique le recours à des techniques complexes du type « analyse de systèmes » et recherche opérationnelle.

Le but du planning est de fournir une base d’appréciation aux décisions prises aujourd’hui non pas tant en vue d’entreprendre immédiatement des actions à long terme que de prévenir des hypothèques sur l’avenir et de s’assurer qu’on ne s’engage pas dans une voie sans issue.

  • De la même manière que le programme multiannuel constitue la pièce maîtresse du P.P.B., le programming en est la phase la plus importante. il consiste dans le réagencement du programme multiannuel; celui-ci étant un programme « à cinq ans » et non un programme quinquennal. Il s’agit, à partir des résultats obtenus par les actions en cours et des objectifs définis par le planning, de décider des actions nouvelles à entreprendre et des actions en cours à abandonner. A ce titre, le programming est véritablement la phase des choix politiques. Toutefois, à l’inverse de ce qui se produit souvent, une action nouvelle est nécessairement aperçue dans son incidence budgétaire et politique immédiate aussi bien que dans son comportement futur. Il s’agit d’éviter que soient entreprises des politiques dont le coût véritable n’apparaisse que plus tard et ne se révèle alors incompatibles avec le rythme normal de progression des dépenses, ou encore dont les objectifs ne concordent pas avec les besoins décelés par le planning.

Mais il s’agit tout autant de remettre en question les actions déjà entreprises soit que les objectifs qu’elles poursuivent se révèlent moins intéressants, soit que leur aptitude à atteindre ces objectifs soit jugée à l’expérience peu satisfaisante.

  • La phase de budgetting n’est plus que la mise en œuvre des décisions arrêtées dans le cadre du programming. Plus précisément, il s’agit de transcrire les objectifs en termes opérationnels, d’assigner les éléments de programme aux différents services et d’arrêter avec la précision que requiert le prescrit constitutionnel, le montant des ressources budgétaires

de nature économique diverse qui seront allouées aux différents programmes.

  • Enfin, la quatrième phase désigne le contrôle compris dans son acception anglo-saxonne de « contrôle régulateur de l’action ». Au fur et à mesure de l’état d’avancement des programmes par rapports aux objectifs, les informations sur les résultats permettent de corriger immédiatement les erreurs de gestion et les gaspillages éventuels, et son utilisées pour la révision du programme multiannuel.

Sorte de nouvelle religion aux yeux de certains de ses adeptes, le P.P.B.S, lors de son implantation dans l’appareil politico-administratif, n’est pas, bien étendu sans provoquer des réactions et même des résistances (résistance au changement, les défauts du système et la résistance causée par un enthousiasme excessif) (A.L.Dean)

C- L’informatique 

L’introduction de l’ordinateur dans les services publics a commencé il y a une cinquantaine d’années. De nos jours, dans la plupart des pays développés, les parcs nationaux d’ordinateurs sont impressionnants. Les pays en voie de développement ont suivi tardivement le mouvement. Il n’est donc pas excessif de dire que l’ordinateur et l’informatique qui est à la fois  la science et la technique du traitement logique et automatique de l’information ont un impact sans précédent sur la conduite des affaires publiques et l’administration. Toutefois, l’introduction de l’informatique ne s’est pas réalisée sans difficultés et elle continue de susciter d’importants problèmes. Néanmoins, l’ordinateur est entré dans les mœurs administratives. Il est utilisé de plus en plus dans tous les domaines et à toutes les tâches, de routine ou autres. Grâce à lui, les services publics sont en mesure d’assurer mieux et plus rapidement certains services, d’améliorer leur gestion, d’entreprendre des missions nouvelles et surtout d’exploiter plus systématiquement et rapidement un grand nombre d’informations communes à l’ensemble des activités nationales ou à certains secteurs administratifs.

A bien des égards, l’influence de l’informatique peut être considérée comme positive parce qu’elle apporte un élément révolutionnaire dans la modernisation des administrations publiques, de nature à faire céder définitivement les barrières bureaucratiques et à assouplir la traditionnelle rigidité administrative. Cependant, si l’ère de l’informatique est déjà une réalité et si son développement ne fait que s’accélérer, l’intégration de l’informatique n’est généralement pas encore réalisée de manière définitive et de nombreux problèmes nés de l’ordinateur restent à résoudre à l’instar de la dilution du pouvoir et des procédures administratives par la puissance et le pouvoir des ordinateurs et le problèmes des libertés individuelles de plus en plus atteintes dans les nouvelles technologies de l’information et de la communication induites par le développement des ordinateurs nouvelles générations et la découverte de l’internet ainsi que la création des réseaux sociaux.

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Disons simplement que ce phénomène représente pour la société, à cause des informations produites par les systèmes informatiques, une remise en cause probable des rapports humains dans les organisations. Ce ne sont pas seulement des éléments utilisables pour une meilleure gestion, ce sont aussi, pour ceux qui voudraient en faire un usage personnel ou abusif, des armes redoutables (confère le développement de la cybercriminalité et des cyber-attaques).  

CHAPITRE IV- LE CONTROLE ADMINISTRATIF

Omniprésent et multiforme, le contrôle est inséparable de l’action administrative: selon les cas, il la précède, l’accompagne ou la suit dans toutes ses manifestations. Il est un des éléments de la fonction administrative et une nécessité absolue tant pour l’Etat que pour les citoyens.

Etant donné l’importance du contrôle, un triple problème se pose depuis toujours: celui de son efficacité, c’est-à-dire de ses techniques les plus appropriées, celui de son intensité, c’est-à-dire de l’équilibre à sauvegarder entre ses nécessités et les impératifs de la souplesse d’action, celui de ses formes. S’il est ancien, ce triple problème prend les dimensions nouvelles à mesure de l’évolution, de l’avènement d’une administration de plus en plus étendue, diversifiée, complexe ; technique et dynamique. On ne contrôle pas de la même manière de petits, de moyens et grands ensembles. D’autre part, les techniques et les modalités utilisées doivent s’adapter aussi bien au type d’activité qu’à la manière dont cette activité est exercée. Enfin, le degré de mécanisation ou d’automatisation de l’administration modifie les conditions du contrôle et certaines de ses formes. Aux diverses mutations des administrations doivent donc correspondre, dans une certaine mesure, des mutations de contrôle et de leurs modalités.

De nos jours, la question fondamentale est de savoir si les contrôles fonctionnent d’une façon satisfaisante, sont efficaces et rentables, appropriés au rythme, à l’allure et aux besoins de l’administration moderne. Ce questionnement reçoit généralement une réponse négative, certains soulignant qu’ils sont inutilement multipliés, beaucoup s’accordent pour dire que l’on assiste à une crise des contrôles classiques et qu’il convient de repenser le problème en fonction des données actuelles et d’une nouvelle philosophie. Toutefois, la situation est variable selon qu’on considère les contrôles dans les pays de vielle tradition administrative ou dans les pays en voie de développement, et plus particulièrement dans les nouveaux Etats.

S’il y a partout un problème des contrôles , il ne se présente évidemment pas de la même manière , et dans des conditions identiques , dans les pays de droit administratif et de Common law , dans les pays d’Europe occidentale et orientale , dans les pays industrialisés et en voie de développement , dans les pays à régime parlementaire ou présidentiel, etc. La diversité des régimes, des systèmes, des traditions, des pratiques, des conceptions et des situations rend extrêmement aléatoire, sinon impossible, une synthèse sur le plan comparatif si l’on entendait faire un inventaire, même sommaire, des formes et des modalités des contrôle administratif.

Il faut donc aller au-delà des classifications habituelles et essayer de faire le point des principaux problèmes par rapports aux préoccupations fondamentales qu’expriment les contrôles sur l’administration. D’une manière générale, et sans considération des modalités de détail, les contrôles répondent à l’une des trois préoccupations suivantes :

I- Assurer la régularité juridique et le bon fonctionnement des services

Nous insisterons sur la notion de contrôle (ses buts et ses principales orientations) d’abord, l’évolution du contrôle ensuite avant de voir le contrôle hiérarchique enfin.

A- La notion de contrôle administratif : buts et orientations

Dans la plupart des études qui traitent du contrôle de l’administration, le mot est utilisé le plus souvent sans avoir été, au préalable, défini ou précisé. Pour certains auteurs, il semble que le sens à donner à l’expérience aille de soi; il s’agit, en général, des juristes qui voient dans le contrôle son aspect d’intervention sur des actes. Les autres, spécialistes d’actions ou de science administrative, tentent, à partir des pratiques, de dégager une notion abstraite de l’activité des contrôleurs et des services de contrôle. Si l’objet n’est pas le contrôle de l’administration, plutôt le contrôle sur l’administration, l’étymologie dit que le contrôle serait le contre-rôle, la liste  nominative qui permettait de vérifier une première série de noms portée sur un état et de procéder éventuellement à un contre-appel. Cette idée de vérification est essentielle  à la notion que nous essayons de dégager. (D.Levy).

Pour qu’il y ait contrôle de quelque chose, il faut que ce quelque chose puisse être rapporté à un élément donné et apprécié par rapport à cet élément. Ce contrôle est donc toujours nécessairement confrontation et recherche de conformité. Il comporte obligatoirement deux termes et un rapport entre les deux. Ce rapport qu’on a appelé conformité n’est pas forcément constatation d’une identité dans certains cas, le contrôle se traduira sans doute par la recherche de l’adéquation totale entre la base de référence et le point examiné; dans d’autres, il y’aura une marge d’appréciation en terme de degrés. Ce contrôleur sera amené à envisager si l’élément sur lequel il opère est sur l’échelle de conformité dans les limites qui lui assignent les normes qui ont été fixées. Mais, qu’il y ait conformité stricte ou conformité dans les limites qui lui assignent les normes qui ont été fixées. Mais, qu’il y ait conformité stricte ou conformité avec des tolérances, le contrôle garde la même nature : il est rapprochement d’une activité de l’administration, telle qu’elle est, a été ou sera avec ce qu’elle doit, devait ou devrait être.

L’administration se fixe certaines fins à atteindre, selon des procédés déterminés et avec des moyens qui sont à sa disposition. Le contrôle ayant pour but de vérifier que les missions s’effectue correctement, le système de référence devra comprendre des échelles se rapportant à ces divers éléments.

  • Les objectifs prévus ont-ils été atteints, ou, globalement, quelle proportion des objectifs a été atteinte? on aura alors une échelle d’efficacité et le contrôle correspondant.
  • Les procédés utilisés peuvent être analysés au regard d’un certain nombre d’exigences qui constituerons autant d’échelles de contrôle. L’administration doit, en général, se conformer à certaines règles, observer certaines dispositions, impératives ou prohibitives, qui lui sont imposées. La mesure du respect de ces normes sera faite dans le cadre du contrôle de régularité. A cette première échelle, qui existe depuis toujours, est venu s’ajouter, depuis quelques décennies, un nouveau critère. Il s’agit d’apprécier les procédés utilisés par l’administration d’un point de vue économique et essayer de déterminer pour un même résultat les coûts des voies utilisées pour atteindre l’objectif assigné: c’est la gamme des contrôles de rentabilité. Enfin, se plaçant cette fois-ci au point de vue de l’adéquation des procédés aux fins recherchées, en dehors de toute autre notion, on peut dégager un critère d’opportunité. Celui-ci nécessité des termes de référence qui sont, en principe, l’intérêt de la mission entreprise, l’intérêt du service et, en dernière analyse, l’intérêt général.
  • Aux moyens dont dispose l’administration pour remplir ses tâches correspondent un certain nombre d’échelles d’appréciations. Les moyens matériels devront satisfaire à certaines exigences de qualité, les moyens humains aussi et, enfin, les services et les organes. Ces critères de qualités, de constitution ou de fonctionnement sont la base des contrôles de matérialité, des contrôles médicaux et examens pour le personnel et d’une manière générale de ce qu’on appelle les contrôles techniques.

Tout élément de l’activité administrative peut faire l’objet d’une appréciation de contrôle. On aura d’abord un contrôle portant sur les choses, d’une manière générale sur les biens. Ces éléments simples ou complexes seront confrontés avec les échelles établies préalablement. Le contrôle peut ensuite porter sur le personnel. Cette opération sera le plus souvent plus difficile, car les critères de base seront plus compliqués et rapprochement moins immédiat. On peut envisager un contrôle analytique visant les agents et un contrôle plus synthétique destiné à des services considérés en eux-mêmes. Enfin, on aura à examiner les actes de l’administration, actes matériels et actes juridiques, notamment les décisions administratives.

B- L’évolution du contrôle administratif

Par rapport à autrefois, le contrôle a connu une évolution profonde : Il ya passage d’un contrôle de conformité à un contrôle qui se tourne toujours davantage vers l’efficacité, vers les coûts et les rendements. Cela est dû, en ordre principal, à l’influence des techniques du secteur privé et du management au progrès technologique, à l’impact des conceptions anglo-américaines, à la transformation de la nature, de l’activité administrative. Cette évolution se répercute tout d’abord sur le contrôle interne, hiérarchique notamment, qui s’oriente vers un contrôle de gestion compte tenu, entre autres, des répercussions de l’automatisation. (G.Laratte).

Jusqu’alors, la notion de contrôle avait été comprise selon Michel Renard « d’une façon nettement étroite, visant uniquement l’organisation même de la comptabilité qui devait ne laisser passer ni l’erreur, ni la fraude ». Or, il a été pris conscience de l’existence des méthodes plus modernes de gestion. Il est par exemple possible d’instaurer un système de contrôle, basé sur les rapports établis à partir des critères connus, et de rechercher uniquement les variations constatées par rapport aux normes établies, afin d’apporter les mesures correctives nécessaires: c’est le contrôle de gestion, éléments d’une politiques de délégation des pouvoirs par le fait qu’il remplace l’ordre imposé par la motivation personnelle ou collective.

Les moyens nouveaux de traitement de l’information semblent devoir conduire « à une transformation de la notion de contrôle en même temps qu’à une amplification et à une efficacité accrue de celui-ci ». Cette transformation se traduira par la suppression d’un certain nombre de contrôle effectués à la main et leur remplacement par d’autres rendus automatiques par l’évolution de la technique. Les ensembles électroniques permettent, en effet, de combiner les informations introduites dans l’appareil de manière à obtenir automatiquement, d’une part, l’assurance de l’exactitude globale des informations grâce à des recoupements comptables et statistiques ; d’autre part, tous les renseignements nécessaires à l’exploitation du service et à sa direction. En d’autres termes, demeurent seuls nécessaires les contrôles de validité de l’information à son entrée dans l’ordinateur, toutes les autres vérifications humaines devenant superflues puisque « les risques d’erreurs matérielles sont très faibles avec les ensembles électroniques et que les contrôles automatiques sont d’ailleurs institués pour prévenir ou déceler ces erreurs » selon Lucien Mehl.

Certes, la pensée administrative évolue moins vite que la technique et les moyens matériels mis à la disposition des services. C’est une des raisons du retard accusé par les méthodes de contrôle: à la notion de contrôle statique, correspondant à une progression lente de l’administration doit succéder une conception plus dynamique tournée vers l’action. Autrement dit, la transformation des contrôles résultant de l’emploi  de l’ordinateur doit conduire l’administration au contrôle de gestion.

II-      GARANTIR LA LEGALITE ET PROTEGER LES DROITS DES ADMINISTRES 

Le contrôle est ici le plus souvent externe. Il a le plus fréquemment un caractère juridictionnel. Il est exercé par les tribunaux ordinaires, les juridictions spéciales ou des tribunaux administratifs selon divers systèmes. Mais le contrôle juridictionnel  n’est pas universellement répandu et  son intensité peut être fort différente selon les pays. Aussi pour répondre aux préoccupations de légalité et de protection des administrés, certaines formules sont utilisées, à titre supplétif ou complémentaire, d’autres, allant au-delà du contrôle de légalité même largement conçu.

A- Les  garanties juridictionnelles  

La garantie de  la légalité et la protection des droits des administrés trouvent le plus souvent sa consécration dans le contrôle juridictionnel, assuré à titre prédominant, ou exclusif selon les cas, soit par les tribunaux ordinaires , soit par les juridictions administratives. La confrontation des deux systèmes est particulièrement intéressante.

En faveur de l’un ou de l’autre des deux systèmes, soit du juge judiciaire, soit du juge administratif, on peut faire valoir des arguments théoriques et pratiques :

La compétence générale du  juge judiciaire, en ce qui concerne les actes de l’administration, présente comme principaux avantages, la simplicité et l’unicité. Il n’y a qu’une seule catégorie de juges et l’on sait facilement quel juge saisir. On n’a pas à résoudre les difficultés de compétences, du moins autres que celles qui apparaissent pour un procès civil ordinaire. On peut ajouter que pour les juges de l’ordre judiciaire, on a toujours cherché à réunir des garanties de savoir et d’indépendances ; par la suite, les administrés ont devant eux le maximum de chances d’obtenir bonne justice. On ne peut manquer de noter que le système du juge judiciaire a donné satisfaction jusqu’alors dans les pays où il a été appliqué, et qu’il trouve toujours des fervents défenseurs , notamment en Angleterre et aux Etats-Unis.

En faveur du juge administratif, il faut observer l’utilité de sa spécialisation. Dans tous les pays, la législation est de plus en plus touffue, le droit de plus en plus compliqué; on ne peut donc exiger de tous les juges des connaissances qui s’étendent à tous les domaines de la vie juridiques; le cerveau humain et l’activité humaine ont des limites; il est donc éminemment souhaitable que des juges spécialisés s’occupent des matières administratives dont l’ampleur et la complexité s’accroissent sans cesse. Comment un même homme peut-il être suffisamment versé dans l’ensemble du droit civil , du droit commercial, de la procédure civile, du droit criminel, de la législation du travail … et aussi dominer la totalité du droit administratif ? Mieux vaut opérer une répartition, les justiciables y gagneront.

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De plus, pour bien juger les actes de l’administration, il est nécessaire d’être très au courant des conditions de vie de cette administration; faute de quoi, le juge se montrera ou trop timide ou trop hardi, laissant un excès de liberté à l’administration, ou au contraire lui imposant des sujétions insupportables pour elle, la paralysant, la décourageant.

Sur le plan pratique, la procédure devant les juges administratifs est de manière très générale, plus simples, moins coûteuse que la procédure judiciaire, elle est souvent aussi plus rapide. Le plus gros inconvénient sans doute du système anglo-américain réside dans le coût très élevé, l’archaïsme et la lenteur de la procédure.

Enfin, il faut tenir compte des circonstances actuelles. L’augmentation en nombre et en volume des services publics, le développement de l’activité administrative, la multiplicité des contacts entre l’administration et les administrés, donnent naissance à un contentieux extrêmement abondants; les tribunaux judiciaires ne seraient pas en mesure d’évacuer l’énorme masse de ce contentieux. On est donc amené à créer de plus en plus, pour des motifs d’ordre pratique, des juridictions administratives: l’évolution récente en Angleterre, aux Etats-Unis et même au Cameroun est  à cet égard remarquable.

La rigueur de chacun des deux grands systèmes comporte des atténuations et un relatif rapprochement entre eux s’est opéré : le juge judiciaire, là où sa compétence générale est proclamée, a fait preuve de réserve envers l’administration qui a retenu un domaine où ne s’aventure pas le juge. Là où existe le juge administratif, celui-ci n’a pas attiré à lui tout le contentieux administratif, une partie est demeurée au juge judiciaire.

B-  Les garanties non-juridictionnelles 

Comme on a pu le constater, le contrôle juridictionnel des activités de l’administration au profit de la légalité et des droits des administrés n’est pas la seule modalité utilisée. Dans divers pays, des organes spéciaux non juridictionnels exercent des missions de contrôle de l’administration en vue de garantir la légalité et de protéger les droits des citoyens. Il s’agit essentiellement du système de la procuratura  qui a fait ses preuves dans les pays socialistes comme l’ancien Union soviétique, et de celui de l’ombudsman d’origine suédoise, mais qui est en passe de se transplanter plus ou moins fidèlement dans un certain nombre de pays pour y renforcer les garanties du citoyen. La Grande-Bretagne a montré la voie; d’autres pays emboîtent le pays.

Le système de l’ombudsman apparaît comme un complément et non comme un substitut du contrôle juridictionnel, comme élément susceptible d’accroître la protection des administrés et le contrôle de l’administration dans des matières pouvant échapper au regard des juridictions. L’expérience suédoise et des pays scandinaves, à cet égard, est déterminante:

L’ombudsman est une personnalité désignée généralement par l’organisme législatif, chargée de la protection des droits des administrés et de régler les litiges qui peuvent survenir entre eux et l’administration, selon les principes du droit et de l’équité. En général, une fois la plainte enregistrée, l’ombudsman commence par inviter l’organe mis en cause à lui communiquer le dossier de l’affaire ou la décision administrative querellée. Bien souvent, la seule lecture de ce dossier permet de juger du bien-fondé de la requête. Dans les affaires plus compliquées, l’ombudsman demande généralement les éclaircissements par écrit à l’organe supérieur du fonctionnaire critiqué à qui il s’adresse lorsque la requête semble justifier. Dans les affaires encore plus complexes, l’ombudsman peut demander l’assistance du parquet et de la police pour interroger éventuellement des personnes résidant dans un endroit éloigné et susceptible de fournir des informations ou des éclaircissements pertinents. En général, l’expérience de l’ombudsman et de ses collaborateurs leur permet de comprendre sans difficulté les faits et les demandes exposés par les requérants, même s’ils s’expriment mal. Naturellement, l’ombudsman est parfois l’objet des critiques. Ces critiques n’émanent pas seulement des requérants dont les points de vue ont été reconnus mal fondés. Il arrive que des agents de l’administration considèrent qu’en raison de son manque de familiarité avec certains domaines, l’ombudsman porte des jugements erronés sur certaines situations  ou les considère d’un point de vue  trop juridique et pas assez pratique. Mais, c’est un fait que les administrés souvent s’adressent à l’ombudsman avec beaucoup plus de confiance et d’espoir qu’ils ne le faisaient s’il s’agissait pour eux de saisir les supérieurs hiérarchiques ou une juridiction.

III – LES CONTROLES EXTRA-ADMINISTRATIFS SUR L’ADMINISTRATION PUBLIQUE

Il existe, en plus des contrôles dont il vient d’être question et parfois en liaison étroite avec eux, des contrôles extra-administratifs qu’ils soient politiques (intervention des commissions parlementaires spécialisées) ou sociaux (rôle de l’opinion publiques ou sens large du terme). Ces formes de contrôle prennent, dans la plupart des pays de vieille tradition administrative, de plus en plus d’importance. Cela provient à la fois de l’évolution de l’activité administrative et du dépassement des formes traditionnelles de contrôle qui ne répondent plus adéquatement aux besoins de l’administration moderne et aux besoins des circonstances. (B.Chapman).

La démocratie d’aujourd’hui comprend un effort pour accroître les contrôles extra-administratifs, en leur assurant des possibilités d’exercice normal dans des organismes nouveaux (commission de modernisation, conseil économique et social, commissions consultatives spécialisées, etc.), et ceci d’autant plus que le contrôle exercé dans les assemblées peut paraître avoir perdu de sa vigueur ancienne avec la crise tendancielle de l’institution parlementaire. Mais, dans la réalité du contrôle extra-administratif, interviennent à la fois: les traditions des pays, l’état de la conscience publique et le jeu des forces, celui des partis politiques, celui des groupes d’intérêts, comme aussi l’espèce d’arbitrage diffus, insaisissable, et indéniable à la fois, de ce qu’il est convenu d’appeler l’opinion publique. Aussi mesure-t-on à la fois les difficultés, la réalité et la complexité du contrôle de l’administration par ce qui n’est pas l’administration. Ainsi l’extension des contrôles extra-administratifs peut-être le résultat d’une évolution graduelle, plus ou moins accentuée par la pression sociale, plutôt que d’une volonté délibérée. C’est alors surtout le manque de l’avènement progressif des formes plus diversifiées de contrôle ou de surveillance répondant à des besoins nouveaux. (L.Hamon…).

Le développement systématique des contrôles extra-administratifs peut cependant être le reflet d’une philosophie politique et prendre, par principe, une place théoriquement très importante en liaison ou en marge des formes classiques dans certains pays. La question présente ainsi des aspects particuliers dans divers pays en voie de développement. Certains d’entre eux ont utilisé le contrôle du parti unique sur l’administration alors que d’autres sont restés fidèles à des procédés plus traditionnels. D’une manière générale, les formes habituelles du contrôle extra-administratif, notamment de l’opinion publique, jouent un rôle très limité. L’exercice d’une surveillance multiforme sur l’administration ( et le gouvernement) est liée à des conditions qui ne sont plus ou moins bien remplies que dans un nombre très réduit de pays: liberté d’expression et d’information, mais aussi maturité politique et civique des populations.

Dans certains pays où ces conditions ne sont pas réunies, c’est la fonction publique qui assume, à titre transitoire, une responsabilité spéciale: lorsque le rôle de l’opinion publique  est faible, l’administration et les administrés favorisant ultérieurement une évolution satisfaisante. dès lors que, sur le plan des principes, on reconnaît les graves inconvénients d’un régime administratif oppressant et corrompu , c’est au moyen de la déontologie du fonctionnaire que l’on tente d’accroître la participation, et par conséquent, le contrôle de la population tout en assurant une gestion administrative objective et impersonnelle .(A.U.Haq).

TROISIEME PARTIE L’APPAREIL ADMINISTRATIF

La double analyse de la place occupée par l’administration dans la société (l’institution administrative) et l’emprise qu’elle exerce sur les choix collectifs (l’action et le contrôle administratifs) ne suffit pas. La démarche ainsi adoptée sur le phénomène administratif reste extrinsèque ; il est indispensable de compléter l’analyse par un point de vue intrinsèque, prenant en compte la configuration interne de l’appareil ou de l’univers administratif.

Ainsi, les données rassemblées dans les chapitres précédents resteraient incomplètes si l’on ne poussait d’avantage l’analyse dans deux autres chapitres :

  • Le système administratif
  • L’administration devant l’avenir

CHAPITRE V- LE SYSTEME ADMINISTRATIF

Ce chapitre insistera sur trois éléments essentiels du milieu administratif : d’abord, les implications de l’utilisation de la bureaucratie wébérienne comme fondement de l’organisation des institutions administratives; tant l’histoire de l’Etat est avant tout celle de la bureaucratisation(A.Anter), et c’est bien par le jeu de la bureaucratisation que l’administration se transforme en un appareil structuré et cohérent de domination (J.Chevallier et D.Lochak). Ensuite,  les apports du courant critique de la sociologie contemporaine(M.Crozier), du moment où le modèle bureaucratique reste avant tout un idéal-type de plus en plus remis en cause par les réalités empiriques(R.K.Merton). Enfin, le pouvoir bureaucratique du moment où la technocratie pourrait se définir avant tout comme l’emprise et le pouvoir déterminant de la technique dans le monde moderne(A.Birou).

I- LA BUREAUCRATIE WEBERIENNE

Systématiser par Max Weber dans un « idéal type », le modèle d’organisation bureaucratique constitue le modèle de référence, la norme implicite qui préside à la construction et à l’aménagement des systèmes administratifs contemporains. Ce modèle repose sur la prééminence du droit: l’administration très poussée qui s’explique par trois facteurs :

  • Le besoin de rationalisation de la domination étatique
  • Le fondement légal de l’autorité
  • La construction de l’Etat de droit

Ainsi, le droit a pour la bureaucratie une  fonction double, à la fois organisationnelle et opérationnelle. (J.Chevallier).

Constructions formelles élaborées par les chercheurs pour synthétiser, et du même coup éclairer, la réalité administrative, les modèles se situent à plusieurs niveaux. On trouve d’abord des modèles globaux, visant à rendre compte du phénomène administratif dans toutes ses dimensions: le plus fameux et bien entendu le « modèle d’organisation bureaucratique »construit par Marx Weber comme « idéal type », à partir de la mise en évidence de la dynamique d’évolution des systèmes administratifs. D’autres modèles renvoient à des configurations administratives singulières: on peut parler ainsi du modèle libéral jacobin ou socialiste d’administration. Enfin, les derniers modèles sont à ambition plus limitée, en cherchant à éclairer certains aspects du fonctionnement administratif: le modèle « centre /périphérie » évoque ainsi certaines modalités de construction de l’appareil administratif. Tous ces modèles, qu’on trouvera largement présents dans les manuels de science administrative sont utilisés comme point de repère par les chercheurs : tenant lieu de « raccourcis », ils permettent de capitaliser les acquis des recherches antérieures et constituent un stock de références communes aux spécialistes de la science administrative. Comprendre le modèle bureaucratique nous impose un arrêt sur sa gestation dans l’histoire des institutions avant d’aborder ses éléments caractéristiques.

A-  L’institutionnalisation et l’autonomisation comme mécanismes d’émergence de la bureaucratie dans l’administration publique 

Il existe des affinités fortes entre la naissance de l’Etat et celle de la bureaucratie. Norbert Elias le démontre parfaitement dans un ouvrage célèbre qui met en exergue le fait que l’Etat moderne tel que nous le connaissons aujourd’hui est le point d’aboutissement d’un vaste processus. Selon lui, les conditions de la genèse de l’Etat s’inscrivent dans les compétitions éliminatrices que se livrent les seigneuries féodales en Europe du XIème siècle à l’avènement d’une véritable puissance royale à partir du XVème siècle. Elias constate des cycles d’accumulation territoriale constitués de conquêtes, de batailles et de périodes de consolidation. C’est dans le cours de ces cycles que certains concurrents territoriaux sont évincés de la compétition. Les unités politiques, embryons de l’Etat moderne, qui se forment alors se caractérisent par la double monopolisation de la violence légitime et de la fiscalité sur leur territoire. Le modèle d’organisation qui prévaut ici est celui centrifuge caractérisée par la fragmentation et l’hétérogénéité. A titre d’exemple, la lutte pour la domination menée par les Capétiens et engagée par Louis VI (1108-1137), contre la multitude des maisons féodales a contribué dès le XIIème siècle à la prédominance de cette dynastie. Les moyens de l’accumulation territoriale étaient alors étroitement liés à une compétition de type dynastique et d’une domination patrimoniale. L’expansion territoriale s’effectuait à partir de mariages, d’achats, de conquêtes militaires et résultaient dans une intégration de maisons rivales dans le domaine dynastique alors élargi. La monopolisation du pouvoir par quelques souverains entraîne alors la réduction du nombre de centres ou unités politiques. Elle aboutit, au terme de la guerre de cent ans, à l’émergence de l’Etat moderne.

Les nouveaux Etats nés en Europe sont alors marqués par un processus de rationalisation consistant en la réduction de la violence et par sa monopolisation par une instance politique acceptée par l’ensemble des citoyens. La contrepartie de cette acceptation est la prise en compte par cette instance des besoins d’intérêt général (sécurité, construction des infrastructures publiques,). La mise en place d’une administration moderne constitue le point d’aboutissement de ce long processus de rationalisation. Il se développe un modèle centripète conduisant à la mise en place d’appareils cohérents, hiérarchisés et disciplinés, servis par des professionnels qualifiés. Le modèle administratif institué met en exergue un centre unique d’impulsion, foyer de toute centralité, l’autorité rayonne à travers la société tout entière par l’intermédiaire des relais administratifs, chargés de diffuser et d’appliquer les directives du niveau central. La vénalité des offices ou des fonctions publiques était jusque-là la règle. Cette vente des charges publiques procurait des ressources au roi; elle ne garantissait en rien un recrutement fondé sur la compétence et tendait à la constitution de dynasties d’agents royaux.

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Avec la consolidation de l’Etat moderne, les fonctionnaires sont désormais nommés à leur emploi; ils n’en tirent aucun autre revenu que leur salaire fixé à l’avance. En Prusse notamment, ils doivent conformer strictement leurs actes à un corpus de règles juridiques minutieusement codifiées. Si les agents prusses agissent au nom du roi, ils ont néanmoins le sentiment d’œuvrer dans l’«intérêt général», développant le sens du service public qui constitue une caractéristique de la fonction publique moderne. Un tel système donne la possibilité d’un mode de recrutement fondé sur la compétence. Il fait également apparaître une juridisation croissante des rapports entre l’administration et ses administrés, imposant l’idée d’un pouvoir anonyme des  bureaux». L’extension des missions de l’État constitue donc le facteur décisif de la bureaucratisation. De nouvelles exigences et de nouveaux besoins élargissent le champ de l’activité de l’État et augmentent du même coup le volume de l’appareil des fonctionnaires. Weber voit ainsi que le système de l’État social qui commence à se constituer à son époque ne peut qu’accélérer le processus de la bureaucratisation.

Selon Braud, le processus de rationalisation se conforte aussi dans les réformes du service public qui tendent à hiérarchiser de manière pyramidale les activités administratives, de la base jusqu’au sommet. Le maillage des territoires de royaumes par les fonctionnaires au service du roi. En France, les réformes révolutionnaires et napoléoniennes découpent le territoire en circonscriptions administratives de statut uniforme, instaurant le triple niveau d’administration générale : commune, département, Etat. Elles créent la rigoureuse dépendance des services extérieurs de l’Etat par rapport aux administrations centrales et font du préfet de département à la fois une autorité hiérarchique sur les services administratifs. Ce modèle sera suivi presque partout en Europe, certes avec des variantes. Max Weber s’intéresse particulièrement à cette catégorie qui forme «le pilier de l’État moderne »: les fonctionnaires spécialisés apparaissent, dans son œuvre, comme les protagonistes décisifs de la genèse de la forme étatique, de telle sorte que « toute l’histoire de l’évolution de l’État moderne » est pour lui « identique à l’histoire de la fonction publique moderne ».

B- Les caractéristiques du modèle bureaucratique

Max Weber apparaît comme l’auteur qui a le mieux pensé la rationalisation de l’organisation sociale. C’est de cette rationalisation que découlent les éléments caractéristiques du modèle bureaucratique, lequel modèle est envisagé comme un instrument ou un dispositif de pouvoir,

1- La bureaucratie wébérienne comme rationalisation administrative

Max Weber étudie les organisations administratives par les traits de structure qui les régissent. De façon originale, il inverse la question généralement posée pour les comprendre. Au lieu de poser le problème banal et quotidien de savoir pourquoi les individus désobéissent parfois aux instructions qu’ils reçoivent (ils peuvent avoir envie de faire autre chose), il inverse la perspective et s’interroge sur les raisons générales de l’obéissance des individus. Il distingue trois types de raisons correspondant à trois modèles ou idéaux-types:

  • Le modèle charismatique où l’organisation fonctionne par dévouement de ses membres à un héros (légitimité charismatique du chef). C’est la croyance des membres en les qualités exceptionnelles de leur héros qui assure le fonctionnement de l’organisation en basant ainsi son autorité sans limites. Prophètes, chefs de guerre, certains politiciens illustrent ce dévouement aveugle des gouvernés envers celui qui les guide. Ici, le groupe forme une communauté émotionnelle. Il n’est pas fondé sur le droit et est donc instable.
  • Le modèle traditionnel où elle fonctionne soit par obéissance des membres aux croyances et au caractère sacré de ceux qui gouvernent, soit par soumission de ces membres aux coutumes et usages (légitimité traditionnelle du chef). Ici, l’autorité du dirigeant en fin de compte est légitimée par la croyance en la nature inviolable de la routine quotidienne héritée des anciens et la certitude que le passé doit se reproduire. Ce modèle aussi est loin d’avoir complètement disparu ainsi qu’en témoignent les injonctions fréquemment entendues dans diverses organisations telles que : ou bien « c’est ainsi qu’ici l’on a toujours fait les choses ». On peut aussi en trouver trace dans l’existence des procédures de recrutement dans certaines organisations, qui tiennent moins à la compétence démontrée qu’à l’appartenance à certains groupes, sinon familiaux, du moins d’anciens d’écoles ou de participation à des réseaux plus ou moins occultes.
  • Le modèle légal-rationnel ou bureaucratique, basé sur la règle et établi pour un but, institution dominante de la société moderne (légitimité légalerationnelle). L’autorité découle donc de la légalité des ordres et de la légitimité de ceux qui les donnent. La Bureaucratie définie par Weber consiste dans le règne de la règle opposée à celui du bon vouloir d’un individu. Il propose comme étant plus efficace et plus adapté à la société moderne le modèle rationnel de l’organisation du travail de l’employé. Analysant la structuration de l’organisation en bureaux, il qualifiera donc son modèle de « bureaucratique » par opposition au système ancien.

Il apparaît ainsi que le modèle bureaucratique est applicable à toutes les organisations qui présentent ces caractéristiques. Il repose sur les idées suivantes qui sont mutuellement interdépendantes :

  • L’établissement de normes ou de règles sur les membres du groupe par accord mutuel ou par application de la rationalité;
  • Un corps de règles abstraites établies intentionnellement et écrites;
  • Ceux en position d’autorité occupent une « fonction » dans l’exercice de laquelle ils sont sujets à un ordre impersonnel;
  • Celui qui obéit à l’autorité ne le fait qu’en tant que membre du groupe et seulement dans l’obéissance aux règles;
  • Cette obéissance n’est pas due à la personne qui individuellement occupe une fonction mais à la position qu’il occupe dans un ordre impersonnel.

Il en résulte une organisation continue de fonctions liées par des règles. Ses principales caractéristiques sont les suivantes :

  • L’administration bureaucratique est caractérisée par des règles abstraites, impersonnelles car elles sont indépendantes des personnes auxquelles elles s’appliquent. Ces règles vont cantonner l’autorité à des fonctions officielles bureaucratiques de l’organisation des règles pensées de manière rationnelle en vue d’une finalité.
  • Une organisation bureaucratique se traduit par une définition, délimitation précise des sphères de compétence de chacun. C’est l’idée qu’il y ait une définition des tâches des uns et des autres. Cette définition doit être formalisée et donner lieu à la production de fiche de poste.
  • La bureaucratie s’appuie sur une structure hiérarchique explicite. Chaque membre des organisations doit savoir de quelle autorité il relève et sur qui il exerce une autorité. Un organigramme vient rendre compte du système d’autorité. Il y a peu de systèmes d’autorité stables. Affichage du système d’autorité.
  • La formalisation des procédures de travail. Les règles de fonctionnement de l’administration font l’objet d’un écrit accessible à tous (règlement intérieur). On est dans la publicisation des règles de fonctionnement. Ce qui vient alimenter cette formalisation ce sont les exigences des procédures de qualité. La démarche qualité est une mise en forme des manières de faire.
  • Contrôle de ces procédures de travail des subordonnés.
  • Spécialisation des fonctions qui va donner lieu à une nouvelle figure professionnelle, celle du fonctionnaire (personnes spécialisées). Idée qu’il faut avoir recours à des spécialistes à temps plein.
  • Ce fonctionnaire bénéficie d‘un statut qui vient préciser les conditions de sa situation et qui constitue une protection. La question du recrutement de ces fonctionnaires. Ils sont recrutés en fonction de leurs qualifications, de leurs compétences qui vont être attestées par un diplôme de type impersonnel. Ce recrutement se fait sur concours (compétence avérée).Personnes en situation de faire « carrière » (qui comporte des étapes précises) ce qui montre qu’ils ne sont pas maîtres de leur fonction.

2-  La bureaucratie wébérienne comme instrumentalisation administrative

Dans le modèle bureaucratique, l’administration devient un instrument dont la primauté est justifiée par deux éléments:

  • L’efficacité, car l’organisation est une manière rationnelle de penser en vue d’une fin.
  • Ce mode d’organisation vient préserver de l’arbitraire le fait qu’il y ait une division des tâches et un système d’autorité très précis. C’est une manière de se protéger d’ordres arbitraires.

Weber voit dans la bureaucratie quelque chose qui préserve de l’arbitraire. La production de règles vient conférer une sorte d’indépendance, d’autonomie qui est un moyen de se défendre pour les subordonnés.

II-     LA BUREAUCRATIE A L’EPREUVE DES COURANTS CRITIQUES 

Cette remise en cause est manifeste au niveau de la plausibilité pratique du modèle  et de son efficacité sur le plan de la gestion de la chose publique

A- La remise en cause de l’effectivité du modèle idéal-typique wébérien

A l’épreuve de la « réalité du terrain », le modèle bureaucratique, s’avère n’être qu’un idéaltype, c’est-à-dire une construction purement abstraite du réel, qui, par conséquent, ne correspond que très peu à ce que vivent les personnes confrontées à l’administration. Et pourtant, la science administrative, science réglée par les lois générales sans jamais omettre qu’elle doit rester soumise à l’expérience poursuit une action efficace. Pour Robert King Merton, l’organisation bureaucratique est un frein au changement social. La bureaucratie engendre de nombreuses dysfonctions. C’est surtout autour d’un excès de formalisme que la bureaucratie multiplie les échecs du point de vue de l’organisation. La complexité des règles, la lenteur des procédures, l’inflation des documents administratifs paralysent le fonctionnement des sociétés modernes. De surcroît, les dysfonctions du système bureaucratique, par une sorte d’effet pervers, se retournent contre les objectifs mêmes qui sont proclamés par l’organisation. La coupure entre les agents du système bureaucratique et leur public débouche sur des comportements et des attitudes de passivité, de résignation, d’absence de transparence qui s’opposent à toute logique et à toute stratégie de changement alors même que celles-ci s’avèrent indispensables. De ce qui précède, il en découle que « l’esprit de bureaucratie » marquée par la lourdeur et l’inefficacité nuit toujours aux particuliers et à la chose publique.

Cette remise en cause de la bureaucratie se routinise ainsi à travers de critiques fréquentes. A ce titre, ce n’est qu’un élément parmi d’autres d’un dispositif plus général de normalisation des comportements et d’inculcation des valeurs dominantes. Marx les traite de « jésuites de l’Etat, théologiens de l’État »  dont le credo est « la subordination et l’obéissance passive », la « chasse aux postes supérieurs » et la « réalisation d’une carrière ». Robert Von Mohl constate que toute la population est unie « dans la haine et le mépris à l’égard des bureaucrates », dont « l’arrogance bornée » et « l’attachement obtus au traditionnel » est une source d’agacement, dont le regard ne va jamais au-delà de leurs « glaciers de dossiers » et dont l’activité préférée est « l’écrivaillerie inutile » et « le gaspillage d’encre  ». Karl Heinzen, le premier analyste et brillant critique de la bureaucratie, dénonce « l’abus et le caractère pernicieux de la domination des fonctionnaires et des bureaux ». Josef Olszewski méprise « l’obéissance aveugle » des fonctionnaires opportunistes et se dit persuadé « que l’émancipation à l’égard de la polycratie bureaucratique […] offre l’unique chemin salutaire contre le terrorisme de la fonction publique».

B- La remise en cause de l’efficacité du modèle idéal-typique wébérien

Sur le plan strictement managérial, les critiques viennent des sociologues :

  • Ce système produit des choses un peu particulières. L’obéissance aux règlements peut engendrer des formes de ritualisme, source de rigidités qui sont des comportements d’obéissance aveugle rituelle. La règle est un but, une finalité.
  • Envers qui le fonctionnaire est-il le plus loyal ? Il travaille pour la règle et il perd de vue qu’il a un service à rendre. Un fossé se crée entre le service public et le public.
  • Si la règle protège, indique ce qu’il faut faire, n’y a-t-il pas des risques de déresponsabilisation ? Elle réduit l’initiative individuelle et donc déresponsabilise.

Il y a des dysfonctionnements qui se créent, des conséquences inattendues qui se développent: Certains vont prendre des initiatives ou transgresser la règle. Le modèle bureaucratique est aussi beaucoup critiqué par Crozier qui met en exergue le fait que quand une bureaucratie ne respecte pas les règles, elle produit de l’informel c’est de nouvelles règles régissant des «zones d’incertitude», ce qui entraîne non seulement des dysfonctionnements mais crée un cercle vicieux bureaucratique. Le mode de régulation est la production de règles. Réguler par la règle, mais cela ne solutionne pas le problème.

CHAPITRE VI : LE NEW PUBLIC MANAGEMENT

COMME ALTERNATIVE AU MODELE BUREAUCRATIQUE WEBERIEN

Le contexte actuel de l’administration publique au Cameroun et ailleurs est marqué par une crise des rapports entre administration et administrés. La première se montre généralement soucieuse de mettre en œuvre les politiques publiques telles qu’impulsées par les décideurs politiques. Elle dispose pour cela de nombreux instruments juridiques dont les plus en vue sont son organisation rigide et les textes juridiques qui encadrent son action. Les seconds mettent en avant les effets pervers d’une organisation rigide qui se manifestent à travers l’inefficacité de l’administration qui ne répond pas toujours à temps et dans leur juste mesure aux nombreux besoins exprimés par les citoyens-usagers. Il est reproché à cette administration de ne pas toujours se montrer à la hauteur des attentes de ces citoyens qui se renouvellent en permanence.

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L’objet du présent chapitre est précisément de réfléchir aux conséquences des nouvelles attentes du rapport administration-administrés qui se déclinent en termes d’empowerment, de participation aux décisions, de transparence, de rapidité, etc. On questionne les modèles alternatifs à la bureaucratique qui, comme nous l’avons vu au plus haut, présente une foule des limites et concentre les critiques des citoyens-usagers. On s’intéresse ainsi à un modèle qui a vu naissance depuis quelques décennies déjà : le New public management. Annie Bartoli envisage le New public management ou Nouvelle gestion publique comme: «l’ensemble des processus de finalisation, d’organisation, d’animation et de contrôle des organisations publiques visant à développer leurs performances générales et à piloter leur évolution dans le respect de leur vocation ».

La réflexion ici s’articule ainsi autour de deux points majeurs : on scrute, les fondements de cette norme d’administration publique (A). On envisage ensuite les caractéristiques et les limites de ce modèle (B).

I-  LES FONDEMENTS DU NEW PUBLIC MANAGEMENT

L’administration publique se doit d’être adaptée à la conjoncture et aux multiples évolutions sociales afin que l’Etat soit efficace et fournisse un service public adapté aux attentes des citoyens. Plus précisément, les transformations des sociétés contemporaines obligent à revoir les modes d’organisation de l’administration pour rendre l’État plus efficace et moins coûteux. A ce titre, certaines administrations se préoccupent non seulement de l’amélioration des relations administratives au guichet, mais de surcroit du rapport administrationadministrés. L’objectif étant la modernisation du service public. Telles sont les idées qui se profilent derrière l’avènement du NPM dans les années 1980. Dans les années1980, divers évènements rendent impératif une nouvelle réforme de la gestion publique, ce dans divers pays du monde tels que, entre autres, le Royaume-Uni, la Nouvelle Zélande, le Japon, le Canada et la France. Cependant, les évènements à l’origine d’une telle modernisation restent multiples et spécifiques à chaque pays. Les principales causes de l’orientation vers le NPM sont :

  • La crise financière qui sévit au début des années 1980 en Europe pousse l’Etat à s’endetter davantage et ralentit l’économie. Cela mène les citoyens à s’interroger sur l’utilisation qui est faite de leur contribution. Les problèmes touchant la gestion publique, qui était jusqu’alors cachés apparaissent au grand jour : manque d’efficacité du secteur public, lourdeur bureaucratique, manque de transparence, manque de coordination entre services administratifs, gestion incohérente et manque de flexibilité de l’administration. Il devient alors impossible de rendre l’Etat plus efficace sans changer les rouages de la gestion administrative. – La montée en puissance de la culture d’audit ou du contrôle qui remet en question la mesure de la performance et fait naître de nouvelles façons de contrôler les bureaucraties.
  • La mise en évidence d’« une crise de légitimité » de l’Etat, crise qui pousse l’Etat à mettre en place un système de justification de ses actes auprès de l’opinion publique.

Autrement dit, cette crise pousse l’administration à engager des réformes allant dans le sens de plus de transparence dans l’action.

Ainsi, le NPM remet en cause non seulement la gestion des administrations publiques à proprement parler, mais pousse aussi l’Etat à s’interroger sur son rôle et ses missions : c’est la finalité de l’Etat qui est mise à l’épreuve. Et qui dit changement de finalité dit changement de stratégie. Le NPM est donc une redéfinition de la stratégie de l’Etat. Une telle réorientation implique donc un changement dans les moyens d’atteindre ces objectifs. 37 attentes des citoyens. Plus précisément, les transformations des sociétés contemporaines obligent à revoir les modes d’organisation de l’administration pour rendre l’État plus efficace et moins coûteux. A ce titre, certaines administrations se préoccupent non seulement de l’amélioration des relations administratives au guichet, mais de surcroit du rapport administration-administrés. L’objectif étant la modernisation du service public. Telles sont les idées qui se profilent derrière l’avènement du NPM dans les années 1980. Dans les années 1980, divers évènements rendent impératif une nouvelle réforme de la gestion publique, ce dans divers pays du monde tels que, entre autres, le Royaume-Uni, la Nouvelle Zélande, le Japon, le Canada et la France. Cependant, les évènements à l’origine d’une telle modernisation restent multiples et spécifiques à chaque pays. Les principales causes de l’orientation vers le NPM sont :

  • La crise financière qui sévit au début des années 1980 en Europe pousse l’Etat à s’endetter davantage et ralentit l’économie. Cela mène les citoyens à s’interroger sur l’utilisation qui est faite de leur contribution. Les problèmes touchant la gestion publique, qui était jusqu’alors cachés apparaissent au grand jour : manque d’efficacité du secteur public, lourdeur bureaucratique, manque de transparence, manque de coordination entre services administratifs, gestion incohérente et manque de flexibilité de l’administration. Il devient alors impossible de rendre l’Etat plus efficace sans changer les rouages de la gestion administrative.
  • La montée en puissance de la culture d’audit ou du contrôle qui remet en question la mesure de la performance et fait naître de nouvelles façons de contrôler les bureaucraties.
  • La mise en évidence d’«une crise de légitimité » de l’Etat, crise qui pousse l’Etat à mettre en place un système de justification de ses actes auprès de l’opinion publique.

Autrement dit, cette crise pousse l’administration à engager des réformes allant dans le sens de plus de transparence dans l’action.

Ainsi, le NPM remet en cause non seulement la gestion des administrations publiques à proprement parler, mais pousse aussi l’Etat à s’interroger sur son rôle et ses missions : c’est la finalité de l’Etat qui est mise à l’épreuve. Et qui dit changement de finalité dit changement de stratégie. Le NPM est donc une redéfinition de la stratégie de l’Etat. Une telle réorientation implique donc un changement dans les moyens d’atteindre ces objectifs.

Ainsi, outre, la finalité et outre la stratégie, c’est l’organisation Wébérienne de l’Etat qui est remise en question. Pour plus d’efficacité, l’administration publique adopte une configuration quasi similaire à celle du management privé (management des entreprises).Dans ce sens Nicole DECOOPMAN caricaturant le double mouvement auquel l’on assiste de nos jours en science administrative parle à juste titre « d’une privatisation de l’administration publique et d’une publicisation des organisations privées ».

II- LES CARACTÉRISTIQUES ET LIMITES DU NEW PUBLIC MANAGEMENT

Le NPM apparaît comme un modèle et en tant que telle s’identifie par un certain nombre d’éléments caractéristiques (A). A l’épreuve de la pratique, on peut relever les limites du modèle (B).

  1. Les éléments constitutifs du New public management

L’administration publique, du point de vue des tenants du NPM, se doit d’adopter les approches du management des entreprises. Ainsi, dans nombre de pays, cette administration a adopté des principes que l’on peut décliner ici en 04 fonctions principales.

1. La fonction stratégique

Dans cette perspective, les actions correctives s’orientent vers :

  • Le retrait progressif de l’Etat qui se manifeste par :
    • La remise en question par l’2tat de ses rôles. Ainsi, certaines missions de services qu’il assurait auparavant sont externalisées.

Cette action a pour objectif principal de réduire les couts en délégant des missions considérées comme annexes aux organisations privées ;

  • La privatisation d’entreprises autrefois publiques afin d’une part, d’améliorer leur productivité, de réduire les couts de fonctionnement et d’autre part, de les mettre en concurrence ;
  • La mise en place des partenariats entre le secteur public et le secteur privé afin d’améliorer la qualité du service public grâce, notamment à une grande compétence des acteurs.
  • La décentralisation et la déconcentration à travers le processus de délégation des pouvoir. L’éclatement du pouvoir est en effet un élément phare de la mise en application du NPM. Cette délégation s’est manifestée de deux manières: o A l’intérieur même des administrations publiques. On constate l’adoption des Manuels de Procédures Administratives (MPA). En effet, un éclatement des organigrammes en unités indépendantes et autonomes ayant à leur tête un responsable hiérarchique qui rend directement des comptes à une personne référente mais également aux citoyens. Cela a fait naître ce que Philippe BEZES appelle « l’impératif de redevabilité » : chaque service est redevable à un supérieur hiérarchique et aux usagers qu’il sert. Il existe ainsi une sorte de double contrôle. Une telle action suppose, bien sûr, une explicitation des objectifs et des engagements des fonctionnaires, ce qui impliqua un renforcement significatif des procédures de travail et de contrôle. Ce phénomène est appelé déconcentration du pouvoir.
    • Au sein même de l’Etat en tant qu’autorité globale. Ce fut concrétisé en donnant davantage de pouvoir aux collectivités territoriales. Les principaux avantages sont : une baisse des coûts ainsi qu’une meilleure gestion du fait de la proximité entre gestionnaires et missions à accomplir. L’exemple type est la quasi indépendance des universités en France et au Cameroun. Ce phénomène s’appelle décentralisation du pouvoir.
  • L’intégration des évolutions qui sont dans « l’air du temps ». Il s’agit par exemple de l’utilisation des technologies de l’information et de la communication (TIC) qui ont rendu le décloisonnement des services plus aisé grâce à l’instauration d’un réseau intranet. S’ajoute à cela la dématérialisation des informations du fait de ces nouvelles technologies. Ce qui permet non seulement un gain de temps, donc d’argent, mais également garanti une certaine fiabilité de l’information ainsi qu’un archivage moins volumineux, ce qui facilite également la mise en place d’un contrôle de gestion. Les TIC constituent ainsi l’une des pierres angulaires de l’instauration du NPM dans les administrations publiques françaises.
2. La fonction finance

La réduction du déficit et de la dette publique sont des éléments qui ont poussé à réformer la gestion publique. Cette préoccupation financière, qui induit la recherche du moindre coût, est donc un des objectifs premiers que l’Etat souhaite atteindre grâce à l’application des principes du NPM. Afin d’atteindre ces objectifs, une nouvelle fonction fut intégrée dans les administrations publiques : la fonction contrôle de gestion.

3. Fonction marketing

Elle s’articule autour d’une question qui vise à faire des usagers des services publics de véritables « clients » de l’administration : comment faire part à l’opinion publique des résultats du contrôle de gestion mené par l’administration afin qu’elle légitime cette action? En communiquant. La fonction marketing apparaît donc aussi comme un élément essentiel pour appliquer comme il se doit les prescriptions de l’école du NPM. Une nouvelle fois, l’utilisation des technologies de l’information et de la communication apparaît comme l’un des piliers de la politique de communication menée par les administrations. Elles permettent aux citoyens d’avoir accès à une grande partie des informations relatives à la gestion de l’Etat principalement via internet, mais aussi via les autres médias. On voit ainsi quasiment toutes les administrations publiques développer des sites internet avec des plateformes d’échanges entre administrations et administrés.

Cependant, les informations transmises par l’Etat ne concernent pas uniquement la gestion publique. De fait, l’Etat développe depuis le début des années 2000, ce que Anne AMAR et Ludovic BERTHIER appellent «Le marketing public ». Il s’agit de multiplier les consultations auprès d’organismes indépendants, les enquêtes, les sondages auprès de la population, etc. Si ces éléments ont pour objectif de transmettre de l’information, ils sont surtout là pour séduire l’opinion publique : le citoyen lambda doit être convaincu que sa contribution sera utilisée au mieux renforçant ainsi la légitimité de l’Etat. La qualité de la communication apparaît donc presque aussi importante que la pertinence des outils de gestion ! Là est une des grandes nouveautés qu’a apporté l’application des principes du NPM dans les organisations publiques.

4. Fonction ressources humaines

En termes de gestion des ressources humaines, les apports du NPM sont doubles :

  • Premièrement, un désir de réduction des effectifs. La réduction ou la maitrise des effectifs fait référence à l’objectif de la recherche des moindres coûts. Précisons toutefois que cette réduction des effectifs se fait par le non renouvellement de postes et par la réduction du nombre d’admis aux divers concours permettant l’accès à la fonction publique. On Cameroun, l’on a assisté à travers plusieurs initiatives à l’instar d’ANTILOPE, ou du SIGIPES23 I et II à la nécessité de la maitrise de la base des données des fonctionnaires.
  • Deuxièmement, une volonté de motiver l’ensemble des acteurs. Pour que la productivité des fonctionnaires augmente, divers éléments visant à les motiver ont été mis en place. Citons par exemple pour ce qui de l’administration publique camerounaise, le GAR24 ou le PINORAC25, l’individualisation des rémunérations, pratique très courante dans le secteur privé, les primes au rendement, ainsi que le renforcement des responsabilités pour chaque acteur. La mise en application des principes du NPM a cependant soulevé de nombreux problèmes.
B. Les  limites pratiques évidentes du NPM

Les limites du NPM ont ainsi été soulevées par de nombreux auteurs. On retient principalement :

 Les limites liées aux principes même du NPM. Ici, on peut noter que :

o Le NPM considère donc que, à l’image des entreprises privées, la productivité et l’efficacité reflètent la performance de l’administration publique. Le désir de performance est d’ailleurs tellement fort que, à l’image des entreprises, il est presque considéré comme un objectif en soi. Les principes du NPM apparaissent donc souvent comme contraires à l’essence même de l’Etat qui est de rendre un service public de qualité, promouvoir la justice sociale et favoriser l’égalité et l’équité entre les citoyens.  o Une autre notion qui est au centre du management des entreprises privées est en contradiction avec les prérogatives de l’Etat : on cherche à satisfaire le besoin du client. Une entreprise est donc efficace si le besoin du client est satisfait car cette satisfaction implique du profit. Par application de ce principe aux administrations publiques, le citoyen est assimilé à un consommateur. Cette constatation pose alors une seconde limite : s’il est facile de cibler les besoins d’un segment de marché, il l’est beaucoup moins lorsque le marché regroupe l’ensemble des citoyens d’un pays. En effet, la demande d’un pays est collective, ce qui signifie que satisfaire les besoins d’une partie de la population peut être en contradiction avec les attentes d’une autre partie de celle-ci. Se fixer comme objectif l’efficacité apparait donc comme illogique. De fait, il est impossible de satisfaire les besoins de tous les citoyens: il est donc impossible pour l’Etat d’être efficace. Les principes du NPM rencontrent donc une troisième lacune. o Le NPM accorde trop d’importance à la façon dont est mesurée la performance (outils de management privé) et pas assez au concept lui-même. Utiliser des outils de gestion construits spécialement dans

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un objectif d’efficacité est donc inadapté aux administrations publiques, en plus de créer davantage d’inégalité entre les citoyens.  Les limites dans la mise en application du NPM. Elles sont de trois ordres: o Limites structurelles ; le cloisonnement des services implique une perte de cohérence d’ensemble. De fait chaque responsable de service gère son service comme il le souhaite, ce qui peut engendrer une divergence quant aux méthodes de travail et à l’atteinte des objectifs globaux de l’administration publique. Bien plus, l’émiettement des centres de pouvoirs (décentralisation) engendre une augmentation d’une part des coûts de transaction et d’autre part des coûts d’agence (coût d’audit). Ces limites semblent être en contradiction totale avec la recherche systématique du moindre coût qui est un des principes du NPM. o Limites en termes de ressources humaines. L’application des principes du      NPM a        rencontré     une    résistance    aux changements forte de la part des fonctionnaires. Ce pour deux raisons: ils ne furent pas consultés quant aux changements et les principes appliqués ainsi que les outils utilisés pour cette application ne leur furent pas toujours expliqués.            

CONCLUSION

 L’ADMINISTRATION DEVANT L’AVENIR

L’administration publique moderne, celle d’aujourd’hui comme celle de demain, se trouve devant une mission essentielle et pour partie nouvelle : conduire et maîtriser le progrès. La notion de  ’’progrès’’  implique un développement harmonisé et intégré de la société nationale devant tenir compte aussi des aspirations internes que de l’influence d’un environnement international à la fois stimulant et contraignant. Face à un développement général plus ou moins rapide et désordonné, l’administration deviendra partout, au sens large du terme, une administration tournée vers le développement, vers le changement, et dont les interventions augmenteront et se diversifieront encore. Tout donne à penser que le mouvement d’intervention des pouvoirs publics s’accentuera afin d’ordonner et de coordonner le développement général sous tous ses aspects, de le canaliser dans des directions consciemment déterminées. Sous réserve fondamentale que les modes et les moyens d’intervention actuels devront se modifier ou se transformer, l’administration aura, tout en recherchant toujours d’avantage les voies les plus appropriées, non seulement à diriger ou à prévoir, mais aussi à stimuler, bien entendu sans étouffer.

Dans cette perspective, il apparaît que toutes les administrations devront, qu’elles soient locales, régionales, nationales, supranationales et même internationales, évoluer et se transformer. De l’analyse des tendances et de l’observation, il ressort que l’on peut caractériser schématiquement le mouvement général de l’évolution en disant que l’on va vers une administration plus motrice, une administration du changement, une administration plus technique et plus scientifique.

                                I-       VERS UNE ADMINISTRATION PLUS MOTRICE 

 Une administration plus motrice se justifie par le fait que, parmi les missions administratives, celles de gestion et d’impulsion prendront de plus en plus d’ampleur dans la perspective de la conduite et de la maîtrise du progrès. Une telle évolution ne sera possible que moyennant certaines conditions et changements(W.A.Robson).

En admettant que l’on soit en mesure de réaliser les changements souhaitables, il est probable que la restructuration et la modernisation qui caractériseront l’administration nouvelle n’iront pas dans le sens des correctifs aux défauts des administrations bureaucratiques. Si les règles peuvent devenir moins impersonnelles et les structures plus participatives, si l’administration peut être plus ouverte et plus humaine, il est peu vraisemblable que l’appareil administratif s’allège, s’amenuise et devienne moins contraignant. L’administration deviendra, selon toute vraisemblance, plus puissante, plus complexe, plus difficile à manier et à contrôler. Une telle évolution serait à craindre si, parallèlement au renforcement de la puissance administrative; on ne voyait son autorité diminuer et apparaître de nouveaux contrepoids.

En effet, les individus et les groupes sociaux ont compris que toute activité humaine organisée constitue un vaste système dont tous les éléments sont interdépendants. Les événements leurs ont démontré qu’ils possédaient une force redoutable, capable de s’opposer effectivement à l’administration ou de la contrôler. Ils en sont souvent arrivés à refuser systématiquement toute forme d’autorité jugée arbitraire. Ils paraissent maintenant disposés à prendre en grande partie eux-mêmes leur destin en mains et, de ce fait, à participer ou à collaborer davantage à la gestion des affaires les concernant. Cela vaut pour tous les acteurs de la vie économique et sociale ; les entreprises veulent participer à la définition de la politique économique, les administrations locales ou régionales à l’élaboration des décisions de caractère général, etc. la décentralisation et la déconcentration, le recours à des formules originales, sont autant d’éléments qui, bien utilisés, donneront une configuration nouvelle à l’administration. La confiance qu’on lui accordera, les soutiens sur lesquels elle pourra compter, se mesureront à sa capacité de faire comprendre et accepter son action, d’être attentive aux aspirations sociales en sachant s’informer, entendre et surtout écouter. C’est à ce prix que l’administration publique moderne deviendra sinon un moteur, du moins une locomotive.

II-         VERS UNE ADMINISTRATION DU CHANGEMENT 

Si le changement est naturel dans la vie sociale en général, notre époque se caractérise à la fois par la rapidité de l’évolution et par la complexité croissante des problèmes à résoudre. La société actuelle se transforme si rapidement que le changement prend l’allure d’une authentique mutation sociale qui, dans certains domaines, s’apparente à une véritable révolution. L’administration, au même titre que les autres acteurs de la vie sociale, s’en trouve affectée. Parmi les facteurs de changement et de progrès, il faut notamment citer la nouvelle conscience sociale des masses, l’évolution culturelle, la révolution urbaine, les nouvelles relations entre les Etats, etc(D.Waldo). Si elle entend jouer son rôle en matière de développement, de conduite et de maîtrise du progrès, l’administration doit devenir un agent du changement. Cela exige une série d’adaptation qui complètent ou recoupent celles dont il a déjà été question.

Une administration axée sur le changement doit, en plus des réformes et des assimilations nécessaires, surtout utiliser des fonctionnaires d’un type nouveau. Chargée de penser davantage, c’est-à-dire de préparer ou de prendre des décisions de nature très diverse, au lieu de se concentrer essentiellement à des tâches d’exécution, l’administration a effectivement besoin d’un type nouveau de fonctionnaire de direction et de conception. Il ne s’agit pas seulement de transformer les bureaucrates classiques en managers capables de gérer efficacement l’appareil administratif, mais aussi en hommes pouvant dialoguer valablement avec les hommes politiques dans la préparation des grandes décisions, s’entretenir sans complexe avec les spécialistes et les techniciens. Cela ne signifie aucunement qu’il faut modeler le fonctionnaire à l’image du manager du secteur privé ou en faire un technocrate; cela implique qu’il convient d’en  faire un homme polyvalent ayant sa propre éthique. Le fonctionnaire moderne ne semble plus pouvoir être un généraliste dont la valeur repose sur une formation juridique et l’expérience des affaires, encore moins un technocrate enfermé dans les limites de sa spécialité.

Si fondamental qu’il soit, le facteur humain n’est pas le seul en cause pour la construction d’une administration de changement, l’administration doit aussi  (et cela confirme des observations déjà faites) modifier ses méthodes en s’orientant résolument vers la mise en application des méthodes prospectives et globalisantes, cesser d’utiliser l’approche par problèmes séparés, etc. Elle doit davantage prendre conscience de l’interdépendance de toutes les actions qu’elle mène, ne fût-ce qu’au niveau du budget, sinon elle court le risque de prendre des décisions incompatibles entre elles, voire contradictoires, de sombrer dans une confusion hypothéquant lourdement l’avenir. Elle doit également s’ouvrir à la gestion prévisionnelle et à la prospective. La direction par les objectifs, l’analyse de systèmes, la planification, l’informatique, le budget-programme sont, en effet, autant de méthodes ou de techniques mises à sa disposition (sans être des remèdes miracles) pour l’aider à remplir ses missions.

On a déjà amplement fait le procès du système bureaucratique, de sa rigidité ou de son absence de souplesse dans le fonctionnement, de ses carences en matière d’impulsion rapide de la coordination efficace. Comment dès lors, tenter, d’en atténuer ou d’en éliminer les inconvénients ?

D’abord, il conviendrait que les grandes unités administratives s’organisent de façon plus efficace, l’accent étant d’avantage porté sur l’organisation des systèmes de communication, de coordination, d’information et de contrôle valables, plutôt que sur la suppression des relais administratifs hiérarchiques.

Ensuite, il est opportun à l’avenir, d’être plus attentif aux modalités d’expansion de l’administration. Il faudrait  éviter de créer de nouveaux services, sous une forme ou une autre, en oubliant de supprimer ou de refondre ceux qui sont devenus utiles, d’étoffer plus sérieusement les services de conception et de gestion, de freiner les inutiles démembrements systématiques. Cela n’écarte nullement la recherche, dans la réorganisation des structures, d’une répartition plus fonctionnelles des tâches aux divers échelons et d’une meilleure intégration de celles-ci dans un ensemble d’objectifs cohérents. Enfin , il s’agit de décloisonner autant que possible les services, de créer, à des niveaux adéquats, de nouveaux organes de coordination, ou de donner à ceux qui existent l’autorité nécessaire à leur mission, de mettre en place des services d’étude ou de recherche susceptibles d’utiliser efficacement les nouvelles technologies et à mettre en œuvre les plus récentes techniques de gestion.

III- VERS UNE ADMINISTRATIONS PLUS TECHNIQUE ET PLUS SCIENTIFIQUE

Si l’administration est appelée à rester normalement soumise au droit , il n’est pas douteux que parallèlement, elle devra reposer sur une base plus scientifique, apte à lui permettre de faire face à ses tâches en utilisant le progrès technique et des outils rationnels, en adoptant une attitude de prospective(G.Belorgey).

Une telle approche ne manquera pas, d’elle-même de provoquer de multiples changements internes et externes. L’évolution vers une administration plus technique et plus scientifique aura en effet d’importantes répercussions. Il ne s’agit pas seulement de faire pénétrer la science dans les services publics et de savoir en utiliser au mieux les apports, mais aussi de créer de nouvelles relations avec ceux qui développent la science pure et expérimentent la science appliquée, c’est-à-dire l’université et les organismes de recherche. Il s’agit également de confronter ses expériences avec celles du secteur privé et de s’ouvrir largement aux apports du progrès technique. Pour cela , l’administration doit se doter des services d’étude, d’organisation, d’automatisation, de programmation, de prospective et de recherche opérationnel, adopter la planification interne et globale, les méthodes les plus modernes de gestion, mieux utiliser les capacités informatiques, ne pas hésiter à considérer que la prospective et les études du futur constituent de nouvelles approches obligatoires pour préparer l’avenir. Une administration plus technique est aussi appelée à développer un appareil d’investigation scientifique et d’analyse des différents aspects de la vie économique et sociale. Sans un puissant appareil d’information et de statistique, l’exploitation des méthodes et techniques moderne ne serait qu’un leurre, d’où la nécessité d’élaborer une nouvelle politique de la fonction publique, non seulement pour la recherches des compétences nouvelles, mais aussi pour s’assurer que l’évolution des hommes se fera parallèlement à celle des choses.

Tout cela ne paraît devoir conduire ni à une technocratie, ni à une administration totalement scientifique qui reste du domaine de l’utopie. Administrer restera malgré tout pour partie un art fait d’humanisme, d’équilibre et de bon sens de conciliation et de concertation. Les considérations qui précèdent n’ont nullement la prétention d’être définitives, ni les seules qu’on puisse formuler sur le plan général comparatif, en dehors de toute référence à l’expérience ou à la situation de tel ou tel pays(J.Rivero).

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